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Décisions

CA Lyon, ch. soc. C, 13 décembre 1999, n° 9903616

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Néofeu (SA)

Défendeur :

Coquet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Loriferne

Conseillers :

MM. Gervésie, Simon

Avocats :

Mes Chalmet, Saint-Julien, Revel.

Cons. prud'h. Lyon, du 22 oct. 1998

22 octobre 1998

Par jugement du 22 octobre 1998, le Juge départiteur du Conseil de prud'hommes de Lyon a:

- dit et jugé que Mademoiselle Coquet bénéficiait d'un contrat de travail à durée indéterminée pour un emploi de technico-commercial,

- dit et jugé que la rupture notifiée le 7 septembre 1996 au motif d'une rupture "au cours d'une période d'essai" était irrégulière et constituait un licenciement irrégulier en la forme et dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Néofeu à payer à Mademoiselle Coquet:

A°) avec intérêts légaux à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes (28-11-96) les sommes de:

* 6 406,79 F, a titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 640,67 F, à titre de congés-payés sur préavis,

* 1 513,58 F, à titre de rappel de salaire,

* 151,35 F, à titre de congés payés afférents,

B°) avec intérêts légaux à compter du jugement, celles de:

* 2 000 F, à titre de dommages-intérêts, pour procédure irrégulière,

* 7 000 F, à titre de dommages-intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement, nonobstant appel, et sans caution,

- fixé à 6 406,79 F la moyenne des trois derniers mois de salaire de Mademoiselle Coquet,

- débouté les parties de leurs autres demandes contraires ou plus amples,

- condamné la société Néofeu aux entiers dépens, recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

La société anonyme Néofeu a fait appel, le 26 octobre 1998. Elle demande à la cour de réformer le jugement; de dire et juger que le statut d'ordre public des VRP était applicable à l'emploi de Mademoiselle Coquet; de rejeter les demandes de Mademoiselle Coquet aux titres de l'indemnité compensatrice de préavis, de congés-payés sur préavis, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et procédure irrégulière; de la condamner au remboursement des sommes perçues dans le cadre de l'exécution provisoire; de débouter encore Mademoiselle Coquet de ses demandes à titre de rappel de salaire et congés-payés afférente en vertu de la Convention Collective Nationale des VRP; à titre subsidiaire, de constater que la rupture était dûment motivée et reposait sur une cause réelle et sérieuse, de débouter Mademoiselle Coquet de ses demandes à titre de dommages-intérêts; en tout état de cause, de l'en débouter en raison de l'absence de préjudice; de réduire à la somme d'un franc les dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement de condamner Mademoiselle Coquet aux entiers dépens.

La société Néofeu reproche au Premier Juge de ne pas avoir pris en considération les termes de la proposition d'embauche, la réalité de l'activité de représentation dont la preuve est rapportée, à laquelle les mentions apportées sur les bulletins de salaire ne peuvent faire échec; de ne pas avoir retenu une rupture en période d'essai, en tout état de cause motivée et fondée sur l'absence de résultats.

Mademoiselle Nathalie Coquet sollicite la confirmation du jugement à l'exception du montant des dommages-intérêts, qu'elle demande de porter à la somme de 40 000 F, outre une somme de 3 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et entiers dépens à la charge de la société Néofeu. Elle rétorque qu'il n'y avait jamais eu de contrat écrit, que la période d'essai ne se présume pas; qu'elle était payée en dessous du SMIC, que ses bulletins de paie précisaient qu'elle était de la catégorie "employée", en qualité de " technico-commerciale ", indice 3 Échelon 1; que consciente de sa propre carence et de l'absence pure et simple de contrat écrit, la société Néofeu lui avait adressé deux courriers distincts le 17/09/96, la mettant en demeure d'accepter de retourner le nouveau contrat signé, et l'autre mettant un terme à sa prétendue période d'essai initiale. Elle insiste sur l'irrégularité de la procédure de rupture, sur le motif véritable qui était sa contestation du salaire de base horaire indûment retenu par l'employeur, ce d'autant que ce dernier lui proposait un nouvel engagement.

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur la qualification

Attendu que selon l'article L. 751-4 du Code du travail " En l'absence de contrat écrit, les personnes exerçant la représentation sont présumées être des voyageurs, représentants ou placiers, soumis aux règles particulières du présent titre ";

Que lorsque les conditions posées par l'article L. 751-1 du Code du travail sont réunies, le statut des VRP, d'ordre public, s'impose aux parties, "nonobstant toute stipulation expresse du contrat ou en son silence";

Attendu que la société Néofeu, a adressé à Mademoiselle Coquet, le 16 juillet 1996, l'offre d'embauche suivante:

"Nous vous remercions pour votre candidature spontanée à un poste commercial au sein de notre société. Pour faire suite à notre entretien, nous vous confirmons être prêts à vous engager sous contrat à durée indéterminée avec une période d'essai correspondant à votre statut.

- Contrat VRP (vente aux artisans, commerçants et particuliers,

- Rémunération fixe de 5 650 F - quota 49 600 F,

- Commissions de 26 KF à 40 KF - 10 % "

Attendu que Mademoiselle Coquet a accepté cette proposition, et a été embauchée le 22 juillet 1996;

Que certes, aucun contrat écrit n'a été signé, la société Néofeu prétendant en avoir remis des exemplaires à l'intéressée, ce que celle-ci conteste;

Mais attendu, d'une part, que l'offre d'embauche était dépourvue d'ambiguïté; que, d'autre part, les rapports journaliers établis par Mademoiselle Coquet établissent qu'elle exerçait de façon exclusive et constante la profession de représentante pour le compte de Néofeu, sans faire aucune opération commerciale pour son compte personnel, qu'elle proposait à la vente les extincteurs commercialisés par l'entreprise, sur le secteur de l'agence de Chassagny, à l'égard des catégories de clients indiquées sur la proposition d'embauche, moyennant la rémunération offerte; qu'elle prospectait la clientèle, remettait des devis, et prenait quelques rares commandes;

Attendu, en outre, que Mademoiselle Coquet n'ignorait rien du statut des VRP, puisque le "curriculum vitae" qu'elle avait fait parvenir à Néofeu indiquait qu'elle avait exercé les fonctions de VRP exclusif, successivement pour le compte du " Livre de Paris-Hachette " (novembre 1995 à mars 1996), puis au Centre de Protection du Feu (mai 96);

Attendu que les dénégations de Mademoiselle Coquet quant à la non remise du projet de contrat écrit de VRP, le 23 juillet 1996, ne sont pas crédibles, d'une part, en raison de l'application effective des modalités contractuelles qui y figuraient, et d'autre part des raison données par l'employeur à cette absence de signature (accident, vacances, examen cf. lettre du 17 septembre 1996); que ce projet de contrat prévoyait expressément une période d'essai de trois mois, ne faisant en cela que préciser la durée, conforme aux prescriptions légales (article L. 751-6 du Code du travail) et aux usages de la profession;

Attendu, en conséquence, que Mademoiselle Coquet relevait bien, contrairement à l'appréciation du Premier Juge, du statut des VRP, la seule mention d'une autre qualification et de la convention collective du commerce de gros, sur fiches de paie, ne pouvant prévaloir à l'encontre d'un statut d'ordre public;

Sur la rupture

Attendu qu'au cours de la période d'essai chacune des parties est libre de mettre un terme aux relations contractuelles, sous la seule réserve de l'abus de droit; que de plus, la société Néofeu a expressément indiqué (lettre du 17 septembre) que cette fin d'essai était motivée par l'absence totale de résultats (chiffre d'affaires réalisé 254 F HT), ce qui ressort à l'évidence des rapports journaliers de l'intéressée;

Que la circonstance que la société Néofeu ait proposé, le 16 septembre 1996, à l'intéressée, de signer un nouveau contrat de travail, en tant que technico-commerciale, rémunérée uniquement à la commission, et avec une période d'essai, est sans incidence sur la rupture de l'essai en tant que VRP;

Que le jugement doit donc être également réformé, en ce qu'il a estimé que la rupture s'analysait en un licenciement, irrégulier en la forme et fait droit aux demandes en dommages-intérêts, et indemnité de préavis;

Sur la demande de rappel de salaire

Attendu que la rémunération fixe allouée, strictement conforme au chiffre indiqué tant la lettre d'embauche que dans le projet de contrat écrit, est supérieure à la rémunération minimale forfaitaire prévue par l'article 5-1 de la Convention Collective Nationale des VRP (soit 80 fois le taux horaire du salaire minimum de croissance aux représentants présents dans l'entreprise à l'issue du premier mois d'emploi à temps plein), ce compte tenu des absences de l'intéressée;

Attendu, toutefois, que la société Néofeu n'a notifié la rupture de l'essai que le 16 septembre; que la fiche de paie de septembre permet de constater que seule la période du 1er au 6 a été rémunérée, ce sans explication ni justification de la part de Néofeu;

Qu'ainsi, Mademoiselle Coquet aurait pu solliciter la somme de 1 883 F à titre de rappel de salaire; qu'elle ne demande que la confirmation du jugement sur ce point, soit la somme de 1 513,58 F, outre congés-payés afférents;

Attendu qu'il n'y a pas lieu, en équité, de faire droit à la demande de Mademoiselle Coquet au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, l'intéressée bénéficiant de l'aide juridictionnelle totale;

Que succombant toujours partiellement, la société Néofeu doit être condamnée aux entiers dépens;

DECISION

Par ces motifs: LA COUR, En la forme, reçoit les appels, Confirme, partiellement, le jugement, en ce qu'il a condamné la société Néofeu à payer à Mademoiselle Coquet la somme de 1 513,58 F à titre de rappel de salaire, et celle de 151,35 F, à titre de congés payés afférents, Réformant le jugement en toutes ses autres dispositions, Dit que l'emploi tenu par Mademoiselle Coquet était celui de "représentante de commerce", relevant du statut légal des VRP, et que la rupture des relations contractuelles est survenue en cours de la période d'essai, Déboute Mademoiselle Coquet de toutes ses autres demandes, Condamne Mademoiselle Coquet à rembourser les sommes perçues au titre de l'exécution provisoire du jugement après déduction des sommes nettes afférentes au rappel de salaire et congés payés afférents, Condamne la société Néofeu aux entiers dépens, de première instance et d'appel, qui seront recouvrés comme prévu en cas d'aide juridictionnelle.