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Décisions

CA Paris, 25e ch. A, 6 juin 1997, n° 96-16012

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

MFG Studio (SA)

Défendeur :

de Bonneville Orlandini (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard-Payen

Conseillers :

M. Faucher, Mme Deurbergue

Avoués :

Me Bodin-Casalis, SCP Fanet

Avocats :

Mes Salembien, Lecuyer.

T. com. Paris, 17e ch., du 26 mars 1996

26 mars 1996

LA COUR statue sur l'appel interjeté par la SA Marithé et François Girbaud, dite MFG Studio du jugement du Tribunal de commerce de Paris (17e chambre), prononcé le 26 mars 1996, qui l'a condamnée à payer à la SA de Bonneville Orlandini dite SBO, la somme de 135 000 F HT en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 23 octobre 1993 ainsi qu'une indemnité de 7 000 F en vertu de l'article 700 du NCPC, et qui a débouté les parties de leurs autres demandes.

Appelante de ce jugement, la société MFG Studio expose qu'elle avait confié, contre paiement d'une rémunération forfaitaire mensuelle de 15 000 F HT, à la société SBO une mission limitée de réflexion et de recommandations sur des actions à entreprendre pour promouvoir la vente de ses produits, que le travail effectué par l'intimée n'a pas été concluant, que les parties ont décidé de mettre fin au contrat qui les liait à compter du 1er avril 1993 et que les mensualités seraient payées jusqu'à cette date.

Toutefois, la société SBO a contesté l'existence de cet accord et l'a assignée devant le Tribunal de commerce de Paris qui a fait droit à sa demande de paiement des mensualités des mois d'avril, mai et juin 1993 et du préavis de six mois.

La société MFG Studio conclut à l'infirmation de ce jugement, au débouté des prétentions de l'intimée et à sa condamnation à lui payer une indemnité de 15 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Elle fait valoir en substance que la convention qui lie les parties n'est pas un contrat d'agence de publicité, que l'intimée n'a d'ailleurs pas fourni de prestations de cette nature puisque l'appelante dispose de son propre service de communication avec un budget de trente à quarante millions de francs par an, que l'intimée s'est limitée à faire des recommandations d'actions ponctuelles, une étude d'après une enquête de la SOFRES, des préconisations pour la participation à un salon professionnel à Nîmes, qu'aucune prestation significative n'a été effectuée pendant le premier trimestre de l'année 1993 ainsi qu'en mai.

Elle soutient que la lettre de Pierre de Bonneville ne peut remettre en cause l'accord passé avec son associé, qui exclut le paiement d'une indemnité de préavis. Elle ajoute à ce sujet que les usages en la matière ne lui sont pas opposables puisqu'elles les ignoraient.

La société SBO réplique que la mission qui lui a été confiée est un contrat d'agence de publicité et que l'appelante est irrecevable à prétendre, pour la première fois en appel, que tel ne serait pas le cas.

Elle fait remarquer que la présence d'un service de communication au sein d'une entreprise n'interdit pas le recours à une agence de publicité et que le budget de l'intimée en France n'est certainement pas du montant indiqué, puisque ses créateurs sont aux Etats-Unis et qu'ils ont fermé leur boutique à Paris, qu'elle a eu d'ailleurs de nombreuses difficultés à faire exécuter la condamnation prononcée en première instance, qui était assortie de l'exécution provisoire.

Elle soutient que son travail n'a jamais été critiqué, qu'aucun accord n'est intervenu le 10 juin 1993 pour constater la rupture du contrat qui ne lui a été dénoncée que par lettre du 9 juillet 1993, que c'est donc à bon droit que le tribunal lui a accordé le paiement des mensualités du deuxième trimestre de l'année 1993, ainsi qu'une indemnité de préavis de six mois conformément aux usages en la matière.

En conséquence, elle prie la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner l'intimée à lui payer une indemnité complémentaire de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

La société MFG Studio réplique qu'elle a déjà contesté en première instance, être liée à l'intimée par un contrat d'agence de publicité et elle fait valoir que Muriel de Lamarzelle atteste de la tenue de la réunion au cours de laquelle a été décidée la rupture des relations des parties.

Sur quoi, LA COUR,

Considérant sur les demandes de rejet des débats de la communication de pièces du 18 avril 1997, des conclusions signifiées les 16 et 30 avril 1997 par l'appelante et le 30 avril 1997 par l'intimée, que, si cette dernière a eu un délai suffisant pour répondre aux écritures qui lui ont été signifiées le 16 avril, il n'en est pas de même pour les pièces communiquées le vendredi alors que l'audience des plaidoiries était fixée au mardi suivant ; que ces pièces doivent être écartées des débats ; que les conclusions signifiées postérieurement à l'ordonnance de clôture seront aussi rejetées, faute pour les parties de justifier de l'existence d'une cause grave permettant la révocation de cette ordonnance ;

Considérant que le 1er juin 1992, l'agence de publicité SBO a adressé à la société MFG Studio un document intitulé "lettre d'accord" précisant les modalités de leur collaboration ; que le 10 juin l'appelante a écrit à l'intimée qu'elle lui retournait ce document après l'avoir signé ;

Considérant que l'appelante n'est donc pas fondée à soutenir que cette lettre qu'elle a signée et dont elle a accepté les termes, ne refléterait pas exactement ses intentions ; qu'elle constitue la convention des parties et fait foi de leurs rapports ;

Considérant que la société MFG Studio prétend qu'il ne s'agirait pas d'un contrat d'agence de publicité ; que l'intimée lui oppose l'irrecevabilité de ce moyen parce qu'elle ne l'aurait pas soulevé en première instance ;

Mais considérant qu'en vertu de l'article 563 du NCPC, les parties peuvent, pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, invoquer des moyens nouveaux ; qu'il s'en suit que l'appelante est recevable à contester devant la cour la qualification du contrat ;

Considérant que l'appelante prétend n'avoir donné à l'intimée qu'une simple mission de réflexion et de recommandation, qu'elle disposait elle-même d'un service de communication avec un budget de trente à quarante millions de francs, sans rapport avec la rémunération convenue avec la société SBO ;

Considérant toutefois que <oppv>l'importance de son budget consacré à la communication et la présence en son sein de personnes qualifiées en cette matière, ne lui interdisait pas de confier une mission à une agence de publicité, ce qu'elle a d'ailleurs fait ;</oppv>

Considérant que <oppv>c'est en cette qualité, mentionnée expressément dans la lettre d'accord, que la société SBO a contracté ;</oppv>que <oppv>la mission qui lui a été confiée ne concernait pas uniquement le conseil </oppv>; qu'<oppv>il lui avait été demandé en effet, de " recommander et justifier les actions à entreprendre, et les réaliser : stratégie de communication, exécutions créatives, achat d'art et production - exécution - édition, média-planning, achat d'espace et contrôle" ;</oppv>que <oppv>la convention prévoyait son intervention dans d'autres domaines, nécessitant l'autorisation préalable de l'appelante, comme certains achats, opérations hors médias, ou production TV</oppv>; qu'<oppv>elle était rémunérée à la fois pour son activité de conseil, mais aussi pour les "services rendus" </oppv>; que <oppv>les obligations à sa charge relèvent d'un contrat d'agence de publicité ;</oppv>

Considérant qu'<oppv>il est justifié par l'intimée qu'elle a fait différentes propositions et exécuté plusieurs prestations concernant une campagne d'affichage, des actions de communication sur les marques, les produits, le concept du "mouvement" retenu par l'appelante, sur la participation de cette dernière au salon professionnel du jean à Nîmes, avec des suggestions sur les conditions d'exposition des modèles et la réalisation de documents ou d'objets assurant la publicité de cette société ;</oppv>qu'<oppv>elle a aussi fait une proposition de stratégie à partir d'une étude réalisée par la SOFRES </oppv>; que l'appelante n'a formulé aucune critique en cours d'exécution du contrat et qu'elle n'allègue pas que ses demandes ou observations n'auraient pas été prises en compte ; que c'est avec mauvaise foi qu'elle reproche à l'intimée de ne pas avoir participé à la préparation et à l'organisation des défilés, alors qu'elle ne démontre pas l'avoir sollicitée sur un sujet relevant plus particulièrement de sa propre compétence ;

Considérant qu'aucune preuve n'est apportée par l'appelante, qui en a la charge, de la décision qui aurait été prise par les parties de rompre leurs relations contractuelles au cours d'une réunion qui se serait tenue le 10 juin 1993 ; qu'en effet, le seul témoignage de Muriel de Lamarzelle, employée de la société MFG Studio, en raison du lien de subordination existant entre elles, n'a pas l'impartialité nécessaire pour être pris en considération ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'intimée qui a exécuté ses obligations jusqu'à la fin du mois de juin 1993 est en droit d'obtenir le paiement de ses prestations ;

Considérant que l'appelante à laquelle incombe la rupture brutale de la convention qui liait les parties, qui ne conteste pas l'usage du paiement d'une indemnité de préavis égale à six mois de rémunération, prétend qu'il ne lui serait pas opposable parce qu'elle l'ignorait et que l'accord du 10 juin 1993 l'excluait ;

Mais considérant d'une part, qu'il n'y a pas eu d'accord à ce sujet ; que d'autre part, <oppv>un tel usage ne pouvait être méconnu d'une société qui affirme disposer, pour sa communication, d'un service interne spécialisé dans ce domaine et d'un budget de trente à quarante millions de francs, qui en outre, a déclaré avoir réalisé en 1993, un chiffre d'affaires mondial de plus d'un milliard de francs;</oppv>que <oppv>le moyen est dénué de pertinence</oppv>; qu'<oppv>il s'en suit que l'indemnité est due et que le jugement sera confirmé ;</oppv>

Considérant qu'il est équitable d'allouer à l'intimée une indemnité complémentaire de 10 000 F par application de l'article 700 du NCPC ; qu'en revanche l'appelante, partie perdante doit être déboutée de sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles ;

Par ces motifs : Ecarte des débats les pièces numérotées 37, 38 et 39 communiquées le 18 avril 1997 par la société MFG Studio ainsi que les conclusions signifiées le 30 avril 1997 par les parties, Confirme le jugement déféré, Condamne la société MFG Studio à payer à la société SBO une indemnité complémentaire de 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC, Déboute la société MFG Studio de ses demandes, La condamne aux dépens d'appel, admet la SCP Fanet, avoué, au bénéfice de l'article 699 du NCPC.