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Décisions

CA Paris, 5e ch. C, 14 janvier 1993, n° 91-22681

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Les Editions Taitbout (SA)

Défendeur :

Bageca-Académie européenne du livre (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents :

MM. Couderette, Borra

Conseiller :

Mme Cabat

Avoués :

Me Bolling, SCP Bollet-Baskal

Avocats :

Mes Halpern, Reynaud.

T. com. Paris, 9e ch., du 5 sept. 1991

5 septembre 1991

LA COUR statue sur l'appel formé par la SA Les Editions Taitbout à l'encontre d'un jugement rendu le 5 septembre 1991 par le Tribunal de commerce de Paris qui l'a condamnée à payer à la société Bageca-Académie européenne du livre la somme de 7 840,40 F outre celle de 3 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civil ;

Pour en décider ainsi, les premiers juges ont dit que Les Editions Taitbout avaient fait un usage abusif de leur droit de refuser la seconde insertion d'une annonce publicitaire demandée par la société Bageca, qui devait paraître dans une revue destinée aux personnes dites "du troisième âge" ;

Ils ont évalué le préjudice subi par Bageca à hauteur de la moitié du prix d'une annonce ;

La société Editions Taitbout, appelante, soutient que son refus de publier la seconde annonce était particulièrement justifiée puisqu'elle avait normalement manifesté ce refus dès qu'elle avait été avertie par l'un de ses lecteurs de ce que la première annonce ne révélait pas que la proposition d'édition de manuscrits y contenue, portait en réalité sur une édition à compte d'auteur ;

Aussi, l'appelante prie-t-elle la cour, après infirmation de cette décision, de débouter la société Bageca de ses demandes et de la condamner en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, au paiement d'une somme de 10 000 F HT.

La société Bageca-Diffusion conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a reconnu l'existence d'un abus de droit mais forme un appel incident qui tend à la fixation de son préjudice à la somme de 100 000 F ainsi qu'à la condamnation de l'appelante au paiement de la somme supplémentaire de 10 000 F destinées à la couverture de ses frais irrépétibles ;

A ces fins, l'intimée reprend à son compte les motifs des premiers juges en rappelant que l'annonce a un caractère licite, qu'elle a reçu le nihil obstat du bureau de vérification de la publicité et qu'elle a été insérée dans d'autres journaux et revues ;

Sur ce, LA COUR

Considérant que c'est après réception d'une lettre qui lui avait été adressée par l'une de ses lectrices et qui lui faisait part de ce qu'en réalité, l'édition des manuscrits proposée par la société Bageca était à compte d'auteur, ce que ne révélait pas elle-même la publicité, que la société Taitbout a manifesté son refus de publier la seconde annonce ;

Considérant que ce refus ne peut constituer en l'espèce un abus de droit, la société Taitbout avait pour lecteurs de sa revue " le temps retrouvé, mensuel de la retraite active ", une majorité de personnes âgées, ce qui exigeait la publication d'annonces claires ne comportant aucune ambiguïté sur la prise en charge du coût d'édition du manuscrit du lecteur de la revue ;

Considérant qu'en soulignant dans sa lettre exprimant son refus, que l'annonce qui ne se référait qu'à l'article 49 de la loi du 11 mars 1957, lui paraissait contraire à la politique du journal et à son esprit, la société Taitbout n'a fait qu'un usage normal de son droit de refus de publication ;

Que d'ailleurs, compte tenu du risque de poursuites pénales du directeur de publication de la revue, l'abus de droit de refus de publication ne peut être admis qu'en cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol, ce qui ne correspond pas au cas d'espèce, au vu des éléments ci-dessus relevés ;

Qu'il importe peu que l'annonce litigieuse ait paru dans d'autres revues ou journaux, ou que le bureau de vérifications de la publicité n'ait pas refusé l'annonce, l'appréciation de l'opportunité de publication de celle-ci se faisant en fonction des lecteurs de chacune de ces publications ;

Considérant que la décision déférée doit être consécutivement infirmée et la société Bageca déboutée de ses demandes ;

Considérant que ni l'équité ni la situation économique des parties ne commandent l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, Infirme la décision déférée, Statuant de nouveau, Déboute la société Bageca Diffusion Académie européenne du livre de l'ensemble de ses demandes, Déboute les parties de leurs demandes incompatibles avec la motivation ci-dessus retenue, en ce comprises celles formées en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société Bageca aux dépens de première instance et d'appel et admet pour ces derniers, Me Bolling, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.