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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 1 octobre 1998, n° 3260-96

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Ervor-Enve (SA)

Défendeur :

H + M Eloquence (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Assié

Conseillers :

Mme Laporte, M. Maron

Avoués :

SCP Gas, SCP Jullien & Lecharny & Rol

Avocats :

Mes Poudou, Cochet.

T. com. Nanterre, 1re ch., du 16 févr. 1…

16 février 1996

FAITS ET PROCEDURE:

La société H + M, agence conseil en publicité, s'est vue confier en janvier 1988, l'achat d'espaces publicitaires, notamment dans les annuaires téléphoniques, pour la société Ervor-Enve, fabricant de compresseurs.

Dans le cadre de ses relations commerciales, la société Ervor-Enve a passé commande le 3 octobre 1989 d'un ensemble d'insertions dans l'annuaire 1990 pour lesquelles la société H + M a passé les ordres auprès de la société ODA.

Le 2 octobre 1990, la société Ervor-Enve a informé la société H +M qu'elle ne voulait pas régler une partie des factures en raison du mauvais emplacement des publicités dans les annuaires.

Aussi, la société H + M a-t-elle assigné la société Ervor-Enve devant le tribunal de commerce de Chambéry et appelé en garantie l'ODA.

Par un jugement du 28 mai 1993, cette juridiction a fait droit à la demande de la société H + M. La Cour d'appel de Chambéry saisie de l'appel de la société Ervor-Enve a réformé le jugement pour incompétence de la juridiction saisie et renvoyé l'affaire devant le Tribunal de commerce de Nanterre.

Par un jugement en date du 16 février 1996, le Tribunal de commerce de Nanterre a condamné la société Ervor-Enve à payer à la société H + M la somme de 114 545,95 F outre les intérêts légaux et 8 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Appelante de cette décision, la société Ervor-Enve estime avoir justifié son refus de paiement concernant les annonces non conformes. Elle ne saurait en effet être tenue du règlement des annonces ne figurant pas dans la rubrique "compresseurs". Le tribunal a par une erreur d'interprétation jugé que l'appelante ne pouvait ignorer que les annonces publicitaires ne pouvaient être insérées dans une seule colonne en signant un bon à tirer, alors que le bon à tirer ne concernait que le texte des annonces. Il appartenait à la société H + M de veiller à la bonne mise en page des insertions. Il est résulté de la mauvaise mise en page un préjudice commercial évalué par la société Ervor à 100 000 F. En outre, elle sollicite l'allocation de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société H + M conclut à la confirmation du jugement et fait sienne la motivation du tribunal suivant laquelle la société Ervor ne pouvait ignorer que l'insertion ne pouvait se faire dans une seule colonne en signant le bon à tirer des maquettes d'insertion de 10 centimètres de largeur. Il ne saurait donc lui être reproché une quelconque faute.

Elle sollicite, outre une somme de 3 000 F du fait du préjudice résultant des frais engagés au titre de la caution bancaire et l'allocation de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

En réplique, la société Ervor soutient que les factures relatives aux insertions conformes ont été réglées, ses réclamations portaient sur les engagements des insertions et non sur les formats et le changement de format par l'ODA n'aurait pas dû entraîner un emplacement à une rubrique différente.

En sa qualité de conseil en publicité, la société H + M Eloquence aurait dû vérifier que les insertions publicitaires étaient correctement placées.

Sur ce LA COUR

Attendu que la société Ervor-Enve a conclu avec la société H + M un contrat publicitaire par lequel cette dernière société s'engageait notamment à ce que les projets proposés fassent l'objet de notes et plans écrits;

Attendu qu'à l'occasion de l'exécution de ce contrat, la société H + M a passé commande, auprès de l'ODA, de diverses publicités au profit de la société Ervor-Enve dans l'annuaire professionnel des abonnés au téléphone;

Attendu que la société H + M n'a pas avisé la société Ervor-Enve de ce que les annonces qu'elle passerait, lorsqu'elles étaient d'un format sur deux colonnes, seraient décalées - semble-t-il pour des raisons de composition - et risqueraient de ne pas se trouver sous la rubrique professionnelle concernée;

Attendu que la société Ervor-Enve fait valoir que tel a été le cas pour les publicités qu'elle refuse de payer, et précise qu'en ce qui concerne les publicités qui ont effectivement été placées sous la bonne rubrique professionnelle, elle les a toutes intégralement réglées;

Attendu que le consommateur qui recherche dans l'annuaire du téléphone un professionnel d'une profession déterminée se reporte à la rubrique relative à cette profession et qu'à l'intérieur de cette rubrique il peut avoir l'attention attirée par les annonces que passent certains des professionnels concernés, que lorsque l'annonce se trouve décalée, l'impact qu'elle peut avoir est considérablement amoindri, voire est supprimé;

Attendu au demeurant que la société H + M a reconnu le bien fondé des réclamations de la société Ervor-Enve et transmis à l'ODA les réclamations de celle-ci, les prenant en outre à son compte;

Attendu qu'en n'avisant pas son cocontractant du possible décalage de ses annonces, la société H + M a manqué à ses obligations contractuellesque la société Ervor-Enve et dès lors fondée à refuser de régler les annonces qui ont ainsi, été passées en méconnaissance des prévisions contractuelles;

Attendu cependant qu'en ce qui concerne les annonces dont la société Ervor-Enve refuse paiement, deux se trouvent sur deux colonnes, dont l'une est située dans la rubrique concernée (annuaire 1990 de Haute Savoie et annuaire 1990 de Saône et Loire) que ces annonces étaient, en conséquence, convenablement placées;

Attendu, en conséquence, qu'il convient de condamner la société Ervor-Enve à régler le montant de coût de ces deux insertions, soit 5 875 F HT - 5% et 4 365 F HT - 5%;

Attendu qu'il n'est pas justifié du préjudice commercial que les fautes commises par la société H + M auraient causé à la société Ervor-Enve;

Attendu que l'équité commande condamnation de la société H + M à payer à la société Ervor-Enve la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau, Condamne la société Ervor-Enve SA à payer à la société H + M Eloquence SA la somme de 9 728 F HT. Déboute la société H + M Eloquence SA du surplus de ses demandes. Déboute la société Ervor-Enve SA de sa demande reconventionnelle, Condamne la société H + M Eloquence SA à payer à la société Ervor-Enve SA la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, La condamne aux dépens, Admet la SCP Gas au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.