Livv
Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 29 avril 1998, n° 95-20729

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

UBP (SA)

Défendeur :

Kenzo (SA), Tamaris (SA), DEP (SA), Witness Stock (SARL), Association pour l'Information Municipale

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Duvernier

Conseiller :

Mme Mandel

Avoués :

SCP Faure Arnaudy, SCP Narrat Peytavi, Me Bolling, SCP Duboscq Pellerin, SCP Barrier Monin

Avocats :

Mes Lafarge, Bessis, Renaudin, Leroux, Aubin Pagnoux.

T. com. Paris, ch. vac. du 5 juill. 1995

5 juillet 1995

A l'initiative de la SA Kenzo et sous l'égide de la Mairie de Paris, Kenzo Takada a conçu dans le cadre d'une manifestation publique intitulée " Paris Courtois - Paris Fleuri " qui s'est tenue les 21 et 22 juin 1994, la décoration florale du Pont-Neuf, caractérisée par un habillage particulier de celui-ci au moyen de 32 000 pots de bégonias, variant du blanc au rouge vif et de 40 000 mètres de lierre répartis sur les parapets et les piliers.

Aux termes d'une déclaration écrite du 13 juin 1994, il a précisé :

"J'ai ... accepté d'accomplir cette tâche à titre de courtoisie et de manière gracieuse, animé par la volonté de conserver l'excellente qualité des liens qui m'unissent à la société Kenzo SA laquelle est et demeure propriétaire de la création du décor floral du Pont-Neuf. Bien entendu, je ne vois aucun inconvénient à ce que la société, si elle le juge utile, se prévale publiquement de cette collaboration et fasse du décor que j'ai créé l'usage qui lui paraîtra opportun".

Au cours de la manifestation susvisée, divers clichés de l'œuvre ainsi réalisée, ont été pris par le service photographique de la Mairie de Paris, chargé de "couvrir" tous les événements importants concernant la ville et d'assurer la diffusion des photographies, laquelle s'effectue de la manière suivante :

- les photographies sont diffusées, libres de droit, pour l'ensemble de la presse, directement auprès des services concernés ;

- toute demande à caractère commercial est confiée à l'agence Witness Stock laquelle est liée par un contrat de mandat du 13 février 1992 à l'Association pour l'Information municipale, régie par la loi du 1er juillet 1901 et le décret du 16 août 1901, dont le but est " de faire connaître au public les activités et réalisations de la municipalité de Paris " et qui prend en charge une partie des frais de fonctionnement du service photographique par la réversion des droits de diffusion des clichés en cause.

Les 27 juillet, 23 et 29 août, 26 septembre 1994, la SA l'Union de Banques à Paris, dite UBP qui utilisait depuis plusieurs années à des fins commerciales et publicitaires l'image du Pont-Neuf ayant choisi d'illustrer un nouveau produit financier, dénommé "Convention Lutèce" par la reproduction du monument fleuri a commandé à la SA DEP, spécialisée dans l'imprimerie, la création et l'impression de tous documents publicitaires et techniques, la réalisation de :

- 400 affiches

- 500 affichettes

- 4 000 brochures

- 25 000 têtes de lettres

- 25 000 enveloppes

ainsi que des films pour une carte Pariphone-Convention Lutèce.

Pour ce faire, la société DEP a acquis de la société Witness Stock selon facture n° 0337 du 16 septembre 1994 "les droits d'utilisation d'une diapositive (le Pont-Neuf fleuri) sur cinq supports différents - tirage entre 400 et 5 000 ex. Budget UBP - photographe : Henri Garat /Mairie de Paris", moyennant paiement d'une somme de 10 000 F HT (10 550 F TTC).

Alléguant que la société UBP avait, ainsi pour promouvoir un nouveau produit, publié la reproduction photographique d'une création lui appartenant, la société Kenzo, autorisée par ordonnance sur requête du Président du Tribunal de grande instance de Paris du 13 octobre 1994, a fait effectuer le 20 octobre suivant, dans les locaux de ladite société, une saisie-contrefaçon.

Au cours de celle-ci, Bernard Jamaux, responsable du département "marketing" de l'UBP a déclaré :

"... Nous avons commencé à utiliser cette photographie à partir du 20 septembre 1994. C'est l'agence .... qui nous avait proposé durant l'été une maquette comportant la photographie du Pont-Neuf tel que décoré lors de la Fête de la Musique au mois de juin 1994", l'huissier notant dans son procès-verbal "selon M. Jamaux, l'agence DEP a dû obtenir le cliché auprès de la société Witness".

Le 3 novembre 1994, la SA Kenzo et la SA Tamaris, sa licenciée exclusive aux termes d'un contrat du 18 mai 1993, enregistré le 26 mai suivant, ont assigné l'UBP devant le Tribunal de commerce de Paris sur le fondement des articles L. 122-4 et suivants, L. 334-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle aux fins de voir juger que la reproduction litigieuse constituait une contrefaçon et de se voir indemniser du préjudice en résultant pour elles.

L'UBP a poursuivi la garantie solidaire des sociétés DEP et Witness Stock le 24 novembre 1994.

La société DEP s'est elle-même retournée aux mêmes fins à l'encontre de la société Witness Stock laquelle, soutenant avoir acquis régulièrement la photographie litigieuse de l'Association pour l'information Municipale a, à son tour, assigné en garantie celle-ci, le 5 mai 1995 en une instance à laquelle l'UBP est intervenue volontairement.

Par jugement du 5 juillet suivant, le tribunal après avoir constaté la tardiveté de ce dernier appel en garantie et dit qu'il serait statué sur celui-ci par décision séparée, a :

- dit la société Kenzo titulaire des droits attachés à la création florale ;

- dit qu'en utilisant sans autorisation de la société Kenzo un cliché reproduisant le Pont-Neuf ainsi décoré et en le diffusant largement à l'occasion de la campagne de lancement de la Convention Lutèce, l'UBP s'était livrée à des actes de contrefaçon et l'a condamnée à ce titre à verser à la société Kenzo une indemnité d'un million de francs ;

- dit que l'UBP, " en accaparant la reproduction du Pont-Neuf fleuri (avait) causé un préjudice à l'image de Kenzo et de Tamaris et un trouble à leur propre campagne publicitaire " et l'a condamnée à verser aux demanderesses la somme d'un franc en réparation ;

- dit l'UBP partiellement fondée en son appel en garantie à l'encontre de la société DEP et l'a condamnée à garantir l'UBP à hauteur de 100 000 F ;

- dit la société DEP fondée en son appel en garantie à l'encontre de la société Witness Stock et l'a condamnée à relever celle-ci à hauteur de 100 000 F ;

- ordonné la saisie et la destruction de tous documents, supports et produits contrefaisants ;

- ordonné la publication du dispositif de sa décision dans quatre journaux au choix des demanderesses et aux frais de l'UBP dans la limite d'un coût de 100 000 F TTC ;

- fait interdiction à l'UBP de reproduire et représenter de quelque façon que ce soit la création de la société Kenzo sous astreinte définitive de 100 000 F par infraction constatée ;

- assorti sa décision de l'exécution provisoire sauf du chef de la destruction et de la publication ordonnées ;

- condamné l'UBP à verser aux demanderesses une somme de 30 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Ayant constaté ultérieurement que des photographies telles qu'interdites étaient exposées dans la vitrine d'une agence de l'UBP, les sociétés Kenzo et Tamaris ont, le 14 septembre 1995, poursuivi sous le bénéfice de l'exécution provisoire la liquidation de l'astreinte ci-dessus prononcée à la somme de 300 000 F et sollicité l'allocation d'une indemnité de 10 000 F pour leurs frais hors dépens.

Par jugement du 15 mars 1996 assorti de l'exécution provisoire moyennant caution bancaire, le tribunal a liquidé l'astreinte à la somme forfaitaire de 100 000 F et condamné en outre l'UBP à verser aux sociétés Kenzo et Tamaris une somme de 8 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dans le cadre de l'instance en garantie opposant la société Witness Stock à l'Association pour l'Information Municipale à laquelle l'UBP était intervenue volontairement aux fins de la voir également garantie par ladite association, le tribunal, par jugement du 7 juin 1996, a :

- dit irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par la défenderesse,

- dit la société Witness Stock recevable et partiellement fondée en sa demande et condamné la défenderesse à la garantir à hauteur de 50 %, soit 50 000 F de la condamnation prononcée à son encontre par jugement du 5 juillet 1995,

- rejeté toutes autres demandes,

- ordonné l'exécution provisoire de sa décision contre paiement d'une caution bancaire.

L'UBP a relevé appel des trois jugements susvisés, respectivement les 26 juillet 1995, 30 avril et 8 juillet 1996.

Les trois procédures ont été jointes par ordonnances du conseiller de la mise en état des 30 septembre et 21 octobre 1996.

L'UBP poursuit, aux termes de ses conclusions récapitulatives du 9 février 1998 :

- l'infirmation des trois décisions entreprises,

- le rejet des demandes des sociétés Kenzo et Tamaris, DEP et Witness Stock ainsi que de l'Association pour l'Information Municipale,

- la restitution des sommes par elle versées au titre de l'exécution provisoire avec intérêts de droit à compter de leur paiement,

- la garantie des sociétés DEP et Witness Stock.

Elle sollicite en tout état de cause :

- la condamnation solidaire des sociétés DEP, Witness Stock et de l'Association pour l'Information Municipale à lui verser les sommes de 28 464 F montant de la facture DEP n° 40-323 du 28 octobre 1994, de 2 490,60 F et de 200 000 F à titre de dommages et intérêts,

- la condamnation solidaire des sociétés Kenzo, Tamaris, DEP et Witness Stock et de l'Association pour l'Information Municipale à lui payer la somme de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

A titre subsidiaire, elle conclut au sursis à statuer "dans l'attente de l'examen par le Tribunal administratif de Paris de la nature et des droits susceptibles d'être revendiqués tant par les sociétés Kenzo et l'UBP que par la Ville de Paris et l'Association pour l'Information Municipale sur le Pont-Neuf fleuri".

La société Kenzo et la société Tamaris désormais dénommée Kenzo Parfums, demandent à la cour, par écritures récapitulatives du 4 février 1998 :

- de confirmer le jugement du 5 juillet 1995 en ce qu'il a retenu que la reproduction par l'UBP de la création de la société Kenzo constituait une contrefaçon au préjudice de celle-ci et de qualifier plus précisément la création en cause d'œuvre composite au sens des articles L. 113-2 alinéa 2 et L. 113-4 du Code de la propriété intellectuelle, propriété de la société Kenzo,

- d'infirmer le jugement susvisé en ce qu'il a dit la société Tamaris irrecevable et mal fondée en ses prétentions,

- de condamner l'UBP au paiement des sommes de :

* 4 millions de francs au profit de la société Kenzo

* 1 million de francs au profit de la société Kenzo Parfums

sur le fondement de la contrefaçon de droit d'auteur ou subsidiairement de l'article 1382 du Code civil ;

- de faire interdiction aux appelantes, sous astreinte définitive de 10 000 F par infraction constatée, de reproduire et représenter de quelque manière que ce soit la création de la société Kenzo, et ce, dans les termes de l'article 35 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991,

- d'ordonner la saisie et la destruction de tout document support et de tous produits contrefaisants appartenant à l'UBP,

- d'ordonner la publication du dispositif du présent arrêt dans 4 journaux de leur choix, aux frais de l'UBP dans la limite d'un coût de 25 000 F par insertion,

- de condamner en vertu des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, l'UBP à lui verser la somme de 100 000 F et tant la société Witness Stock que la société DEP et l'Association pour l'Information Municipale, à lui payer celle de 20 000 F.

Elles poursuivent d'autre part la confirmation du jugement du 15 mars 1996 en son principe mais sollicitent l'aggravation des sommes allouées à 300 000 F augmentée des frais de constat de 1 829 F et à 30 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société DEP fait valoir par conclusions récapitulatives du 5 février 1998, à titre principal que les sociétés Kenzo et Kenzo Parfums sont irrecevables à agir ou, en tout état de cause, mal fondées en leur action.

A titre subsidiaire, elle sollicite le rejet des demandes telles que dirigées à son encontre et le remboursement par l'UBP de la somme de 100 000 F par elle versée en vertu de l'exécution provisoire du jugement du 5 juillet 1995.

Très subsidiairement, elle demande la réduction dans d'importantes proportions des dommages et intérêts octroyés aux sociétés Kenzo et Kenzo Parfums et la condamnation in solidum de la société Witness Stock et de l'Association pour l'Information Municipale à la garantir de l'ensemble des condamnations en principal, frais et accessoires qui pourraient être mises à sa charge.

En tout état de cause, elle poursuit la condamnation in solidum des sociétés Kenzo et Kenzo Parfums et, subsidiairement, de l'UBP à lui verser la somme de 30 000 F pour ses frais hors dépens.

La société Witness Stock conclut, par écritures récapitulatives du 6 février 1998, à l'infirmation des jugements des 5 juillet 1995 et 7 juin 1996.

Elle expose qu'il convient :

- à titre principal, de dire et juger les sociétés Kenzo et Kenzo Parfums, irrecevables à agir, de débouter l'UBP de son appel en garantie et de condamner en revanche l'Association pour l'Information Municipale à la relever de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre à l'initiative de l'UBP,

- subsidiairement, de réduire dans d'importantes proportions les dommages et intérêts alloués aux sociétés Kenzo et Kenzo Parfums, de condamner l'Association pour l'Information Municipale à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prises à son égard, tant dans le cadre de la procédure principale intentée par les deux sociétés susvisées que dans les procédures annexes à celle-ci,

- en tout état de cause, de condamner "conjointement et solidairement" les sociétés Kenzo, Kenzo Parfums et l'UBP et, subsidiairement la société DEP et l'Association pour l'Information Municipale au paiement de la somme de 15 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'Association pour l'Information Municipale qui, dans le dernier état de ses écritures, a renoncé à l'exception d'incompétence soulevée au profit de la juridiction administrative et à la demande de dommages et intérêts dirigée par elle contre l'UBP, poursuit l'infirmation du jugement du 7 juin 1996 en ce qu'il l'a condamnée à relever à hauteur de 50 % la société Witness Stock de la condamnation prononcée à l'encontre de celle-ci par le jugement du 5 juillet 1995.

Elle sollicite la condamnation "conjointe et solidaire" de la société Witness Stock et de l'UBP à lui verser la somme de 20 000 F pour ses frais non taxables.

Subsidiairement, elle fait valoir que la photographie litigieuse est une œuvre composite, propriété de la mairie de Paris.

SUR CE,

I - SUR LA CONTREFACON

Considérant que les intimées contestent non pas la matérialité du grief invoqué mais la recevabilité de la demande tant de la société Kenzo que de la société Kenzo Parfums.

1 - Sur la recevabilité de la demande de la société Kenzo

Considérant que l'UBP allègue que :

"la cour doit se pencher sur la question de la légitimité de la revendication de droits sur le fleurissement du Pont-Neuf"

et, d'autre part, s'interroger sur la nature et l'étendue des droits que Kenzo Takada a pu céder à la société Kenzo.

Considérant qu'il convient, en l'espèce, de rechercher la nature juridique de l'œuvre en cause afin de déterminer la titularité des droits sur celle-ci.

* Sur la nature juridique de l'œuvre reproduite

Considérant que l'UBP fait valoir que la manifestation du fleurissement du Pont-Neuf a été organisée par la mairie de Paris et que, nonobstant le fait que celle-ci a sollicité la société Kenzo "pour l'achat et la disposition des pots de fleurs", elle reste maître d'œuvre du fleurissement et a pu ainsi, en toute légalité et en toute légitimité, lui céder les droits litigieux.

Considérant que la société Kenzo lui oppose que la création constituée par le fleurissement du Pont-Neuf s'analyse en une œuvre composite au sens de l'article L. 113-2 alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle qui, en vertu de l'article L. 113-4 du Code de la propriété intellectuelle, est la propriété de celui qui l'a réalisée.

Considérant que l'Association pour l'Information Municipale allègue que "s'il doit y avoir œuvre composite ... personne ne conteste que la Mairie de Paris avait parfaitement le droit de prendre la photographie litigieuse et ne saurait se voir interdire de faire de ses photographies l'usage qu'elle entend sous réserve de respecter sa mission de service public".

Considérant, ceci exposé, qu'il résulte de courriers de la Mairie de Paris et de la Préfecture de Police, en date du 17 juin 1994, que la Ville a, non pas sollicité la société Kenzo "pour l'achat et la disposition des pots de fleurs" mais, en sa qualité de gestionnaire des Ponts de Paris, a agréé sa proposition de réaliser une opération de fleurissement du Pont-Neuf.

Que celle-ci a été intégralement conçue à la demande de la société Kenzo par Kenzo Takada lequel, pour ce faire, a orné le monument public susvisé, sur toute sa longueur, d'un habillage particulier, caractérisé par l'assemblage et la combinaison de 32 000 pots de bégonias variant du blanc au rouge vif et de 40 000 mètres de lierre répartis sur les parapets et les piliers du pont.

Considérant que cette décoration florale qui constitue par l'activité créatrice et originale qu'elle recèle, eu égard au choix arbitraire de la nature, des teintes et de la disposition des végétaux utilisés, une œuvre de l'esprit au sens de l'article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle, a été apposée sur une œuvre d'architecture, de même nature juridique selon l'article L. 112-2-7° du Code de la propriété intellectuelle et a été, de ce fait, incorporée à une œuvre préexistante sans la collaboration de l'auteur de celle-ci pour former une œuvre dérivée ou composite.

Or, considérant que l'article L. 113-4 du Code de la propriété intellectuelle dispose que l'œuvre composite est la propriété de l'auteur qui l'a réalisée, sous réserve des droits de l'auteur préexistant tant que celle-ci est elle-même protégée (hypothèse exclue en l'espèce).

Qu'il en résulte que Kenzo Takada, par l'effet de sa création, était investi des droits d'auteur sur l'œuvre en cause, laquelle ne pouvait ainsi être valablement reproduite sans son consentement préalable ou celui de ses ayants-droit, peu important qu'elle ait ou non concerné un monument public du domaine de la Ville de Paris, eu égard à l'accord de ladite Ville qui suffit à écarter tout sursis à statuer sur les droits que détiendrait celle-ci, non pas sur la photographie de l'œuvre qui seront examinés ultérieurement mais bien sur la création elle-même.

* Sur la cession des droits attachés à l'œuvre reproduite

Considérant que les sociétés DEP et Witness Stock et l'Association pour l'Information Municipale allèguent que la déclaration de Kenzo Takada du 13 juin 1994 "ne répond pas aux conditions de forme et de fond exigées par les textes régissant la propriété intellectuelle et notamment l'article L. 131-3 permettant à Kenzo SA de se considérer cessionnaire aux yeux des tiers".

Que la société DEP conclut que "cet acte nul n'a pu céder de quelconques droits à Kenzo et est parfaitement inopposable aux tiers".

Que l'UBP soutient en outre qu'en réalité comme en droit, Kenzo Takada n'a concédé à la société Kenzo qu'une licence non exclusive au motif qu'il avait publiquement annoncé qu'il "offrait aux Parisiens sa création" et qu'ayant ainsi " concédé des droits tant au public parisien qu'à la société Kenzo ", son œuvre serait tombée dans le domaine public.

Considérant que l'article L. 131-3 du Code de la propriété intellectuelle subordonne la transmission des droits d'auteur d'une œuvre de l'esprit à la condition que chacun des droits concédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession et que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée.

Qu'il ne saurait être contesté que la déclaration signée le 13 juin 1994 par Kenzo Takada ne respecte pas une telle condition. Mais considérant que si les mentions exigées par l'article L. 131-3 alinéa 1 du Code de la propriété intellectuelle doivent être interprétées restrictivement, la nullité qui en découle est de nature relative parce que destinée à protéger le cédant et, de ce fait, n'autorise pas un tiers poursuivi pour contrefaçon à se prévaloir de l'irrégularité formelle de la cession incriminée.

Qu'il convient, en conséquence, pour déterminer l'existence et l'étendue éventuelle de la cession qui autoriserait la société Kenzo à agir en l'espèce d'interpréter les termes de la déclaration invoquée.

Considérant qu'après avoir précisé qu'il n'avait pas conçu l'œuvre en cause dans le cadre du contrat de création qui le lie à la société Kenzo mais qu'il avait agi à l'égard de celle-ci "de manière gracieuse", Kenzo Takada atteste que ladite société "est et demeure propriétaire de la création du décor floral du Pont-Neuf" et lui reconnaît le droit d'en disposer librement.

Qu'une telle déclaration s'analyse en une cession gratuite des droits de propriété, de reproduction et de représentation de l'œuvre en cause et suffit à justifier la recevabilité de l'action de la cessionnaire.

2 - Sur la recevabilité de la demande de la société Kenzo Parfums

Considérant que cette société, anciennement dénommée Tamaris, fait valoir qu'en sa qualité de licenciée exclusive de la société Kenzo pour les parfums en vertu d'un contrat du 18 mai 1993, inscrit au Registre National des Marques le 21 décembre suivant sous le n° 166-800, elle est recevable à agir en contrefaçon ou, subsidiairement, en concurrence déloyale du fait de sa participation aux dépenses de création et du fait également de son utilisation à des fins publicitaires de cette création".

Considérant que si l'action en contrefaçon du cessionnaire est recevable en cas d'atteinte présumée aux droits cédés, la société Kenzo Parfums qui n'est investie quant à elle d'aucune parcelle du monopole d'auteur, ne peut bénéficier de cette action. Mais considérant que les premiers juges après avoir relevé "qu'en sa qualité de licenciée de Kenzo pour la commercialisation des parfums (elle avait) été autorisée à utiliser l'événement publicitaire créé par le fleurissement du Pont-Neuf et a diffusé 800 plaquettes à ses distributeurs dans le monde", en ont pertinemment déduit qu'elle était recevable à ce titre "à se plaindre des agissements de l'UBP qui ont pu contrarier et affaiblir l'impact de sa campagne publicitaire".

3 - Sur le préjudice

* Sur la demande de la société Kenzo

Considérant qu'aux termes de ses conclusions récapitulatives, cette société évalue la réparation du dommage résultant pour elle de la contrefaçon à la somme de quatre millions de francs.

Qu'elle justifie le montant de cette demande d'une part, par le coût de création et de réalisation de l'opération qui s'est élevé à 1 778 428,95 F et d'autre part, par l'importance de la captation à des fins purement commerciales de celle-ci, caractérisée notamment par l'utilisation, l'apposition ou la distribution dans une cinquantaine d'agences bancaires, de septembre 1994 à juillet 1995, de 1500 cartes, 400 affiches, 500 affichettes, 4 000 catalogues et 12 000 dépliants.

Considérant qu'il ne saurait être contesté qu'en détournant illicitement et en utilisant indûment, sans bourse délier, une création originale qui avait nécessité de la part de la société Kenzo un investissement financier important, et en privant de ce fait ladite société des effets publicitaires qu'elle était légitimement en droit d'en retirer, l'UBP a causé à celle-ci un préjudice certain dont la réparation sera évaluée à la somme de trois millions de francs.

* Sur la demande de la société Kenzo Parfums

Considérant que cette société sollicite sur le fondement de l'article 1382 du Code civil seul applicable dans la présente espèce ainsi que précisé ci-dessus, l'attribution d'une indemnité d'un million de francs, au motif que, licenciée de la société Kenzo, elle a participé au coût de l'événement à hauteur d'une somme de 404 866,71 F et qu'autorisée à utiliser la création en cause pour la vente et la promotion de ses parfums, elle a réalisé 800 exemplaires d'une plaquette publicitaire et commerciale destinée à ses distributeurs du monde entier, illustrée de cette image, moyennant un coût supplémentaire de 46 000 F HT.

Qu'elle ajoute que le détournement de la création susvisée à des fins purement commerciales n'a pu que nuire à ses activités.

Mais considérant qu'il convient de lui opposer d'une part, que les factures produites, si elles établissent sa participation à la manifestation elle-même, ne concernent pas l'élaboration et la création de l'œuvre de l'esprit stricto sensu, d'autre part, qu'elle ne justifie ni avoir été autorisée par la société Kenzo à utiliser ladite œuvre ni avoir effectivement employé celle-ci à son profit personnel.

Que le jugement déféré qui a rejeté sa demande sera donc confirmé.

* Sur les autres demandes de la société Kenzo

Considérant qu'il convient de faire droit aux demandes en interdiction, saisie et destruction et en publication formulées par la société Kenzo, ainsi qu'il sera précisé au dispositif.

Qu'il est, en outre, équitable de condamner l'UBP à lui verser la somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et de mettre la charge de l'appelante les dépens de première instance et d'appel dans lesquels seront inclus les frais de la saisie-contrefaçon évalués à 8561,70 F, selon note de Me Pollet, huissier de justice, du 24 octobre 1994.

II - Sur les demandes de l'UBP à l'encontre des sociétés DEP et Witness Stock et de l'Association pour l'Information Municipale.

Considérant que l'UBP sollicite la garantie intégrale de ces personnes morales pour toutes condamnations prononcées à son encontre et les poursuit également aux fins de paiement solidaire des sommes de 28 464 F et de 2 490,60 F outre celle de 200 000 F à titre de dommages et intérêts.

1 - Sur la demande en garantie :

* à l'encontre de la société DEP

Considérant que l'UBP allègue que la société DEP qui serait intervenue auprès d'elle "en qualité de publicitaire, concepteur d'une campagne promotionnelle", ne pouvait ignorer que "la réalisation du fleurissement du Pont-Neuf était l'œuvre de Kenzo" et qu'en l'assistant et en la conseillant comme elle l'a fait, elle a nécessairement commis une faute dont elle lui doit garantie.

Considérant que la société DEP réplique qu'elle "n'est en aucun cas une agence conseil en publicité" mais une société ayant pour activité l'imprimerie de labeur, la création et l'impression de tous documents publicitaires et techniques, qui se borne à exécuter les travaux commandés par ses clients et qui, en l'espèce, "n'a acquis les droits d'utilisation de la photographie litigieuse que sur ordre, au nom et pour le compte de l'UBP".

Considérant, ceci exposé, qu'une agence-conseil en publicité se caractérise notamment d'une part, par des fonctions de création et de conception incluant la production des éléments matériels de communication de base comme les documents servant ensuite à la conception de l'illustration de la campagne en cause et d'autre part, par des fonctions d'exécution proprement dites relatives aux ordres, aux commandes effectués soit comme maître d'œuvre soit pour le compte de l'annonceur.

Or, considérant en l'espèce, qu'il convient de relever que l'extrait Kbis de la société DEP, délivré le 15 novembre 1994 révèle que celle-ci a pour objet la création de documents publicitaires. Qu'au surplus, son papier à lettres comporte l'en-tête "DEP - Atelier de communication".

Qu'elle a accepté de réaliser des documents publicitaires pour l'UBP, laquelle s'était adressée, sans se voir opposer d'objection de sa part, à "DEP Publicité et Communication".

Que, pour ce faire, la société DEP a acquis, le 16 septembre 1994, de la société Witness Stock, les droits d'utilisation d'une diapositive représentant le Pont-Neuf fleuri, dans des conditions qui explicitent pleinement la fonction de conseil en publicité qui était la sienne, le devis et, la facture émise par la société cédante les 24 août et 16 septembre 1994 qui lui furent adressé précisant en effet pour le premier "Client UBP" et, pour la seconde "Budget UBP".

Or, considérant qu'il est constant qu'une agence de publicité doit fournir à son client auquel la lie un contrat de louage d'ouvrage une prestation à l'abri de toute critique.

Que, s'agissant de l'acquisition des droits d'exploitation d'une création, il appartenait à la société DEP, en sa qualité de professionnel de la publicité, de s'enquérir de la régularité de la cession desdits droits.

Qu'en ne le faisant pas, ladite société a engagé sa responsabilité à l'égard de l'UBP dans des conditions qui justifient le bien-fondé de la demande en garantie de l'intégralité des condamnations infligées à celle-ci.

* à l'encontre de la société Witness Stock

Considérant que l'UBP fait valoir que "les photographies litigieuses ayant été achetées par Witness Stock à l'Association pour I'Information Municipale puis revendues à l'UBP" cette société lui devait garantie d'une jouissance paisible de ces clichés.

Considérant que la société Witness Stock qui, ainsi qu'il résulte des termes du devis et de la facture émis par elle, n'ignorait pas que la cession des droits devait bénéficier à l'UBP, en ne vérifiant pas la régularité des droits en cause, a commis une faute qui, causant un préjudice certain à la société susvisée, suffit à faire droit à la demande en garantie de celle-ci.

* à l'encontre de l'Association pour l'Information Municipale

Considérant que l'UBP qui rappelle que "la cession et l'utilisation régulières des droits (cédés par l'association) ont eu pour conséquence sa condamnation à payer à Kenzo la somme d'un million de francs", soutient que "l'Association, par son seul fait, est à l'origine du dommage subi" par elle alors qu'elle lui devait la garantie d'une jouissance paisible des droits acquis et en déduit qu'elle doit être condamnée à lui payer toutes les sommes qui ont été mises à sa charge.

Qu'ainsi qu'il a été précisé plus haut pour la société Witness Stock, il convient en effet d'observer qu'en ne vérifiant pas, avant toute cession, la réalité et l'étendue des droits qu'elle détenait sur la reproduction d'une œuvre dont elle n'était pas propriétaire, l'Association pour l'Information Municipale a commis une faute génératrice d'un dommage pour l'UBP dont elle lui doit réparation.

Que la demande en garantie formée à son encontre est en conséquence bien fondée.

Considérant, cependant, que si l'UBP sollicite la condamnation de ladite association à lui rembourser toutes sommes déjà réglées par elle, majorées des intérêts au taux légal à compter de leur paiement, il y a lieu de lui rappeler que lesdites sommes constituant une indemnité fixée par le présent arrêt ne peuvent porter intérêt légal qu'à la date de celui-ci.

2 - Sur les demandes en paiement

Considérant que l'UBP allègue, outre la garantie susvisée, qu'elle est en droit de poursuivre la condamnation solidaire des sociétés DFP et Witness Stock ainsi que l'Association pour l'Information Municipale à lui verser une somme de 200 000 F eu égard à une somme de 199 832,69 F dépensée par elle pour la campagne publicitaire.

Mais considérant qu'elle ne justifie pas de la dépense invoquée, non plus que de l'acquittement des factures DEP n° 40323 et n° 40615 en date des 28 octobre et 26 décembre 1994 qui fondent ses demandes en paiement des sommes de 28 464 F et 2 490,60 F.

Qu'il est en revanche équitable de condamner in solidum les sociétés DEP, Witness Stock et l'Association pour l'Information Municipale à lui verser la somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

III - Sur la demande en garantie de la société DEP à l'encontre de la société Witness Stock et de l'Association pour l'Information Municipale

Considérant que la société DEP expose d'une part qu'il appartenait à l'agence Witness Stock " d'acquérir non seulement les droits du photographe de la Mairie de Paris, à savoir Henri Garat, mais également de s'enquérir de l'autorisation des titulaires des droits sur le Pont-Neuf fleuri ", d'autre part, que l'Association pour l'Information Municipale a "engagé sa responsabilité en cédant ses droits sur une photographie reproduisant une création qui serait susceptible de protection au titre des droits d'auteur sans obtenir l'autorisation de l'auteur".

Qu'elle en déduit que ces deux personnes morales doivent être condamnées in solidum à la relever de toutes condamnations.

Considérant qu'aux termes d'un extrait K bis délivré le 15 novembre 1994, la société Witness Stock a pour activité "la diffusion, la réalisation, la commercialisation et production de photographies".

Or, considérant qu'il incombe à toute agence de diffusion de photographies de remettre aux agences de publicité des documents libres de tout droit et des droits d'auteur notamment, étant en effet rappelé qu'une société de publicité est fondée à présumer que l'agence qui lui vend une photographie et la lui procure sans réserve, a elle-même reçu l'autorisation de toute personne concernée.

Que la société DEP est en conséquence bien fondée à se voir intégralement garantie par la société Witness Stock. Que, de même, l'Association pour l'Information Municipale, en procurant à la société Witness Stock aux fins de cession une photographie représentant une œuvre de l'esprit sur laquelle elle ne disposait pas de la plénitude des droits a commis une faute qui a causé un préjudice à la société DEP dont elle doit également garantie à celle-ci.

IV - Sur la demande en garantie de la société Witness Stock à l'encontre de l'Association pour l'Information Municipale

Considérant que la société Witness Stock expose qu'elle est liée à l'Association pour l'Information Municipale par un contrat qui dispose expressément que celle-ci agit en qualité d'auteur ou de détenteur des droits d'auteur sur les photographies alors qu'elle-même n'agit qu'en qualité d'agent commercial dont l'obligation se limite à la vente desdites photographies, moyennant le paiement d'une commission.

Qu'elle en conclut que l'association doit être considérée "comme un vendeur professionnel de la photographie, auquel il incombe de remettre des documents libres de tout droit".

Considérant que l'Association pour l'Information Municipale lui objecte que la négociation de la photographie litigieuse ne rentrait pas dans le cadre du contrat de mandat du 13 février 1992 et "qu'en cédant ladite photo sans discernement et à (son) insu, elle a commis une faute dont elle doit assumer la responsabilité".

Mais considérant que le contrat du 13 février 1992 dispose expressément que :

- l'Association donne mandat à la société Witness Stock de la représenter auprès de toute personne physique ou morale désireuse de reproduire les photographies dont elle est propriétaire et que ladite société reçoit en conséquence tous pouvoirs à l'effet de négocier les droits de reproduction et de présentation desdites photographies (articles 1 et 2) ;

- l'Association déclare avoir "les autorisations de publication des personnes physiques représentées sur ses photographies" et l'agence Witness Stock être dégagée "de toute responsabilité concernant les réclamations éventuelles formulées par (ces) personnes" (article 8).

Qu'il en résulte que la société Witness Stock a pu, dans le strict respect de la mission qui lui était impartie, céder non pas la propriété mais bien le droit d'utilisation c'est-à-dire de reproduction de la photographie en cause.

Qu'il convient, en revanche, d'observer qu'il lui appartenait en sa qualité d'agence photographique et eu égard à la limitation de la garantie de l'association fixée par l'article 8 du contrat aux réclamations de personnes physiques, d'exiger de sa mandante la preuve qu'elle disposait non seulement des droits de propriété sur le cliché lui-même mais de l'autorisation de l'auteur de l'œuvre ainsi fixée ou de ses ayants droit de diffuser la reproduction de celle-ci.

Qu'il y a lieu, en conséquence, de ne retenir la garantie de l'Association pour l'Information Municipale, tenue d'une obligation de libre et pleine délivrance à l'égard de sa co-contractante, qu'à concurrence de la moitié du montant des condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci.

V - Sur l'astreinte

Considérant que, par jugement du 5 juillet 1995, le tribunal a "fait interdiction à la SA Union de Banques à Paris de reproduire et représenter de quelque façon que ce soit la création de la SA Kenzo sous astreinte définitive de 100 000 F par infraction constatée" et s'est réservé le pouvoir de liquider cette astreinte.

Qu'alléguant que des photographies de l'œuvre incriminée demeuraient exposées dans la vitrine d'une agence UBP, les sociétés Kenzo et Tamaris (désormais Kenzo Parfums) ont, par acte du 14 septembre 1995, sollicité la condamnation de l'UBP à leur verser la somme de 300 000 F au titre de la liquidation de l'astreinte.

Que, par jugement du 15 mars 1996, le tribunal a condamné l'UBP au paiement d'une somme forfaitaire de 100 000 F de ce chef.

Considérant qu'à l'appui de son appel l'UBP qui invoque l'irrecevabilité de la demande de la société Kenzo Parfums et observe que l'astreinte définitive a été ordonnée sans qu'une astreinte provisoire ait été précédemment prononcée ni que la durée en ait été fixée, fait valoir qu'avant sollicité de Me Baclet, huissier de justice, la destruction de tous documents, supports et produits utilisant l'image du Pont-Neuf fleuri, celle-ci a été effectuée le 10 novembre 1995, et que le fait que "par inadvertance une seule et unique agence de son réseau ait continué d'afficher dans sa vitrine le produit litigieux ... ne résulte d'aucune mauvaise volonté ni manœuvre délibérée de ne pas respecter la décision du tribunal" et n'a pu causer aux sociétés concernées aucun préjudice.

Qu'elle en déduit que la décision de condamnation doit être infirmée ou, subsidiairement, qu'il appartient à la cour de tenir compte des éléments exposés ci-dessus pour se prononcer.

Considérant que les sociétés Kenzo et Kenzo Parfums répliquent que le jugement prononçant l'astreinte ayant été signifié le 17 juillet 1995, l'UBP a bénéficié d'un délai raisonnable pour l'exécuter et qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement du 15 mars 1996 en son principe mais, eu égard au fait que trois infractions et non pas une comme précédemment retenu auraient été commises, d'élever le montant de la condamnation prononcée à la somme de 300 000 F, d'y ajouter le montant des frais de constat fixé à 1 829 F selon facture de la SCP Agnus et Pollet du 31 juillet 1995, et de lui allouer la somme de 30 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Considérant qu'il y a lieu préalablement de rappeler d'une part que la société Kenzo Parfums est irrecevable à agir en contrefaçon, d'autre part qu'une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu'après le prononcé d'une astreinte provisoire et pour une durée que le juge détermine et que si l'une de ces conditions n'a pas été respectée, l'astreinte est liquidée comme une astreinte provisoire.

Considérant, ceci exposé, que Me Dominique Pollet, huissier de justice associé à Paris, a constaté aux termes d'un procès-verbal du 31 juillet 1995, que l'agence UBP sise 64 rue Réaumur à Paris (3e) soit à l'angle des rues Réaumur et Saint Martin présentait ;

- sur la partie gauche de la vitrine donnant sur la rue Réaumur " une affiche de la Convention Lutèce, illustrée par la création de M. Kenzo Takada "

- sur chacune des deux vitrines situées rue Saint-Martin une affiche de la même convention.

Considérant que si la société Kenzo en déduit que l'astreinte s'établit mathématiquement à la somme de 300 000 F, l'article 36 de la loi du 9 juillet 1991, dispose que le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.

Considérant que le jugement du 5 juillet 1995 ayant été signifié à l'UBP le 17 juillet suivant, l'astreinte prenait effet à cette date, en vertu des dispositions de l'article 51 du décret du 31 juillet 1992.

Que l'UBP fait à juste titre observer qu'il ne s'est ainsi écoulé que quelques jours entre la date de signification de la décision ordonnant l'astreinte et la date de constatation des infractions, lesquelles ne concernent qu'une agence sur une cinquantaine.

Qu'elle verse en outre aux débats :

- une note de service adressée dès le 10 avril 1995 aux directeurs d'agence, les invitant à placer "dans chaque présentoir de chaque vitrine à compter du 12 avril 1995" un affichage "Multi Epargne Vie" et à lui retourner les affiches et affichettes "Convention Lutèce",

- un procès-verbal dressé le 10 novembre 1995 par Me Guy Baclet, huissier de justice à Marseille en Beauvaisis lequel, sur sa réquisition, a constaté la destruction de documents "portant notamment l'inscription l'Union de Banques à Paris dont le support publicitaire représente à Paris le Pont-Neuf fleuri", soit :

* environ 25 000 enveloppes

* environ 13 900 papiers à lettres

* environ 8 623 plaquettes publicitaires

* environ 699 brochures publicitaires

* 208 affiches publicitaires

* 238 affichettes publicitaires.

Considérant que de tels éléments d'appréciation autorisent la cour à liquider l'astreinte à la somme globale de 3 000 F.

VI - Sur les frais hors dépens

Considérant qu'il est équitable, sous le bénéfice des diverses garanties reconnues bien fondées telles que précisées ci-dessus, de condamner en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

- l'UBP à payer à la société Kenzo une somme de cinquante mille francs (50 000 F) ainsi que déjà mentionné,

- les sociétés DEP, Witness Stock et l'Association pour l'Information Municipale, in solidum, à verser à l'UBP une somme de cinquante mille francs (50 000 F).

Qu'en revanche, les demande dirigées par la société DEP à l'encontre de l'UBP et par la société Witness Stock à l'encontre de la société DFP et de l'Association pour l'Information Municipale seront rejetées comme mal fondées.

Par ces motifs : Donne acte à la SA Tamaris de ce qu'elle se dénomme désormais Kenzo Parfums ; Confirme les jugements des 5 juillet 1995 et 7 juin 1996 en ce qu'ils ont : - dit la société Kenzo titulaire des droits attachés à la décoration florale du Pont-Neuf ; - dit la demande en contrefaçon de ladite société recevable et bien fondée ; - dit la demande en contrefaçon de la société Tamaris désormais Kenzo Parfums irrecevable ; - ordonné la saisie et la destruction de tous documents, supports et produits contrefaisants ; - condamné l'UBP aux dépens incluant une somme de 8 561,70 F ; - dit la société Witness Stock recevable et bien fondée dans la proportion de 50 % à se voir garantir des condamnations prononcées à son encontre par l'Association pour l'Information Municipale étant précisé que ladite garantie s'appliquera à la condamnation prononcée ci-après au principal ; Les réformant pour le surplus, y ajoutant et statuant à nouveau : - condamne l'UBP à payer à la société Kenzo les sommes de trois millions de francs (3 000 000 F) à titre de dommages et intérêts et de cinquante mille francs (50 000 F) en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; - déboute la société Kenzo Parfums de sa demande en dommages et intérêts ; - dit l'UBP intégralement fondée en son recours en garantie dirigé contre la société DEP, la société Witness Stock et l'Association pour l'Information Municipale ; dit la société DEP intégralement fondée en son recours en garantie formé contre la société Witness Stock et l'Association pour l'Information Municipale ; - fait interdiction à l'UBP de reproduire ou représenter l'œuvre de l'esprit en cause sous astreinte provisoire de 1 000 F par infraction constatée à compter de la signification du présent arrêt pendant une durée de trois mois passée laquelle la cour qui se réserve expressément ce pouvoir, statuera à nouveau ; Réforme le jugement du 15 mars 1996 et statuant à nouveau ; Dit la société Kenzo Parfums (ex-Tamaris) irrecevable en sa demande ; Liquide l'astreinte prononcée par le jugement du 5 juillet 1995 à la somme de trois mille francs (3 000 F) ; Condamne l'UBP à payer à la société Kenzo ladite somme ; Autorise la publication du présent arrêt dans trois périodiques au choix de la société Kenzo et aux frais de l'UBP sous les garanties susvisées dans la limite de vingt cinq mille francs HT (25 000 F HT) par insertion ; Condamne sous les mêmes garanties sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; - les sociétés DEP, Witness Stock et l'Association pour l'information Municipale, in solidum, à paver à l'UBP une somme de cinquante mille francs (50 000 F) ; Rejette toutes autres demandes, Condamne sous les garanties susvisées l'UBP aux dépens de première instance et d'appel relatifs à l'instance principale et incluant tous frais du saisie-contrefaçon et de constat. La condamne en outre aux dépens de l'instance en liquidation de l'astreinte ; Condamne sous les garanties retenues les sociétés DEP, Witness Stock et l'Association pour l'Information Municipale in solidum aux dépens relatifs aux appels en garantie ; Admet la SCP Narrat Peytavi et la SCP Faure Arnaudy titulaires d'un office d'avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.