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Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 1, 17 novembre 1999, n° 98-01079

TOULOUSE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Jacques

Défendeur :

Locam (SA), Tep France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Foulon

Conseillers :

MM. Coleno, Charras

Avoués :

SCP Rives Podesta, SCP Sorel Dessart Sorel, SCP Malet

Avocats :

Mes Albarede, Arnon, SCP Bec Palazy-Bru Valax Culoz Reynaud.

T. com. Albi, du 23 janv. 1998

23 janvier 1998

FAITS ET PROCEDURE

Le 14.03.95, Monsieur Daniel Jacques, gérant du restaurant-hôtel des Fleurs à Marsac (81), a souscrit un contrat d'abonnement de télésurveillance avec option de prestation sécuritaire que lui proposait un démarcheur de la SA Tep France. A ce contrat a été associé un contrat de location des matériels d'alarme associés, souscrit auprès de la SA Locam.

Le matériel a été installé le 22.03.95. Le contrat de location stipulait que e premier loyer, incluant le coût de la prestation de télésurveillance, serait payable le 20.07.95.

Estimant que le fonctionnement du matériel était défectueux, M. Jacques a signifié à la société Tep son intention de rompre le contrat d'abonnement par courrier en date du 10.07.95, et a en conséquence décidé de ne pas payer le premier loyer du contrat de location.

Le 31.10.96, la SA Locam a fait signifier à M. Jacques une ordonnance du président du tribunal de commerce d'Albi portant injonction de payer la somme de 29 136,05 F, montant de la totalité des loyers du contrat, à laquelle il a formé opposition le 13.11.96.

M. Jacques a appelé en cause la société Tep France SA.

Par le jugement déféré en date du 23.01.98, le tribunal de commerce a débouté M. Jacques de son opposition et l'a condamné au paiement des sommes de 27 433,60 F, outre 3 000 F à chacune de ses adversaires au titre de leurs frais non taxables.

DEMANDES DES PARTIES

PRETENTIONS DE MONSIEUR JACQUES

M. Jacques, régulièrement appelant, conclut à la réformation du jugement déféré et demande à la cour:

- à titre principal de constater la résolution du contrat, valablement faite avant le terme du délai de réflexion dont il disposait;

- à titre subsidiaire à la nullité des contrats, le premier souscrit en violation des dispositions d'ordre public de l'article L. 121-23 du Code de la consommation;

- à la résolution du contrat du fait du mauvais fonctionnement des matériels, déclenchant de trop nombreuses fausses alarmes.

Il demande en tout état de cause à être relevé et garanti de toute condamnation par la SA Tep France, et réclame une somme de 5 000 F au titre de l'article 700 NCPC.

PRETENTIONS DE LA SOCIETE LOCAM SA

La SA Locam conclut à la confirmation de la décision entreprise et réclame une somme de 10 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 NCPC.

Elle se prévaut du caractère définitif de l'engagement, de l'absence d'action de M. Jacques en résolution du contrat principal, et soutient que le contrat avec la société Tep ne relève pas des dispositions du Code de la consommation parce que souscrit pour un équipement ayant un lien direct avec son activité commerciale.

PRETENTIONS DE LA SOCIETE TEP FRANCE SA

Aux termes de conclusions récapitulatives signifiées le 20.08.99, la SA Tep France demande à la cour de juger fautive la rupture unilatérale de la convention par M. Jacques, et mal fondé son appel en garantie.

Estimant le comportement de M. Jacques attentatoire à son image de marque, elle réclame à son encontre une somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts, outre 8 000 F sur le fondement de l'article 700 NCPC.

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que la convention ne contenait aucune stipulation d'un délai de réflexion, seul existant un décalage matériel dans le temps entre l'installation du matériel et le paiement du premier loyer, qui ne se présente pas comme ayant d'autre caractère que celui d'un délai de gestion ou différé de paiement;

que le moyen reposant sur l'existence d'un tel délai de réflexion est en conséquence dépourvu de fondement ainsi que l'a exactement retenu le premier juge;

Attendu qu'il n'est pas discuté que, comme soutenu par l'appelant, le contrat principal a été souscrit à l'occasion d'un démarchage effectué par un employé de la SA Tep France sur les lieux de l'exploitation du restaurant-hôtel;

que la nature de la convention, de prestation de service, entre bien dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation;

Attendu qu'aux termes de l'article L. 121-22 du Code de la consommation, ne sont pas soumises aux dispositions des articles 121-23 à 121-28 les prestations de service lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation commerciale ou de toute autre entreprise;

Attendu que la prestation de télésurveillance, mettant en ouvre un système sophistiqué d'alarmes couplées au réseau téléphonique, n'est pas en rapport direct, au sens de l'article susvisé, avec les activités d'hôtellerie et de restaurant exercées par M. Jacques;

que ce rapport direct n'existe pas avec l'objet de l'activité, qui ne comporte pas la garde de valeurs ou de secrets et ne requiert pas en soi, par nature ou par nécessité certaine, l'usage d'un système de protection contre le vol;

que ce rapport n'existe pas non plus avec les connaissances de l'exploitant dont l'exercice de la profession ne met en ouvre aucune technique de cette nature;

Attendu en conséquence que c'est à bon droit que M. Jacques se prévaut des dispositions de la législation sur le démarchage à domicile;

Attendu qu'il n'est pas discuté et résulte de l'examen des documents contractuels que les dispositions des articles L. 121-23 et L. 121-24 du Code de la consommation n'ont pas été respectées;

que la nullité de la convention de télésurveillance est en conséquence à bon droit soutenue sur le fondement de l'article L. 121-23 du Code de la consommation;

Attendu que, de même, est à bon droit soutenue la nullité, par voie de conséquence, du contrat de location financière qui lui était lié et dont il était la cause, ce qui n'est pas en soi contesté par la SA Locam;

Attendu en conséquence que le jugement doit être réformé et la SA Locam déboutée de ses demandes;

Attendu, sur les demandes accessoires, qu'il suit nécessairement de la décision qui précède que celle de la SA Locam qui succombe et sera tenue des dépens doit être rejetée;

Attendu qu'il résulte également nécessairement de cette décision qu'il ne peut être soutenu que M. Jacques aurait abusé du droit qui lui appartient de soutenir sa défense ou d'exercer les voies de recours légales;

que la demande de dommages-intérêts présentéé par la SA Tep France doit en conséquence être rejetée;

que, étant à l'origine du vice du contrat, cette dernière conservera les frais de sa défense non inclus dans les dépens;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge la totalité des frais non indus dans les dépens que rappelant a dû exposer pour faire assurer sa défense;

Par ces motifs, LA COUR: Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi, Déclare l'appel recevable en la forme, Le dit fondé, Réforme la décision déférée en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, Prononce la nullité des contrats de prestation de télésurveillance et de location de matériels d'alarme souscrits par M. Jacques respectivement auprès de la société Tep France SA et de la société Locam SA; Déboute en conséquence la SA Locam de ses demandes; Déboute la SA Tep France de ses demandes; Condamne la SA Locam à payer à M. Jacques la somme de 5 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples; Condamne la SA Locam aux entiers dépens de l'instance, en ce compris ceux exposés tant devant Cour d'appel de Toulouse qu'en première instance, et reconnaît, pour ceux d'appel, à la SCP Rives-Podesta et la SCP Malet, avoués qui en ont fait la demande, le droit de recouvrement direct prévu à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.