Ministre de l’Économie, 4 février 1999, n° ECOC9910099Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Conseil de la société Meritor Automotive Inc.
MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Maître,
Par dépôt d'un dossier, dont il vous a été accusé réception le 4 décembre 1998, vous avez notifié l'acquisition par la société Meritor Automotive Inc. de l'activité " Systèmes de freinage véhicules lourds " de la société Lucas Varity Plc.
Cette opération, en tant qu'elle emporte transfert de propriété et de jouissance sur les biens, droits et obligations de la branche " Systèmes de freinage véhicules lourds " de la société Lucas Varity Plc. constitue une concentration au sens de l'article 39 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986.
Cette concentration n'est pas contrôlable au regard des seuils en chiffres d'affaires prévus par l'article 38 de l'ordonnance susvisée, les deux sociétés parties à l'opération ayant réalisé, en France, un chiffre d'affaires cumulé inférieur à 7 milliards de francs.
Il convient, dans ces conditions, de rechercher si le seuil en valeur relative prévu par ce même article est atteint, ce qui impose de définir le ou les marchés pertinents.
Dans le secteur des freins à commande pneumatique pour véhicules lourds, l'opération affecte les trois marchés pertinents suivants : le marché des systèmes de freins à disques, le marché des systèmes de freins à tambours et le marché des pièces de rechange vendues aux revendeurs indépendants.
S'agissant des deux premiers marchés, il n'y a pas lieu de distinguer entre pièces de première monte et pièces de rechange, car la clientèle, les constructeurs automobiles, les achète de manière indifférenciée pour les deux usages. En revanche, il y a lieu de distinguer un marché pour les pièces de rechange vendues aux revendeurs indépendants puisque ceux-ci ne bénéficient pas des mêmes conditions d'achat que les constructeurs (notamment en matière de prix).
Les entreprises parties à l'acte réalisant 100 % du chiffre d'affaires des ventes de freins à disques sur le marché national, l'opération est, de ce fait, contrôlable selon les termes de l'article 38 de l'ordonnance susvisée.
Grâce à cette opération, Meritor Automotive va renforcer sa gamme de produits commercialisée sur le marché européen en proposant à sa clientèle des systèmes de freins à disques en sus des systèmes à tambours, qu'elle vendait jusqu'alors uniquement. Cela s'explique par le fait que, progressivement, les constructeurs entendent remplacer les systèmes de freins à tambours par des systèmes de freins à disques.
Cette opération n'est toutefois pas de nature à porter atteinte à la concurrence, compte tenu des éléments suivants :
- les marchés géographiques sont de dimension européenne. Les constructeurs comparent, à partir de procédures d'appel d'offres lancées au niveau européen, les différentes performances et différents tarifs proposés par les équipementiers. Les coûts de transport ne sont pas suffisamment élevés pour constituer un obstacle ;
- s'agissant des freins à disques, l'opération ne se traduira par aucune addition de parts de marchés car l'acquéreur y était jusqu'à présent totalement absent. Le nouveau groupe est confronté à la concurrence du premier fabricant européen, Knorr-Bremse. De plus, la structure du marché n'apparaît nullement figée : un grand constructeur vient d'attribuer un marché de freins à disques pour équiper ses nouveaux modèles lancés à partir de 2000 à un autre opérateur, qui va ainsi considérablement renforcer sa position ;
- s'agissant du marché des freins à tambours, les effets du renforcement des positions du nouveau groupe, déjà premier fabricant européen, sont largement atténués par le fait que les constructeurs automobiles fabriquent une bonne partie de leurs besoins et sont donc à même de résister à une éventuelle augmentation du pouvoir de marché d'un de leurs équipementiers par la pression concurrentielle qu'ils peuvent ainsi exercer ;
- s'agissant du marché des pièces de rechange vendues aux revendeurs indépendants, la concurrence restera forte dans la mesure où ces produits peuvent être très standardisés et proposés par un grand nombre d'équipementiers ;
- si les barrières à l'accès des marchés sont notables pour tout nouvel entrant, du fait de l'importance de l'investissement nécessaire, elles ne constituent pas un obstacle pour les entreprises déjà implantées dans le domaine du freinage, qu'il s'agisse des dispositifs de freinage ferroviaire ou hydraulique, ces entreprises disposant déjà de l'investissement utile, des capacités technologiques parallèles et de la notoriété nécessaire auprès des constructeurs ;
- la demande est représentée principalement par les grands constructeurs de camions, qui disposent de la puissance d'achat nécessaire pour permettre à la négociation commerciale de rester équilibrée.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, je vous informe qu'il n'est pas dans mon intention de saisir le Conseil de la concurrence de cette opération.
Je vous prie d'agréer, Maître, l'assurance de mes sentiments les meilleurs.