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Décisions

CA Douai, 3e ch. civ., 24 mars 1989, n° 2851-87

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Evrard (Mme)

Défendeur :

Dimatal (SARL), Mutuelle Générale Française Accidents (Sté), Manurhin (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Ergal

Conseillers :

MM. Lebel, Fallet

Avoué :

Mes Normand

Avocats :

Mes Verdet, SCP Woog Sari

Lille, du 3 mars 1987

3 mars 1987

La cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, au jugement rendu le 3 mars 1987 par le Tribunal de grande instance de Lille qui a :

- déclaré Madame Evrard irrecevable en son action fondée sur les articles 1641 et suivants du Code civil,

- l'a déboutée de son action sur le fondement des règles contractuelles, délictuelles ou quasi- délictuelles,

- déclaré sans objet le recours en garantie de la société Dimatal et de la Mutuelle Générale Française Accidents (MGFA) à l'encontre de la société Manurhin,

- débouté les parties de toutes autres demandes, plus amples ou contraires.

Madame Evrard Michèle née Humez a relevé appel de cette décision. Elle soutient par conclusions signifiées et déposées le 3 novembre 1987 qu'elle n'a pu avoir connaissance exacte et précise du vice caché qu'à la suite du dépôt du rapport d'expertise intervenu le 20 novembre 1985, l'expert judiciaire ayant déterminé que le mauvais fonctionnement du poussoir hydraulique avait pour cause un vice de construction soit la réalisation de la pièce de centrage en alliage d'aluminium peu résistant aux agents de corrosion et non en acier inoxydable. Compte tenu de la nature du vice et des circonstances de la cause, il ne peut être reproché à Madame Evrard d'avoir tardé à engager son action.

Son action est par ailleurs bien fondée compte tenu des conclusions sans équivoque de l'expert judiciaire Monsieur Nesslany, qui attribue son accident au défaut de conformité du VE du centrage du piston réalisé en alliage d'aluminium peu résistant aux agents de corrosion et non pas en acier inoxydable ce qui fait que la pièce s'est délitée et que le poussoir est devenu impropre à l'usage auquel il était il était destiné. D'autre part, la société Dimatal, vendeur professionnel, ne pouvait ignorer la fragilité intrinsèque du VE de centrage, et donc l'existence du vice de fabrication, ce qui l'oblige à réparer les dommages corporels causés à l'usager, conformément à l'article 1645 du Code civil.

Madame Evrard s'estime fondée, par ailleurs, en vertu de l'article 1382 du Code civil, à demander réparation au fabricant du poussoir, la société Manurhin qui a commis l'imprudence de concevoir et de fabriquer un poussoir hydraulique muni d'une pièce de centrage réalisée en alliage d'aluminium subsidiairement pour le cas où s'appliquerait la responsabilité contractuelle, elle estime disposer, conformément à l'arrêt de l'Assemblée Plenière de la Cour de cassation du 7 février 1986 d'une action directe contre la société Manurhin fondée sur la non-conformité de la chose vendue, action qui s'exerce dans le délai de droit commun.

Elle conclut à un dire les sociétés Dimatal et Manurhin responsables de l'accident qui lui est survenu le 5 janvier 1983, à la condamnation in solidum de la MGFA, et de la société Manurhin à lui payer 20 000 F à titre de provision, outre 6 653,46 F pour les frais d'expertise dont elle a fait l'avance, à la désignation d'un médecin expert.

La MGFA fait valoir que l'action de Madame Humez Evrard ne saurait prospérer à son encontre car à supposer même qu'elle rapporte la preuve de l'existence d'un vice caché, elle aurait dû, en vertu des dispositions de l'article 1648 & 1 du Code civil intenter son action dans un bref délai. Le point de départ du délai doit être fixé au jour de l'accident puisque Madame Evrard a reconnu elle-même devant l'expert judiciaire, avoir déterminé que c'était le décalage du poussoir qui était la cause de son accident. Or il s'est écoulé 14 mois entre l'accident et la mise en cause de Dimatal par les époux Evrard, par lettre recommandée avec avis de réception, 26 mois entre l'accident et l'assignation en référé du fabricant (16 septembre 1985), De tels délais excèdent de toute évidence le bref délai prévu par l'article 1648 du Code civil.

Par ailleurs Madame Evrard a tardé encore à agir après la constatation par un technicien du service après vente de la SARL Dimatal d'un vice du fonctionnement le 31 janvier 1984, et la mise en cause de cette société par lettre du 28 mars 1984, alors qu'il aurait été, en l'espèce, nécessaire d'agir rapidement compte tenu de l'utilisation fréquente de la machine incriminée.

En effet, seule une action rapide aurait permis d'établir qu'à une époque contemporaine de l'accident, le VE en alliage d'aluminium était déjà désagrégé et a bien été à l'origine du dommage subi par Madame Evrard.

A titre subsidiaire La MGFA argumente qu'au moins une fois par semaine Madame Evrard devait démonter le piston à viande pour nettoyer la partie de la cuve se trouvant en dessous du poussoir. Il est donc impossible, cette pièce s'étant détériorée de façon progressive, que Madame Humez Evrard ne se soit pas rendu compte de l'anomalie avant l'accident. Madame Evrard doit en conséquence être déboutée de toutes ses demandes, n'ayant pu ignorer au jour de l'accident le vice caché.

En ce qui concerne le vendeur, il n'a pu à aucun moment avant l'accident avoir eu connaissance du vice caché, qui n'est apparu qu'après la mise en marche de l'appareil par l'acquéreur. Après la vende des époux Humez Evrard n'ayant jamais fait appel à la société Dimatal pour l'entretien de la machine, cette dernière n'a pu prendre connaissance du vice.

La MGFA fait valoir par ailleurs, que la preuve du lien de causalité entre le vice invoqué et le dommage subi n'est pas rapportée, qu'il s'agisse d'une action fondée sur les articles 1184 ou 1641 et suivants du Code civil est impossible de déduire des constatations de l'expert effectuées au cour du 2e semestre 1985, que la désagrégation du VE de centrage du piston, pouvait être à l'origine d'un accident subi par Madame Evrard, 2 ans et demi avant les opérations d'expertise.

L'utilisation de la machine s'est poursuivie régulièrement après l'accident, ce qui fait que l'état de la pièce litigieuse était forcément différent de celui constaté par l'expert 30 mois plus tard.

En ce qui concerne l'action de Madame Evrard à l'encontre de Manurhin le fabricant, fondée sur l'article 1184 du Code civil, soit sur un prétendu défaut de conformité de la chose vendue, il aurait fallu que lors de la remise de la chose, celle-ci ait présenté en apparence le vice dont l'existence est aujourd'hui à l'origine de l'action formulée contre le vendeur ou à tout le moins que durant la période de 4 ans et demi d'utilisation de la machine, les époux Evrard aient émis des réserves quant à une éventuelle non conformité du poussoir. A titre infiniment subsidiaire en ce qui concerne le défaut de conformité, le vendeur n'est pas tenu d'une obligation de résultat quant aux dommages causés à l'acquéreur par la chose vendue. Il appartiendrait à Madame Evrard de rapporter la preuve non seulement d'une faute du vendeur, mais également d'un lien de causalité entre le dommage subi et cette faute prétendument constituée par le défaut de conformité.

En ce qui concerne l'action fondée sur les dispositions de l'article 1382 du Code civil, elle n'est pas davantage recevable, ces dispositions ne pouvant en principe être invoquées pour le règlement de la faute commise dans l'exécution d'une obligation résultant d'un engagement contractuel.

Enfin si la cour, jugeait que la demande de Monsieur Evrard tendant à rendre responsable les sociétés Dimatal et Manurhin de son accident est recevable et bien fondée, la MGFA, actionnée directement en raison de la liquidation de bien fondée, la MGFA, actionnée directement en raison de la liquidation de biens de la société Dimatal, est fondée à demander la condamnation de Manurhin à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre. Elle conclut au débouté de Madame Humez Evrard de toutes ses demandes, à sa condamnation à lui payer 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. A titre subsidiaire à un dire que la société Manurhin devra la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre elle, à sa condamnation à lui payer 5 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Manurhin développe la même argumentation que la MGFA, et ajoute que les témoignages produits par Madame Evrard ne peuvent établir avec certitude qu'à la date de l'accident le VE de centrage était dégradé, et qu'il a été la cause de l'accident.

Par ailleurs Manurhin, fabricant, a donné des instructions précises dans sa notice d'entretien, qui n'ont pas été respectées (vidange de l'huile par le bouchon, nettoyage du bac et des deux filtres de la pompe, remplacement de l'huile par de l'huile neuve en évitant le mélange de deux huiles successives). Or ces opérations n'ont jamais été effectuées par les époux Evrard. Les conséquences de ce non respect ne peuvent engager la responsabilité du fabricant. La société Manurhin conclut à la confirmation du jugement déféré, et au débouté de Madame de toutes ses demandes.

Madame Evrard réplique par conclusions signifiées et déposées le 7 décembre 1988 sur le bref délai, qu'à la suite de la lettre de Monsieur Evrard du 28 mars 1984, la compagnie d'assurances a mandaté un expert qui ne s'est rendu sur place que le 28 octobre 1984. Il est conforme aux usages d'attendre l'expertise amiable de la compagnie et sa position avant d'engager une procédure.

La connaissance du vice par l'acquéreur n'est nullement établie. Quant au vendeur professionnel il doit connaître les points faibles de son matériel. Le lien de causalité entre le vice invoqué et le dommage subi n'est pas contesté par l'expert de la compagnie qui a décrit le mécanisme de l'accident dans son rapport du 25 octobre 1984. Enfin elle n'a jamais utilisé le poussoir de façon anormale et a toujours nettoyé régulièrement son appareil, en se conformant en tout à la notice du vendeur.

Décision :

Sur l'action de Madame Evrard fondée sur les dispositions de l'article 1641 du Code civil :

En vertu de ces dispositions le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix, qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur. Le vendeur professionnel comme le fabricant sont tenus de connaître les vices affectant la chose vendue.

Il est établi par les pièces et documents du dossier que les époux Evrard, exploitant une entreprise de Salaison Charcuterie produits divers de charcuterie qu'ils réalisent et vendent sur les marchés, ont acquis en septembre 1979 de la société Dimatal, société de Diffusion de matériel alimentaire pour bouchers-charcutiers, un poussoir vertical fabriqué par la société Manurhin, destiné à la fabrication de saucisses-boudins. La machine a été facturée le 14 septembre 1979 pour le prix de 27 527,60 F TTC. Elle a été installée dans le laboratoire et Madame Evrard, qui participe à la fabrication des différents produits, s'est servie régulièrement du poussoir. Le 5 janvier 1983, alors que la machine était arrêtée, Madame Evrard qui était occupée à nettoyer la cuve, a eu trois doigts de la main gauche prix entre le piston et la cuve. Les trois doigts ont dû être amputés. Il ne reste à la victime que le pouce et l'index.

L'expert désigné en référé (par ordonnance en date du 23 avril et 24 septembre 1985) Monsieur Georges Nesslany ayant reçu pour mission de décrire le poussoir hydraulique, de rechercher les circonstances, la ou les causes de l'accident, a exposé que la machine est de conception simple, constituée d'un bâti recouvert d'un carénage en tôle inox. En partie haute se trouve la cuve en tôle inox cylindrique. En partie supérieure, un couvercle de forte épaisseur pivotant dans le sens horizontal sur un axe. La fermeture du couvercle est assurée par l'encastrement dans une chape. A l'intérieur de la cuve se déplace le poussoir à viande fixé sur la tige du piston, c'est sous l'action d'un vérin hydraulique à double effet (montée- descente) que s'effectue le cycle hydraulique commandé par le levier situé au niveau de la hanche de l'opérateur. La pression hydraulique est réglable, mais peut atteindre 120 lorsque le vérin hydraulique se trouve à fond de course, haute ou basse, un clapet de tarage s'ouvre et l'huile retourne au bac.

L'expert a procédé à la dépose du poussoir, qui se centre sur la tige du vérin par un encastrement cylindrique et qui est maintenu à la tige par un via centrale BIR. Ce poussoir est réalisé en fonte, le dessous est oxydé, il comporte trois nervures disposées à 90° en opposition à la nervure du bas. A 180 ° coté extérieur se trouve l'encoche par où la viande s'évacue. Le principe de démontage ou montage du poussoir est donc la suivante : le poussoir dot être démonté pour nettoyer la partie de la cuve se trouvant en-dessous du poussoir. Au remontage, la gorge du poussoir doit se trouver parfaitement centrée quand il arrive au point mort bas, la nervure fonte rencontre une pièce fixée sur le fond en forme de VE femelle qui oblige le poussoir à se positionner et de ce fait l'encoche supérieure se trouve exactement face à la sortie de la viande. En examinant la cuve, après avoir déposé le poussoir, l'expert a constaté que le VE était manquant et qu'il restait qu'une faible partie fixée par les deux vis BIR.

Madame Evrard a déclaré à l'expert que le 5 janvier 1983, après s'être servi de la machine, elle avait procédé à son nettoyage, en faisant descendre le poussoir et en déversant dans la cuve un seau d'eau avec du tepol. De sa main gauche plongée dans l'eau, elle nettoyait l'intérieur de la cuve, le vérin étant en cours de montée, c'est alors que l'accident s'est produit, le poussoir n'étant pas parfaitement positionné et c'est le bord extérieur du poussoir n'étant pas parfaitement positionné et c'est le bord extérieur du poussoir qui lui a accroché les doigts avec l'encoche de sortie de la machine. Du fait qu'il y avait d'eau dans la cuve, elle ne s'était pas rendu compte du décalage du poussoir, cause de l'accident. L'expert a en présence des parties, prélevé le morceau restant du VE pour analyse.

Monsieur Nesslany a conclu que l'accident survenu à Madame Evrard a pour origine le mauvais positionnement du poussoir, le VE en alliage d'aluminium n'ayant pas les qualités mécaniques requises, s'est désagrégé progressivement. Cette même pièce réalisée en acier inox austénitique aurait coûté quelques francs de plus que la pièce d'alu, mais serait toujours à l'état neuf et avec les mêmes propriétés mécaniques.

Les dires de l'expert quant aux circonstances de l'accident survenu à Madame Evrard sont confirmés par plusieurs témoignages de personnes (préposés des époux Evrard) qui ont assisté à l'accident.

L'accident de Madame Evrard est donc dû à un vice caché de la chose vendue à savoir la mauvaise qualité mécanique du VE fixée sur le fond obligeant le poussoir à se positionner de façon à ce que l'encoche supérieure soit située juste en face de la sortie de la viande.

Cependant, en vertu des dispositions de l'article 1648 du Code civil, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée dans un bref délai. Il convient de déterminer le point de départ du délai. En l'espèce, il résulte des propres déclarations de Madame Humez Evrard à l'expert judiciaire que la victime a su, dès son accident, que celui-ci était du au décalage du poussoir. De surcroît à supposer même que le 5 janvier 1983, Madame Evrard n'ait pas eu connaissance de la cause du décalage du poussoir, la lettre adressée le 28 mars 1984 par Monsieur Evrard à la société Dimatal démontre que le 31 janvier 1984 les époux Evrard savaient de façon indiscutable que l'appareil vendu présentait un vice de fonctionnement dont il était résulté le grave accident, car ils en avaient été avertis par un technicien de Dimatal affecté au service après vente, qui était passé chez eux et avait examiné la machine. Or ce n'est que le 25 mars 1985 que Madame Evrard a fait assigner la SARL Dimatal en référé aux fins d'expertise, et la société Manurhin en référé aux mêmes fins le 16 septembre 1985, c'est à dire dans la meilleure des hypothèses : 13 mois après la connaissance du vice caché, pour la société venderesse, 18 mois après la connaissance du vice caché, pour la société fabricante. Comme l'ont, à juste titre souligné les premiers juges, de tels délais excèdent de toute évidence le bref délai prévu par l'article 1648 du Code civil. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont estimé que Madame Evrard étant irrecevable en son action fondée sur les articles 1641 et suivants du Code civil.

Sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun :

Madame Evrard ne peut prospérer dans son action directe qui ne peut être que de nature contractuelle qu'elle a exercée non contre le vendeur Dimatal, mais seulement contre la société Manurhin, fabricant de la machine poussoir, qu'en démontrant que l'appareil fabriqué et conçu par cette société présentait un défaut de conception, qui a été la cause de son accident. Le fabricant vendeur a en effet l'obligation de délivrer une machine conforme à sa destination normale.

Il résulte des témoignages versés aux débats par Madame Evrard, que l'accident s'est produit alors qu'elle nettoyait le poussoir, qui avait été utilisé pour faire des saucisses. Madame Evrard a bien eu la main gauche coincée dans le poussoir. Par ailleurs, Monsieur Nesslany qui, certes a examiné le VE ce centrage du poussoir 3 ans après l'accident, a pu cependant, en procédant au prélèvement d'un morceau du VE restant au fond de la cuve, l'analyser et déterminer ainsi que ce VE en alliage d'aluminium n'avait pas les qualités mécaniques requises, et s'est, de ce fait, progressivement désagrégé.

L'expert a été formel : si cette même pièce avait été réalisée en acier inox austénitique, elle aurait coûté quelques francs de plus que la pièce d'alu, mais serait toujours à l'état neuf et avec les mêmes propriétés mécaniques.

En conséquence, l'accident occasionné à Madame Evrard, par le mauvais positionnement du poussoir est en relation directe de cause à effet avec le défaut de fabrication et de conception d'une pièce importante de la machine qui avait pour but de centrer automatiquement le piston à la machine, sans démontage de celle-ci. La défectuosité de cette pièce rendait l'utilisation de la machine dangereuse.

Les conclusions de l'expert judiciaire rejoignent d'ailleurs celles du cabinet MIEG et DUCA, experts de la compagnie d'assurances de Dimatal, la Compagnie MGFA., qui remarque que le V de centrage est a priori un élément sécuritaire puisque les formes relatives lumière-encoche interdisent tout accident si le centrage est correcte. Il est illogique selon ces experts que cette pièce soit réalisée en alliage d'aluminium qui par sa conception est fragile et sujette aux attaques chimiques des produits de nettoyage (les autres pièces à l'exception du piston étant en acier).

Le centrage étant impératif en ce qui concerne la sécurité de l'utilisation, il y a donc eu un défaut de conception du fabricant, qui engage sa responsabilité contractuelle à l'égard de Madame Evrard pour défaut de délivrance de la machine vendue.

Cependant pour obtenir la garantie contractuelle de la société Manurhin fabricante du poussoir hydraulique, la dame Evrard devait respecter la notice d'entretien qui était remise en même temps que la machine vendue, à l'acquéreur et utilisateur du poussoir.

Or il s'est avéré, au cours des opérations d'expertises, qui ont comporté le démontage du poussoir hydraulique, que diverses saletés et notamment des particules alimentaires, ont été dégagées par Monsieur Nesslany. Ce dernier a d'ailleurs souligné que ce fait était révélateur puisque les efforts de nettoyage sont toujours déployés en prévision d'un rendez-vous d'expertise. La découverte de ces détritus démontre que le nettoyage du poussoir n'a jamais été effectué conformément à la notice d'entretien qui indique qu'une fois par mois au moins il faut nettoyer l'intérieur du cylindre avec de l'eau chaude et du détersif. Il est spécifié également qu'après usage, " toutes les parties ayant été en contact avec la viande doivent être lavées à l'eau chaude sans détersif ".

De surcroît, en pratique, il est certain que les inévitables fuites entre piston et cylindre entraînaient une obligation de procéder au démontage du piston à viande, pour des raisons évidentes d'hygiène. L'opération de démontage du piston amenait indiscutablement l'opérateur, même s'il n'était pas un technicien à constater la quasi disparition du V de centrage ou à tout le moins sa dégradation progressive. Il appartenait donc à l'utilisatrice habituelle de la machine de demander à son vendeur une vérification et un dépannage de celle-ci, d'autant plus que, comme les experts l'ont constaté, il y avait une anomalie visible en extérieur de la machine (décalage lumière encoche). Madame Evrard était parfaitement consciente de cette anomalie, puisqu'elle a précisé à Monsieur Nesslany qu'elle ne s'était pas rendu compte du décalage du poussoir, du fait qu'il y avait de l'eau dans la cuve. Cette déclaration démontre que Madame Evrard avait déjà constaté avant son accident, le décalage du poussoir, ce qui aurait dû l'amener à faire procéder à une vérification et à une révision de la machine par la société venderesse qui avait un service après vente.

Madame Evrard a reconnu n'avoir jamais fait appel à Dimatal pour l'examen approfondi de la machine, notamment celui des moteurs après l'accident. Ce point comme l'a souligné l'expert est à déplorer. En effet, si Dimatal avait été appelé régulièrement pour l'entretien approfondi du poussoir, les techniciens n'auraient pas manqué de contrôler la pièce de sécurité.

En conséquence, Madame Evrard ne s'étant pas conformée aux conseils d'utilisation et de nettoyage de la machine donnée par le fabricant dans sa notice d'entretien et aux règles de la plus élémentaire prudence, ne peut rendre ce dernier responsable contractuellement pour délivrance d'une machine non conforme à l'usage auquel elle était destinée. Le jugement ayant débouté Madame Evrard doit donc être confirmé.Il n'est pas équitable de laisser à la charge de la MGFA et de la société Manurhin les frais irrépétibles exposés par elles en appel.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Y ajoutant débouté les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires, Condamne Madame Evrard Humez aux dépens d'appel avec le droit pour Maître Cocheme et la SCP Masurel Théry, avoués à la cour, de les recouvrer conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.