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Décisions

CA Douai, 3e ch., 7 janvier 1999, n° 95-05836

DOUAI

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Union générale du Nord (SA), Willot Delaoutre

Défendeur :

Facon (SA), Fibralux (sté), Autographe (sté), MAAF, Compagnie d'assurances Axa assurances Le Stratège

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Maîtreau

Conseillers :

MM. Crousier, Cagnard

Avoués :

Mes Masurel- Thery, Coheme-Kraut, Le Marc'Hadour Pouille- Groulez, Congos Vandendaele

Avocats :

Mes Sellier, Lefevre, Six, de Mereuil.

TGI Lille, du 23 mars 1995

23 mars 1995

La société UGN et Gilles Willot ont interjeté appel du jugement rendu le 23 mars 1995 par le Tribunal de grande instance de Lille qui les a déboutés de leurs demandes tendant à la réparation de préjudices occasionnés par l'explosion d'une ampoule basse tension halogène d'un luminaire.

Invoquant l'obligation de sécurité à laquelle sont tenus en application des articles 1135 et 1147 du Code civil tant le fabricant que le vendeur intermédiaire et le vendeur final, la société UGN et Gilles Willot demandent à la cour, réformant le jugement déféré, de :

- déclarer les sociétés Facon, Fibralux et Autographe entièrement responsable du sinistre,

- les condamner in solidum avec leur compagnie d'assurances AXA et MAAF à payer, avec intérêts à compter du jour du sinistre à titre de dommages et intérêts complémentaires, les sommes de 888 F (franchise) et 10 000 F (trouble de jouissance) à Gilles Willot et de 40 963 F à la compagnie UGN, ainsi qu'à tous les deux 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Facon (vendeur final du lampadaire) et son assureur, la compagnie AXA, sollicitent le paiement de 7 000 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Ils font valoir que les appelants n'apportent pas la preuve nécessaire au succès de leurs prétentions d'un vice affectant le lampadaire ou d'un manquement qu'aurait commis la société Facon dans ses obligations de vendeur.

La société Autographe (fabricant du lampadaire) et son assureur la MAAF concluent également à la confirmation du jugement et réclament le paiement de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Autographe et la MAAF font valoir qu'il n'y a pas de lien contractuel entre l'utilisateur et le fabricant qui ne peut donc être tenu qu'au titre de l'obligation de sécurité ou de conseil, qu'aucun manquement à l'une ou l'autre de ces obligations n'a été démontré, que l'origine du sinistre est à rechercher non pas dans le lampadaire mais dans l'ampoule qui a éclaté dont la société Autographe n'est pas le fabricant et qui a d'ailleurs été changée dans l'intervalle entre l'achat et le sinistre, qu'enfin il n'existe aucun système de protection particulièrement préconisé sur le plan technique et qu'à cet égard aucune obligation ne pèse sur le fabricant.

Ils sollicitent en conséquence la confirmation du jugement déféré et le paiement de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Très subsidiairement, ils concluent au rejet de la demande d'indemnisation d'un trouble de jouissance selon eux non démontré.

La société Fibralux, vendeur médiat des lampadaires, fait valoir qu'il n'est pas démontré que c'est l'ampoule livrée avec le lampadaire qui se trouve à l'origine du dommage, que l'expertise du cabinet Pecqueux et Potin mandaté par l'UGN à laquelle elle n'a ni participé, ni été appelée lui est inopposable, que seule le fabricant contracte à l'égard de l'utilisateur une obligation de livrer des produits exempts de vice ou de défaut de fabrication qui serait de nature à créer un danger.

La société Fibralux conclut en conséquence à la confirmation du jugement et sollicite le paiement de 8 000 F à titre de dommages et intérêts pour appel abusif ainsi que de 4 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par conclusions ultérieures elle sollicite à titre subsidiaire la condamnation solidaire de la société Facon, de la compagnie AXA, de la société Autographe et de la MAAF à la garantir de toutes condamnations qui seraient mises à sa charge et à lui payer 4 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Motifs :

Il est constant que le sinistre qui est survenu le 11 décembre 1991 a été provoqué par l'explosion de l'ampoule basse tension halogène montée sur le luminaire acheté le 27 mars 1991 par Gilles Willot à la société Facon qui l'avait elle-même acheté à la société Facon, laquelle l'avait acquis du fabricant, la société Autographe.

Il est également constant que le luminaire ne comportait pas de dispositif - qui existe pourtant sur ce type d'appareil, sous forme notamment de plaque de verre ou encore de plaque de métal grillagé - qui serve de système de protection de l'ampoule non seulement pour empêcher tout contact direct avec celle-ci mais également pour éviter au cas, qui est celui de l'espèce et qui constitue un risque connu, d'explosion de l'ampoule la projection d'éclats incandescents.

Il est dans ces circonstances suffisamment démontré que le luminaire ne satisfaisait pas aux prescriptions de l'article L. 221-1 du Code de la consommation invoqué par les appelants qui dispose que les produits doivent, dans les conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes.

Dès lors, sans qu'il soit besoin de s'interroger sur le point de savoir si l'ampoule qui a éclaté était celle ou non livrée avec le luminaire qui, en toute hypothèse aurait dû pour satisfaire à l'obligation de sécurité comporter un dispositif propre à pallier les conséquences dommageables de cet éclatement, le fabricant ainsi que les vendeurs successifs doivent in solidum pour manquement à cette obligation de sécurité la réparation du préjudice subi par l'utilisateur.

Contrairement à ce qu'elle invoque, la société Fibralux a été convoquée aux opérations de l'expertise amiable organisée par l'UGN ainsi qu'il en est justifié par la production de la copie de la lettre recommandée qui lui a été adressée le 27 décembre 1991 pour la réunion tenue le 22 janvier 1992.

La somme de 40 963 F versée par la compagnie UGN, qui correspond à l'évaluation effectuée par le cabinet Pecqueux et Potier avec les représentants de la société AXA et de la MAAF des dommages causés au mobilier et aux embellissements de l'immeuble de Gilles Willot et appuyée sur des devis, est justifiée.

Gilles Willot est de son côté fondé à réclamer le remboursement de la franchise de 888 F ainsi que l'indemnisation du trouble de jouissance chiffré à 5 000 F subi nécessairement du fait de ces dommages.

La société Fibralux est, elle, fondée à demander la garantie des condamnations mise à sa charge à la société Autographe, fabricant du matériel auprès de laquelle elle l'a acquis, et à la MAAF son assureur, mais non pas à la société Facon à laquelle elle a elle-même vendu ce matériel.

Il sera fait application du bénéfice des appelants des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à hauteur de 5 000 F.

Les autres demandes formées sur le même fondement ou à titre de dommages et intérêts par les intimées qui succombent dans leurs moyens de défense seront écartées

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, infirme le jugement déféré, statuant à nouveau, Condamne in solidum les sociétés Facon, Fibralux et Autographe, et les compagnies AXA et Mutuelles Assurance Artisanale de France, avec intérêts à compter du présent arrêt : - à la compagnie Union générale du Nord, la somme de 40 963 F, - à Gilles Willot, la somme de 5 888 F, - à la compagnie Union générale du Nord et à Gilles Willot sur le fondement de l'article 700, la somme de 5 000 F, Condamne la société Autographe et la compagnie Mutuelle Assurance Artisanale de France in solidum à garantir la société Fibralux du montant de ces condamnations et des dépens mis à la charge de celle-ci, Rejette toutes autres demandes, Condamne sous la même solidarité les sociétés Facon, Fibralux et Autographe ainsi que les compagnies AXA et Mutuelle Assurance Artisanale de France aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement au profit de la SCP d'avoués Masurel-Thery dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.