CA Lyon, 1re ch., 19 avril 2001, n° 2000-02057
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Pasarela Textil (Sté)
Défendeur :
Peyret
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Loriferne
Conseillers :
M. Roux, Mme Biot
Avoués :
SCP Aguiraud-Nouvellet, Me Guilhem
Avocats :
Mes Durade-Replat, Llacer.
FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS DES PARTIES
Monsieur Benoît Peyret, agent commercial, chargé depuis avril 1988 par la société de droit Espagnol Pasarela Textil, moyennant paiement de commissions, de créer et de développer une clientèle dans la région Est de la France, et dont le mandat a été rompu par courrier du 25 octobre 1996, a fait assigner cette société devant le Tribunal de grande instance de Lyon, par acte du 2 avril 1997, pour obtenir le paiement de la somme de 150 000 F de dommages et intérêts pour non-respect du préavis et rupture abusive du contrat, de celle de 360 000 F d'indemnité de clientèle et le versement des commissions relatives aux ventes conclues entre le 25 octobre 1996 et le 31 juillet 1997 avec des clients par lui démarchés, à charge pour la société Pasarela de communiquer à peine d'astreinte les documents nécessaires au calcul de ces commissions.
Par ordonnance du 31 janvier 2000 le juge de la mise en état de la troisième chambre du Tribunal de grande instance de Lyon, statuant en application du décret du 28 décembre 1998 sur l'exception d'incompétence soulevée par la société Pasarela Textil qui déclinait la compétence territoriale du Tribunal de grande instance de Lyon au profit des tribunaux de Tarragone ou de Barcelone en se fondant sur les dispositions des articles 2 et 5-1 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, constatant que le litige était de nature contractuelle et considérant que l'obligation qui servait de base à la demande avait été exécutée en France puisque Monsieur Peyret négociait des contrats de vente pour la société espagnole à partir de son domicile professionnel à Lyon (France), a dit que le Tribunal de grande instance de Lyon était compétent pour connaître de toutes les demandes.
La société Pasarela Textil a relevé appel de cette ordonnance en concluant à sa réformation, motif pris de ce que le paiement de l'indemnité de clientèle qui est l'obligation litigieuse principale servant de base à la demande est selon la loi française localisée en Espagne lieu du domicile du débiteur.
La société appelante conclut donc à l'incompétence du Tribunal de grande instance de Lyon au profit du Tribunal de première instance de Tarragone (Espagne) ou de celui de Barcelone (Espagne) pour statuer sur tous les chefs de demande.
Elle sollicite l'allocation d'une indemnité de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Monsieur Peyret conclut à la confirmation de l'ordonnance en faisant valoir que l'indemnité de clientèle n'est pas autonome puisqu'elle est la conséquence de la rupture du contrat et que la demande en paiement de cette indemnité est accessoire à la demande principale.
MOTIFS ET DECISION
Attendu que selon l'article 2 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat contractant sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet Etat ;
Mais attendu que selon l'article 5-l de cette même convention le défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat contractant peut être attrait, dans un autre Etat contractant, en matière contractuelle devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ;
Attendu dès lors que les demandes de Monsieur Peyret en paiement de dommages-intérêts pour brusque rupture du contrat d'agence et de commissions relatives aux opérations commerciales conclues par la société Pasarela Textil du fait de son activité, qui sont la sanction de la méconnaissance par cette société de ses obligations de respect d'un préavis et de rémunération nées d'un contrat soumis à la loi française et qui devaient être exécutées en France lieu où l'agent exerçait son activité de représentation peuvent être soumises aux juridictions françaises ;
Attendu que le premier juge a donc, à bon droit, décidé que le Tribunal de grande instance de Lyon était compétent pour statuer de ces chefs ;
Attendu toutefoisque la demande d'indemnité de clientèle également formée devant le Tribunal de grande instance de Lyon, indépendante du caractère licite ou non de la rupture du contrat et du respect par la société mandante de ses obligations originaires, est fondée sur une obligation autonome par rapport au contrat ;
Que contrairement à ce qu'affirme Monsieur Peyret, cette demande en paiement n'est pas l'accessoire de la demande selon lui principale fondée sur l'obligation de verser des commissions en vertu du contrat d'agence mais est fondée sur une obligation équivalente ;
Attendu que dans ces conditions cette obligation de paiement, quérable selon la loi française applicable, doit être exécutée au domicile de la société Pasarela Textil qui en est la débitrice ;
Qu'en conséquence le siège social de cette société étant situé à Tarragone en Espagne le demandeur ne peut invoquer les dispositions de l'article 5-1 de la convention de Bruxelles pour soumettre cette demande au juge français et qu'il convient, réformant l'ordonnance sur ce point, de dire que le Tribunal de grande instance de Lyon est incompétent de ce chef ;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles;
Par ces motifs : LA COUR, Réforme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a dit que le Tribunal de grande instance de Lyon était compétent pour connaître de la demande en paiement d'indemnité de clientèle formée par Monsieur Benoît Peyret contre la société Pasarela Textil ; Statuant à nouveau, Dit que le Tribunal de grande instance de Lyon est territorialement incompétent pour statuer sur cette demande ; Renvoie Monsieur Benoît Peyret à mieux se pourvoir, Confirme l'ordonnance pour le surplus, Y ajoutant ; Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Laisse à chaque partie la charge de ses dépens d'appel.