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Décisions

CA Paris, 2e ch. A, 16 janvier 2001, n° 1999-01449

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Courtot-Roehrig (SA)

Défendeur :

Meyer épouse Laberthonnière, Laberthonnière (Consorts)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Deslaugiers-Wlache

Conseillers :

Mme Dintilhac, Mme Timsit

Avoués :

SCP Mira-Bettan, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay

Avocats :

Mes Schbath, Blanc Dap.

TGI Paris, du 12 nov. 1998

12 novembre 1998

La cour est saisie de l'appel par Jean-Claude Roehrig, aux droits de qui vient la SA Coutot- Roehrig, à l'encontre d'un jugement rendu le 12 novembre 1998 par le Tribunal de grande instance de Paris qui a dit nuls les contrats de révélation de succession conclus entre Jean- Pierre Roehrig et d'une part Madame Ponroy le 7 février 1990, d'autre part Madame Buhler le 8 novembre 1990 et a condamné Monsieur Roehrig à payer à Madame Buhler d'une part, aux consorts La Berthonniere d'autre part les sommes de 8 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Référence expresse étant faite à cette décision pour l'exposé complet des faits et prétentions de première instance des parties, il est rappelé que le cabinet de généalogie Coutot-Roehrig, ci-après le généalogiste, a fait signer successivement à Mme Ponroy, puis à Madame Buhler, respectivement grand-tante maternelle et cousine germaine dans la branche paternelle de Philippe Cidini, décédé le 31 janvier 1990, des contrats dits contrats de "révélation de succession", la révélation des droits auxquels elles pourraient prétendre devant se faire "après adhésion de tous les intéressés"; que Buhler et les époux La Berthonnière, légataires universels de Ponroy décédée le 15 novembre 1990, aujourd'hui les consorts La Berthonnière ont poursuivi la nullité de ces conventions, ce à quoi le jugement déféré a fait droit;

L'appelante demande acte de ce qu'elle vient aux droits de Jean-Claude Roehrig, et d'infirmer de dire valable le contrat de révélation de succession signé par Mme Ponroy, de condamner les consorts La Berthonnière à lui payer la somme de 390 165,60 F avec intérêts de droit à compter du 28 avril 1993 et de lui allouer une indemnité pour frais irrépétibles de 25 000 F.

Rappelant l'étendue de son réseau et la richesse de ses fichiers lui permettant de situer rapidement des héritiers, elle indique avoir été saisie par Me Fricoteaux chargée de régler la succession de Philippe Cidini et avoir trouvé les deux héritières, dont Mme Ponroy dès février 1990, la révélation de la succession lui ayant été faite par lettre du 11 janvier 1991 après la découverte de l'autre héritière, identifiée en novembre 1990.

Critiquant le jugement en ce qu'il a accueilli le moyen de nullité fondé sur les dispositions du Code de la consommation, alors d'une part que ce moyen était soulevé par les héritiers La Berthonnière six ans après l'introduction de la demande et d'autre part que lesdites dispositions n'étaient pas applicables, le généalogiste soutient que le contrat de révélation de succession n'est pas un contrat de fourniture de services dans une opération de démarchage au sens des articles L. 121-1 à L. 121-6 du Code de la consommation, qu'il n'est pas un mandat, la mission, soit la recherche étant déjà remplie, qu'il n'est pas une vente mais une prestation de service rendue à un héritier qui est dans l'impossibilité de découvrir lui-même les droits qu'il détient, qu'il n'est pas un contrat d'entreprise puisque le généalogiste ne s'engage pas à faire un travail mais à révéler le résultat de celui déjà effectué,

que le tribunal a fait application d'une jurisprudence postérieure à la date de signature du contrat ce qui est contraire au principe de la non rétroactivité du droit positif, principe qu'il n'y a aucune raison juridique de ne pas appliquer à la jurisprudence,

que la prescription de 5 ans était en tous cas acquise puisque l'assignation de 1992 tendait à la nullité pour absence de cause et que ce n'est qu'en 1997, soit 7 ans après la signature du contrat que les consorts La Berthonnière ont prétendu faire annuler ce contrat pour non- respect des dispositions protectrices des consommateurs et que la différence des causes des actions empêche l'effet interruptif, qui a un caractère restrictif, de la prescription,

que le moyen subsidiaire des intimés tiré de l'absence de cause du contrat est infondé puis qu'au jour où elle a signé, saine d'esprit et en toute connaissance de cause, Mme Ponroy ignorait ses droits et n'a pu les connaître que grâce à l'intervention du généalogiste qui dispose d'une grande quantité d'informations et a fait de nombreuses recherches permettant d'établir un tableau généalogique complet que sa rémunération doit être calculée sur, l'actif au jour du décès de Philippe Cidini,

qu'enfin, elle n'a commis aucune faute en régularisant une opposition à partage étant créancière des honoraires prévus au contrat et son action n'a été en tous cas génératrice d'aucun préjudice, les pénalités fiscales de retard n'intéressant pas la succession révélée et n'étant au surplus pas justifiées dans leur montant et n'étant pas définitives.

Les consorts La Berthonnière, intimés, répondent que le contrat litigieux portant sur une fourniture de services, souscrit sans rendez-vous au domicile de Mme Ponroy, au demeurant âgée de 91 ans, se trouvait soumis aux dispositions légales destinées à la protection du consommateur et a à bon droit été annulé par le premier juge pour n'avoir pas dans ses formes satisfait aux exigences des articles L. 121 et suivants du Code de la consommation.

Subsidiairement, ils soutiennent que le généalogiste n'a rendu aucun service à Mme Ponroy qui était restée en relation constante avec son petit-neveu, qui a été démarchée 8 jours après le décès de celui-ci sans que l'appelante n'ait procédé à aucune recherche justifiée et n'a reçu, de son vivant aucune révélation qu'elle n'était à même d'obtenir par le notaire chargé de la succession.

Encore plus subsidiairement, ils demandent de réduire la rémunération en fonction de l'actif net de la succession, diminué des droits.

Ils estiment que la référence à la non rétroactivité des lois ne peut s'appliquer à la jurisprudence qui a vocation interprétative et fait corps avec la règle de droit préexistante.

En outre, ils font valoir que leurs actions ayant un but identique, la prescription quinquennale a été valablement interrompue.

Enfin en refusant de cantonner son opposition au seul montant de sa créance contestée, l'appelante les a empêchés d'honorer leurs obligations fiscales et leur a causé un préjudice.

Ils demandent en conséquence de confirmer le jugement et y ajoutant, au cas où la nullité pour non respect de la loi sur le démarchage ne serait pas prononcée, d'annuler le contrat pour défaut de cause, subsidiairement de réduire la rémunération du généalogiste et de condamner l'appelante à leur verser la somme de 400 000 F à titre de dommages-intérêts outre celle de 20 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur quoi: Considérant que la cour relève que l'appel ne vise pas la disposition du jugement ayant annulé le contrat du 8 novembre 1990 entre le généalogiste et Madame Buhler;

Que cette disposition est donc définitive;

Considérant que le 7 février 1990 à son domicile Madame Ponroy a signé avec le généalogiste une convention par laquelle l'étude généalogique se propose, après les recherches qu'elle déclarait avoir faites, de lui révéler des droits à faire valoir dans une succession ouverte, le généalogiste, révélation faite, s'engageant à fournir toutes pièces justificatives et à représenter l'héritière aux opérations de règlement de la succession;

Qu'une rémunération était prévue conformément à un barème;

Que cette convention qui n'a été exécutée que par une révélation notifiée à Mme Ponroy après son décès a été transmise dans la succession de celle-ci dévolue aux consorts La Berthonnière;

Mais considérant que le contrat de révélation de succession constitue un contrat de fourniture de services soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation dès lors qu'il est proposé par un généalogiste au domicile de l'héritier, peu important que ce "client" soit unique et déterminé à l'avance;

Considérant que les dispositions sus-visées sont issues de la loi du 22 décembre 1972, soit antérieurement à la signature du contrat et il est sans effet que ce ne soit que postérieurement à cette signature que des décisions judiciaires en aient fait application à ce type de contrat dès lors que la jurisprudence a un rôle interprétatif et fait corps avec la loi, qui est sensée avoir toujours eu le sens que la jurisprudence lui donne à l'occasion d'une affaire;

Considérant, sur la prescription quinquennale, que les époux La Berthonnière, aux droits desquels sont les consorts La Berthonnière, ont fait assigner Jean-Claude Roehrig le 22 octobre 1992, Soit moins de cinq ans après la signature du contrat en nullité de la convention pour défaut de cause; qu'ils ont ainsi interrompu la prescription; qu'au cours de l'instance, et alors que l'effet interruptif attaché à l'assignation perdurait, ils ont soulevé le non respect des dispositions du Code de la consommation; que ce nouveau fondement tendait toujours à la nullité, en sorte que l'action se trouvait virtuellement incluse dans l'action d'origine et que le moyen tiré de la prescription n'est pas fondé;

Considérant que le contrat ne contenant pas les mentions prévues à peine de nullité par l'article L. 121-23 du Code de la consommation, notamment la faculté de renonciation, est nul et le généalogiste ne peut prétendre à aucune rémunération;

Que le jugement sera, donc, confirmé;

Considérant que légataires universels de Mme Ponroy, les époux La Berthonnière ont reçu dans la succession de cette dernière la moitié de la succession de Philippe Cidini et partant l'obligation de payer leur part des droits sur cette succession; qu'ils ont acquitté à ce titre en plusieurs versements la somme totale de 1 253 549 F; que par suite d'une insuffisance de déclaration ils se sont vu notifier un redressement de droits et des pénalités;

Qu'il résulte de la lettre de Me da Camara, désignée par justice comme administrateur de la succession Cidini du 3 septembre 1992, soit antérieure à l'opposition à partage signifiée à la requête de Jean-Claude Roehrig, que les héritiers n'avaient toujours pas à cette date donné leur accord pour déposer les déclarations de succession et verser des acomptes au titre des droits;

Que si les héritiers pouvaient éprouver des difficultés à régler ces droits de leurs deniers personnels, ils disposaient de liquidités dans les successions;

Que s'il est constant que le juge des référés a ordonné le cantonnement au montant de la créance litigieuse de Cabinet Coutot-Roehrig, il n'est pas établi que l'opposition pratiquée par le généalogiste soit la cause directe du préjudice constitué par les pénalités de retard, dont il n'est au demeurant pas démontré qu'elles aient été définitivement maintenues à l'encontre des consorts La Berthonnière;

Qu'il en est de même des mesures de recouvrement prises par l'administration fiscale à l'encontre de Gilles La Berthonnière et de Monsieur Relave;

Que la demande de dommages-intérêts formée par les intimés sera en conséquence rejetée;

Considérant que l'équité commande d'allouer aux intimés, en compensation des frais irrépétibles qu'ils ont été contraints d'exposer, la somme de 10 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs: Statuant dans les limites de l'appel; Confirme le jugement déféré; Déboute les consorts La Berthonnière de leur demande de dommages-intérêts; Condamne la SA Coutot-Roehrig à payer aux consorts La Berthonnière la somme de 10 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.