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Décisions

Cass. crim., 25 juin 2003, n° 02-86.503

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Canivet

Rapporteur :

M. Canut

Avocat général :

M. Davenas

Avocats :

Mes Spinosi, Foussard.

Montpellier, ch. corr., du 25 juin 2002

25 juin 2002

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par : M Christophe, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 25 juin 2002, qui l'a condamné : 1 - pour infraction aux règles sur la facturation et au Code de la consommation, à 6 mois d'emprisonnement ave csursis, 100 000 francs d'amende, à ordonné une mesure de confiscation et la publication de la décision et a prononcé sur les réparations civils ; 2 - pour infraction à la législation sur les contributions indirectes, à des amendes et pénalités fiscales ; Vu les mémoires produits, en demande et en défense, et les observations complémentaires présentées en défense; - Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Christophe M, viticulteur, a pris livraison, au cours de l'été 2000, d'une importante quantité de sucre, payé en espèces et sans facturation ; que, lors d'une perquisition effectuée à son domicile le 21 septembre 2000, par des gendarmes assistés d'agents du service de la viticulture des Douanes, des prélèvements de vin ont été effectués dans plusieurs cuves; que ces échantillons, placés sous scellés, ont été analysés par le laboratoire de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, qui a conclu que la récolte de l'année 2000 avait été enrichie par saccharose; que Christophe M a été cité à comparaître devant le tribunal correctionnel, d'une part, à la requête du Procureur de la République, des chefs d'achats de produits sans facture pour une activité professionnelle, de détention de produit propre à effectuer une falsification de denrées alimentaires, de falsification de denrée alimentaire et de tentative de tromperie sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toutes marchandises, d'autre part, à la requête de l'administration des Douanes et Droits Indirects, des chefs de circulation de sucre sans titre de mouvement, de détention de sucre sans déclaration et d'enrichissement irrégulier de vin par saccharose, et ce en état de récidive; - En cet état: - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 215-1 et suivants et R. 215-1 et suivants du Code de la consommation, 56, 76, 388, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité des actes de l'enquête et de la procédure subséquente soulevée in limine litis et déclaré le prévenu coupable des in fractions visées à la prévention;

"aux motifs qu'"il résulte de la procédure et des débats que les premiers juges ont exactement et complètement rapporté les faits de la cause et la procédure dans un exposé auquel il est ici expressément référé; que "sur la nullité du scellé n° 4 et du rapport d'expertise du 16 janvier 2001, les éléments de preuve de la responsabilité pénale du prévenu ont été recueillis dans le cadre d'une enquête préliminaire menée sous la responsabilité du Procureur de la République; qu'il s'agit d'une procédure administrative non soumise aux règles de l'information menée par un juge d'instruction ni soumise aux dispositions du Code de la consommation et de la répression des fraudes, les agents de la Direction de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes, étant intervenus comme sachants aux côtés des agents et officiers de police judiciaire"; que "dès lors Christophe M ne peut se prévaloir d'aucune nullité liée aux modalités de la saisie des pièces à conviction comme à la conservation des scellés qui ont été opérées dans le respect des dispositions des articles 16 à 19 et 76 du Code de procédure pénale seules applicables"; qu'"un exemplaire des pièces à conviction saisies a été remis et laissé à la garde de Christophe M dont le contenu pouvait être analysé à sa demande dans le cadre d'une contre-expertise cependant non sollicitée"; que "le prévenu n'apporte aucun commencement de preuve de ses dires tenant à l'existence d'une atteinte aux droits de la défense consécutive aux opérations d'expertise";

"alors que les officiers et agents de police judiciaire qui sont habilités par l'article L. 215-1 du Code de la consommation à constater les fraudes et falsifications prévues par les articles L. 213-1 et suivants dudit Code, sont tenus de respecter, lorsqu'ils effectuent des prélèvements dans le cadre d'une enquête portant sur ces in fractions, les dispositions du Code de procédure pénale sur les saisies et prélèvements mais encore les règles correspondantes du Code de la consommation, et plus particulièrement les dispositions sur l'étiquetage et la mise sous scellés des échantillons prélevés;

"alors qu'en tout état de cause, la cour d'appel, qui s'est bornée à affirmer que les opérations de saisie comme de mise sous scellés des échantillons ont été faites dans le respect de l'article 76 du Code de procédure pénale, n'a pas répondu au chef péremptoire des conclusions du prévenu qui soutenait que les scellés n'avaient pas été placés dans des conditions assurant l'intégrité des échantillons, le rapport d'expertise ne faisant aucunement référence à l'obligation de briser les scellés pour réaliser les analyses demandées; - "alors qu'au surplus, la cour d'appel n'a pas plus répondu au chef péremptoire des conclusions du prévenu selon lequel aucune indication de l'expertise ne permettait de s'assurer que les échantillons soumis à l'expert correspondaient à ceux qui avaient été prélevés sur sa propriété, ce qui ôtait toute valeur au travail de l'expert;

"alors qu'enfin, la cour d'appel ne pouvait déduire l'absence d'atteinte aux droits de la défense du fait que le prévenu n'avait pas demandé de contre-expertise, dès lors que le prévenu invoquait la nullité de l'expertise réalisée, sans se contenter d'en contester les conclusions et que, dans le cadre d'une enquête préliminaire, le Code de procédure pénale ne prévoit aucune possibilité de demander une contre-expertise; qu'il appartenait à la cour d'appel de rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si l'expertise réalisée devait être annulée dès lors qu'elle portait sur des échantillons dont les scellés ne permettaient pas d'assurer l'intégrité et qu'elle ne précisait nullement si elle était fondée sur les échantillons prélevés sur la propriété du prévenu, ce qui portait nécessairement atteinte aux droits de la défense de ce dernier";

Attendu que, pour écarter la nullité des actes de l'enquête préliminaire tirée de l'inobservation, par les officiers de police judiciaire, des dispositions réglementaires prévues par le Code de la consommation pour la recherche et la constatation des délits poursuivis, l'arrêt, par motifs adoptés, énonce que l'apposition des scellés, telle que constatée par le laboratoire, suffit à apporter la preuve que les échantillons de vin n'ont pas subi de manipulation, et qu'aucun élément ne permet de douter qu'il s'agit de ceux prélevés, étiquetés et scellés lors de la perquisition du 21 septembre 2000 au domicile de Christophe M;

Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs et dès lors que, selon l'article R. 215-1 du Code de la consommation, les dispositions invoquées ne font pas obstacle à ce que la preuve desdites infractions puisse être établie par toutes voies de droit commun, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision; d'où il suit que le moyen ne peut être admis;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3 du Code pénal, L. 213-1 du Code de la consommation, 591, 593 du Code de procédure pénale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de falsification;

"aux motifs qu'"il résulte des éléments de l'enquête et du rapport d'expertise, que 262 hectolitres de vins doux de la récolte de l'année 2000 ont été enrichis par saccharose dans la proportion de 3 à 4 %; "qu'il est établi que les échantillons de moût en fermentation saisis et analysés par l'expert ont été stabilisés afin de prévenir toute évolution de leur composition; "qu'il convient de remarquer que le prévenu reconnaît la réception comme la détention de sucre pour une partie seulement de la quantité achetée mais ne s'explique pas sur la disparition d'une partie de ce sucre; "que le prévenu a reconnu avoir acheté le sucre pour chaptaliser ses vins"; "que la chaptalisation était interdite à la date des faits et dans le département de l'intéressé pour les vins de liqueur et les VQPRD; que Christophe M a reconnu savoir que la chaptalisation était interdite sans l'avoir jamais "vu marqué quelque part" ; "que l'intention coupable découle de la conscience qu'avait le prévenu en sa qualité de viticulteur, professionnel confirmé, de falsifier les boissons et de tromper le consommateur sur la nature et les qualités substantielles de ces boissons en tentant de vendre du vin qui ne pouvait prétendre du fait d'un enrichissement irrégulier à l'appellation de VDN Muscat de Rivesaltes"; "que c'est donc à juste titre et par des motifs pertinents que la cour adopte expressément que les premiers juges, tirant des circonstances de la cause les conséquences juridiques qui s'imposaient, en caractérisant en tous ses éléments tant matériel qu'intentionnel les délits reprochés, ont retenu la culpabilité du prévenu";

"alors que les falsifications consistant en la fabrication de produits dans des conditions qui ne sont pas conformes à la réglementation, la cour d' appel avait l'obligation de préciser quelle disposition réglementaire fixant les conditions de fabrication du vin avait été violée en l'espèce";

Attendu que la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de falsification dont elle a déclaré le prévenu coupable, dès lors qu'elle a retenu, selon les éléments de l'enquête et du rapport d'expertise, que Christophe M a enrichi par saccharose, dans une proportion de 3 à 4 %, 262 hectolitres de vin doux de la récolte de l'année 2000, alors que la chaptalisation était interdite à la date des faits dans le département concerné; d'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-4 du Code pénal, L. 213-1 du Code de la consommation, 388, 510 et 591 du Code de procédure pénale;

"en ce que l'arrêt a déclaré le prévenu coupable de tentative de tromperie;

"aux motifs propres que "la chaptalisation était interdite à la date des faits et dans le département de l'intéressé pour les vins de liqueur et les VQPRD; que Christophe M a reconnu savoir que la chaptalisation était interdite sans l'avoir jamais "vu marqué quelque part"; que l'intention coupable découle de la conscience qu'avait le prévenu en sa qualité de viticulteur, professionnel confirmé, de falsifier les boissons et de tromper le consommateur sur la nature et les qualités substantielles de ces boissons en tentant de vendre du vin qui ne pouvait prétendre du fait d'un enrichissement irrégulier à l'appellation de VDN Muscat de Riversaltes"; "que c'est donc à juste titre et par des motifs pertinents que la cour adopte expressément que les premiers juges, tirant des circonstances de la cause les conséquences juridiques qui s'imposaient, en caractérisant en tous ses éléments tant matériel qu'intentionnel les délits reprochés, ont retenu la culpabilité du prévenu";

"et aux motifs adoptés que "les délits reprochés à Christophe M sont établis par les témoignages recueillis, les constatations, perquisitions, analyses opérées dans le cadre de l'enquête préliminaire, et le caractère peu convaincant des déclarations du prévenu";

"alors que, les juges du fond ne peuvent statuer que sur les faits relevés dans l'ordonnance ou la citation qui les a saisis, à moins que le prévenu ait expressément accepté d'être jugé sur des faits nouveaux; que la cour d'appel ne pouvait retenir à l'encontre du prévenu, à défaut du consentement de ce dernier, une tentative de tromperie en considérant que celui-ci avait tenté de vendre du vin qui ne pouvait prétendre à l'appellation de Rivesaltes quand la citation à comparaître devant le tribunal correctionnel visait une tentative de tromperie résultant d'une demande d'agrément de l'INAO";

Attendu qu'en déclarant Christophe M coupable de tentative de tromperie sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition, ou la teneur en principes utiles de la marchandise, ladite tentative manifestée par un commencement d'exécution ayant consisté à soumettre à l'agrément de l'INAO sous l'appellation de Muscat de Rivesaltes un vin falsifié, la cour d'appel n'a pas excédé sa saisine, dès lors que cette demande d'agrément était un préalable à la commercialisation des produits; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, 1791, 1804, 1804 A du Code général des impôts, L. 213-1 et L. 213-4 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Christophe M coupable de falsifications de vins, tentative de tromperie, réception et détention de sucre sans titre et enrichissement irrégulier de vins et l'a notamment condamné à payer trois amendes fiscales de 1 000 F chacune, des pénalités proportionnelles de 1 058 400 F, 105 522 F et 105 522 F ainsi qu'une amende pénale de 100 000 F;

"aux motifs adoptés que "les délits poursuivis sont établis; qu'il y a lieu de faire droit aux conclusions de l'administration des douanes, excepté pour ce qui concerne la confiscation des vins saisis, cette mesure étant ordonnée dans le cadre de l'action pénale";

"alors que le cumul de sanctions fiscales et pénales doit être tel que le montant global des sanctions prononcées ne dépasse pas le montant maximum des sanctions encourues en application de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen ; qu'en condamnant le prévenu à une amende de 100 000 F pour falsification de vins, à une amende de 1 000 F et à une pénalité de 1 058 400 F pour enrichissement irrégulier de vin, à une amende de 1 000 F et à une pénalité proportionnelle de 105 522 F pour réception de sucre sans titre, à la même amende et la même pénalité proportionnelle pour détention de sucre sans titre, la cour d'appel a violé le principe de proportionnalité des peines";

Attendu que le moyen, qui conteste la constitutionnalité d'une disposition légale, est inopérant; d'où il suit que le moyen doit être écarté;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, 111-3 et 111-4 du Code pénal, 5111 de la loi n° 70-576 du 3 juillet 1970, 1791, 1804 du Code général des impôts, 591 et 593 du Code de procédure pénale;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Christophe M à payer trois amendes fiscales, des pénalités proportionnelles pour réception de sucre sans titre, détention de sucre sans titre et enrichissement irrégulier de vins;

"aux motifs que "les délits poursuivis sont établis; qu'il y a lieu de faire droit aux conclusions de l'administration des douanes, excepté pour ce qui concerne la confiscation des vins saisis, cette mesure étant ordonnée dans le cadre de l'action pénale";

"alors que, d'une part, la cour d'appel ne pouvait confirmer la condamnation pour réception de sucre et détention de sucre sans titre de mouvement sans préciser quels droits ou autres impositions avaient été éludés par le prévenu, l'article 1791 du Code général des impôts renvoyant aux autres dispositions dudit Code quant à la définition de ces droits et impôts; qu'elle devait d'autant plus préciser le texte d'incrimination auquel se référait l'article 1791 que le prévenu invoquait dans ses conclusions, laissées sans réponse sur ce point, le fait que la réception et la détention de sucre sans titre constituaient la même infraction;

"alors que, d'autre part, la cour d'appel ne pouvait condamner le prévenu pour enrichissement irrégulier de vins sans préciser quels textes législatifs ou réglementaires relatifs à l'amélioration de la qualité des vins auxquels se réfère l'article 1804 du Code général des impôts avaient été violés;

"alors qu'en tout état de cause la cour d'appel ne pouvait retenir l'infraction de réception de sucre sans titre dès lors que l'article 426 du Code général des impôts qui imposait un tel titre de mouvement, selon l' administration Douanière, a été abrogé par l'article 5111 de la loi n° 70-576 du 3 juillet 1970";

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches: - Attendu que les condamnations de Christophe M pour circulation et détention de sucre sans titre et pour enrichissement irrégulier de vin ayant été prononcées sur le fondement d'articles du Code général des impôts et de dispositions de règlements CEE, expressément visés dans la citation à comparaître délivrée au susnommé à la requête de l'administration des Douanes et Droits Indirects, les griefs ne sont pas fondés;

Mais, sur le moyen, pris en sa troisième branche : - Vu les articles 111-3 du Code pénal et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : - Attendu que, selon ces textes, nul ne peut être puni pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi en termes clairs et non équivoques, permettant au prévenu de connaître exactement la nature et la cause de l'accusation portée contre lui;

Attendu que, pour déclarer Christophe M coupable de circulation de sucre sans titre de mouvement, l'arrêt attaqué prononce par application de l'article 426 du Code général des impôts, visé dans la citation;

Attendu cependant, que l'article 5. III de la loi n° 576 du 3 juillet 1970, portant simplifications fiscales, a abrogé l'article 426 du Code général des impôts, abrogation appelée à entrer en vigueur après publication d'un décret en Conseil d'Etat, devant intervenir avant le 1er juillet 1971, prévu comme pouvant prescrire les mesures propres à améliorer le contrôle du sucrage en première cuvée; que ce décret n'a pas été pris ; que si l'article 18 de la loi de finances rectificative du 29 décembre 1994 fait référence à l'article 426 du Code précité, son contenu reste incertain, les dispositions prescrites se bornant à énoncer que les mots "de sucre ou de glucose" sont remplacés par les mots "de sucre, de glucose, d'isoglucose ou de sirop d'inuline"; qu'en cet état, l'article 426 dudit Code ne peut servir de fondement à une poursuite du chef d'infraction à la législation des contributions indirectes; d'où il suit que la cassation est encourue;

Par ces motifs : Casse et annule, par voie de retranchement, en ses seules dispositions ayant condamné Christophe M sur l'action fiscale, du chef de circulation de sucre sans titre de mouvement, l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Montpellier, en date du 25 juin 2002, toutes autres dispositions étant expressément maintenues; Dit n'y avoir lieu à renvoi.