CA Reims, ch. civ. sect. 1, 9 décembre 1998, n° 97-00380
REIMS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Société des Artistes Décorateurs (Sté)
Défendeur :
Atel Publicité Communication (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ciabrini
Conseillers :
Mmes Rouvière, Belaval
Avoués :
SCP Six & Guillaume, Me Thoma & Le Runigo
Avocats :
SCP Cayol, Rocher, Me Matignon.
Par déclaration au greffe en date du 11 février 1997, la société des Artistes Décorateurs (SAD) a interjeté appel d'un jugement rendu par le Tribunal de commerce de Troyes le 23 décembre 1996 ayant:
- débouté la SAD de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de Atel,
- donné acte à Atel de son engagement de restituer les dossiers de Monsieur Moretti,
- condamné Atel en tant que de besoin à procéder à cette restitution sans ordonner d'astreinte,
- reçu Atel en sa demande reconventionnelle,
- condamnée SAD à payer à Atel la somme de 177 900 F outre les intérêts au taux légal à compter du 10 août 1995, date de l'échéance de la traite avec exécution provisoire,
- débouté Atel de sa demande de dommages et intérêts,
- condamné SAD à payer à Atel la somme de 5 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamné SAD aux dépens.
La SAD, qui a confié à Atel Publicité Communication la réalisation de la maquette du catalogue d'une exposition, a conclu à l'infirmation du jugement et demandé à la cour de:
- dire qu'Atel a commis des erreurs et des omissions sur le catalogue,
- dire que la responsabilité contractuelle d'Atel est entièrement engagée, condamner Atel à lui payer la somme de 500 000 F à titre de dommages et intérêts,
- dire que ces dommages et intérêts se compenseront avec le montant de la traite,
- condamner Atel à restituer les cinq documents originaux signés Moretti sous astreinte de 5 000 F par jour de retard et par document,
- débouter Atel de toutes ses demandes,
- condamner Atel à lui payer la somme de 30 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamner Atel aux dépens.
La SARL Atel Publicité Communication a conclu à la confirmation partielle du jugement en soutenant qu'elle avait réalisé la prestation commandée et qu'elle devait être payée d'autant que le règlement avait donné lieu à l'émission d'une lettre de change acceptée. Selon elle, les erreurs du catalogue ne lui seraient pas imputables, la SAD n'ayant pas pu, ou pas voulu vérifier chaque soir les bons à tirer. Elle a formé appel incident en sollicitant l'allocation d'une somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts destinée à réparer le préjudice causé par les différents recours engagés par la SAD. La société Atel a également demandé l'allocation d'une somme de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
SUR QUOI
Attendu qu'après une analyse des conventions et d'une attestation émanant de Monsieur Toumarkine, Commissaire de l'exposition, les premiers juges ont estimé que les erreurs ou omissions d'impression n'étaient pas imputables à la société Atel, mais étaient la conséquence d'un travail bousculé par le manque de temps et réalisé dans de mauvaises conditions;
Attendu que le descriptif de prestations commandées par SAD à Atel figure dans un devis en date du 20 avril 1995 ; que la lecture de ce descriptif met en évidence les conditions particulières de réalisation de ce catalogue, dont la photocomposition pour la partie en langue arabe était confiée à une autre entreprise et dont l'impression devait être réalisée à Beyrouth ; qu'ainsi une coordination délicate devait s'opérer entre le donneur d'ordres lui-même tributaire des inscriptions des créateurs à la manifestation, les sociétés chargées de la réalisation des parties française et arabe, et l'imprimeur;
Attendu que chaque partie au contrat a accepté ces contraintes en toute connaissance de cause ; qu'il s'en est suivi que l'impression des cahiers avait lieu au fur et à mesure de leur fabrication et qu'elle n'a été terminée qu'à la veille de l'ouverture de l'exposition soit le 26 mai 1995 qu'il n'est pas discuté que la procédure des bons à tirer n'a pas été mise en œuvre ;
Que d'après la SAD, le prétirage du catalogue ne lui a pas été présenté ; que d'après Atel, la SAD n'a jamais déplacé un représentant pour voir le lancement des cahiers;
Attendu qu'il s'est avéré que différentes erreurs entachaient le catalogue (échanges de textes, omission de publicité, omission de patronages, ...);
Attendu que l'obligation mise à la charge de la société Atel doit s'analyser en une obligation de moyens, s'agissant d'un contrat d'entreprise comportant des aléas caractérisés par la difficulté de la prestation, l'existence de plusieurs intervenants en "chaîne" et le fait que la société Atel n'avait pas la maîtrise totale de l'opération;
Qu'ainsi la SAD doit démonter que la société Atel a commis une faute;
Attendu qu'en procédant à l'édition du catalogue sans bon à tirer, la société Atel a commis une faute engageant sa responsabilité ;que les conséquences de cette faute ont été aggravées par le délai dans lequel la livraison du catalogue est intervenue;
Attendu que la société Atel tente de s'exonérer en soutenant que le créancier de l'obligation a commis une faute, ou qu'elle a été victime de la force majeure (retards...) ou du fait de tiers (créateurs en retard) ; qu'il résulte d'une attestation de Monsieur Toumarkine, qui n'est pas contredite par celle de Monsieur Salem ni par le déroulement des faits, que l'ensemble de la réalisation à l'exception des travaux préparatoires, s'est effectuée dans l'urgence à la va-vite, par suite de la dilution des interventions et de problèmes de financement ; que ces faits irrésistibles et imprévisibles ont rendu impossible une exécution correcte du contrat; que la société Atel doit être exonérée de l'engagement de sa responsabilité contractuelle;
Attendu que dès le 26 mai 1995, la SAD a accepté une traite à l'ordre d'Atel Publicité à échéance du 10 août 1995;
Qu'elle s'est ensuite opposée au paiement ; qu'elle n'avait pas de motif pour le faire;
Attendu que la société Atel n'a pas démontré l'existence d'un préjudice particulier, indépendant du retard apporté au paiement de sa prestation déjà compensé par les intérêts ; qu'elle doit être déboutée de sa demande indemnitaire ;
Attendu que le jugement déféré doit être entièrement confirmé, sauf pour ce qui concerne la restitution des ouvres de Monsieur Moretti qui n'a pas été opérée malgré la décision déférée et qui doit être ordonnée sous astreinte de 5 000 F par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt ; qu'à cet égard, la SAD n'a rapporté la preuve d'aucun préjudice qui aurait été causé par le défaut de restitution;
Attendu qu'en interjetant appel, la SAD a contraint la société Atel à exposer des frais irrépétibles qui doivent être pris en charge par l'appelante à hauteur de 8 000 F;
Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit la Société des Artistes Décorateurs en son appel principal et la Société Atel Publicité Communication en son appel incident, Confirme dans la mesure utile le jugement déféré, Y ajoutant, Condamne la société Atel Publicité Communication à restituer à la société des Artistes Décorateurs les cinq documents originaux signés Moretti sous astreinte de cinq mille francs (5 000 F) par jour de retard et par document passé le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, Déboute la SAD de sa demande indemnitaire, Condamne la Société des Artistes Décorateurs à payer à la société Atel Publicité Communication la somme de huit mille frans (8 000 F) en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la SAD aux dépens d'appel et autorise la SCP Thoma Le Runigo à recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.