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Décisions

CA Paris, 9e ch. A, 10 mai 1999, n° 98-03985

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

CPAM de Paris, Clinique des Maussins, Clinique Henner, CPAM de Seine-et-Marne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rognon

Conseillers :

M. Morel, Mme Filippini

Avocats :

Mes Bensussan, Chauveaud, Attal, Garcia

TGI Paris, 31e ch., du 8 sept. 1997

8 septembre 1997

Rappel de la procédure:

La prévention:

A Albert

B Paul

C Salomon

sont prévenus d'avoir à Paris et en région parisienne, courant 1994, effectué pour une activité professionnelle, une ou des ventes de produits à des cliniques chirurgicales sans facture conforme, notamment sans avoir mentionné la dénomination précise des produits vendus;

faits commis par l'article 31 al. 2, al. 3, al. 4 de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986 et réprimée par les articles 31 al. 5, al. 6, 55 al. 1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire, a rejeté les conclusions de nullité de l'arrêté du 24 juillet 1992,

A relaxé A Albert des fins de la poursuite,

A déclaré Paul B et Salomon C coupables du délit de facturation non conforme qui leur est reproché, faisant application des articles précités et des articles 132-29 et 132-30 du Code pénal,

A condamné:

B Paul à la peine de quarante mille francs (40 000 F) d'amende avec sursis;

C Salomon à la peine de vingt mille francs (20 000 F) avec sursis;

A dit irrecevable les constitutions de partie civile des Clinique Henner et des Maussins;

Les a déboutées de leurs demandes à l'encontre de M. A du fait de la relaxe,

A reçu en leur constitution de parties civiles la CPAM de Seine-et-Marne et de Paris,

A condamné Paul B à payer à titre de remboursement les somems suivantes:

- 53 582,34 F à la CPAM de Seine-et-Marne

- 65 489,06 F à la CPAM de Paris,

Le condamne, en outre, à payer à chacune de ces parties civiles la somme de 1 000 F à titre de dommages-intérêts,

et l'a condamné, en outre, à d'autres réparations civiles.

A rejeté les demandes des Caisses formulées au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 600 F dont est redevable chaque condamné.

Les appels:

Appel a été interjeté par:

La CPAM de Paris, le 17 septembre 1997 contre M. A Albert, M. B Paul, M. C Salomon,

La Clinique des Maussins, le 17 septembre 1997 contre M. A Albert, M. B Paul, M. C Salomon,

La Clinique Henner, le 17 septembre 1997 contre M. A Albert, M. B Paul, M. C Salomon,

La CPAM de Paris le 23 octobre à l'égard des trois prévenus,

- Par lettre du 16 février 1999, la CPAM de Seine-et-Marne déclare se désister de son appel celui-ci ayant été formé hors délai.

LA COUR : après en avoir délibéré conformément à la loi,

En la forme :

Considérant qu'il résulte de la procédure que les appels interjetés par La clinique " Des Maussins ", la Clinique " Henner ", la Caisse d'Assurance Maladie de Paris, parties civiles, à l'encontre de Messieurs A, B et C, sont intervenus dans les formes et délais prévus par la loi ; qu' ils seront donc déclarés recevables ;

Considérant que la Caisse d'Assurance Maladie de Paris, par voie de conclusions écrites, déclare se désister de son appel à l'égard de Messieurs A, B et C ; que de même les cliniques " Des Maussins et Henner " entendent se désister de leur appel à l'égard de Monsieur C ; qu'en conséquence, la cour constatera que le jugement est devenu définitif en toutes ses dispositions civiles envers Monsieur C et envers Messieurs A et B uniquement en ce qui concerne les dispositions civiles à l'égard de la Caisse d'Assurance Maladie de Paris ;

Au fond :

Considérant que les premiers juges, après rappel de la procédure et des termes de la prévention ont exactement relaté les faits de la cause et qu'il convient de s'en rapporter sur tous ces points aux énonciations du jugement déféré ;

Considérant qu'il résulte en substance de la procédure que le Ministère de la Santé ayant constaté certaines anomalies dans le domaine de l'utilisation des éléments des produits du corps humain, tant en matière de remboursement par les Caisses d'Assurance Maladie qu'en matière de qualité et de sécurité, a été conduit à demander l'intervention de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) ; que pour ce faire la DGCCRF chargeait la Direction Nationale d'Enquêtes de la Répression des Fraudes (DNFERF) de conduire une enquête auprès des entreprises susceptibles de commercialiser des greffons ou implants comportant des tissus d'origine humaine ;

Que cette enquête relevait que la SARL D, ayant pour gérant Paul B, spécialisée dans la distribution, depuis environ dix-sept ans, de matériel médico-chirurgical et d'implants othopédiques, du 17 janvier au 28 décembre 1994, avait commercialisé auprès de la clinique " Des Maussins ", des greffons d'origine humaines dénommés fascia lata, produits par la société américaine P - la fascia lata étant une membrane conjonctive d'origine humaine qui recouvre les muscles ou des organes - en établissant notamment 135 factures sur lesquelles figurait une dénomination de vente imprécise et comportant un code d'inscription au tarif interministériel des prestations sanitaires (TIFS) inadéquat en l'espèce :

- pour les factures datées du 17-01-94 au 20-04-94 : prothèse ligament PHP DUO FL réf : PHP O1FL, TIPS 301 E 02,

- pour les factures datées du 23-04-94 au 31-08-94 : prothèse ligament PHP DUO réf : PHP 01 FL, TIPS 301 E 02,

- pour les factures datées du 06-09-94 au 28-12-94 : " RACHEL " + 2e élément, réf : PHP DUO, TIFS 301 E 02 ;

Que la SARL Scient'X, ayant pour gérant Albert A, jusqu'au mois d'octobre 1995 avait diffusé en France divers produits fabriqués par la société allemande Biodynamics-Pfrimmer, sous la marque TUTOPLAST, et commercialisés auprès des cliniques " Des Maussins " et " Henner " des greffons d'origine humaine issus des dures-mères ou fascia lata - les dures mères étant définies par le petit Larousse comme la plus externe des trois méninges, fibreuses et très résistante - en établissant des factures sur lesquelles figuraient un code TIFS inadéquat en l'espèce :

* en ce qui concerne les fascia lata :

- jusqu'en avril 1994 : greffon tissulaire inerte stérile origine humaine TIPS 301 E 02.1

- après avril 1994 : prothèse inerte code TIPS 301 E 02.1

* en ce qui concerne les dures-mères :

- greffon tissulaire inerte stérile origine humaine code TIPS 301 E 029

- prothèse inerte code TIPS 301 E 02.9

Que la DNFERF précisait dans ses rapports d'enquête que l'article R 165-2 du Code de la sécurité sociale stipule que ne peuvent être pris en charge par les organismes d'assurance maladie les fournitures et appareils qui ne satisfont pas à la réglementation en vigueur ou aux conditions posées pour l'inscription au l'EPS ; que l'arrêté du 24 juillet 1992, complétant ou modifiant le tarif interministériel des prestations sanitaires prévoit en son article 1.3 que les seuls greffons d'origine humaine considérés comme des articles inertes sont les greffons stériles cornéens, osseux et veineux (ces derniers depuis le 1er juillet 1994 ) et qu'eux seuls sont inscrits à la nomenclature pour faire l'objet d'un remboursement sur facture ; que dès lors les greffons d'origine humaine issus de dures-mères et fascia lata n'étant pas d'origine cornéenne, ni osseuse, ni veineuse, ne peuvent donc au sens de la réglementation de l'assurance maladie, ni être dénommés " greffons inertes ", et encore moins " greffons osseux " et pas plus être accompagnés des codes TIPS 301 E 02.1 ou 301 E 02.9, réservés respectivement aux ligaments articulaires artificiels du genou et ligaments articulaires artificiels catégorie " autres " ;

Considérant au vu de ces constatations que la DNERF relevait procès-verbal à l'encontre de Monsieur B pour facturation de " fascia lata sous une dénomination imprécise, occultant son origine humaine, et sous un code TIPS erroné, et de monsieur A, pour facturation de fascia lata et de dures-mères sous un code TIFS erroné " ;

Considérant que Messieurs B et A étaient renvoyés, par citation du Procureur de la République, devant le tribunal correctionnel pour avoir émis courant 1994 des factures non conformes, notamment en omettant de mentionner la dénomination précise des produits vendus ;

Considérant que Monsieur B conclut à la confirmation du jugement entrepris ayant déclaré les cliniques " Des Maussins " et " Henner " irrecevables en leur constitution de partie civile ; qu'il fait remarquer que Monsieur B a été en relations commerciales uniquement avec la clinique " Des Maussins " ; qu'il réclame en outre la condantnation des cliniques " Des Maussins " et " Henner " à lui verser une indemnité de 8 000 F pour procédure abusive ;

Considérant que Monsieur A conclut également à la confirmation du jugement entrepris qui l'a relaxé des fins de la poursuites, et à l'irrecevabilité des constitutions de parties civiles des cliniques " Des Maussins " et " Henner " ; et demande reconventionnellement d'ordonner aux frais des parties civiles appelantes la publication de la décision à intervenir dans cinq journaux de son choix dans la limite de 50 000 F TTC et de les condamner à lui verser la somme de 50 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Ceci étant exposé :

Considérant que pour relaxer des fins de la poursuites Monsieur A, les premiers juges ont pertinemment relevé :

- d'une part, que ce dernier avait sollicité l'avis de très nombreux experts de grande réputation qui ont tous conclu que le produit " Tutoplast " commercialisé par la société Scient'X, ne pouvait être considéré comme un greffon mais était " un biomatériau de collagène acellulaire, tissu incapable d'induire une greffe active sur le tissu de l'hôte vivant. Une bioprothèse qui permet la formation de tissu en cours de croissance par stimulation mécanique et conductrice" (Professeur David, expert pharmacologue agréé par le Ministère des affaires sociales), " Un biomatériau implantable inerte d'origine biologique ou bioprothèse "(Professeur Sigot-Luizard, directeur de recherches au CNRS). " Un biomatériau inerte implantable " (Professeur Duneau, agrégé de droit et d'économie pharmaceutique) ;

- et d'autre part, que le pouvoir réglementaire dans des arrêtés des 28 mars 1995 et 26 janvier 1996 modifiant une nouvelle fois le chapitre du TIPS relatif aux prothèses internes, a distingué les " implants d'origine humaine ou comportant des dérivés d'origine humaine " des " greffons d'origine humaine " ; que de même les caisses de sécurité sociale paraissaient ne pas avoir considéré les Tutoplast comme des " greffons " pendant plusieurs années, puisqu'elle les remboursait sous l'empire de l'arrêté du 24 janvier 1978, qui, s'il n'établissait pas une nomenclature détaillée, excluait déjà du remboursement " les greffons d'origine humaine " et déduit à juste titre que les produits Tutoplast, qualifié de " greffons ", tant par les diverses autorités que par la société Scient'X, elle-même, n'étant pas des " greffons ", ne pouvaient être visés par l'article 1.3 de l'arrêté du 24 juillet 1992 ; que l'article 1-1 qui définit ce qu'est une prothèse interne, et n'opère aucune distinction selon l'origine des prothèse, les produits Tutoplast répondant aux critères posés par cet article, devaient dès lors être considérés comme des prothèses internes inertes au sens des articles 1.1 et 1.2 de l'arrêté; que l'origine humaine du Tutoplast ne mettait pas obstacle à ce qu'il soit classé dans la catégorie des ligaments articulaires artificiels, compte tenu des diverses manipulations et opérations effectuées pour le transformer en un biomatériau et pouvait, en conséquence, être codifié dans la catégorie 301 E 02 telle qu'indiquée sur les factures émises par la société Scient'X.

Considérant au vu de l'ensemble de ces éléments que la cour estime que c'est à bon droit que les premiers juges ont relaxé Gilbert A des fins de la poursuite ;

Considérant que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a retenu Paul B dans les liens de la prévention, ce dernier ayant d'ailleurs acquiescé au jugement déféré ;

Sur l'action civile

Considérant que les cliniques " Des Maussins " et " Henner ", parties civiles appelantes, concluent à l'infirmation du jugement déféré et demande à la cour de déclarer recevables et bien fondées leurs constitutions de parties civiles et de leur donner acte de ce qu'elles s 'en rapportent à justice sur le bien fondé des poursuites, et réservent leurs demandes de dommages-intérêts dans le cadre de la procédure introduite par elles et actuellement pendante devant le tribunal de commerce de Paris.

Considérant que la constitution de partie civile de la clinique " Henner " à l'encontre de Monsieur B doit être déclarée irrecevable ladite clinique n'ayant pas été, en l'espèce, destinataire de factures litigieuses émanant de la société Cendis Médical ; qu'en conséquence le jugement déféré sera confirmé sur ce point mais pour des motifs différents ;

Considérant que tout destinataire de fausses factures du fait de leur fictivité est de nature à leur causer un préjudice ; que dès lors les parties civiles sont recevables en leur constitution; que, cependant, elles en seront déboutées comme non fondées, au motif que ces dernières en leur qualité de professionnelle ne pouvaient ignorer la législation en la matière, et ont, de ce fait, en connaissance de cause, transmis aux organismes de sécurité sociale des factures portant des TIPS inadéquats ; qu'il convient en effet de souligner que les dossiers de remboursements comprenant les factures d'achat des fournitures prises en charge (donc les prothèses inertes), l'ordonnance du médecin prescripteur (qui est un chirurgien) et la facture de frais de séjour, communément appelés " bordereau 615 ", sont établis sous la responsabilité du chirurgien, ainsi que sous la responsabilité du service gestion de la clinique; que dès lors elles étaient tenues comme les prévenus, au respect des dispositions de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris sur ce point ;

Considérant que la demande de Monsieur A au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale sera rejetée, les dispositions du dit article ne bénéficiant qu'à la partie civile; que devra également être rejetée sa demande de publication du présent arrêt ;

Considérant également que sera rejetée la demande de dommages-intérêts de Monsieur B pour procédure abusive ; qu'en effet les dispositions de l'article 472 du Code de procédure pénale ne s'appliquent que dans le cas où l'action publique a été mise en mouvement par la partie civile, que tel n'est pas le cas en l'espèce ;

Par ces motifs, LA COUR : Statuant publiquement, contradictoirement et en second ressort ; En la forme, Reçoit les appels des cliniques " Des Maussins " et " Henner " et de la Caisse d'Assurance Maladie de Paris, parties civiles ; Donne acte de son désistement d'appel à la Caisse d'Assurance Maladie de Paris à l'égard de Messieurs A, B et C, donne acte de leurs désistements d'appel aux cliniques " Des Maussins " et " Henner " à l'égard de Monsieur C, Constate que le jugement est devenu définitif en toutes ses dispositions civiles à l'égard de Monsieur C, Constate que le jugement est devenu définitif en ses dispositions civiles concernant la Caisse d'Assurance Maladie de Paris ; Au fond : Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la clinique " Henner " à l'égard de Monsieur B ; l'infirme pour le surplus ; Déclare recevable la constitution de partie civile de la clinique " Des Maussins " à l'égard de Messieurs B et A ainsi que la constitution de partie civile de la clinique " Henner " à l'égard de Monsieur A, Les déboute comme non fondées ; Rejette les demandes de Messieurs A et B respectivement fondées sur les dispositions des articles 475-1 et 472 du Code de procédure pénale ; Rejette la demande de Monsieur A tendant à la publication du présent arrêt par extraits aux frais des parties civiles.