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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 7 novembre 2001, n° 1999-08153

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

MPM Moulage Plastiques du Midi (SA)

Défendeur :

Gérard Mang (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Marais

Conseillers :

Mmes Magueur, Régniez

Avoués :

SCP Teytaud, SCP Fisselier Chiloux Boulay

Avocats :

Mes Greffe, Robert-Casanova.

T. com. Paris, 15e ch., du 12 févr. 1999

12 février 1999

Spécialisée dans la fabrication d'accessoires pour appareils d'éclairage, la société Moulages Plastiques du Midi, dite MPM, commercialise une boîte de connexion composée d'un ensemble boîtier-couvercle et d'un manchon souple, sous les dénominations "Isodom BBM" et "Isodom BRC".

Ayant constaté que la société Gérard Mang, qui fabrique des douilles électriques et notamment des cordons pré-équipés pour luminaires, après lui avoir acheté courant 1995 et au début de l'année 1996 des boîtiers de connexion pour équiper son matériel, avait cessé toute relation commerciale avec elle et utilisait des boîtiers constituant une copie servile de ses produits, la société MPM a saisi le Tribunal de commerce de Paris aux fins de constatation d'actes de concurrence déloyale et parasitaire.

Par jugement du 12 février 1999, le tribunal a :

- dit que la société Gérard Mang ne s'est pas rendue coupable de concurrence déloyale à l'égard de la société MPM,

- débouté la société MPM de toutes des demandes,

- débouté la société Gérard Mang de sa demande d'indemnisation pour procédure abusive et de sa demande de publication,

- condamné la société MPM à payer à la société Gérard Mang la somme de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- rejeté le surplus des demandes.

LA COUR,

Vu l'appel de cette décision interjeté le 8 mars 1999 par la société MPM ;

Vu les écritures signifiées le 6 juillet 1999 par lesquelles la société MPM, poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, soutient à cet effet que :

- la société Gérard Mang, qui commercialise des luminaires intégrant des boîtes de connexion, se trouve bien en situation de concurrence avec elle,

- les boîtes de connexion utilisées par la société Gérard Mang sont la copie servile des ses propres produits,

- la société Gérard Mang s'est ainsi, sans le moindre effort, approprié son travail et ses investissements industriels, commerciaux et publicitaires,

et demande à la cour de :

- dire que ces faits constituent des agissements de concurrence déloyale et parasitaire,

- condamner la société Gérard Mang à lui payer la somme provisionnelle de 1 million de F de dommages-intérêts et de désigner un expert pour évaluer le surplus de son dommage,

- interdire, sous astreinte définitive et non comminatoire de 100 F par infraction constatée, à la société Gérard Mang de commercialiser des modèles de boîtes de connexion reproduisant les modèles MPM,

- ordonner, à titre de supplément de dommages-intérêts, la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux de son choix, aux frais de la société Gérard Mang, sans que le coût de chaque insertion soit inférieur à 30 000 F HT,

- condamner la société Gérard Mang à lui payer la somme de 30 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les dernières écritures signifiées le 9 mai 2000 aux termes desquelles la société Gérard Mang sollicite la confirmation du jugement déféré faisant valoir qu'elle n'est pas le fabricant des boîtiers incriminés, que leur forme est imposée par la norme LCIE de telle sorte qu'elle est purement fonctionnelle, que la société MPM ne justifie pas du préjudice qu'elle invoque et réclame en outre l'allocation d'une indemnité de 150 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et d'une somme de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi que la publication du jugement à intervenir ;

Vu les dernières écritures signifiées le 27 septembre 2001 par lesquelles la société MPM réitère ses demandes et réplique que la reprise à l'identique de la forme du boîtier et de sa présentation n'est justifiée par aucune nécessité fonctionnelle et qu'en se procurant un produit identique chez un autre fabricant pour obtenir un meilleur prix, la société Gérard Mang a commis une faute ;

Vu l'ordonnance de clôture du 1er octobre 2001 ;

Vu les conclusions signifiées le 1er octobre 2001 par lesquelles la société Gérard Mang demande à la cour de rejeter les conclusions et pièces signifiées et communiquées le 27 septembre 2001 par la société MPM ;

Sur quoi,

- Sur l'incident de procédure :

Considérant que la société MPM a conclu pour la dernière fois deux j ours ouvrables avant le prononcé de la clôture et communiqué 4 nouvelles pièces parmi lesquelles trois pièces pour justifier de son préjudice ; que ce court délai n'a pas permis à la société Gérard Mang d'en prendre utilement connaissance et d'y répliquer ; que la société MPM ne justifie pas avoir été dans l'impossibilité de communiquer ces documents et de conclure antérieurement, alors que les dernières écritures de l'intimée ont été signifiées quinze mois auparavant, le 9 mai 2000 ;

Que les conclusions signifiées le 27 septembre 2001 et les quatre pièces communiquées le même jour doivent donc être écartées des débats ;

- Sur la concurrence déloyale et parasitaire :

Considérant qu'il n'est pas contesté que la société Gérard Mang s'est approvisionnée pendant plus d'un an auprès de la société MPM en boîtiers de connexion dénommés "Isodom" qui lui étaient livrés accompagnés de la mention "Mang" ; que les factures produites aux débats établissent qu'à compter du mois de janvier 1996, la société Gérard Mang a acheté les boîtes de connexion équipant son matériel pour suspensions de luminaires auprès de la société de droit italien 3M ;

Considérant que si la société Gérard Mang ne fabrique pas les boîtiers de connexion incriminés, elle les intègre dans les cordons pré-équipés pour suspensions qu'elle commercialise et se trouve donc à ce titre en situation de concurrence avec la société MPM ; qu'en tout état de cause, les agissements parasitaires peuvent être constitutifs de faute en l'absence de toute situation de concurrence ;

Considérant que la société MPM n'invoque aucun droit privatif sur le boîtier de connexion qu'elle fabrique ;

Considérant que si le simple fait de copier un produit concurrent, qui n'est pas protégé par des droits privatifs de propriété intellectuelle, ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale et si la recherche d'une économie au détriment d'un concurrent n'est pas en tant que telle fautive mais procède de la liberté du commerce et de la libre concurrence, il n'en est pas de même lorsque ces actes traduisent un comportement fautif engendrant pour celui qui en est l'objet un préjudice ;

Considérant qu'il ressort du procès-verbal de constat dressé le 1er octobre 1997 au magasin à l'enseigne Le Printemps à Paris, des catalogues MPM et des modèles de boîtiers de connexion produits aux débats que le boîtier portant la référence "Mang" reproduit à l'identique celui de la société MPM dans sa forme et dans ses dimensions ;

Considérant que si ce type d'outillage présente nécessairement des similitudes résultant d'impératifs techniques tels que définis dans la norme EN 60.598-1, dont des extraits sont produits aux débats, il n'est pas démontré que la forme et les dimensions adoptées répondent à ces prescriptions, dont l'objectif est d'assurer une isolation complète des conducteurs d'alimentation; que seule la dimension minimum du boîtier de raccordement est définie dans ce document ; qu'il n'est pas contesté que les boîtiers de connexion en présence ne présentent pas ces dimensions: que la société MPM établit par la production de matériel fabriqué par des entreprises concurrentes (catalogue S FEAB 1997, Câbles-cordons Girard-Sudron 1996) qu'il est possible de concevoir des boîtiers de connexion de forme et de dimensions différentes ; que si la recherche d'une économie apparaît légitime, elle ne saurait justifier la reprise à l'identique des caractéristiques non imposées du modèle concurrent ;

Que ce comportement traduit la volonté délibérée d'entretenir dans l'esprit du public une confusion entre les produits, en laissant accroire que les boîtiers de connexion équipant les cordons pour luminaires qu'elle commercialise proviennent toujours de la société MPM ;

Considérant qu'en s'adressant délibérément à un autre fournisseur, pour obtenir à meilleur prix, un matériel constituant la copie servile de celui qui lui était précédemment livré par la société MPM, la société Gérard Mang a commis une faute engageant sa responsabilité à l'égard de celle-ci;

Qu'il convient donc, réformant le jugement entrepris, de constater que la société Gérard Mang a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au détriment de la société MPM ;

- Sur les mesures réparatrices :

Considérant que si la société MPM a subi une baisse de son chiffre d'affaires du fait de la perte de la clientèle de la société Gérard Mang, les correspondances échangées entre les parties produites aux débats démontrent qu'elle a été dans l'incapacité, pendant la durée de leurs relations commerciales, d'assurer à son client un approvisionnement régulier et de qualité ; que néanmoins les faits dénoncés ont causé à la société MPM un trouble commercial justifiant l'allocation d'une indemnité de 200 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation de son entier dommage, sans qu'il soit nécessaire de recourir à une mesure d'expertise ;

Que la mesure d'interdiction sollicitée apparaît justifiée pour mettre un terme aux agissements fautifs; qu'il sera également fait droit à la demande de publication selon les modalités précisées au dispositif ;

Considérant que l'appel ayant été déclaré fondé, la société Gérard Mang doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Considérant que les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier à la société MPM ; qu'il lui sera alloué à ce titre la somme de 30 000 F ;

Que la solution du litige commande de rejeter la demande sur ce même fondement formée par la société Gérard Mang ;

Par ces motifs : Ecarte des débats les écritures signifiées le 27 septembre 2001 par la société MPM et les quatre pièces communiquées le même jour ; Infirme le jugement entrepris ; Statuant à nouveau, Dit que la société Gérard Mang a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre de la société MPM ; Condamne la société Gérard Mang à payer à la société MPM la somme de 200 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et parasitaire ; Interdit la poursuite des actes susvisés, sous astreinte de 100 F par infraction constatée, passé un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt ; Autorise la société MPM à faire publier le dispositif de la présente décision, en entier ou par extraits, dans trois journaux ou revues de son choix, aux frais de la société Gérard Mang, sans que le coût de chaque insertion puisse excéder la somme de 20 000 F HT ; Condamne la société Gérard Mang à payer à la société MPM la somme de 30 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Rejette le surplus des demandes ; Condamne la société Gérard Mang aux entiers dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.