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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 14 mars 2001, n° 1998-22873

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Arnaud Franel Editions (Sté), Société Education et Financière Internationale SEFI (Sté)

Défendeur :

Editions Play Bac SNC (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Marais

Conseillers :

M. Lachacinski, Mme Magueur

Avoués :

SCP d'Auriac Guizard, Me Baufumé

Avocats :

Mes Chevallier, de Haas.

T. com. Paris, 15e ch., du 25 sept. 1198

25 septembre 1198

Se prévalant de droits de propriété intellectuelle sur un modèle de fichier de questions-réponses et reprochant aux sociétés Arnaud Franel Editions et SEFI de l'avoir reproduit, la société Editions Play Bac a saisi le Tribunal de commerce de Paris qui, par jugement du 25 septembre 1998, a :

- dit qu'Arnaud Franel exerçant sous l'enseigne Arnaud Franel Editions et la société SEFI se sont rendus coupables de concurrence déloyale à l'égard de la société Editions Play Bac,

- fait interdiction à ces sociétés de poursuivre la commercialisation des produits litigieux, sous astreinte de 500 F par infraction constatée à compter du dixième jour suivant la signification du jugement,

- condamné solidairement Arnaud Franel et la société SEFI à payer à la société Editions Play Bac les sommes de 150 000 F à titre de dommages-intérêts et de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- autorisé la société Editions Play Bac à publier le jugement à ses frais dans cinq périodiques de son choix,

- condamné solidairement Arnaud Franel et la société SEFI aux dépens.

LA COUR,

Vu l'appel de cette décision interjeté le 23 octobre 1998 par les sociétés Arnaud Franel Editions et SEFI ;

Vu les dernières écritures signifiées le 22 novembre 2000 par lesquelles la société Arnaud Franel Editions et la société SEFI, poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, soutiennent que la société Editions Play Bac ne démontre pas que la présentation sous forme de fiches questions-réponses est originale et ne peut donc se prévaloir de la protection au droit du droit d'auteur, que les produits en cause sont différents dans leur conception, les publics visés et leur présentation et ne peuvent induire le consommateur en erreur et concluant au rejet de l'ensemble des demandes, sollicitent l'allocation d'une somme de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 6 septembre 1999 aux termes desquelles la société Editions Play Bac sollicite la confirmation du jugement déféré sauf sur les mesures de réparation ordonnées et demande à la cour de :

- condamner solidairement Arnaud Franel Editions et la société SEFI à lui payer la somme de 300 000 F à titre de dommages-intérêts du fait des actes de contrefaçon, subsidiairement au titre de la concurrence déloyale,

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir, dans cinq journaux de son choix, aux frais des appelants sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder la somme de 20 000 F HT,

- condamner solidairement les appelants à lui payer la somme de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Sur quoi,

- Sur l'originalité du fichier divulgué sous la dénomination "Les Incollables"

Considérant que le fichier sur lequel la société Editions Play Bac revendique des droits d'auteur se caractérise par :

- un nombre variable de fiches cartonnées d'un format 18 x 6cm,

- la réunion de ces fiches par une vis en plastique de couleur blanche placée dans leurs coins inférieurs gauches, de sorte qu'elles puissent s'ouvrir en éventail à la manière d'un pantone de couleur,

- chacune des fiches portent respectivement une série de questions et une série de réponses correspondantes ;

Considérant que dans ses dernières écritures, les appelants ne contestent pas la recevabilité à agir de la société Editions Play Bac, le modèle de fichier litigieux ayant été divulgué sous son nom ;

Considérant qu'il est de tradition, dans le domaine de la décoration, de présenter des fiches de coloris reliées entre elles au moyen d'une vis, comme le reconnaît la société Editions Play Bac ; qu'elle souligne en outre que la réunion des fiches par une vis est destinée à permettre l'ouverture des fiches en éventail ;

Que le fait de transposer cette forme connue à des fiches servant de support à des questions-réponses sur des sujets éducatifs, ne révèle pas un choix créatif de l'auteur ;

Que la présentation des fiches par séries de questions et de réponses, si elle répond à un objectif pédagogique certain, ne porte pas l'empreinte de la personnalité de l'auteur ;

Qu'il s'ensuit que ni les caractéristiques revendiquées par la société Editions Play Bac, ni leur combinaison ne sont originales et ne sauraient constituer une création susceptible de protection au titre du droit d'auteur ;

Considérant que la société Editions Play Bac doit en conséquence être déboutée de ses demandes fondées sur la contrefaçon ;

- Sur la concurrence déloyale et parasitaire :

Considérant que la société Editions Play Bac soutient, qu'en copiant sans nécessité technique ses produits, Arnaud Franel Editions et la société SEFI ont tenté de tirer profit de la notoriété et du succès de ces fichiers en créant un risque de confusion sur l'origine des deux gammes en présence et ont ainsi commis des actes de concurrence déloyale ;

Considérant que la société SEFI et Arnaud Franel exerçant sous l'enseigne Arnaud Franel Editions ont édité trois séries de fichiers questions-réponses consacrés à l'assurance-vie, à la Bourse et à la loi Madelin ;

Considérant que l'expert, désigné par le tribunal de commerce dans le cadre de la procédure de référé, aux fins de donner un avis sur le point de savoir s'il y a contrefaçon et/ou concurrence déloyale et sur le préjudice éventuellement subi, relève entre les fichiers en cause les ressemblances suivantes :

- concernant la conception générale, une série de rectangles cartonnés reliés par une vis blanche, creusée d'un sillon central, située dans le coin gauche inférieur des fiches,

- en ce qui concerne les codes couleur, l'utilisation d'un code différent pour les fiches porteuses de questions et celles portant les réponses,

- concernant la première et la dernière fiche de la série, un rectangle délimite l'espace à l'intérieur duquel les logos, informations sont inscrites ;

Qu'il souligne des dissemblances :

- sur la dimension des fiches, plus longues pour les produits incriminés (6cm pour les fichiers de l'intimée - 8 cm pour les fichiers SEFI),

- l'introduction des questions et des réponses, précédée d'un sommaire pour les fichiers seconds,

- le positionnement des questions et des réponses, présentées sur deux fiches successives chez Editions Play Bac et recto-verso sur la même fiche chez SEFI ;

Qu'il observe, en outre, que seuls les fichiers SEFI comportent un mode d'emploi ;

Considérant que la société Editions Play Bac ne saurait se prévaloir d'un droit privatif sur toute forme de fichier liassé à l'aide d'une vis quant bien même celle-ci serait placée sur le coin gauche des fiches, seul moyen de permettre leur lecture aisée ;

Que les différences mises en évidence par l'expert, que la cour a pu constater à l'examen des fichiers produits, leur confèrent une apparence d'ensemble distincte, excluant tout risque de confusion ;

Qu'il convient de relever, en outre, que les produits édités par la société Editions Play Bac par le choix des couleurs présentent un caractère ludique étranger aux fichiers litigieux, édités sur un fond blanc, l'emploi des teintes noir et rouge étant limité aux intitulés des fiches ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que les fichiers édités par la société Editions Play Bac sous la dénomination "Les incollables" ont connu un succès important auprès des enfants; que s'il ressort des pièces produites aux débats que la société Editions Play Bac édite des fichiers à l'usage des adultestel celui consacré à la défense nationale, il s'agit d'éditions spéciales conçues à la demande d'un organisme commanditaire et distribuées dans le cadre d'actions promotionnelles;

Que les thèmes retenus par les appelants, la Bourse, la loi Madelin, l'assurance-vie excluent également tout risque de confusion avec les fichiers de la société Editions Play Bac ;

Qu'il convient en conséquence de débouter la société Editions Play Bac des demandes qu'elle a formées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ;

Considérant que les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier aux appelants ; qu'il leur sera alloué à ce titre la somme de 20 000 F ;

Que l'appel ayant été déclaré fondé, la société Editions Play Bac doit être déboutée de sa demande sur ce même fondement ;

Par ces motifs : Infirme le jugement entrepris ; Statuant à nouveau, Déboute la société Editions Play Bac de ses demandes au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale ; Condamne la société Editions Play Bac à payer à Arnaud Franel exerçant sous l'enseigne Arnaud Franel Editions et à la société SEFI la somme de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société Editions Play Bac aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.