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Décisions

Ministre de l’Économie, 7 novembre 2002, n° ECOC0300276Y

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Directeurs de la compagnie Saint-Gobain et de Point P SA

Ministre de l’Économie n° ECOC0300276Y

7 novembre 2002

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE

Messieurs les Directeurs,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 4 octobre 2002, vous avez notifié la prise de contrôle de la société Comptoir des Matériaux Modernes (ci-après dénommée CMM) par la société Point P SA (ci-après dénommée Point P).

I- les parties et l'opération envisagée

La société Point P est une société anonyme de droit français, filiale à 99,99 % de la société Partidis, elle-même détenue à 100 % par la compagnie de Saint-Gobain. L'activité du groupe Saint-Gobain est centrée autour de trois pôles d'activité que sont la fabrication de différents produits issus du verre (vitrage, isolation, conditionnement), de matériaux de haute performance (céramiques, plastiques de haute performance et abrasifs) et de matériaux de construction. Ce dernier pôle comprend une activité de distribution de matériaux de construction destinés aux entreprises du bâtiment. En sa qualité de négociant en matériaux de construction, la société Point P fait donc partie de la branche distribution du groupe Saint-Gobain. Le chiffre d'affaires mondial du groupe s'est élevé à 30,3 milliards d'euros au 31 décembre 2001, dont 7,7 milliards ont été réalisés en France.

La société CMM est une société anonyme de droit français contrôlée par Monsieur Michel Lorach qui détient 50,15 % du capital et la majorité des droits de vote. Les autres actionnaires de la société sont des membres de la famille Lorach. La société CMM est propriétaire de deux établissements de négoce de matériaux de construction situés à Sucy-en-Brie (Val-de-Marne) et à Massy (Essonne). Ces deux points de vente ont réalisé au 31 décembre 2001 un chiffre d'affaires de 19,8 millions d'euros, réalisé dans la seule région parisienne.

Aux termes du protocole d'accord signé le 21 juin 2002, Monsieur Michel Lorach et les autres actionnaires de la société CMM se sont engagés à céder 99,96 % du capital de cette dernière à la société Point P SA. A l'issue de l'opération, Point P obtiendra donc le contrôle exclusif de la société CMM. L'opération constitue à ce titre une opération de concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires précités, cette opération est soumise au contrôle de la concentration économique, conformément aux dispositions de l'article L. 430-3 du même Code.

II- Les marchés concernés

La branche distribution bâtiment du groupe Saint-Gobain distribue un ensemble de produits tels que du sable, du gravier, des canalisations, du béton, du ciment, du mortier, des briques, des tuiles, des ardoises, des produits d'isolation, des produits d'étanchéité, des produits en bois, de la menuiserie, du carrelage, des produits de chauffage-sanitaire, de l'outillage, de la peinture, du matériel électrique, des produits d'aménagement extérieur, etc.

Point P est l'une des enseignes en France de la branche distribution bâtiment du groupe Saint-Gobain. Les autres enseignes françaises en matière de négoce de matériaux de construction du groupe sont : Point P travaux publics, La Plateforme du Bâtiment (nouveau concept de vente exclusivement réservé aux professionnels sur le principe du "cash & carry"), Lapeyre-GME (spécialisé dans l'aménagement de la maison, en particulier en ce qui concerne la cuisine, la salle de bain, les menuiseries intérieures et extérieures), Cedeo (grossiste sanitaire-chauffage), SFIC (spécialisé dans l'isolation), l'Asturienne (spécialisé en couverture et sanitaire-chauffage), K par K (vente et pose de fenêtres, portes, volets, etc.).

CMM est également négociant en matériaux de construction et dispose de deux points de vente situés à Sucy-en-Brie (Val-de-Marne) et à Massy (Essonne). La société réalise près de [...]% de son chiffre d'affaires dans la vente de matériaux destinés aux travaux publics, ainsi que [...]% de son chiffre d'affaires dans la vente de produits d'étanchéité destinés au bâtiment. Le reste des ventes de CMM concerne un ensemble de matériaux de construction divers.

Le groupe Saint-Gobain est par ailleurs fabricant de matériaux utilisés pour la construction et les travaux publics : vitrage, isolation, abrasifs, canalisations, tuiles et briques, mortiers, produits béton.

Les parties à l'opération sont donc simultanément présentes sur les mêmes secteurs d'activités en tant que distributeurs de matériaux de construction et en tant qu'acheteurs sur les marchés de l'approvisionnement. Le groupe Saint-Gobain est également présent sur les marchés de l'approvisionnement en tant que fabricant de matériaux destinés à la construction ou aux travaux publics.

A- La délimitation des marchés de produits concernés

1°) Les marchés du négoce de matériaux de construction

Selon vous, les marchés concernés par l'opération sont, d'une part, le marché de la distribution de matériaux de construction et, d'autre part, le marché plus spécifique de la distribution de matériaux destinés aux travaux publics. Vous faites en effet valoir, dans le dossier de notification, que "dans la mesure où le distributeur vend toute une gamme de produits, il ne serait pas pertinent de diviser le marché en plusieurs marchés de lignes de produits ; néanmoins, en considération de la part significative que les produits destinés aux travaux publics représentent dans le chiffre d'affaires de CMM ([...]% environ), cette activité sera considérée isolément".

En ce qui concerne le marché de la distribution de matériaux de construction en général, vous considérez que ce dernier comprend l'ensemble des ventes de matériaux de construction, quel que soit le canal de distribution emprunté. Vous estimez ainsi que les négociants traditionnels, qu'ils soient généralistes, spécialistes ou multi-spécialistes, ainsi que les grandes surfaces de bricolage (GSB) et les rayons spécialisés des grandes surfaces alimentaires (GSA), constituent des offres partiellement substituables aux yeux de la clientèle.

La question d'une délimitation plus étroite du marché pertinent en fonction du canal de distribution peut néanmoins être soulevée. La pratique décisionnelle du ministre a en effet déjà été amenée à distinguer le négoce de matériaux de construction de la distribution en GSB ou en GSA pour plusieurs raisons (1).

Selon la jurisprudence des autorités de concurrence communautaires (2), le négoce de matériaux de construction est une activité traditionnelle par laquelle les négociants stockent l'ensemble des matériaux nécessaires aux entreprises du secteur du bâtiment. L'activité consiste à fournir en gros un large assortiment de matériaux qui, bien que non substituables entre eux, sont toutefois nécessaires et souvent associés pour réaliser un projet de construction.

L'offre des négociants s'adresse en priorité à des professionnels du bâtiment ou à des particuliers bricoleurs lourds dont les attentes sont proches de celles de professionnels. Ceci implique des caractéristiques spécifiques en termes d'organisation de distribution des produits : les négociants disposent de stocks importants, de gammes profondes, ils livrent généralement la marchandise à leur clientèle, proposent parfois la livraison directe par le fournisseur pour les commandes importantes, ont une activité de conseil très importante aux yeux de la clientèle, accordent des délais de paiement, assument le risque-client, etc.

A l'inverse, les GSB et GSA s'adressent principalement à une clientèle de particuliers dans le cadre de leurs achats de matériel de bricolage. Lorsque des professionnels s'adressent parfois aux GSB ou aux GSA pour certains matériaux, leur comportement reste proche de celui des particuliers (achats ponctuels de petites quantités, à emporter, absence de délais de paiement, etc.). Si les négociants traditionnels et les GSB/GSA sont amenés à proposer les mêmes produits, les services et les conditions de vente qui s'y rapportent diffèrent sensiblement d'un canal de distribution à l'autre, ce qui justifie qu'ils puissent être considérés comme des marchés distincts.

Par ailleurs, la jurisprudence des autorités de concurrence, tant françaises (3) que communautaires (4), a évoqué à plusieurs reprises la possibilité de distinguer, au sein du marché du négoce de matériaux de construction, une segmentation plus fine en fonction du degré de spécialisation des négociants. En effet, contrairement aux négociants généralistes dont l'offre porte sur un assortiment complet de différentes gammes de produits, les négociants spécialisés proposent des gammes plus profondes et une expertise plus poussée sur des lignes de produits particulières (bois, carrelage, isolation, etc.).

C'est précisément cette approche qui a permis aux parties d'identifier un marché distinct de la distribution de matériaux de construction destinés aux travaux publics. En effet, la demande émane d'une catégorie particulière, à savoir les entreprises intervenant sur les chantiers de travaux publics ; ces dernières ne pourront trouver la profondeur de gamme en matière de produits destinés aux travaux publics nécessaires à leur activité qu'en s'adressant à un distributeur spécialisé. Les parties sont toutes deux présentes sur ce marché. Point P est distributeur de matériaux destinés aux travaux publics, principalement à travers 9 points de vente spécialisés, répartis sur l'ensemble de l'Ile-de-France. CMM dispose également de deux agences dont [...]% de l'activité concerne le négoce de matériaux de construction destinés aux travaux publics.

Il convient en outre de constater que CMM réalise une partie significative de son chiffre d'affaires ([...]%) dans le négoce de produits isolants supports d'étanchéité. Ces produits sont des isolants extérieurs, placés sur les toitures-terrasses, entre la dalle et le produit d'étanchéité classique (produits bitumineux, goudronnés, etc.). Ils sont fabriqués à partir des mêmes types de composants que les isolants thermiques et acoustiques traditionnels (laine de roche, polystyrènes, polyuréthane), mais ils s'en distinguent dans la mesure où ils ne se présentent pas sous la même forme (densité, format, etc.).

Ils se distinguent également des produits d'étanchéité au sens strict dans la mesure où leur fonction n'est pas de protéger contre l'humidité mais d'isoler contre le froid et les nuisances sonores. Seuls quelques fabricants de produits isolants sont spécialisés dans la production de ce type de produits (Saint-Gobain/Isover et Rockwool pour supports d'étanchéité en laine de roche, Saint-Gobain/Isover et Knauf-Alcopor pour les polystyrènes, Efisol et Recticel pour les mousses polyuréthane).

La demande d'isolants supports d'étanchéité se compose essentiellement de professionnels du bâtiment dont une forte proportion est spécialisée dans l'étanchéité et dont les besoins ne peuvent que difficilement être satisfaits auprès de négociants généralistes qui ne disposent pas de ces produits dans leur assortiment. La question d'un marché distinct correspondant à une spécialité de négoce en matériaux d'isolation support d'étanchéité peut donc être soulevée. Il est à noter que Point P distribue également des produits isolants supports d'étanchéité, en particulier à travers une agence Point P spécialisée en étanchéité située à Alfortville (Val-de-Marne), où sont entreposés les stocks de matériaux isolants supports d'étanchéité destinés à être distribués en Ile-de-France.

En tout état de cause, la question d'une délimitation plus fine du marché du négoce en fonction du réseau de distribution et/ou en fonction de la spécialisation par produits des négociants peut être laissée ouverte au cas d'espèce, dans la mesure où, quelle que soit la dimension retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.

2°) Les marchés de l'approvisionnement

L'activité de Point P et de CMM consiste à s'approvisionner en matériaux de construction auprès de fabricants puis à revendre ces matériaux aux professionnels de la construction et des travaux publics. La demande adressée aux fabricants émane en grande partie de négociants de taille nationale (Point P, Pinault Bois & Matériaux, groupements d'achats d'indépendants comme Bigmat ou Gedimat) ou régionale. Le solde de la demande émane des grandes surfaces de bricolage, des grandes surfaces alimentaires pour leurs rayons bricolage ou fait l'objet de commandes directes auprès des fabricants pour quelques produits particuliers. Compte tenu du faible poids que représente le chiffre d'affaires de CMM au plan national, sa part dans le total des achats de matériaux de construction est également faible. L'opération n'entraine par conséquent qu'une très faible addition de parts de marché.

Toutefois, conformément à la pratique décisionnelle de la Commission et du ministre, il est possible de distinguer, en matière d'approvisionnement, autant de marchés qu'il existe de familles de produits (5). En effet, Point P et CMM, en tant que négociants, font appel à un grand nombre de fournisseurs appartenant à des secteurs d'activité très différents. La structure de l'offre, l'évolution des prix, la nature et l'intensité des barrières à l'entrée ou des contraintes de fabrication peuvent sensiblement varier d'une famille de produits à l'autre.

De son côté, le groupe Saint-Gobain fabrique un certain nombre de matériaux de construction que l'on peut regrouper en six grandes familles : matériaux d'isolation, mortiers, tuiles, matériel de voirie, tuyaux d'assainissement, dalles et pavés. Une partie de ces produits (environ [20-30]%) est écoulée à travers le réseau de négociants appartenant au groupe, notamment les points de vente Point P. Le reste des produits fabriqués est vendu à d'autres distributeurs indépendants du groupe Saint-Gobain, dont CMM.

Compte tenu du fait que l'activité de CMM est en partie spécialisée dans la distribution de matériaux de construction destinés au travaux publics et de produits isolants supports d'étanchéité, et que par ailleurs le groupe Saint-Gobain est présent en tant que fabricant sur les marchés de l'isolation et du matériel de voirie, il y a lieu de considérer que, parmi les différents marchés relatifs à l'approvisionnement des négociants, les marchés de l'approvisionnement en produits d'isolation et en matériel de voirie sont principalement concernés par la présente opération.

Dans sa décision BPB/Isover (6), la Commission européenne a estimé que le marché des isolants comprenait toute une gamme de produits isolants thermiques et acoustiques destinés aux bâtiments (sols, murs, toitures, ventilation, climatisation) et à différentes applications industrielles (installations de chauffage, conduite de fluides, etc.). A cela peuvent s'ajouter les produits destinés aux véhicules de transport (caravanes, trains, bateaux, voitures). La Commission a en outre précisé qu'il existait une forte interchangeabilité entre les matières premières que sont les laines minérales (laine de verre et laine de roche) et les mousses (polystyrènes et polyuréthane) qui servent à la fabrication des matériaux isolants. Il n'y a donc pas lieu de considérer des marchés distincts en fonction du type de matière première.

Pour ce qui est du matériel de voirie, la Commission a considéré que ce marché comprenait les dispositifs de couverture permettant l'accès au réseau d'assainissement et téléphonique (bouches d'égouts ou tampons), de grilles de caniveaux, de grilles d'arbres (7).

B- La dimension géographique des marchés concernés

1°) La dimension géographique des marchés du négoce de matériaux de construction concernés

En matière de négoce de matériaux de construction, il est généralement admis que la dimension géographique du ou des marchés pertinents est locale, dans la mesure où les professionnels du bâtiment effectuent la plupart de leurs achats à proximité de leur propre zone d'intervention. Toutefois, le périmètre de la zone de chalandise d'un point de vente varie en fonction de la largeur de l'assortiment de gammes proposé, de la spécificité ou du caractère plus ou moins onéreux de certains produits, du degré de spécialisation du point de vente concerné et de la région où il est implanté. La clientèle est en effet prête à se déplacer sur de plus grandes distances pour rejoindre un point de vente généraliste plus grand et mieux achalandé ou un point de vente spécialisé correspondant à un besoin précis ou moins courant.

Ainsi, il est possible de distinguer des zones de chalandise pour chaque type d'activité concerné par la présente opération, à savoir le négoce généraliste, le négoce spécialisé en matériaux destinés aux travaux publics et le négoce spécialisé en matériaux isolants supports d'étanchéité.

Concernant l'activité généraliste de CMM, vous estimez que la localisation des clients montre que sa zone de chalandise se situe dans un rayon de 20 kilomètres autour de chacun de ses deux points de vente. Ce périmètre relativement étroit s'explique en raison du fort degré d'urbanisation de cette partie de la région parisienne qui implique la présence d'un plus grand nombre d'agences ou de négociants susceptibles de satisfaire la clientèle locale. Sur cette zone, Point P dispose pour sa part de 82 points de vente généralistes.

En matière de matériaux destinés aux travaux publics, la zone de chalandise des agences CMM s'étend en revanche à la totalité de l'Ile-de-France. En effet, les produits proposés sont plus spécifiques et une partie importante du négoce (environ 30 %) se fait par livraison directe à partir de l'usine du fournisseur sur le lieu d'intervention du client, ce qui réduit la nécessité de proximité du négociant.

Pour les mêmes raisons, les enquêtes réalisées auprès de la clientèle des parties à l'opération ont démontré que la concurrence entre les différents négociants spécialisés dans la distribution de produits isolants supports d'étanchéité s'exerçait sur l'ensemble de l'Ile-de-France.

2°) La dimension géographique des marchés de l'approvisionnement concernés

En matière d'approvisionnement en matériaux de construction, la dimension géographique est généralement considérée comme étant au moins nationale, voire européenne (8).

En ce qui concerne le marché des matériaux d'isolation, la Commission a estimé que le marché était de dimension régionale, au sens où il pouvait couvrir un Etat membre et les Etats voisins. En effet, l'adaptation aux différentes normes nationales ne constitue pas un obstacle, mais les coûts de transport demeurent relativement élevés en raison du volume particulièrement important de ces produits difficiles à comprimer sans les altérer.

Pour ce qui est du matériel de voirie, la Commission a estimé que le marché pouvait être considéré comme national compte tenu des habitudes historiques des clients attachés à certaines catégories de produits.

III- L'analyse concurrentielle

A- Sur les marchés du négoce de matériaux de construction

Les ventes de matériaux de construction réalisées par la branche distribution bâtiment du groupe Saint-Gobain sur l'ensemble du territoire français se sont élevées à [>1] milliards d'euros en 2001. Selon vos estimations, les ventes en France de produits similaires, tous canaux de distribution confondus, se seraient élevées à 32,3 milliards d'euros. Les ventes du groupe Saint-Gobain représenteraient donc environ un maximum de [10-20]% de l'ensemble de ventes de matériaux de construction au plan national. Les ventes de CMM ne représentent qu'une part non significative du total des ventes en France.

En l'absence de statistiques officielles concernant les ventes de la distribution de matériaux de construction, tous canaux confondus, sur le plan local, vous avez calculé le montant de ces ventes en partant d'une consommation par habitant multipliée par le nombre d'habitants sur la zone géographique de chevauchement des activités des parties. Dès lors, vous estimez que les ventes du groupe Saint-Gobain représentent [10-20]% et celles de CMM environ [0-10]% des ventes de matériaux de construction sur cette zone.

Si l'on considère uniquement le canal de distribution correspondant aux négociants généralistes et spécialisés, en excluant les autres canaux de distribution, il convient d'exclure du chiffre d'affaires de l'acquéreur les ventes réalisées par les magasins spécialisés pour le grand public du groupe Saint-Gobain (Lapeyre/GME). Dès lors, la part du groupe Saint-Gobain (à savoir les ventes réalisées par Point P, Cedeo, DSC, Asturienne, La Plateforme du Bâtiment, SFIC) atteindrait environ [10-20]% des ventes réalisées sur l'ensemble de l'Ile-de-France et |10-20]% de celles réalisées sur la zone géographique concernée. La part de CMM ne dépasserait pas, en tout état de cause, un maximum de [0-10]%.

Si l'on doit distinguer un marché du négoce généraliste uniquement, en excluant les négoces spécialisés, vous estimez que la part de marché des points de vente généralistes de Point P atteindrait [10-20]% et celle de CMM serait inférieure à [0-10]%. Les données recueillies au cours de l'instruction du dossier ont permis de vérifier que la part de marché de CMM était en tout état de cause très faible et que la présente opération n'entrainait aucune addition significative en termes de parts de marché sur le marché du négoce généraliste sur la zone géographique concernée.

En ce qui concerne le marché distinct du négoce de matériaux destinés aux travaux publics, vous avez estimé le total des ventes sur l'Ile-de-France à partir de statistiques émises par la Fédération Nationale des travaux Publics (FNTP). Ces dernières établissent la part que représentent les achats de matériaux dans le coût total des travaux. Toutefois, une forte proportion de ces achats est réalisée directement auprès des fabricants de matériaux. Vous avez donc estimé à partir de ces chiffres la part représentée par les achats effectués auprès de négociants. Dès lors, vous considérez que le marché du négoce de matériaux de construction en Ile-de-France peut être évalué à environ [...]* millions d'euros. La part de marché de Point P serait alors de [0-10]% et celle de CMM de [0-10]%.

Les réponses obtenues lors des tests de marché ont donné des évaluations équivalentes ou nettement plus restreintes de ce marché, en fonction du nombre de produits pris en compte dans la définition du marché. Pris dans sa définition la plus étroite, le marché du négoce de matériaux destinés aux travaux publics en Ile-de-France serait d'environ 150 millions d'euros. Dès lors, la part de marché de Point P serait de [10-20]% et celle de CMM de [0-10]% maximum. A l'issue de l'opération, la nouvelle entité représenterait donc [20-30]% du marché et prendrait largement la première place devant un autre opérateur significatif qu'est Buscaglia et d'autres concurrents de plus petite taille, dont les parts de marché sont inférieures à [0-10]%, comme Fimat Melun, BML, SPMC Lossignol, SEI. Le reste du marché demeure particulièrement diffus.

L'opération permet donc à Point P de renforcer sensiblement sa part de marché par rapport à ses principaux concurrents qui demeurent, pour la plupart, des entreprises de petites taille, à l'exception de Buscaglia qui est adossé au cimentier américain CRH. Les barrières à l'entrée dans ce type de négoce sont particulièrement élevées. En effet, l'établissement d'un négoce spécialisé dans la branche travaux publics exige des stocks importants et une forte trésorerie pour accorder les délais de paiement qui sont d'usage dans la profession. Or les marges dégagées dans ce type de négoce sont trop faibles, par rapport aux contraintes qu'il exige, pour rendre profitable l'établissement d'un nouvel opérateur. Force est d'ailleurs de constater l'absence d'entrée sur le marché de nouveaux opérateurs au cours des cinq dernières années.

Toutefois, les tests de marché réalisés auprès des clients des parties à l'opération ont démontré qu'ils estiment conserver la possibilité de changer de fournisseur au cas où la nouvelle entité modifierait sensiblement les prix ou les conditions de vente en leur défaveur. De même, les fournisseurs des parties ont également estimé que la nouvelle entité ne constituait pas un acteur incontournable sur le marché du négoce de matériaux destinés aux travaux publics en Ile-de-France.

En outre, il faut rappeler qu'une large part du négoce s'effectue à partir de livraisons directes par le fournisseur sur le site du chantier et qu'en conséquence, il n'est pas systématiquement nécessaire de disposer d'un point de vente situé à proximité pour emporter la commande. Dès lors, quand bien même la nouvelle entité disposerait du réseau le plus étoffé d'agences en région parisienne, en particulier sur le sud de l'Ile-de-France, les clients conserveront la possibilité de faire appel à des concurrents, certes plus éloignés, pour réaliser leurs grosses commandes.

Il résulte de ces éléments que l'opération ne porte pas atteinte à la concurrence, même en considérant le marché du négoce de matériaux destinés aux travaux publics dans son évaluation la plus petite.

Enfin, en ce qui concerne le négoce de matériaux isolants supports d'étanchéité, l'absence de données officielles empêche d'évaluer avec précision le montant total des ventes de ce type de produits en Ile-de France. Les résultats des tests de marché ont seulement permis d'établir que le nombre de négociants distribuant ce type de matériaux était particulièrement restreint. Il ressort en effet de ces tests que les principaux opérateurs en Ile-de-France sont Point P, CMM et un négociant indépendant, Isopar.

Selon vos propres données, le chiffre d'affaires réalisé par Point P sur ce type de produits est de [...] millions d'euros et celui de CMM de [...] millions d'euros. La nouvelle entité représenterait alors un chiffre d'affaires cumulé d'environ [...] millions d'euros, tandis que le principal concurrent, Isopar, réalise pour sa part un chiffre d'affaires de [...] millions d'euros sur ce type de produits en région parisienne. Si l'on devait considérer le négoce des matériaux d'isolation supports d'étanchéité comme un marché distinct, il conviendrait de conclure que l'opération renforce sensiblement la position de la nouvelle entité, mais que celle-ci restera confrontée à la concurrence d'Isopar, premier opérateur sur ce marché.

B- Sur les marchés de l'approvisionnement

Il a déjà été constaté ci-dessus qu'au plan national, la part des achats de la société CMM dans le total des achats de matériaux de construction n'est pas significative.

En ce qui concerne le marché de l'approvisionnement en matériaux d'isolation, vous avez estimé que le marché national pouvait être évalué à [...]**millions. Les achats de CMM représentent une part inférieure à 1% du marché national.

Pour ce qui est du marché du matériel de voirie, vous avez estimé que le marché national pouvait être évalué à [...]***millions d'euros. Les achats de CMM représentent également une part inférieure à 1% du marché national.

En conséquence, l'opération n'emporte donc pas de renforcement significatif de la puissance d'achat de la nouvelle entité sur les marchés de l'approvisionnement.

Sur le plan vertical, le risque a été soulevé par des tiers que l'opération pourrait permettre à la nouvelle entité de réduire les débouchés possibles sur l'Ile-de-France des fabricants concurrents du groupe Saint-Gobain actuellement fournisseurs de CMM, en particulier pour ce qui concerne les matériaux isolants supports d'étanchéité et le matériel de voirie.

Toutefois, étant donné la faible part de marché de CMM en matière d'approvisionnement et l'existence d'autres négociants susceptibles de distribuer des produits concurrents de ceux de Saint-Gobain, tant en ce qui concerne les matériaux d'isolation support d'étanchéité (Isopar) que le matériel de voirie (Buscaglia, Fimat, etc.), il convient de constater que l'opération n'emporte pas de modification substantielle sur la structure et le fonctionnement de ces marchés.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il convient de conclure que l'opération envisagée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence, notamment par création ou renforcement d'une position dominante. Je vous informe donc que j'autorise cette concentration.

Je vous prie d'agréer, Messieurs les Directeurs, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

NOTES

(1) Lettre du 29 août 2002 relative à l'acquisition de la société Tabur par la société Mr. Bricolage.

Lettre du 6 septembre 2002 relative à l'acquisition de la société Carmat par la société Pinault Bois & Matériaux.

(2) Aff. M.486, Holdercim/Origny-Desvroises du 5 août 1994.

(3) Décision du Conseil de la concurrence n° 88-D-30, BOCCRF n° 19 du 30 septembre 1988 relative à des pratiques relevées dans le secteur du négoce des matériaux de construction dans la région Rhône-Alpes.

Lettre précitée du 6 septembre 2002 relative à l'acquisition de la société Carmat par la société Pinault Bois & Matériaux.

(4) Aff. M.764, Saint-Gobain-Poliet, du 4 juillet 1996.

M.1974, compagnie de Saint-Gobain/Raab Karcher, du 22 juin 2000.

(5) Aff. M.1221 Rewe/Meinl, du 3 février 1999.

Aff. M.1684 Carrefour/Promodès, du 25 janvier 2000.

Lettre du 29 août 2002 relative à l'acquisition de la société Tabur par la société Mr. Bricolage.

Lettre du 6 septembre 2002 relative à l'acquisition de la société Carmat par la société Pinault Bois & Matériaux.

(6) Aff. M.735, BPB/Isover, du 3 juillet 1996.

(7) Aff. précitée M.764, Saint-Gobain/Poliet, du 4 juillet 1996.

(8) Aff. Précitée M.735, BPB/Isover, du 3 juillet 1996.

Aff. précitée M.764, Saint-Gobain/Poliet, du 4 juillet 1996.

* de l'ordre de 600 millions d'euros.

** de l'ordre de 900 millions d'euros.

*** de l'ordre de 200 millions d'euros.