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Décisions

CJCE, 9 juillet 1997, n° C-316/95

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Generics BV

Défendeur :

Smith Kline & French Laboratories Ltd

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Iglesias

Présidents de chambre :

MM. Moitinho de Almeida, Murray, Sevón

Rapporteur :

M. Gulmann

Avocat général :

M. Jacobs

Juges :

MM. Kapteyn, Edward, Hirsch, Jann, Ragnemalm, Wathelet

Avocats :

Mes van der Wal, van Nispen, Schutjens, Pijnacker Hordijk.

CJCE n° C-316/95

9 juillet 1997

LA COUR

1. Par arrêt du 29 septembre 1995, parvenu à la Cour le 5 octobre suivant, le Hoge Raad der Nederlanden a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, quatre questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 30 et 36 du même traité.

2. Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant Generics BV (ci-après "Generics") à Smith Kline & French Laboratories Ltd (ci-après "SKF") au sujet de la violation d'un droit de brevet pharmaceutique.

3. A la suite d'une demande introduite le 4 septembre 1973, SKF a obtenu, le 19 juin 1991, un brevet néerlandais portant sur un procédé de fabrication relatif à une préparation pharmaceutique dont le nom générique est "cimetidine" et qu'elle a mise sur le marché néerlandais sous la marque "Tagamet". Ce brevet est arrivé à expiration le 4 septembre 1993.

4. Les 22 octobre 1987 et 10 octobre 1989, Genfarma BV (ci-après "Genfarma") a introduit trois demandes auprès du College ter beoordeling van geneesmiddelen (collège d'agrément des médicaments, ci-après le "CBG") en vue d'obtenir l'enregistrement de comprimés de cimetidine de 200 mg, de 400 mg et de 800 mg. Des échantillons de ces préparations ont alors été remis au CBG. Pour les deux premières demandes, Genfarma a obtenu les enregistrements le 18 janvier 1990 et, pour la troisième, le 17 décembre 1992.

5. Par la suite, Genfarma a transféré à Generics ces enregistrements, qui, le 21 juin 1993, ont été inscrits au registre des préparations pharmaceutiques au nom de cette dernière.

6. Le 6 août 1993, SKF a introduit une demande en référé devant le président de l'Arrondissementsrechtbank te 's-Gravenhage afin qu'il soit interdit jusqu'au 5 novembre 1994 à Generics de proposer ou de livrer de la cimetidine sur le marché néerlandais et de transmettre à des tiers les enregistrements relatifs à ce médicament.

7. SKF considérait en effet que la remise des échantillons des préparations de cimetidine au CBG avait été effectuée en violation de son brevet tel que protégé par la Rijksoctrooiwet 1910 (loi néerlandaise sur les brevets d'invention, ci-après la "loi sur les brevets"), dans sa version en vigueur à cette époque. Elle s'est en particulier référée à l'arrêt rendu le 18 décembre 1992 par le Hoge Raad dans l'affaire Medicopharma/ICI, dont il ressortait que le fait, pour une personne autre que le titulaire du brevet, de déposer auprès du CBG des échantillons d'un produit préparé d'après un procédé breveté afin de pouvoir le mettre sur le marché immédiatement après l'expiration du brevet ne relevait pas de l'exemption prévue à l'article 30, paragraphe 3, de la loi sur les brevets. Selon cette dernière disposition, "le droit exclusif ne s'étend pas à des actes destinés uniquement à l'examen de l'objet du brevet, en ce compris le produit obtenu directement par application du procédé breveté".

8. Estimant par conséquent que Generics n'aurait pu demander les enregistrements qu'après le 4 septembre 1993, date d'expiration du brevet, et que, compte tenu de la durée effective moyenne de la procédure d'enregistrement aux Pays-Bas, elle ne les aurait obtenus que quatorze mois plus tard, SKF a demandé que l'interdiction édictée à l'encontre de Generics vaille jusqu'au 5 novembre 1994.

9. Le juge des référés a fait droit à la requête de SKF en limitant toutefois les interdictions imposées à Generics à une interdiction d'offrir ou de livrer, avant le 5 novembre 1994, de la cimetidine en faisant usage d'enregistrements obtenus à la suite de demandes déposées avant le 4 septembre 1993, et à une interdiction de transférer de tels enregistrements avant le 5 novembre 1994. Cette décision a été confirmée par le Gerechtshof te 's-Gravenhage. Generics s'est pourvue en cassation contre ce dernier arrêt.

10. Il ressort de l'arrêt de renvoi que Generics conteste l'arrêt du Gerechtshof te s'-Gravenhage notamment en ce qu'il constate que ni l'interdiction de mettre des échantillons de médicaments couverts par un brevet à la disposition du CBG pendant la durée du brevet ni un moratoire imposé dans le but d'empêcher que Generics ne tire injustement profit d'un acte illicite commis à l'encontre de SKF ne constituent des entraves au commerce intracommunautaire incompatibles avec les articles 30 et 36 du traité.

11. Generics soutient en outre que le moratoire qui lui a été imposé est en tout état de cause incompatible avec les directives 65-65-CEE du Conseil, du 26 janvier 1965 (JO 1965, 22, p. 369), et 75-319-CEE du Conseil, du 20 mai 1975 (JO L 147, p. 13), concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux spécialités pharmaceutiques. Ce moratoire serait en effet fixé en fonction de la durée moyenne de la procédure d'enregistrement aux Pays-Bas, et non de la durée maximale autorisée par ces directives.

12. L'article 7 de la directive 65-65 exige des autorités nationales qu'elles parviennent à une décision dans un délai de 120 jours à compter de la date de la présentation de la demande et prévoit que ce délai peut être prorogé de 90 jours dans des cas exceptionnels. Quant à l'article 4, sous c), de la directive 75-319, il prévoit que, lorsque les autorités compétentes des États membres se prévalent de la faculté d'exiger du demandeur qu'il complète le dossier en ce qui concerne certains éléments, les délais prévus à l'article 7 de la directive 65-65 sont suspendus jusqu'à ce que les données complémentaires requises aient été fournies. De même, ces délais sont suspendus du temps laissé, le cas échéant, au demandeur pour s'expliquer oralement ou par écrit.

13. Dans ces conditions, le Hoge Raad a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions suivantes:

"1) Une disposition de droit national qui permet au titulaire d'un brevet relatif à des médicaments déterminés de s'opposer, pendant la durée du brevet, à la remise par un tiers d'échantillons des médicaments brevetés (ou préparés selon le procédé breveté) à l'autorité chargée de l'enregistrement des médicaments doit-elle être considérée comme une mesure d'effet équivalant à des restrictions quantitatives à l'importation au sens de l'article 30 du traité CE?

2) Dans l'affirmative, cette mesure relève-t-elle de l'exception visée à l'article 36 du traité CE à l'égard des restrictions qui sont justifiées par des raisons de protection de la propriété industrielle?

3) Dans l'hypothèse où, pendant la durée d'un brevet, celui-ci fait l'objet d'une violation prévue par le droit national et qu'il existe un risque que l'auteur de cette violation ou un tiers profitera encore de cette violation après l'expiration de cette durée ou que cette violation donnera encore lieu à un désavantage pour le titulaire du brevet après l'expiration de cette durée, une interdiction judiciaire, imposée en vue de prévenir ce risque d'injustice, de mettre sur le marché, pendant une période déterminée après l'expiration de cette durée, des produits qui, pendant la durée du brevet, bénéficiaient de sa protection, constitue-t-elle une mesure prohibée par l'article 30 du traité CE et ne relevant pas de l'exception prévue à l'article 36 du traité CE?

4) Dans l'hypothèse où la remise d'échantillons visés sous 1) en vue de l'enregistrement d'un médicament a donné lieu à une violation visée sous 3) et que, à cette occasion, une interdiction judiciaire telle que celle visée sous 3) est imposée pendant une période qui dépasse le délai fixé par les directives 65-65-CEE et 75-319-CEE pour la durée maximale de la procédure d'enregistrement de médicaments, ce dépassement a-t-il pour conséquence de rendre l'interdiction dans cette mesure incompatible avec le droit communautaire et, dans l'affirmative, de permettre à la personne à laquelle l'interdiction est imposée d'invoquer cette incompatibilité à l'égard du titulaire précédent du brevet en vertu du droit communautaire?"

Sur la première question

14. Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si l'application d'une disposition nationale permettant au titulaire d'un brevet relatif à un procédé de fabrication d'un médicament de s'opposer à ce qu'un tiers remette des échantillons d'un médicament fabriqués selon ce même procédé à l'autorité compétente pour la délivrance des autorisations de mise sur le marché des médicaments (ci-après l'"AMM") constitue une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative au sens de l'article 30 du traité.

15. Selon une jurisprudence constante, constitue une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative toute mesure susceptible d'entraver, directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire (arrêts du 11 juillet 1974, Dassonville, 8-74, Rec. p. 837, point 5, et du 9 février 1995, Leclerc-Siplec, C-412-93, Rec. p. I-179, point 18).

16. Une disposition telle que celle en cause dans le litige au principal, dans la mesure où elle interdit à tout concurrent de déposer, dans le cadre d'une demande d'AMM, avant l'expiration du brevet concerné, des échantillons d'un médicament produits selon un procédé breveté, a notamment pour conséquence qu'aucun concurrent ne pourra obtenir une AMM pour ce type de médicament avant que le délai d'attente faisant suite à l'introduction, postérieurement à l'expiration du brevet, d'une demande d'une telle autorisation ne soit écoulé. Ainsi, un médicament fabriqué selon ce même procédé et circulant légalement dans un État membre A pendant la période où, dans l'État membre B, le brevet y relatif est toujours en vigueur ne pourra, en tout état de cause, être mis sur le marché de ce dernier État dès qu'aura expiré ledit brevet. Or, en l'absence de la disposition litigieuse, le dépôt, dans le cadre d'une demande d'AMM, d'échantillons d'un tel médicament avant l'expiration du brevet serait licite, de sorte qu'il ne saurait être exclu qu'une telle autorisation puisse être obtenue durant la période de validité du brevet et que, par conséquent, l'importation du médicament générique en provenance de l'État membre A dans l'État membre B puisse avoir lieu immédiatement après l'expiration du brevet.

17. Il y a lieu dès lors de répondre que l'application d'une disposition nationale permettant au titulaire d'un brevet relatif à un procédé de fabrication d'un médicament de s'opposer à ce qu'un tiers remette des échantillons d'un médicament fabriqués selon ce même procédé à l'autorité compétente pour la délivrance des AMM constitue une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative au sens de l'article 30 du traité.

Sur la deuxième question

18. La deuxième question porte, en substance, sur le point de savoir si l'application d'une disposition nationale permettant au titulaire d'un brevet relatif à un procédé de fabrication d'un médicament de s'opposer à ce qu'un tiers remette, à l'autorité compétente pour la délivrance des AMM, des échantillons d'un médicament fabriqués par une personne autre que le titulaire selon le procédé breveté est justifiée au regard de l'article 36 du traité.

19. Selon la jurisprudence de la Cour, l'article 36 du traité, en tant qu'il apporte une exception, pour des raisons de protection de la propriété industrielle et commerciale, à l'un des principes fondamentaux du Marché commun, n'admet cependant cette dérogation que dans la mesure où elle est justifiée par la sauvegarde des droits qui constituent l'objet spécifique de cette propriété, lequel, en matière de brevets, comprend notamment l'attribution, au titulaire, du monopole de première exploitation de son produit (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 1981, Merck, 187-80, Rec. p. 2063, point 10).

20. En l'espèce, la faculté, pour le titulaire d'un brevet relatif à un procédé de fabrication d'un médicament, de s'opposer à ce qu'un tiers utilise, en vue d'obtenir une AMM, des échantillons d'un médicament fabriqués selon ledit procédé relève de l'objet spécifique du droit de brevet pour autant que ces échantillons ont été utilisés sans le consentement direct ou indirect du titulaire du brevet. A cet égard, il n'est, du reste, pas inutile de souligner que l'article 25 de la convention sur le brevet communautaire (JO 1989, L 401, p. 10) ainsi que l'article 28 de l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (TRIPs) (JO 1994, L 336, p. 214) confèrent précisément le droit d'empêcher des tiers agissant sans le consentement du titulaire du brevet notamment d'utiliser le produit obtenu directement par le procédé objet du brevet. Empêcher, en l'occurrence, l'application d'une règle nationale qui prévoit la faculté indiquée ci-dessus permettrait en fait de porter atteinte au monopole de première exploitation du produit tel qu'évoqué au point qui précède.

21. Il y a lieu de rappeler en outre que les mesures d'effet équivalant à des restrictions quantitatives justifiées par des raisons de protection de la propriété industrielle et commerciale sont admises au titre de l'article 36, sous la réserve expresse qu'elles ne constituent ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres (voir, notamment, arrêt du 27 octobre 1992, Generics et Harris Pharmaceuticals, C-191-90, Rec. p. I-5335, point 21).

22. Or, rien n'indique dans le dossier que la loi sur les brevets revêt un caractère discriminatoire ni qu'elle vise à favoriser les produits nationaux par rapport aux produits originaires d'autres États membres.

23. Dans ces conditions, il convient de répondre que l'application d'une disposition nationale permettant au titulaire d'un brevet relatif à un procédé de fabrication d'un médicament de s'opposer à ce qu'un tiers remette, à l'autorité compétente pour la délivrance des AMM, des échantillons d'un médicament fabriqués par une personne autre que le titulaire selon le procédé breveté est justifiée au regard de l'article 36 du traité.

Sur la troisième question

24. Par sa troisième question, le juge national demande en substance si, lorsqu'un tiers a, en violation du droit des brevets d'un État membre, remis à l'autorité compétente pour la délivrance des AMM des échantillons d'un médicament fabriqués selon un procédé breveté et qu'il a ainsi obtenu l'autorisation demandée, le fait, pour une juridiction nationale, d'interdire à l'auteur de la violation de mettre sur le marché un tel médicament pendant une période déterminée après l'expiration du brevet, en vue d'empêcher qu'il ne tire un profit injuste de cette violation, constitue une mesure d'effet équivalent au sens de l'article 30 du traité, pouvant être justifiée au regard de l'article 36.

25. Il y a lieu de constater qu'une telle mesure, en tant qu'elle interdit la commercialisation, sur le territoire d'un État membre, d'une marchandise écoulée de manière licite sur le territoire d'un autre État membre, constitue une mesure d'effet équivalent au sens de l'article 30 du traité.

26. S'agissant de l'application de l'article 36, Generics soutient que l'interdiction, à titre de réparation, de la vente de produits après l'expiration du brevet ne respecte pas le principe de proportionnalité, dès lors que l'octroi d'une indemnité ou l'annulation des AMM pourraient également être envisagées.

27. Il convient de relever à cet égard que, si Generics avait respecté le droit de brevet de SKF, elle n'aurait pu déposer les échantillons de cimetidine qu'après l'expiration dudit brevet. En conséquence, SKF aurait pu continuer à commercialiser son produit sans subir la concurrence du produit générique de Generics pendant la période nécessaire à l'obtention de l'AMM.

28. Le moratoire imposé par le juge à l'auteur de la violation du droit de brevet, dans la mesure où il tend à placer le titulaire de ce dernier dans la situation qui aurait été en principe la sienne si ses droits avaient été respectés, ne saurait en lui-même être considéré comme une forme de réparation disproportionnée.

29. Il y a donc lieu de répondre que, lorsqu'un tiers a, en violation du droit des brevets d'un État membre, remis à l'autorité compétente pour la délivrance des AMM des échantillons d'un médicament fabriqués selon un procédé breveté et qu'il a ainsi obtenu l'autorisation demandée, le fait, pour une juridiction nationale, d'interdire à l'auteur de la violation de mettre sur le marché un tel médicament pendant une période déterminée après l'expiration du brevet, en vue d'empêcher qu'il ne tire un profit injuste de cette violation, constitue une mesure d'effet équivalent au sens de l'article 30 du traité, pouvant être justifiée au regard de l'article 36 du même traité.

Sur la quatrième question

30. Par sa quatrième question, la juridiction nationale demande en substance si, dans le cas où la remise d'échantillons d'un médicament à l'autorité compétente, en vue d'obtenir une AMM, a donné lieu à la violation d'un brevet, le droit communautaire, et en particulier l'article 36 du traité, s'oppose à ce que le juge national impose à l'auteur de cette violation une interdiction de mettre ledit médicament sur le marché pendant une période de quatorze mois après l'expiration dudit brevet, laquelle, bien que dépassant le délai maximal autorisé par l'article 7 de la directive 65-65, lu en combinaison avec l'article 4, sous c), de la directive 75-319, pour la procédure d'octroi des AMM, correspond à la durée moyenne effective d'une telle procédure dans l'État membre concerné.

31. Dès lors que la période d'interdiction imposée par la juridiction nationale correspond, ainsi qu'il est précisé dans l'arrêt de renvoi, à la durée moyenne effective de la procédure d'enregistrement dans l'État membre concerné, elle a pour effet, ainsi qu'il ressort déjà du point 28 du présent arrêt, de placer le titulaire du brevet dans la situation qui aurait été en principe la sienne si ses droits avaient été respectés.

32. Il est constant que, en l'espèce, le délai de quatorze mois dépasse le délai maximal autorisé par les directives précitées. Cependant, une telle circonstance ne saurait être utilement invoquée par un contrefacteur à l'encontre du titulaire du brevet afin d'obtenir un délai d'interdiction plus court. Admettre le contraire reviendrait, en l'occurence, à accepter le risque de privilégier l'auteur de la violation plutôt que la victime de celle-ci.

33. Une solution telle que celle qui a été décidée par le juge national n'apparaît donc pas comme étant de nature à entraîner, dans des circonstances comme celles de l'espèce, des conséquences disproportionnées pour l'auteur de la violation du droit de brevet.

34. Il y a donc lieu de répondre que, dans le cas où la remise d'échantillons d'un médicament à l'autorité compétente, en vue d'obtenir une AMM, a donné lieu à la violation d'un brevet, le droit communautaire, et en particulier l'article 36 du traité, ne s'oppose pas à ce que le juge national impose à l'auteur de cette violation une interdiction de mettre sur le marché ledit médicament pendant une période de quatorze mois après l'expiration dudit brevet, laquelle, bien que dépassant le délai maximal autorisé par l'article 7 de la directive 65-65, lu en combinaison avec l'article 4, sous c), de la directive 75-319, pour la procédure d'octroi des AMM, correspond à la durée moyenne effective d'une telle procédure dans l'État membre concerné.

Sur les dépens

35. Les frais exposés par les gouvernements allemand, hellénique et du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR,

statuant sur les questions à elle soumises par le Hoge Raad der Nederlanden, par arrêt du 29 septembre 1995, dit pour droit:

1°) L'application d'une disposition nationale permettant au titulaire d'un brevet relatif à un procédé de fabrication d'un médicament de s'opposer à ce qu'un tiers remette des échantillons d'un médicament fabriqués selon ce même procédé à l'autorité compétente pour la délivrance des autorisations de mise sur le marché des médicaments constitue une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative au sens de l'article 30 du traité CE.

2°) L'application d'une disposition nationale permettant au titulaire d'un brevet relatif à un procédé de fabrication d'un médicament de s'opposer à ce qu'un tiers remette, à l'autorité compétente pour la délivrance des autorisations de mise sur le marché des médicaments, des échantillons d'un médicament fabriqués par une personne autre que le titulaire selon le procédé breveté est justifiée au regard de l'article 36 du traité CE.

3°) Lorsqu'un tiers a, en violation du droit des brevets d'un État membre, remis à l'autorité compétente pour la délivrance des autorisations de mise sur le marché des médicaments, des échantillons d'un médicament fabriqués selon un procédé breveté et qu'il a ainsi obtenu l'autorisation demandée, le fait, pour une juridiction nationale, d'interdire à l'auteur de la violation de mettre sur le marché un tel médicament pendant une période déterminée après l'expiration du brevet, en vue d'empêcher qu'il ne tire un profit injuste de cette violation, constitue une mesure d'effet équivalent au sens de l'article 30 du traité, pouvant être justifiée au regard de l'article 36 du même traité.

4°) Dans le cas où la remise d'échantillons d'un médicament à l'autorité compétente, en vue d'obtenir une autorisation de mise sur le marché, a donné lieu à la violation d'un brevet, le droit communautaire, et en particulier l'article 36 du traité, ne s'oppose pas à ce que le juge national impose à l'auteur de cette violation une interdiction de mettre sur le marché ledit médicament pendant une période de quatorze mois après l'expiration dudit brevet, laquelle, bien que dépassant le délai maximal autorisé par l'article 7 de la directive 65-65-CEE du Conseil, du 26 janvier 1965, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives, relatives aux spécialités pharmaceutiques, lu en combinaison avec l'article 4, sous c), de la directive 75-319-CEE du Conseil, du 20 mai 1975, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux spécialités pharmaceutiques, pour la procédure d'octroi des autorisations de mise sur le marché, correspond à la durée moyenne effective d'une telle procédure dans l'État membre concerné.