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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch. com., 17 janvier 2001, n° 97-06699

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Beauté Méditerranée (SARL), Kristal Parfum (Sté)

Défendeur :

L'Oréal (SA), Prestige (SA), Hadjm (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Isouard (faisant fonction)

Avoués :

SCP Primout-Faivre, SCP Sider, Me Magnan, SCP Cohen-Guedj

Avocats :

Mes Kharoubi, Bonnaffons, Kharoubi.

TGI Marseille, du 23 janv. 1997

23 janvier 1997

Exposé du litige :

La société L'Oréal est titulaire de :

- la marque dénominative " Safari " déposée en renouvellement le 6 mars 1992 enregistrée sous le numéro 1 200 787 pour désigner notamment des articles de parfumerie et des savons,

- la marque emblématique complexe " Safari " déposée le 14 septembre 1994 et enregistrée sous le numéro 94 536 282 correspondant à un emballage,

- la marque emblématique complexe " Safari " déposée le 14 septembre 1994 et enregistrée sous le numéro 94 536 281 correspondant à un flacon.

Par jugement du 23 janvier 1997, le Tribunal de grande instance de Marseille :

- a déclaré les sociétés Beauté Méditerranée, Hajm et Kristal Parfum coupables de contrefaçon de ces trois marques ainsi que de concurrence déloyale et parasitaire par la commercialisation du parfum " Alfaro ",

- leur a interdit d'utiliser l'appellation "Alfaro", les emballages du même nom ainsi que le flacon correspondant sous quelques formes que ce soit sous astreinte de 1 000 F par infraction et jour de retard,

- a condamné in solidum les sociétés Beauté Méditerranée, Hajm et Kristal Parfum à payer à la société L'Oréal la somme de 300 000 F en réparation de son préjudice outre celle de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- a ordonné la publication de cette décision dans trois journaux du choix de la société L'Oréal dans la limite de 8 000 F par insertion,

- a condamné la société Kristal Parfum à relever la société Hajm et la société Beauté Méditerranée de l'ensemble des condamnations prononcées contre elles.

Les 28 mars, 11 avril et 10 juillet 1997, les sociétés Beauté Méditerranée, Kristal Parfum et Hajm ont respectivement interjeté appel de ce jugement.

Les sociétés Beauté Méditerranée et Hajm sollicitent la réformation de la décision déférée, leur mise hors de cause et subsidiairement la réduction des dommages-intérêts alloués à la société L'Oréal avec la garantie de la société Kristal Parfum pour les condamnations prononcées à leur encontre. Elles souhaitent la condamnation des parties succombantes à leur payer à chacune la somme de 10 000 F de dommages-intérêts outre celle de 10 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elles contestent la réalité de la contrefaçon arguant qu'en raison des différences de dessins et de couleur aucune similitude ne peut être recherchée avec le produit " Safari " de nature à semer une confusion dans l'esprit du public. Elles soutiennent aussi que ces différences empêchent la concurrence déloyale et que la disparité de prix entre le parfum L'Oréal et le leur montre que les deux produits ne concernent pas une identique.

Elles nient aussi l'importance du préjudice allégué par la société L'Oréal.

La société Kristal Parfum conclut à l'infirmation du jugement attaqué, au débouté de la société L'Oréal et à la condamnation des parties succombantes à lui payer une indemnité de 10 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle soutient que le produit " Alfaro " ne contrefait pas les marques de la société L'Oréal et ne constitue pas une concurrence déloyale de ce parfum développant une argumentation similaire à celle des sociétés Beauté Méditerranée et Hajm.

Subsidiairement, elle demande à être relevée et garantie de toutes les condamnations qui seraient prononcées contre elle par la société Prestige qui lui a fourni les parfums " Alfaro " et qu'elle a appelée en intervention forcée.

La société L'Oréal requiert la confirmation de la décision déférée mais, formant appel incident, sollicite la désignation d'un expert pour l'évaluation de son préjudice et la condamnation in solidum des sociétés Beauté Méditerranée, Hajm et Kristal Parfum à lui payer une provision de 500 000 F sur le préjudice résultant de la contrefaçon et la somme de 500 000 F de dommages-intérêts en réparation de la concurrence déloyale et parasitaire. Elle souhaite l'extension de la mesure de publication à cinq journaux et l'augmentation du coût de chaque insertion à la somme de 30 000 F. Elle réclame une indemnité de 30 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle invoque la réalité de la contrefaçon de ses trois marques par la reproduction des éléments les caractérisant ainsi que l'existence d'une concurrence déloyale provoquée par la commercialisation à un prix inférieur d'articles de moindre qualité.

La société Prestige, assignée à la personne d'une hôtesse qui s'est déclarée habilitée à recevoir l'acte n'a pas constitué avoué.

Motifs de la décision :

La recevabilité de l'appel n'est pas contestée et rien dans le dossier des parties ne conduit la cour à la décliner d'office.

Sur la contrefaçon :

1°) sur la contrefaçon de la marque dénominative " Safari " :

La marque " Safari " déposée le 6 avril 1982 et renouvelée le 6 mars 1992 ne protège que la dénomination de ce sigle.

Le terme " Alfaro " utilisé par les sociétés Beauté Méditerranée, Hajm et Kristal Parfum pour appeler le parfum par elles vendu s'avère tout à fait distinct du nom " Safari ", aucune ressemblance orthographique ou phonétique n'existant entre les deux sigles et leur caractère trisyllabique ainsi que l'importance des lettres " a " n'étant pas suffisant pour créer une ressemblance.

Les deux noms ne présentent pas le même aspect évocateur, le terme " Safari " qui désigne une expédition de chasse africaine, faisant songer à l'évasion alors que le mot " Alfaro " n'a aucune signification.

Ainsi le terme " Alfaro " ne contrefait pas la marque dénominative " Safari " enregistrée sous le numéro 1 200 787.

La réformation du jugement attaqué s'impose de ce chef.

Sur la marque emblématique " Safari " n° 94 536 282 :

La marque " Safari " n° 94 536 282 est une marque emblématique complexe où le terme " Safari " apparaît écrit en lettres noires sur une étiquette de couleur argent entourée d'un trait noir apposée sur un fond marron imitant la peau de reptile dont elle occupe une partie de la moitié supérieure.

Les procès-verbaux de saisie-contrefaçon des 20 et 21 décembre 1995 dressés chez les sociétés Hajm et Beauté Méditerranée montrent la présence dans les magasins exploités par ces deux sociétés de parfums dont l'emballage en carton reproduit à l'exception du terme " Safari " remplacé par celui de " Alfaro " les éléments de la marque " Safari ". Les différences entre les deux emballages (ton du marron plus clair, grain imitant la peau plus fin) n'étant pas suffisantes pour être perçues par un consommateur d'attention moyenne n'ayant pas les deux produits simultanément sous les yeux.

Ainsi l'emballage du parfum " Alfaro " contrefait la marque " Safari " n° 94 536.

Sur la marque emblématique " safari " n° 94 536 281 :

La marque " Safari " n° 94 536 281 est également une marque emblématique complexe représentant un flacon de parfum avec vaporisateur en forme de parallélépipède comportant en façade un écusson et en façade et au dos en relief sur le verre le dessin d'une croix de Saint-André avec entre ses bras de petits losanges. Un bouchon cylindrique avec une moulure sur sa partie haute surmonte ce flacon.

Les flacons saisis les 20 et 21 décembre 1995 reproduisent les caractéristiques de la marque " Safari " n° 94 536 281 et contrefont celle-ci.

Sur la concurrence déloyale :

Les procès-verbaux de saisie-contrefaçon montrent que les produits " Alfaro " se vendent pour un prix situé entre 24,12 F et 45 F alors que les sociétés Beauté Méditerranée et Hajm reconnaissent dans leurs propres écritures que le parfum " Safari " se commercialise pour environ 400 F.

La diffusion d'un produit contrefaisant à un prix très inférieur à celui de l'article authentique constitue un acte de concurrence déloyale, cette différence de tarif n'empêchant pas qu'il puisse être acquis par la même clientèle.

Sur le préjudice :

Les procès-verbaux de saisie-contrefaçon établissent que la société Hajm avait acquis 24 flacons d'articles contrefaisants et la société Beauté Méditerranée 144. Les documents versés par la société L'Oréal montrent que celle-ci avait consenti pour la commercialisation du parfum " Safari " en France des investissements publicitaires de 12,6 millions de francs.

Ces éléments et l'avilissement de la marque que provoque une contrefaçon surtout à un prix moindre que celui des produits authentiques susceptible d'entraîner une désaffection d'une partie de la clientèle permettent à la cour sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, de fixer à 300 000 F le préjudice subi par la société L'Oréal tant par la contrefaçon que par la concurrence déloyale.

La confirmation du jugement attaqué s'impose du chef de cette évaluation.

La mesure de publicité prononcée par le jugement attaqué s'avère nécessaire à la réparation du préjudice sans qu'il y ait lieu à augmenter le nombre ou le prix des insertions.

La disposition condamnant la société Kristal Parfum à relever les sociétés Beauté Méditerranée et Hajm de l'ensemble des condamnations prononcées contre elles ne s'avère pas contestée et doit être confirmée.

Sur la demande de garantie de la société Kristal Parfum envers la société Prestige :

La société Kristal Parfum expose qu'elle a acquis les produits portant l'appellation " Alfaro " auprès de la société Prestige et demande que celle-ci la garantisse des condamnations qui seraient prononcées contre elle.

Mais elle ne verse aucun document (factures, commandes ou bons de livraison) qui démontrerait que la société Prestige serait son fournisseur pour les produits litigieux.

Elle doit être déboutée de son recours.

Sur les demandes accessoires :

Succombant à l'essentiel de leur recours, les sociétés Beauté Méditerranée, Hajm et Kristal Parfum doivent être déboutées de leurs demandes en dommages-intérêts et au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Pour le même motif, elles doivent être condamnées à payer à la société L'Oréal la somme de 10 000 F pour ses frais non répétibles.

Par ces motifs, LA COUR : Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire ; Reçoit l'appel ; Réforme le jugement du 23 janvier 1997 du Tribunal de grande instance de Marseille en ce qu'il a déclaré les sociétés Beauté Méditerranée, Hajm et Kristal Parfum coupables de contrefaçon de la marque dénominative " Safari " numéro 1 200 787 et déboute la société L'Oréal de sa demande de ce chef ; Le confirme pour le surplus ; Déboute la société Kristal Parfum de son appel en garantie contre la société Prestige ; Rejette les demandes en dommages-intérêts et au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile des sociétés Beauté Méditerranée, Hajm et Kristal Parfum ; Condamne in solidum les sociétés Beauté Méditerranée, Hajm et Kristal Parfum àpayer à la société L'Oréal la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne in solidum les sociétés Beauté Méditerranée, Hajm et Kristal Parfum aux dépens d'appel et autorise Maître Magnan, avoué, à recouvrer directement ceux dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.