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Décisions

Cass. com., 19 janvier 1999, n° 96-13.227

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Emma Productions (SARL)

Défendeur :

Ségespar Titres (Sté), Dumoulin (ès qual.), Caisse nationale de Crédit agricole (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Grimaldi

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

MM. Baraduc-Benabent, Choucroy.

TGI Paris, 4e ch., 2e sect., du 11 mars …

11 mars 1993

LA COUR: - Donne acte à la société Emma Productions du désistement de son pourvoi en tant que dirigé contre la Caisse nationale de Crédit agricole; - Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré (Paris, 12 décembre 1995) et les productions, que, par un contrat du 7 juin 1989, la société Orchestre philharmonique de France (l'Orchestre) a cédé, pour une durée de cinq années, à la société VMG, aux droits de laquelle se trouve la société Emma Productions (société Emma), le droit exclusif de fixer et reproduire ses prestations sur tous supports; que, le 12 juin 1989, une convention de mécénat est intervenue entre les deux sociétés précitées et la société Ségespar Titres (société Ségespar), filiale du Crédit agricole; qu'en 1991, la société Ségespar a fait connaître qu'elle mettait fin à son action de mécénat;

Sur le premier moyen: - Attendu que la société Emma reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à voir la société Ségespar condamnée à réparer le préjudice résultant de la rupture unilatérale du contrat du 12 juin 1989, alors, selon le pourvoi, que la force obligatoire d'un contrat, dont la durée peut être fixée par voie de référence à une autre convention conclue ou non entre les mêmes parties, s'impose aux parties comme aux juges qui ne peuvent par conséquent en dénaturer les termes; qu'en énonçant que l'article 5 de la convention de parrainage s'analysait, eu égard à son imprécision et à son caractère purement éventuel, non pas en un engagement ferme et définitif, mais en la manifestation d'une intention susceptible de se matérialiser ultérieurement, de sorte que l'effet de cette convention était limité à l'année 1989, cependant qu'aux termes de cet article la société Ségespar s'était expressément et sans aucune réserve "engagée à apporter son concours aux enregistrements de l'Orchestre qui seront réalisés pendant la durée du contrat VMG/OPF", lequel était conclu pour une durée déterminée de 5 ans, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat de parrainage, en violation de l'article 1134 du Code civil;

Mais attendu qu'en raison de l'ambiguïté des termes de la convention, qui porte que la société Ségespar "souhaite que son activité de mécène de l'Orchestre se poursuive dans le temps", l'arrêt retient, hors toute dénaturation, que l'engagement ne contient aucune clause de durée précise ; que le moyen n'est pas fondé;

Et sur le second moyen, pris en ses trois branches: - Attendu que la société Emma reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à voir l'Orchestre et la société Ségespar condamnés solidairement à réparer le préjudice résultant de la rupture unilatérale du contrat du 7 juin 1989, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la force obligatoire des conventions s'impose aux parties comme aux juges; qu'en énonçant que la convention du 7 juin 1989, par laquelle l'Orchestre a cédé à la société Emma à titre exclusif et pour 5 ans le droit d'enregistrer et de commercialiser ses interprétations, ne comportait à la charge de l'Orchestre aucune obligation d'enregistrement, cependant qu'un contrat d'enregistrement exclusif comporte nécessairement une telle obligation, peu important que le nombre des enregistrements devant être réalisés soit ou non fixé, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil; alors, d'autre part, que le débiteur engage sa responsabilité à raison de l'inexécution de l'obligation toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée; qu'en considérant qu'il ne pouvait être reproché à l'Orchestre d'avoir refusé de procéder aux enregistrement prévus pour l'année 1991 en se prévalant de la défection de la société Ségespar, tout en constatant que le mécène lui avait versé, pour l'année 1991 et aux termes d'un protocole d'accord du 9 juillet 1991, la somme de 6 330 000 F "au titre de sa participation pour toutes les opérations artistiques envisagées pour l'OPF pour l'année 1991" pour laquelle elle "acceptait de poursuivre son action de parrainage", la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1147 du Code civil; et alors, enfin, qu'aux termes de ses conclusions signifiées le 3 septembre 1993, la société Emma faisait valoir que le protocole d'accord du 9 juillet 1991 traduisait une manœuvre de l'Orchestre et de la société Ségespar qui, tout en déclarant dans l'acte que la somme de 6 330 000 F était versée au titre de sa participation aux opérations artistiques de l'Orchestre pour l'année 1991, en a imposé un autre usage, à savoir l'apurement d'une grande partie du passif de l'Orchestre, dont la créance d'une caisse du Crédit agricole, par ailleurs associée de l'Orchestre; qu'en déboutant la société Emma de ses demandes dirigées contre l'Orchestre et la société Ségespar sans répondre à ces conclusions de nature à établir leurs responsabilités solidaires dans la rutpure du contrat d'enregistrement, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;

Mais attendu que l'arrêt retient que, par une convention du 9 juillet 1991, conclue entre l'Orchestre et la société Ségespar, cette dernière a consenti à faire un nouveau don à l'Orchestre, d'un montant de 6 465 000 F, qui a été utilisé pour apurer le passif de l'Orchestre et payer des salariés licenciés; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel n'était pas tenue de répondre aux conclusions dont fait état la troisième branche, dès lors que la société Emma n'était pas partie à cette convention du 9 juillet 1991, indépendante des précédentes, et que les donateur et donataire étaient libres d'affecter cette somme à des postes autres que des opérations artistiques; qu'ainsi, abstraction faite du grief présenté à la première branche qui est surabondant, l'arrêt est légalement justifié; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses trois branches;

Par ces motifs: rejette le pourvoi.