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Décisions

CA Paris, 25e ch. A, 31 janvier 1997, n° 94-3933

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Delchambre

Défendeur :

SEP Mediafoot (Sté), Association Sporting Club de Toulon et du Var SCTV, Bor (ès qual.), JPE Engel (Sté), Labo Invest (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard-Payen

Conseillers :

M. Faucher, Mme Deurbergue

Avoués :

SCP Valdelièvre-Garnier, SCP Lagourgue, SCP Bernabe-Ricard, SCP Narrat-Peytavi

Avocats :

Mes Pradel, Tramoni, Horn.

T. com. Paris, 6e ch., du 29 nov. 1993

29 novembre 1993

LA COUR statue sur l'appel interjeté par Honoré Delchambre du jugement réputé contradictoire rendu le 29 novembre 1993 par le Tribunal de commerce de Paris (6e chambre) qui, après s'être déclaré compétent, l'a condamné à payer à la société SEP Mediafoot ci-après SEP et à l'Association Sporting Club de Toulon et du Var " SCTV " la somme de 6 millions de F augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 mars 1992, a condamné les sociétés Labo Invest et JPE Engel à payer chacune à Honoré Delchambre la somme de 500 000 F avec intérêts au taux légal à compter du 4 juin 1993, a débouté les parties du surplus de leurs prétentions et a condamné respectivement Honoré Delchambre et les sociétés Labo Invest et JPE Engel à payer au titre de l'article 700 du NCPC, 20 000 F à la société SEP Mediafoot et à l'Association Sporting Club de Toulon et du Var et 2 000 F à Honoré René Delchambre.

Référence étant faite au jugement attaqué et aux écritures échangées entre les parties pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, il suffit de rappeler que le litige qui les oppose concerne l'exécution d'un contrat de sponsoring, conclu le 5 juillet 1991, entre d'une part, la société SEP Mediafoot " SEP " et l'Association Sporting Club de Toulon et du Var " SCTV ", d'autre. part, la société Azuror, société en formation représentée par Honoré Delchambre, ayant pouvoirs de ses partenaires, contrat qualifié de simple projet par ce dernier qui avait, en outre, soulevé l'incompétence du Tribunal de commerce de Paris.

Au soutien de son appel, Honoré Delchambre prétend :

- en premier lieu, que le Tribunal de commerce de Paris est incompétent pour connaître du litige qui l'oppose aux intimées, puisque la société Azuror n'ayant jamais été immatriculée et n'ayant pas même fait l'objet d'un contrat de société, il n'a pas lui-même la qualité de commerçant, que le contrat de parrainage en cause n'est pas par essence un acte de commerce de telle sorte que le tribunal a retenu à tort qu'il en était un et a dénaturé les dispositions de l'article 48 du NCPC, en opérant une confusion entre acte de commerce et qualité de commerçant,

- à titre subsidiaire, que dans la mesure où la société SEP Mediafoot est intervenue à l'acte litigieux " au nom et pour le compte de l'Association Sporting Club de Toulon et du Var ", dont l'ensemble des actifs ont été cédés avant même que ne soit rendu le jugement dont appel, à la suite du jugement rendu le 13 octobre 1993 par le Tribunal de grande instance de Toulon, la SEP n'avait plus à agir ; qu'au surplus, ce jugement, ayant mis fin aux fonctions de Me Bor ès qualités de représentant des créanciers de l'association, celui-ci ne peut plus utilement en cette qualité, conclure au nom de celle-ci ;

- surabondamment, qu'il résulte des éléments des débats que la convention du 5 juillet 1991, n'était qu'un projet qui devait faire l'objet d'une convention complémentaire qui n'a jamais été signée ; que de plus, la société Azuror n'ayant jamais fait l'objet d'un contrat de société et dès lors qu'il n'a pas été précisé à l'acte qu'il aurait agi en tant que fondateur de cette société en formation, ce qui est contraire à la réalité, Honoré Delchambre ne saurait être condamné sur le fondement de l'article 1843 du Code civil ; qu'il n'est intervenu à l'acte qu'en qualité de représentant légal de la société Azurex avec laquelle la SEP a correspondu après la signature de l'acte ; qu'au surplus l'obligation à titre personnel qu'aurait pu avoir Honoré Delchambre envers les intimées, est dépourvue de cause.

Il conclut en conséquence à la réformation du jugement dont appel et demande à la cour :

- de déclarer incompétent le Tribunal de commerce de Paris au profit du Tribunal de grande instance de Draguignan,

- de déclarer irrecevable la SEP et Me Bor ès qualités de représentant des créanciers en leurs demandes,

- de rejeter l'ensemble de leurs prétentions,

- de les condamner au paiement de 100 000 F de dommages-intérêts pour procédure abusive et réticence à donner en son temps toutes indications sur la situation juridique de l'Association, ainsi que 75 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Dans l'hypothèse où la cour entrerait en voie de condamnation à son encontre, Honoré Delchambre demande à être garanti par les sociétés JPE Engel et Labo " Invest ".

La société SEP Mediafoot qui conteste l'argumentation développée par l'appelant, conclut à la confirmation du jugement déféré et à l'allocation d'une indemnité de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Maître Bor ès qualités de représentant des créanciers et de commissaire à l'exécution du plan du Sporting Club de Toulon et du Var qui rappelle que les droits litigieux issus de la procédure en cours n'ont pas été cédés dans le cadre du plan de cession communiqué aux débats, prie la cour de lui donner acte de son intervention en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan et de ce qu'il s'en rapporte à justice sur le mérite de l'appel.

Il sollicite également la cour de déclarer irrecevable toute demande de condamnation à l'encontre de l'Association, par application des articles 47 et 48 de la loi du 25 janvier 1985.

La société JPE Engel observe l'absence de motivation et de fondement juridique de la demande présentée contre elle par Honoré Delchambre et soutient que la société Azuror n'a jamais été constituée, ni n'a jamais été en voie de formation, que de plus, la société JPE n'a jamais souscrit, ni promis de souscrire à l'acte intitulé " contrat " en date du 5 juillet 1991, que cette société n'a donc aucune obligation contractuelle envers qui que ce soit et n'a jamais commis aucune faute de nature à entraîner sa responsabilité délictuelle à l'encontre de l'une quelconque .des parties à l'acte précité.

Elle demande dès lors à la cour:

- de donner acte à Jean-Pierre Engel, en sa qualité de dirigeant de la société JPE, de ce qu'il émet les plus vives réserves quant à la sincérité du document intitulé " contrat " et versé aux débats,

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à payer à Honoré Delchambre, la somme principale de 500 000 F, outre intérêts, frais et accessoires, ainsi que celle de 2 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC et de débouter celui-ci de l'ensemble de ses demandes et de le condamner au paiement de 50 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Honoré Delchambre répliquant à la société JPE Engel, précise que son action en garantie envers cette société, trouve son fondement dans les dispositions des articles 1984 et suivants du Code civil et notamment dans celles de l'article 1998 du même Code, comme dans les règles concernant la solidarité et conclut au rejet de l'ensemble des prétentions de la société JPE Engel.

Sur ce, LA COUR :

1°) Sur la compétence :

Considérant que l'appelant soutient que la clause attributive de compétence insérée à " l'acte " du 5 juillet 1991 au profit des juridictions parisiennes, ne lui est pas opposable conformément à l'article 48 du NCPC, puisqu'en signant cet acte pour une société en formation qui n'a pas acquis la personnalité morale, il n'avait pas la qualité de commerçant ; qu'il invoque l'arrêt rendu le 8 novembre 1994 par la Cour de cassation qui, à l'occasion du même litige entre les mêmes parties, a cassé sans renvoi l'arrêt rendu par la 14e chambre de cette cour ;

Considérant que de son côté la SEP invoque à l'appui de la compétence des tribunaux de Paris la convention de Bruxelles, le lieu d'exécution du contrat et la nature commerciale du contrat objet du litige ;

Considérant qu'il est constant qu'Honoré Delchambre citoyen belge, est domicilié à Bruxelles, que par application de l'article 5-1er de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 " le défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat contractant peut être attrait, dans un autre Etat contractant :

1° - en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée... "

Qu'en l'espèce, le contrat de parrainage de l'équipe du Sporting Club de Toulon et du Var, laquelle à l'époque jouait en première division du championnat de France, devait s'exécuter sur l'ensemble du territoire et notamment à Paris où elle devait rencontrer l'équipe du Paris- Saint-Germain, qu'ainsi, les juridictions parisiennes étaient compétentes pour connaître du litige opposant les parties ;

Qu'au surplus, l'objet du contrat en cause consistait à promouvoir la marque " Azuror " dont l'appelant était le propriétaire, que cette convention était donc à l'évidence de nature commerciale relevant de la compétence de la juridiction consulaire ;

Qu'à supposer les juridictions civiles et le Tribunal de grande instance de Paris compétents dans la mesure où Honoré Delchambre en signant cet acte, n'avait pas la qualité de commerçant, la cour étant juridiction d'appel relativement à cette juridiction, elle peut évoquer le fond par application de l'article 86 du NCPC ;

2°) Sur la recevabilité des demandes :

Considérant à titre liminaire qu'il ressort du jugement rendu le 13 octobre 1993 par le Tribunal de grande instance de Toulon, arrêtant le plan de cession de l'Association et de ce plan lui-même, versés aux débats, que le contrat de parrainage en cause, ne figure pas dans les contrats repris ;

Considérant que si la SEP a été mentionnée au contrat du 5 juillet 1991, comme dûment habilitée au nom et pour le compte de l'Association, il n'en demeure pas moins que dans ce contrat, des obligations personnelles étaient prévues à la charge de la SEP, ainsi que des prestations et obligations des autres parties contractantes au profit personnel de celle-ci ; qu'ainsi, la SEP est recevable en ses demandes formées envers l'appelant ;

Qu'il convient également de donner acte à Maître Bor, ès qualités, de son intervention en qualité de commissaire à l'exécution du plan et de ce qu'il s'en rapporte à justice sur le mérite de l'appel ;

3°) Sur la demande principale :

Considérant que le 5 juillet 1991, est intervenu un acte intitulé " contrat ", entre la société Azuror, société en formation représentée par Honoré Delchambre, ayant pouvoirs des sociétés partenaires, Labo Invest, JPE Engel et HRD d'une part, et la SEP, habilitée au nom et pour le compte du Sporting Club de Toulon et du Var d'autre part ;

Que ce contrat qui avait pour objet le parrainage du club par les sociétés, définissait de façon précise les prestations mises à la charge de la SEP et du Club (article 2) et l'es obligations des sponsors (article 4) et ce, pour trois saisons du 1er juillet 1991 au 30 juin 1994 ;

Que cet acte dûment signé par chaque intervenant qui exprimait ainsi, sans réserve, leur accord sur leurs obligations réciproques, constitue bien un contrat et non, comme le prétend à tort l'appelant, un simple projet de convention ;

Considérant que le fait pour la société Azuror de ne pas avoir été constituée et de ne pas avoir exécuté les obligations qui lui incombaient, fourniture d'une caution bancaire et paiement, du prix en contrepartie des prestations exécutées par la SEP et le Club, ne saurait en affecter ni l'existence, ni la validité, alors qu'il est démontré par les coupures de presse et les photographies versées aux débats, que les intimées ont exécuté les leurs ;

Considérant que si la conférence de presse prévue à l'article 2-7 du contrat, n'a pu se tenir comme prévu, la responsabilité en incombe au seul Honoré Delchambre, qui sur la demande de la SEP, en a repoussé la date à la dernière quinzaine de septembre, ne souhaitant pas de conférence de presse " avant la présentation du projet " Azuror " avec le Conseil Général " (fax du 24 août 1991) ;

Considérant que Honoré Delchambre n'a pas contesté l'existence du contrat lorsque la SEP lui a réclamé la caution bancaire par courrier recommandé et lui a demandé en novembre 1991 paiement de sa facture de 5 930 000 F TTC ;

Que bien plus, dans la présentation du dossier " Azuror " adressé par fax le 30 décembre 1991 à Jean-Pierre Engel par Honoré Delchambre, il était précisé sous la rubrique " besoins de financement " " éléments de sponsoring " qu'afin d'obtenir des commandes de produits d'entretien, d'une part de la Marie de Toulon, du Conseil Général, des pompiers et de l'Arsenal, d'autre part des sociétés importantes, deux contrats avaient été signés notamment l'un " de 5 MF pour le Foot " ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'appelant n'a jamais eu aucun doute sur l'existence du contrat de sponsoring qu'il avait signé le 5 juillet précédent ès qualités de représentant de la société Azuror en formation ;

Considérant par ailleurs que Honoré Delchambre étant intervenu en qualité de représentant de la société Azuror en formation et nullement en sa qualité de Président Directeur Général de la société Chimitex S.A. exploitant la marque Azurex, il ne peut être créée .aucune confusion entre ces deux qualités, et ce quand bien même les courriers de la SEP lui aient été adressés, puisque la société Azuror n'a jamais été immatriculée, chez Chimitex S.A. Azurex à Saint- Laurent-du-Var ;

Considérant qu'il s'ensuit que Honoré Delchambre qui a agi au nom d'une société en formation avant l'immatriculation de celle-ci, doit être tenu des obligations nées des actes ainsi accomplis, conformément aux dispositions de l'article 1843 du Code civil ;

Considérant que selon l'article 4 du contrat, " les sociétés " contractantes devaient régler à la SEP la somme de 5 000 000 de F par moitié au 15 janvier et au 30 avril de la saison ;

Qu'aujourd'hui, Me Bor ès qualités ne formule plus aucune demande pour le SCTV qui n'a plus d'existence ;

Que la SEP ayant exécuté ses obligations, à tout le moins jusqu'en janvier 1992, comme cela résulte des coupures de presse produites, elle est en droit de prétendre au règlement de 2,5 MF, assortis des intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;que celle-ci, société commerciale, a pu se convaincre après 6 mois, que le contrat conclu avec une société en formation, qui n'exécutait pas ses obligations contractuelles, était pour elle sans avenir ;qu'elle doit donc être déboutée du surplus de ses prétentions ;

4°) Sur la demande en garantie :

Considérant que, comme il a été précisé plus haut, Honoré Delchambre est intervenu au contrat précité, en qualité de représentant de la société Azuror, société en formation, ayant pouvoirs des sociétés partenaires, Labo Invest, Engel et du Groupe HRD :

Considérant que la société Labo Invest, assignée devant la cour est aujourd'hui en liquidation judiciaire et n'a pas été régulièrement attraite à la procédure d'appel, que l'appelant ne formule plus aucune demande à son encontre, mais maintient sa demande en garantie contre la société JPE Engel en la fondant sur les dispositions de l'article 1998 du Code civil ;

Considérant qu'il convient de relever, en premier lieu, que le contrat a été signé par Jean- Pierre Engel, que celui-ci qui n'a jamais argué de faux sa signature, ne saurait émettre pour la première fois en appel, des réserves sur la sincérité de l'acte par lui signé dans des conditions qu'il omet de préciser ;

Considérant qu'il résulte des termes mêmes de ce contrat qui n'est argué de faux par quiconque, que l'appelant avait bien été mandaté pour engager la société JPE Engel ;

Considérant cependant qu'il ressort de l'ensemble des débats que Honoré Delchambre n'a pas respecté les engagements qu'il a pris en qualité de représentant de la société Azuror et de mandataire des sociétés partenaires, t vers la SEP et le Sporting Club ;

Qu'en outre, l'appelant ne démontre pas l'étendue des obligations de sa mandante, la société JPE Engel, alors qu'il s'était engagé également pour le compte de deux autres sociétés ;

Qu'il s'ensuit que Honoré Delchambre doit être débouté de sa demande en garantie formée contre la société JPE Engel ;

Considérant qu'il n'est pas contraire à l'équité de laisser à celle-ci la charge de ses frais irrépétibles qu'elle a dû exposer à l'occasion de la procédure ;

Considérant que le tribunal ayant suffisamment indemnisé la SEP au titre de ses frais, il n'y a pas lieu à indemnisation complémentaire ;

Par ces motifs, Constate que la société Labo Wuest en liquidation judiciaire n'a pas été régulièrement attraite à la procédure d'appel, Donne acte à Maître Bor ès qualités de représentant des créanciers et de commissaire à l'exécution du plan du Sporting Club de Toulon et du Var de son intervention en cette dernière qualité, Confirme le jugement déféré en ses dispositions non contraires au présent arrêt, le réforme sur le montant des condamnations et sur l'appel en garantie et, statuant à nouveau, Condamne Honoré Delchambre à payer à la SEP Mediafoot la somme de 2 500 000 F assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 mars 1992, Le déboute de sa demande en garantie contre la société JPE Engel, Déboute les parties du surplus de leurs demandes, Condamne Honoré Delchambre à payer à la société SEP Mediafoot une indemnité de 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC et aux dépens de première instance et d'appel, admet les avoués de la cause au bénéfice des dispositions de l'article 699 du NCPC.