Cass. com., 1 avril 2003, n° 00-20.353
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Metrobus (Sté)
Défendeur :
Microplus (Sté), Boum et Bang (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Rapporteur :
M. de Monteynard
Avocats :
Me Odent, SCP Boré, Xavier, Boré.
LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Métrobus que sur le pourvoi incident formé par la société Microplus ; - Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 19 mai 2000), que la société Microplus (l'annonceur) a donné mandat à la société Boum et Bang (l'agence) d'effectuer en son nom et pour son compte des achats d'espaces publicitaires ; que, dans ce cadre, l'agence a présenté un devis à l'annonceur qui s'est entièrement acquitté de la facture correspondante entre les mains d'une société d'affacturage subrogée dans les droits de l'agence ; qu'après exécution de la campagne, la société Métrobus (le support) a assigné l'agence et l'annonceur en paiement de sa prestation ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses quatre branches : - Attendu que le support reproche à l'arrêt de l'avoir condamné à verser des dommages-intérêts à l'annonceur alors, selon le moyen : 1°) que le motif hypothétique équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a énoncé que rien ne permettait d'affirmer que l'agence ne pouvait pas céder sa créance, n'a pas satisfait aux prescriptions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 2°) qu'une agence de publicité qui, en sa qualité de mandataire ducroire du vendeur d'espaces, doit régler à celui-ci le prix de la campagne commandée par l'annonceur, ne le fait que pour le compte de ce dernier, dont les fonds transitent par son intermédiaire, de sorte qu'elle n'est pas la créancière de l'annonceur, tant qu'elle n'a pas payé à sa place ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a énoncé que la qualité de mandataire ducroire d'agence ne permettait pas d'affirmer que celle-ci ne pouvait pas céder la facture envoyée à l'annonceur, admettant ainsi que l'agence avait pu céder une créance qu'elle ne détenait pas sur l'annonceur, a violé les articles 1689 et 1693 du Code civil ; 3°) que toute erreur de droit constitue une faute ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a considéré que l'annonceur, non professionnel de la publicité, avait pu ignorer que l'agence ne pouvait pas céder sa créance et avait donc pu valablement régler sa dette au cessionnaire, quand cette impossibilité de céder découle, non d'un usage publicitaire, mais des règles du mandat et de la cession de créance, a violé les articles 1689, 1693 et 1984 du Code civil ; 4°) que le mandataire est seul tenu de rendre compte de l'accomplissement de sa mission au mandant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui, après avoir relevé que le mandat confié par l'annonceur à l'agence comportait la mission spécifique de régler les supports et les fournisseurs pour le compte du mandant, en a ensuite déduit que le support avait commis une faute en s'abstenant de rendre compte à l'annonceur des conditions de paiement qui avaient été négociées avec l'agence et des difficultés de règlement rencontrées avec cette dernière, a omis de tirer les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 1984 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que le support n'a pas apporté la preuve de l'envoi de la facture à l'annonceur ainsi que l'y oblige l'article 20 de la loi du 29 janvier 1993 et qu'il a omis de tenir informé l'annonceur des difficultés de paiement rencontrées avec l'agence ainsi que des rééchelonnements de dettes qu'il a consenties à cette dernière ;qu'il retient encore, qu'informé à temps des retards de paiement de l'agence vis-à-vis du support, l'annonceur aurait pu s'opposer au paiement des effets émis au profit de la société d'affacturage dont les échéances étaient antérieures à la première lettre d'avertissement du support à l'agence ;que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que l'opacité entretenue par le support dans les conditions de paiement consenties à l'agence avait entraîné pour l'annonceur la perte du montant de deux des effets et statuer comme elle a fait ;qu'ainsi, abstraction faite des griefs inopérants évoqués par le moyen dans ses trois premières branches, la cour d'appel a légalement justifié sa décision sans encourir le grief de la quatrième branche ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en ses deux branches : - Attendu que l'annonceur reproche à l'arrêt de l'avoir condamné à payer au support le montant de la facture du 25 juillet 1994, alors, selon le moyen : 1°) qu'en cas de concert frauduleux entre le mandataire et un tiers visant à dissimuler une opération illicite sous l'apparence d'un mandat, le mandant est fondé à se prévaloir de l'opération réelle ; qu'en l'espèce, l'annonceur faisait valoir qu'un concert frauduleux intervenu entre son mandataire l'agence et le tiers contractant, le vendeur d'espace, avait visé à dévoyer les règles du mandat et à permettre à l'agence de se comporter en intermédiaire qui achète pour revendre ; qu'en affirmant que ce moyen tiré de la fraude était inopérant bien qu'il ait été de nature à établir que le mandant n'était pas engagé par les actes de son mandataire et que seule l'agence qui avait en réalité acheté pour revendre, était tenue envers le support, la cour d'appel a violé l'article 1321 du Code civil et le principe fraus omnia corrumpit ; 2°) que la simulation frauduleuse est caractérisée lorsque deux personnes réalisent une opération illicite sous l'apparence d'une opération fictive qui dissimule leur intention ; qu'en l'espèce, l'annonceur faisait valoir dans ses conclusions qu'il résultait d'un ensemble d'éléments (négociation de délais de paiement avec la seule agence, défaut d'information sur les difficultés de paiement qu'elle rencontrait, omission de rendre compte des conditions de déroulement de la campagne...), que le support avait contracté avec l'agence en l'excluant de la relation contractuelle et avait ainsi dévoyé les règles du mandat ; qu'il apparaissait ainsi que l'agence s'était comporté non comme un mandataire mais comme un intermédiaire agissant en son propre nom et pour son compte ; qu'en se bornant à relever, pour fixer la créance du support sur l'annonceur au montant de la facture du 25 juillet 1994, que "l'annonceur ne saurait déduire du seul défaut de réception de ladite facture une concertation frauduleuse entre les deux professionnels de la publicité", sans rechercher si au vu de l'ensemble des éléments en présence une simulation frauduleuse n'était pas établie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1321 du Code civil et du principe fraus omnia corrumpit ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt, qui a seulement retenu qu'au regard des stipulations du contrat de mandat, l'annonceur ne pouvait pas reprocher à l'agence mandataire d'agir en son nom et de régler pour son compte le support, n'encourt pas le grief de la première branche ;
Attendu, d'autre part, que sous couvert non fondé de manque de base légale, le moyen ne tend, dans sa seconde branche, qu'à remettre en cause devant la Cour de cassation les éléments de fait souverainement appréciés par les juges du fond ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : rejette les pourvois tant principal qu'incident.