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Décisions

Conseil Conc., 26 juin 2002, n° 02-D-41

CONSEIL DE LA CONCURRENCE

Décision

Respect de l'injonction prononcée à l'encontre de la société France Télécom par la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 29 juin 1999

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré, sur le rapport oral de M. Henry, par Mme Hagelsteen, présidente, Mme Pasturel, vice-présidente, M. Nasse vice-président, MM. Bidaud, Gauron, Ripotot, membres.

Conseil Conc. n° 02-D-41

26 juin 2002

LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE (section III A),

Vu la lettre enregistrée le 27 juillet 2000 sous le numéro R 28, par laquelle la société Sonera France a saisi le Conseil de la concurrence du non-respect des injonctions prononcées par la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 29 juin 1999 ; Vu la lettre enregistrée le 20 juillet 2001 sous le numéro R 33, par laquelle la société Scoot France a saisi le Conseil de la concurrence sur le même fondement ; Vu le livre IV du Code de commerce et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié pris pour l'application de l'ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 ainsi que le décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 ; Vu l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 29 juin 1999 ; Vu l'arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, le 4 décembre 2001 ; Vu la décision de secret des affaires n° 01-DSA-15 du 10 décembre 2001 ; Vu l'avis n° 00-1211 de l'Autorité de régulation des télécommunications du 15 novembre 2000 ; Vu les observations présentées par les sociétés Sonera France, Scoot France, France Télécom et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement, les représentants des sociétés Sonera France, Scoot France et France Télécom, entendus lors de la séance du 20 mars 2002 ;

I. - Constatations

La Cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 29 juin 1999, après avoir annulé pour des raisons de procédure la décision n° 98-D-60 du Conseil de la concurrence en date du 29 septembre 1998, a prononcé des injonctions quasiment identiques à celles que le Conseil avait formulées dans sa décision annulée. Le 4 décembre 2001, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par France Télécom contre cet arrêt.

La Cour d'appel de Paris a ainsi "enjoint à la société France Télécom, jusqu'à la mise en service de l'organisme prévu à l'article L. 35-4 du Code des postes et télécommunications, chargé de tenir à jour la liste de l'annuaire universel,

* de fournir, dans des conditions identiques, à toute personne qui lui en fait la demande, la liste consolidée comportant, sous réserve des droits des personnes concernées, les informations contenues dans l'annuaire universel,

* de proposer un service permettant la mise en conformité des fichiers contenant des données nominatives détenues par des tiers avec la liste orange des abonnés au téléphone, que ces fichiers soient ou non directement extraits de la base annuaire ;

Dit que ces prestations devront être proposées dans des conditions transparentes, objectives et non discriminatoires à un prix orienté vers les coûts liés aux opérations techniques nécessaires pour répondre à cette demande, à l'instar, s'agissant de la prestation de déduplication ou topage, de la prestation prévue au catalogue de France Télécom à la rubrique prévoyant la mise en conformité des fichiers tiers externes avec la liste safran et la déduplication ou le topage de ces fichiers."

Dans sa motivation, la Cour d'appel de Paris a considéré que la liste des abonnés au téléphone tenue par France Télécom constituait, pour les opérateurs intervenant sur le marché des fichiers de prospection (comme la société Filetech SA, partie saisissante devant le Conseil), une ressource à laquelle aucune autre base de données ne pouvait être substituée.

Deux sociétés, estimant avoir besoin de l'accès à la liste des abonnés au téléphone pour exercer leur activité, ont saisi le Conseil de la concurrence d'une procédure de non respect des injonctions prononcées par la Cour d'appel de Paris à l'encontre de France Télécom :

* la société Sonera France (ci-après Sonera) qui souhaite installer un service de renseignements téléphoniques ;

* la société Scoot France (ci-après Scoot) qui souhaite développer un service d'"annuaire intelligent" par téléphone et internet ;

La société Lectiel SA (anciennement dénommée Filetech SA) n'a pas saisi le Conseil de la concurrence mais est en litige contre France Télécom devant la Cour d'appel de Paris pour des griefs qui se rapportent également au non respect des injonctions prononcées par la Cour à l'encontre de France Télécom.

A. - Les services d'annuaires téléphoniques et de renseignements

Ces services consistent à mettre à la disposition du public des informations à caractère pratique (noms et/ou dénominations sociales, prénoms, adresses, coordonnées téléphoniques, et éventuellement profession, adresse électronique) sur une catégorie de personnes (liste d'abonnés, listes d'entreprises à une échelle locale ou nationale) regroupées sur des fichiers exhaustifs issus des listes d'abonnés et utilisateurs de service téléphonique.

Différentes techniques de mise à disposition de ces informations sont possibles : le renseignement par téléphone, la mise en ligne sur minitel ou sur internet (annuaire électronique), l'édition papier (annuaire papier). A ces différentes techniques correspondent des modèles économiques variés. Les recettes de ces activités peuvent être issues des tarifs de fourniture ou de connexion au service (cas du renseignement téléphonique, de l'annuaire électronique), de la vente d'espaces publicitaires (cas des annuaires papiers), ou bien des deux à la fois.

Outre la technique de mise à disposition, le type d'informations proposées permet de différencier le produit. L'annuaire Pages blanches de France Télécom regroupe la totalité des abonnés au téléphone par département, l'annuaire Pages jaunes regroupe les professionnels. Par ailleurs, des services plus ou moins élaborés et ciblés peuvent être proposés. La société Scoot présente son service de renseignements téléphoniques comme étant ciblé sur les professionnels et permettant d'offrir des prestations plus complètes que la seule fourniture de numéros de téléphone.

La structure de la concurrence

Le secteur européen des annuaires (édition papier ou électronique) est, comme l'affirme le groupe Wanadoo, structuré essentiellement par pays, où les acteurs historiques génèrent la plus grande partie des revenus publicitaires. En France, "le groupe occupe une position de leader dans les annuaires, avec une part de marché que le groupe estime supérieure à 75 %. Sur ce marché, le groupe fait face à plusieurs éditeurs concurrents, qui proposent pour la plupart des annuaires régionaux du type pages jaunes. Les Pages Jaunes internet sont confrontées à la concurrence des autres éditeurs d'annuaires en ligne (par exemple Illiad) et devraient être confrontées à la concurrence des sites d'annuaires en cours de création (Vivendi en association avec AOL et Scoot)". A l'échelle européenne,"le groupe doit faire face aux acteurs historiques, qui disposent de ressources financières importantes, de marques à forte notoriété et d'une large base d'utilisateurs", notamment Seat Pagine Gialle (Italie), BT Yellow Pages (Royaume Uni) et De TeMedien (Allemagne). Le secteur des annuaires a subi d'importantes évolutions du fait de l'introduction de l'internet. Pour profiter des opportunités offertes par ce nouveau média, certains acteurs du marché des annuaires se sont réunis avec des acteurs du marché de l'internet, comme l'illustre la constitution du groupe Wanadoo ou encore la fusion de Seat Pagine Gialle avec Tin.it.

Les services de renseignements par téléphone

Les opérateurs de télécommunication proposent généralement leur propre service de renseignements, comme c'est le cas de France Télécom (qui propose le service "12"), et des opérateurs mobiles SFR et Bouygues Télécom. Afin d'étendre leur base d'utilisateurs, ces deux derniers ont signé un contrat avec la filiale Intelmatique de l'opérateur historique pour avoir un accès en ligne à la base de données annuaire de France Télécom. Toutefois, si l'on compare les nombres d'appels par an de ces différents services concernant la recherche d'abonnés résidentiels (257 millions en 1999 pour le "12" de France Télécom, 12 millions pour SFR, un trafic plus faible pour Bouygues Telecom), on constate que France Télécom occupe aujourd'hui une position de leader sur ce secteur sur lequel d'autres entreprises, telles que Sonera et Scoot, cherchent également à se positionner.

Les annuaires imprimés professionnels type pages jaunes

Un représentant de Pages Jaunes déclare : "Nos principaux concurrents pour l'édition d'annuaires papier sont : les annuaires soleil en région parisienne d'adresses professionnelles ; GEA qui publie des annuaires d'agglomérations sous des dénominations différentes. Puis, une multitude de petits éditeurs publient des annuaires de dimension locale". La concurrence existe sur le marché de l'édition des annuaires professionnels destinés aux abonnés au téléphone mais celle-ci s'exerce à l'échelon local et reste limitée. L'ensemble des contrats de mise à disposition des données annuaire au profit de ces éditeurs pour l'année 1999 indique que le nombre cumulé d'adresses vendues par France Télécom pour cette année est inférieur à 2 millions. Le Conseil de la concurrence, saisi plusieurs fois de ce secteur, a considéré que France Télécom détenait une position dominante sur ce marché, en se référant notamment au nombre d'exemplaires d'annuaires diffusés par cet opérateur "qui bénéficie de l'ancienneté de sa position d'opérateur public et de moyens financiers sans commune mesure avec ceux de la société CMS" (décision n° 96-D-10 en date du 20 février 1996 relative à des pratiques mises en œuvre par France Télécom et l'ODA).

La part du coût de l'acquisition des adresses dans le chiffre d'affaires de ce type d'activité (dont l'ordre de grandeur est de 1 %) n'explique pas les difficultés de pénétration du marché. Le groupe Wanadoo indique dans un prospectus mis à la disposition du public à l'occasion de son introduction en bourse : "Les base clés de concurrence dans le marché des annuaires sont la facilité d'utilisation et d'accès, la notoriété de sa marque et sa qualité, la pertinence et l'exhaustivité des informations disponibles dans ses bases de données. Les bases de concurrence pour attirer les annonceurs sont en particulier la taille de l'audience pour les annuaires. "Les difficultés de pénétration de ce marché sont dues en grande partie à la notoriété des Pages Jaunes. La société Pages Jaunes est titulaire, notamment, des marques "Pages Jaunes" et "Pages Blanches". Elle bénéficie de l'image de marque attachée à ces produits, procurée par l'ancienneté de la position de l'opérateur public, ce qui n'est pas le cas de ses concurrents. Dans l'esprit du public, l'annuaire pages jaunes est indissociable de l'image de l'opérateur public.

L'annuaire universel

Les dispositions de l'article L. 35-4 du Code des postes et télécommunications définissent le contenu du service universel s'agissant des activités de renseignement et d'annuaires : "Un annuaire universel, sous formes imprimée et électronique, et un service de renseignements sont mis à la disposition du public. Sous réserve de la protection des droits des personnes concernées, il donne accès aux noms ou raisons sociales, aux coordonnées téléphoniques et aux adresses de tous les abonnés aux réseaux ouverts au public, ainsi qu'à la mention de leur profession pour ceux qui le souhaitent.". Ces dispositions (avant leur modification par l'ordonnance du 25 juillet 2001) prévoyaient la création d'un organisme indépendant chargé de gérer la liste consolidée des abonnés des différents opérateurs avec l'obligation pour tout opérateur de communiquer à cet organisme la liste de ses abonnés, afin qu'il puisse mettre ces listes à la disposition des opérateurs ou prestataires intéressés par la publication d'annuaires universels, et ce, à un prix reflétant les coûts. Cet organisme n'a finalement pas été créé, en raison, semble-t-il, des incertitudes sur son équilibre économique et son financement.

La directive 98-10-CE, et notamment son article 6, prévoit l'obligation pour tout opérateur de fournir la liste des abonnés à toute personne qui en fait la demande en vue d'éditer un annuaire universel ce qui remet en cause l'exclusivité dont bénéficiait implicitement l'organisme évoqué ci-dessus. Une ordonnance en date du 25 juillet 2001, portant diverses transpositions d'harmonisation communautaire, a permis de transposer l'article 6 de cette directive. Cette ordonnance a modifié le contenu de l'article L. 35-4 du Code des postes et télécommunications qui prévoyait la création de l'organisme initialement envisagé. Par ailleurs, l'ordonnance prévoit : "Sur toute demande présentée en vue d'éditer un annuaire universel ou de fournir un service universel de renseignements, même limitée à une zone géographique délimitée, les opérateurs sont tenus de communiquer, dans des conditions non discriminatoires et à un tarif reflétant les coûts du service rendu, la liste de tous les abonnés ou utilisateurs ... Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications précise les modalités d'application du présent alinéa.". Ce décret d'application, actuellement en cours d'élaboration et ayant fait l'objet d'une consultation publique, devrait fixer les modalités techniques et financières de fournitures de ces listes. Par ailleurs, l'ordonnance prévoit que les litiges relatifs aux conditions techniques et financières de la fourniture des listes d'abonnés peuvent être soumis à l'Autorité de régulation des télécommunications, conformément à l'article L. 36-8 du Code des postes et télécommunications.

France Télécom est tenue d'éditer un annuaire universel sous forme imprimée et électronique et de fournir un service universel de renseignements. Dans sa décision concernant les évaluations prévisionnelles du coût du service universel pour l'année 2001, l'ART considère que, compte tenu de la méthodologie retenue pour le calcul du coût net de la composante annuaire et renseignement (définie à l'article R. 20-36 du Code des postes et télécommunications) "la composante annuaire et service de renseignement est bénéficiaire et qu'à ce titre aucune compensation n'est due".

B. - Les sociétés contestant le respect des injonctions par France Télécom

1. La société Sonera

La société Sonera, précédemment connue sous le nom de Telecom Finland, opérateur historique de télécommunication en Finlande, se présente également comme "prestataire majeur de services d'assistance téléphonique et d'annuaire tant au niveau national qu'international". Elle a également une importante activité de publication des annuaires téléphoniques régionaux et propose, en outre, des services d'annuaire sur internet. Déjà présente en Grande Bretagne, en Italie et en Espagne ainsi qu'aux États-Unis, la société Sonera a décidé de lancer un service de renseignements téléphoniques en France. Elle a donc créé, début janvier 2000, la société Sonera France avec pour objet la mise en place d'une plate-forme permettant d'offrir des informations par téléphone. Elle a également décidé de racheter plus de 50 % d'un opérateur de centre d'appels localisé à Amiens, la société Intra Call Center, afin de constituer la plate-forme de ce service.

La société Sonera France présente son projet d'activité comme un service de renseignement à valeur ajoutée (outre les numéros de téléphone et adresses, il fournira notamment le numéro de fax, le numéro mobile, l'adresse e-mail, des informations pages jaunes, et les numéros de téléphone international) clairement en concurrence avec le service de renseignement par téléphone "le 12" de France Télécom. A titre d'ordre de grandeur, une hypothèse de 24 millions d'appels par an nécessite 200 opérateurs pour répondre aux demandes et génère environ 20 millions d'euros de chiffre d'affaires. Ceci repose sur l'hypothèse qu'un opérateur est capable de traiter 50 appels environ par heure en moyenne.

Le premier courrier adressé par Sonera France à France Télécom, daté du 6 mai 1999, expose les objectifs de Sonera. Un courrier, en date du 12 novembre 1999, récapitule très clairement les demandes de Sonera à France Télécom qui portent sur trois objets :

* facturation pour compte de tiers ;

* offre d'acheminement de trafic ;

* accès à la base de données.

Sur les deux premiers points, Sonera, n'obtenant pas satisfaction auprès de France Télécom à l'issue des négociations, portera le litige devant l'ART.

Concernant le troisième point, objet du présent litige devant le Conseil de la concurrence, France Télécom a proposé à Sonera deux offres pour l'accès à la base annuaire, d'une part l'offre Intelmatique, d'autre part l'offre de sa division multimédia. Sonera a contesté à plusieurs reprises ces tarifs, considérant qu'ils étaient excessifs, et tenté en vain d'obtenir une remise de la part de France Télécom. Les arguments avancés dans la négociation sont les suivants :

* ces tarifs ne permettraient pas d'établir un service de renseignements économiquement viable (voir ci-après) ;

* ils seraient élevés au vu des prix pratiqués sur certains marchés nationaux de données annuaires européens, ce que conteste France Télécom ;

* ils ne seraient pas conformes aux injonctions de la Cour d'appel de Paris du 29 juin 1999, en ce sens qu'ils ne seraient pas orientés vers "les coûts liés aux opérations techniques nécessaires" (Dans son courrier du 9 juin 2000, Sonera propose à France Télécom que le prix de l'adresse soit fixé à 5 centimes l'unité, montant des frais techniques des opérations de déduplication et de topage).

Les éléments apportés par la société Sonera sur la viabilité économique d'un service de renseignement des abonnés résidentiels par téléphone

La société Sonera prétend qu'une activité de renseignements téléphoniques n'est pas viable économiquement compte tenu des tarifs de mise à disposition de la base annuaire appliqués par l'opérateur public. Les hypothèses sur le volume de l'activité sont déterminantes pour l'estimation du chiffre d'affaires de l'activité et des charges (qui croissent en fonction du nombre d'opérateurs nécessaires pour assurer le service). Il est donc important de prévoir correctement le volume de l'activité durant la phase de lancement du service, puis à l'issue de la période de montée en charge. Les hypothèses retenues par la société Sonera indiquent, pour la période à l'issue de la montée en charge, un nombre d'appels de 24 millions, ce qui correspond à 9 % environ du nombre d'appels reçus par France Télécom pour l'année 1999 (257 millions d'appels). Un scénario plus optimiste avait été recueilli par l'enquêteur indiquant un nombre de 25 millions d'appels la première année, 50 millions la deuxième année soit 20 % du nombre d'appels du service "12" aujourd'hui.

* Hypothèse 1 : nombre d'appels annuel égal à 24 millions

Les éléments comptables prévisionnels d'activité transmis par la société Sonera sont retranscrits ci-après, en décomposant les charges d'exploitation par adresse. Les montants sont hors taxes.

Accès à la base via le service Intelmatique

Acquisition base via l'offre de la division multimédia

Les éléments comptables ci-dessus ont été établis avec les hypothèses suivantes :

* Prix facturé au client final par appel : 5,5 F HT ; ce prix est établi sur une hypothèse de 40 % des appels en provenance des abonnés fixes de France Télécom et 60 % des appels en provenance d'autres opérateurs, les opérateurs mobiles notamment, et sur la base des paliers tarifaires de l'offre "audiotel" aménagée de France Télécom. A titre de comparaison, le prix facturé par France Télécom pour son propre service de renseignement le "12" est de 4,50 F TTC par appel + 1 F TTC pour l'aboutement d'appel, pour 2 renseignements maximum ;

* Personnel : Sonera estime le coût du personnel à 2,50 F par appel. Des éléments détaillés fournis par Sonera indiquent que le coût horaire d'un opérateur est de 93,5 F. Sonera se base, par ailleurs, sur un nombre d'appels traités par opérateur et par heure situé entre 37 et 40 ;

* Redevance facturation pour compte de tiers et trafic : le montant indiqué correspond selon Sonera à l'offre qui lui a été faite par France Télécom ;

* Prix de l'accès à la base annuaire : les deux offres de France Télécom (consultation via Intelmatique, mise à disposition de la base annuaire) sont prises en compte;

* Consultation via Intelmatique : Sonera suppose qu'un appel génère en moyenne 2,3 requêtes. Sur la base d'un tarif de 0,36 F par requête hors frais fixe d'accès à la base, le montant moyen par appel s'élève à 0,9 F ;

* Mise à disposition base annuaire complète avec mise à jour hebdomadaire : montant compris entre 29,6 MF (mise à jour mensuelle) et 34,3 MF (mise à jour quotidienne), soit entre 1,23 F et 1,43 F par appel ;

* Administratif : regroupe les frais d'administration et de gestion, les frais liés aux locaux, et les frais de location ;

* Autres : regroupe les frais financiers et dotations aux amortissement.

La société Sonera précise que ces charges correspondent à une période se situant à l'issue de la montée en puissance de l'activité et qu'elle n'a donc pas pris en compte les frais associés au lancement du service.

Il est à noter que l'offre Intelmatique est un peu moins onéreuse mais qu'elle empêche le développement d'offres présentant une valeur ajoutée par rapport aux informations reçues de France télécom. En effet, en accédant à l'information uniquement lors des requêtes, le fournisseur ne peut enrichir le fichier de France Télécom avec d'autres données reçues par ailleurs.

L'ensemble de ces éléments indique qu'avec un volume de 24 millions d'appels, l'activité est déficitaire. Par ailleurs, le coût complet moyen de l'appel évalué par Sonera (5,6 F via Intelmatique, 6,1 F avec la mise à disposition de la base) se révèle, en tout état de cause, inférieur aux charges du service "12" égales à 7 F par appel en 1999 et 6,25 F en prévisionnel 2000.

Hypothèse 2 : nombre d'appels annuel égal à 50 millions. La société Sonera n'a pas fourni de compte d'exploitation prévisionnel détaillé dans cette hypothèse. Toutefois, les postes "personnels" et "redevance facturation pour compte de tiers et trafic" qui sont proportionnels au volume de l'activité sont prédominants et restent inchangés dans le prix par appel. La part du prix de l'acquisition de la base annuaire dans le prix par appel est divisé par moitié. Le gain de 0,7 F vient tout juste compenser la perte. L'activité ne dégage toujours pas de bénéfice au bout de la seconde année.

2. La société Scoot France

La société Scoot est un des principaux protagonistes dans le secteur de l'annuaire électronique de type Pages Jaunes en Europe, après le lancement de son activité au Royaume-Uni en 1995, aux Pays Bas en 1997, et en Belgique en 1998. Le groupe Vivendi et la Scoot.com plc ont récemment conclu un partenariat en vue de lancer "un service innovant de transactions entre consommateurs et entreprises locales de commerce et de services fonctionnant à partir d'un annuaire intelligent". La société Scoot France, filiale à 100 % de Scoot Europe, elle-même codétenue par Vivendi SA à 50 % et Scoot.com plc, a été créée en février 2000 en vue de lancer cette activité. L'annuaire de Scoot comprendra des informations plus précises que celles figurant dans les pages jaunes (par exemple heures d'ouverture du magasin, prestations spécifiques proposées par le commerçant) et sera accessible par deux moyens, téléphone et internet, puis dans un deuxième temps par la télévision interactive.

Le modèle économique de cette activité est différent de celui des pages jaunes et d'un service de renseignements du type de celui de France Télécom. La ressource essentielle pour cette activité sera l'abonnement payé par les professionnels, contrepartie du fait de figurer dans l'annuaire de Scoot avec des informations plus précises que celles des pages jaunes et de bénéficier de la priorité auprès des clients souhaitant obtenir les coordonnées d'un professionnel dans le même secteur d'activité et sur la même zone de chalandise. Par ailleurs, une autre partie des recettes de cette activité proviendrait d'une légère taxation du numéro d'appel pour les clients.

A titre d'ordre de grandeur, Scoot prévoit 20 millions d'appels pour la première année, générant environ 200 MF de chiffre d'affaires. Les ressources reposent principalement sur le prix de l'abonnement payé par les professionnels, et en second lieu sur le prix payé par les clients ayant accès au service (environ 1 F par minute). Le prix d'accès à la base annuaire des professionnels étant de 8 MF (pour une mise à jour quotidienne), le montant de l'acquisition de la base annuaire représente 5 % du chiffre d'affaires prévisionnel de Scoot France. A titre de comparaison, ce dernier est d'environ 20 % pour Sonera.

Dès sa constitution, Scoot France a entrepris des négociations commerciales en vue d'accéder à la liste des abonnés professionnels au téléphone. Après consultation de plusieurs fournisseurs potentiels, elle a retenu l'offre de la division multimédia de France Télécom et écarté les propositions des autres sociétés ayant répondu à cet appel d'offres (Médiatel, l'INSEE, et Groupadress) pour les raisons suivantes : le fichier Sirene de l'INSEE ne comporte que rarement le numéro de téléphone ; l'offre de Groupadress a été écartée "en raison de son incapacité à garantir la jouissance paisible de la base qu'elle fournit compte tenu des risques d'actions de France Télécom" ; quant au fichier Médiatel, bien que d'un prix moins élevé que celui de sa maison-mère, son utilisation est interdite pour des sociétés fournissant des services de renseignements.

La société Scoot France, estimant que le niveau des tarifs de France Télécom est "exorbitant au vu de la décision rendue par la Cour d'appel de Paris" a entrepris, en vain, une négociation avec France Télécom. Compte tenu de sa volonté d'ouvrir son service d'annuaire au 1er trimestre 2001, Scoot France a signé le contrat proposé par France Télécom le 27 juin 2000. Le service de Scoot a ouvert au début du mois de mars 2001. Les tarifs de France Télécom sont aujourd'hui toujours contestés par la société Scoot France. Parallèlement à une procédure devant le Tribunal de commerce de Nanterre, initiée par France Télécom en réclamation de sommes dues au titre du contrat susvisé, Scoot France a assigné en référé France Télécom le 15 juin 2001 devant le président du Tribunal de commerce de Paris afin que l'accès à la base de données de France Télécom lui soit proposé à un prix représentant les seuls coûts techniques correspondant à 5 centimes par donnée et, à titre subsidiaire, que le prix de cession annuel des données ne soit en aucun cas plus élevé que celui pratiqué pour des sociétés ayant une activité de marketing, à savoir 3,5 MF. Le juge des référés a rejeté ces demandes en indiquant que "la solution du litige est subordonnée à l'appréciation par les juges du fond du caractère licite de la tarification pratiquée par France télécom". La société Scoot France a assigné, au fond, France Télécom devant le Tribunal de commerce de Paris en sollicitant une réduction substantielle de ses tarifs. La saisine du Conseil de la concurrence intervient dans ce contexte.

3. La société Groupadress

La société Groupadress est la locataire-gérante du fonds de commerce de Lectiel SA (anciennement dénommée Filetech SA). A la suite de l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 29 juin 1999, la société Groupadress, estimant que France Télécom ne respectait toujours pas les injonctions prononcées à son encontre, a saisi le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Paris, en demandant que France Télécom lui fournisse la liste des abonnés au téléphone aux coûts des opérations techniques de traitement, de support et de transfert, qu'elle estimait à 1 025 F. Deux ordonnances sur requête ont été prononcées par le Tribunal de grande instance de Paris donnant satisfaction à Groupadress. Elles ont été annulées pour violation du principe du contradictoire par le juge de l'exécution, confirmées en appel, sans que le fond de l'affaire, à savoir si France Télécom avait ou non respecté les injonctions prononcées, n'ait été examiné.

La société Filetech, devenue Lectiel SA, a saisi, en 1992, le Tribunal de commerce de Paris en demandant que soit ordonnée la remise, sous astreinte, soit de la liste orange, soit, gratuitement ou au coût d'utilisation de l'annuaire électronique du "11", du fichier expurgé de la liste orange. Dans son jugement du 5 janvier 1994, le Tribunal de commerce a rejeté cette demande, au motif, notamment, que le refus de France Télécom de remettre la liste orange était justifié par l'interdiction de l'usage d'informations nominatives extraites de cette liste. Lectiel SA a relevé appel de cette décision. Toutefois, à la suite d'une plainte déposée en parallèle par France Télécom à l'encontre de Lectiel SA devant le Tribunal de Nanterre, la Cour d'appel de Paris a sursis à statuer, par arrêt en date du 20 février 1995, jusqu'à ce qu'il soit statué définitivement par la juridiction pénale sur la légalité de la pratique du télé-déchargement de l'annuaire électronique et de l'utilisation d'informations nominatives figurant sur la liste orange au regard de la loi du 6 janvier 1978. La procédure pénale s'est terminée par un arrêt de la Cour de cassation, en date du 30 juin 1999, qui a rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles condamnant Lectiel SA pour délit de traitement d'informations nominatives pour avoir procédé à la commercialisation de données annuaires obtenues par connexion sur l'annuaire électronique et non expurgées de celles inscrites en liste orange. La procédure d'appel visée ci-dessus ayant repris son cours devant la Cour d'appel de Paris, Groupadress, se prévalant de l'arrêt de la Cour d'appel du 29 juin 1999, a demandé, notamment, à la cour d'ordonner à France Télécom de lui fournir sous astreinte les informations figurant dans la base annuaire, à des conditions financières transparentes, objectives et non discriminatoires, "à un prix correspondant au seul coût technique du transfert de ces données sur un support". La Cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 13 juin 2001, considérant que la solution du litige commande "de se prononcer sur le point de savoir si l'offre de prestations faites par la société France Télécom aux sociétés Lectiel et Groupadress satisfait, ou non, aux exigences de l'injonction édictée par l'arrêt précité du 29 juin 1999", a ordonné la réouverture des débats et désigné un expert avec la mission : "de décrire les modalités selon lesquelles est constitué, vérifié et présenté le contenu de la base de données de l'annuaire électronique, et d'évaluer l'investissement financier, matériel et humain afférent à l'ensemble de ces opérations de constitution, de vérification et de présentation du contenu de ladite base de données".

C. - L'organisation des activités de France Télécom

Trois types de fonction dans les activités annuaire de France Télécom peuvent être distinguées :

* La fonction de mise à jour et gestion de la base annuaire, ci-après désignée "le Gestionnaire de fichier" ; cette fonction est prise en charge au sein de France Télécom par la division multimédia de la branche internet grand public ;

* La mise à disposition de la base annuaire sous ses différentes formes à des fins d'exploitation commerciale ; cette fonction est répartie au sein de trois entités :

* La division multimédia qui commercialise l'intégralité ou des extraits de la base annuaire à des fins de service de renseignement ou édition d'annuaire ;

* La société Intelmatique, filiale du groupe France Télécom, en charge de l'offre d'accès en ligne de la base annuaire permettant la consultation des données à des fins de renseignement ;

* La société Médiatel, filiale de Pages Jaunes, elle-même filiale du groupe Wanadoo détenu par France Télécom, en charge de la commercialisation de la base annuaire pour les professionnels exerçant leur activité dans le secteur du marketing direct ;

* Les fonctions d'exploitation des données annuaire à destination des utilisateurs finals, activités potentiellement en concurrence, à savoir :

* L'édition des annuaires imprimés (pages jaunes et pages blanches) et annuaires électroniques réalisée par la société Pages Jaunes ;

* Les activités de renseignements téléphoniques prises en charge par France Télécom SA et gérées par le pôle service par opérateurs de France Télécom ;

* Les activités de marketing direct réalisées par la société Médiatel.

Les fonctions collecte, gestion, et mise à disposition de la base annuaire sous ses différentes formes sont des activités de monopole sur le marché de la liste des abonnés et des utilisateurs du téléphone défini par la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 29 juin 1999. Les injonctions prononcées par la cour portent sur les conditions de ces offres. Les demandeurs sur ce marché sont les entreprises exerçant ou souhaitant exercer une activité d'exploitation de la base annuaire sur un des marchés aval potentiellement en concurrence. Un certain nombre de réorganisations au sein du groupe France Télécom intervenues après la décision n° 98-D- 60 du Conseil de la concurrence ont eu pour effet d'augmenter le degré de séparation entre les activités en amont et celles en aval.

1. Périmètre comptable des entités

a) Le Gestionnaire de fichier

La détermination du périmètre comptable pertinent du Gestionnaire de fichier est un préalable à l'appréciation de l'orientation vers les coûts des offres de mise à disposition des données annuaire. Il s'agit dans un premier temps de récapituler les éléments apportés par France Télécom sans préjuger de la pertinence du périmètre et de l'évaluation des charges et recettes. Une approche critique sera conduite dans la suite.

D'un point de vue comptable, France Télécom a toujours séparé les activités de gestion et d'édition. Aussi, le compte d'activité gestion de la base annuaire de la division multimédia pour l'année 1999 n'intègre-t-il aucune charge ou recette éditoriale.

* Pour l'année 1999

Selon le compte de résultat du Gestionnaire de fichier pour l'année 1999 établi par la division multimédia de France Télécom, les charges à prendre en compte se sont élevées à 198,9 MF. Quant aux produits, France Télécom retient le chiffre d'affaires pour la mise à disposition des données issues de l'annuaire, lequel s'est élevé en 1999 à 106,9 millions de francs, se décomposant comme suit :

a Recettes en provenance des éditeurs :

- 65 MF pour "la vente de cette base à France Télécom pour l'édition de l'annuaire"

- mise à disposition du fichier pour la société Illiad (pour une période de 2 mois en 1999)

- vente d'extraits de l'annuaire aux éditeurs d'annuaires professionnels papier de dimension locale

b Recettes en provenance de :

- Médiatel : 10,5 MF (dont 2,6 MF pour la licence accordée par France Télécom à compter d'avril 1999 et 7,9 MF pour la redevance)

- Téladresse : 13,1 MF

c Correspond au montant des redevances dues par Intelmatique à France Télécom (voir § b)

Le compte de résultat pour l'année 1999 du Gestionnaire de fichier, tel qu'établi par France Télécom fait donc apparaître un déficit d'exploitation de 91,9 MF.

* Pour l'année 2000 (éléments prévisionnels)

A la suite du transfert des activités d'édition de France Télécom (hors celle des pages blanches et annuaire électronique) à la société Pages Jaunes (v. infra § 2d) France Télécom n'a pas été en mesure de fournir une estimation consolidée des charges prévisionnelles de l'activité de cession de la base annuaire. Celles-ci devraient cependant être du même ordre de grandeur que les charges 1999, puisque les activités transférées à Pages Jaunes concernent l'activité d'édition qui ne faisait pas partie du compte du gestionnaire de fichier. En ce qui concerne les produits, France Télécom indique un chiffre d'affaires de vente de la base annuaire de 116,1 millions de francs, se décomposant comme suit :

a Augmentation d'environ 10MF des redevances par rapport à l'année 1999 : reversement pour l'accès E 115 passant de 15 % à 30 %

b Les variations par rapport à l'année 1999 s'explique par :

- à partir de juillet 2000, mise à disposition de la base annuaire au profit de la siociété Pages Jaunes sur la base d'un prix annuel de cession de 35 MF (diminution des recettes du gestionnaire de fichier par rapport à l'année 1999 où la vente de la base à France Télécom s'élevait à 65 MF)

- mise à disposition de la base à la société Illiad : 22 MF

- mise à disposition de la base à la société Scoot : 4 MF pour une période de 6 mois en 2000

c La variation par rapport à l'anée 1999 s'explique par l'intégration des activités Téladresse dans la société Médiatel et le fait que les activités de mise à disposition de fichiers marketing direct ne sont plus intégrées dans les comptes du gestionnaire de fichier

Sur la base de ces éléments, le compte de résultats pour l'année 2000 du Gestionnaire de fichier, tel qu'établi par France Télécom, fait apparaître un déficit d'exploitation du même ordre de grandeur que celui de 1999.

b) La fourniture de données en ligne via la société Intelmatique

La société Intelmatique est une filiale à 100 % de France Télécom par l'intermédiaire de Cogecom, holding financière. La direction des services annuaire (ci-après "DSA") de la société Intelmatique a en charge l'activité de consultation en ligne de l'annuaire France Télécom et des annuaires étrangers.

La comptabilité analytique de la société Intelmatique présente une répartition des produits et des charges pour chaque direction opérationnelle dont la DSA. Toutefois, une telle répartition des charges n'existe pas pour la seule activité de consultation de la base annuaire de France télécom. Certaines charges sont communes entre l'activité de consultation de l'annuaire France Télécom et celle des annuaires étrangers.

Les éléments de comptabilité analytique transmis par France Télécom concernant l'activité de la DSA font apparaître les résultats ci-après. La société Intelmatique a séparé les charges directes, qui, elles, sont affectables directement à l'une ou à l'autre des activités de consultation (notamment l'achat des données France Télécom, le trafic international, l'achat des données étrangères, le trafic national), des autres charges d'exploitation.

Activité DSA

a Les redevances de mise à dispositon de la base annuaire versées par Intelmatique à France télécom sont un paramètre non négligeable dans l'examen du compte d'exploitation de Intelmatique. France Télécom indique pour l'année 2000 une augmentation d'environ 10 MF des redevances par rapport à l'année 1999 : reversement pour l'accès E 115 passant de 15 % à 30 %. L'achat des données passe donc de 13,5 MF à 23 MF.

b Frais généraux supposés constants

Pour établir un compte d'exploitation de la seule activité de consultation de la base annuaire de France Télécom, la société Intelmatique retient une clé de répartition au prorata du volume de consultation de chacun des annuaires, soit 88,8 % pour la base France Télécom et 11,2 % pour les annuaires étrangers. Cette clé de répartition est appliquée à la catégorie "autres charges d'exploitation". La colonne produit indique les recettes dégagées sur la seule activité de consultation en ligne de l'annuaire France Télécom.

Activité annuaire France Télécom de la DSA après clé répartition

a Se décompose en :

- accès E 115/opérateurs étrangers : 12,8

- accès E 115/opérateurs français : 51,6

- accès 3614 AE : 5,1

b Estimation du rapporteur faite en ajoutant au montant 1999 l'augmentation du coût de la base annuaire

c Estimation du rapporteur établie en corrogeant le prévisionnel 2000 DSA consolidé d'un même coefficient que le constaté 1999 DSA consolidé

d Frais généraux supposé constants

Après application de la clé de répartition, le bénéfice pour l'exercice 1999 s'établit à 31,9 MF soit 46 % du chiffre d'affaires qui s'élève à 70 MF. Pour l'année 2000, la hausse de la redevance fait baisser d'autant le bénéfice de la société Intelmatique. La marge d'exploitation prévisionnelle pour l'année 2000 s'établit alors à 22 MF soit 30 % du chiffre d'affaires qui s'élève à 74 MF.

c) Les activités d'édition annuaire

* Les activités :

La société Pages Jaunes emploie 3 000 personnes, dont 2 000 à la direction commerciale. Elle est titulaire, notamment, des marques "Pages Jaunes" et "Pages Blanches". France télécom a transféré, à la société Pages Jaunes, l'activité d'édition de l'annuaire sauf pour les pages blanches. Actuellement, Pages Jaunes a en charge la vente des espaces publicitaires et l'édition des pages jaunes papier, des pages jaunes sur internet, des pages jaunes sur minitel, les pages jaunes tourisme et les pages pro. Pour les pages blanches, à la différence des pages jaunes, France Télécom demeure l'éditeur de cet annuaire papier et minitel. Cependant, France Télécom a délégué à Pages Jaunes un certain nombre de tâches : "France Télécom et Pages Jaunes ont signé un contrat par lequel Pages Jaunes est chargée de la seule réalisation de ces annuaire (achat de papier, création des pages, impression, distribution)".

* Les données comptables :

En 1999, Pages Jaunes (qui s'appelait ODA à ce moment) a réalisé un chiffre d'affaires de 4 342 milliards de francs. Environ 98 % du chiffre d'affaires de Pages Jaunes est issu de la vente d'espaces publicitaires.

En 1999, la répartition des charges est la suivante :

Le bénéfice est de 3 % avant impôt.

Pour l'année 2000, le transfert des activités d'édition de l'annuaire (sauf pour les pages blanches) de France Télécom à Pages Jaunes a deux conséquences principales :

* Pages Jaunes ne reverse plus à France Télécom 2/3 de son chiffre d'affaire ; en revanche, France Télécom facture à Pages Jaunes la mise à disposition de ces données ;

* Pages Jaunes supporte les charges liées aux coûts éditoriaux (notamment papier, impression, distribution.

La répartition des charges pour l'année 2000 est la suivante (données prévisionnelles globales) :

Par ailleurs, considérant que le prix de cession de la base annuaire est égal à 34 MF, et avec un chiffre d'affaires équivalent à celui de 1999, le poste achat de la base annuaire représente environ 1 % du chiffre d'affaires.

Le bénéfice prévisionnel est de 20 % avant impôt, soit environ 850 MF. On constate donc un fort excédent d'exploitation de la société Pages Jaunes, en matière d'annuaires. Dans sa décision n° 96-D-10 en date du 20 février 1996 relative à des pratiques mises en œuvre par France Télécom et l'ODA, le Conseil de la concurrence cite les propos d'un représentant du service national des annuaires (voir § I B1 de ladite décision) : "l'activité des annuaires représente une part relativement faible dans l'activité de France Télécom. En revanche, c'est la troisième source la plus importante en matière de marge de la société".

d) Les activités de renseignement

* Les activités :

En ce qui concerne le service de renseignements téléphoniques (le "12"), l'activité reste intégrée au sein de la société France Télécom. Le pôle service par opérateur qui comprend 9 personnes définit la stratégie pour les activités de service de renseignements et consolide les résultats économiques de ces activités. Il assure la tutelle fonctionnelle des 93 centres de renseignement regroupant 5 500 personnes.

Il y a lieu de noter les quelques données suivantes :

* Nombre d'appels "12" : 257 millions en 1999, 235/240 millions en 2000 (prévisionnel) ;

* Nombre moyen de renseignements par appel : 1,08 ;

* Tarification : 4,46 F TTC par appel pour 2 renseignements maximum, suite à une modification tarifaire intervenue en 1998 (avant 1998, 3,71 F TTC pour 3 renseignements maximum).

* Les données comptables :

Le pôle service par opérateur a en charge la consolidation financière de ces activités. La comptabilité analytique de France Télécom permet d'en reconstituer le compte d'exploitation. Mais il n'y a pas de séparation comptable au niveau du bilan avec le Gestionnaire de fichier.

En 1999, le chiffre d'affaires pour l'activité de renseignements était de 1,072 milliards de francs. Les charges se sont élevées à 1,984 milliard de F, dont 75 % de charges de personnels. L'activité est donc largement déficitaire : 886 MF de perte soit 85 % du chiffre d'affaires. Si on se réfère aux comptes d'exploitation prévisionnels de 1999 à 2003, on constate une amélioration importante de la situation financière due, notamment, à une baisse des charges de personnels. L'activité reste toutefois déficitaire. Le déficit prévisionnel pour l'année 2000 s'établit à 595 MF. Dans son avis n° 98-1055, en date du 23 décembre 1998, sur des décisions tarifaires relatives à cette activité, l'Autorité de régulation des télécommunications, s'agissant de la situation des activités de renseignement de France télécom, relève : "A pris note des éléments de compte prévisionnel du service de renseignements mis en avant par France Télécom ; considère que les mesures proposées conduisent certes à rapprocher les tarifs des coûts de ce service mis en avant par France Télécom, mais que d'une part, ces coûts ne correspondent pas nécessairement à ceux d'un opérateur efficace proposant ce service, et que d'autre part, l'économie du service de renseignements de France Télécom ne saurait être analysée sans tenir compte des recettes dégagées du fait des appels induits par les demandes de renseignements ; considère que ces recettes seront augmentées du fait de la généralisation de la mise en relation après demande de renseignements". Pour l'estimation des recettes nettes résultant du trafic induit par le service de renseignement, l'ART estime que l'hypothèse d'un appel téléphonique après chaque consultation est raisonnable. Avec une hypothèse de 240 millions d'appel pour l'année 2000, et une marge nette par appel de 0,5 F (durée moyenne de 3 minutes), le montant des recettes résultant du trafic induit par le service de renseignement s'élève à 120 MF et ne suffit pas à compenser le déficit de cette activité. L'ART conclut "que la hausse du tarif d'accès au service de renseignements depuis un poste d'abonné rapproche les tarifs des coûts de ce service mais que ces coûts devraient baisser dans l'avenir, en raison des gains de productivité qu'un opérateur efficace pourra réaliser sur ce service".

e) Les activités de marketing direct

* Les activités :

Les activités de vente de fichiers à des fins de marketing direct sont exercées librement comme toute activité commerciale en concurrence, sous réserve du respect des droits des abonnés de figurer ou de ne pas figurer sur ces listes. L'activité cession de données pour le marketing direct, auparavant dénommée "Téladresses" et exercée par la société France Télécom, a été reprise par Médiatel, société anonyme créée en mars 1999 et détenue à 100 % par la société Pages Jaunes, France Télécom "ne souhaitant pas disposer d'une structure de commercialisation des données annuaire à des fins de marketing direct". La société Médiatel a également en charge l'activité de commercialisation du fichier puisque c'est elle, et non pas le Gestionnaire de fichier, qui propose la nouvelle licence de rediffusion aux professionnels du marketing direct. Cette offre a été rendue disponible pour se mettre en conformité avec la décision du Conseil de la concurrence, puis l'arrêt de la Cour d'appel de Paris. Son principe est similaire au statut de rediffuseur de données publiques accordé par l'INSEE, notamment pour la commercialisation des données issues du répertoire SIRENE.

L'entreprise emploie environ 40 personnes. Le fichier annuaire commercialisé par Médiatel, comprend 19 millions d'adresses de particuliers et 3,2 millions d'adresses de professionnels. Ce fichier est issu de la base annuaire de France Télécom qui subit quelques traitements (suppression des inscrits en liste rouge, orange et safran, déduplication des adresse doubles). Le document intitulé "Tarifs Médiatel 2000" récapitule l'ensemble des prestations offertes, à savoir :

* prestation de location et de cession de son fichier avec mise à jour mensuelle et selon 3 types de ciblage (adresse de base, adresse ciblée qui comprend des critères géographique et professionnels, et adresse qualifiée) ;

* cession des modifications de la base annuaire, résiliations, nouveaux abonnés ;

* prestations en ligne avec e-marketis ;

* opérations de déduplication (consiste à rapprocher plusieurs fichiers afin d'extraire les doubles inscriptions) ;

* validation des numéros de téléphone et fax ;

* enrichissement à partir de l'adresse.

Ces prestations font l'objet d'un contrat stipulant le droit d'usage consenti par Médiatel au bénéficiaire. Ainsi, la location ou la cession ne donne-t-elle pas le droit au bénéficiaire de rediffuser les données reçues. Par ailleurs, la société Médiatel a signé un contrat avec France Télécom, par lequel elle est mandatée par cette dernière pour utiliser et rediffuser la base annuaire à des fins de marketing direct exclusivement.

* Les données comptables

Médiatel a réalisé en 1999 un chiffre d'affaires de 42 MF (9 mois d'activité). En 2000, le chiffre d'affaires prévisionnel s'élève à 57 MF. Médiatel verse à France Télécom 3,5 millions de francs pour la licence annuelle d'utilisation, plus 9 centimes de redevance par adresse rediffusée (5 centimes au delà de 80 millions d'adresses rediffusées). Sur la base des éléments transmis par Médiatel et de l'application d'une clé de répartition pour séparer les activités proprement dites de mise à disposition de fichier et celles consistant en des études destinées principalement à mieux cibler les campagnes de prospection, on constate que l'activité de mise à disposition des données fait apparaître pour 1999 une marge d'exploitation de 7,4 MF pour un chiffre d'affaires de 35 MF.

2. Relations financières entre les entités

Pour les entités distinctes sur le plan juridique, les relations financières sont définies par des conventions.

a) Les relations entre le Gestionnaire de fichier et la société Intelmatique

La société Intelmatique propose deux types d'accès en ligne à la base annuaire :

* l'accès via la plate-forme normalisée E 115. Cette plate-forme joue le rôle d'interface unique avec les autres pays européens. Cet accès, créé initialement pour l'international, est aujourd'hui utilisé par les opérateurs mobiles français dans les mêmes conditions ;

* l'accès 36 14 AE, en voie d'extinction, destiné aux opérateurs mobiles et leur permettant de faire du renseignement à l'époque où ceux-ci n'étaient pas normalisés en E 115.

A ces deux types d'accès correspondent deux conventions passées par la société Intelmatique avec la division multimédia, précisant les redevances versées à France Télécom :

* convention pour la mise en place d'un service d'accès international aux bases de données annuaires par le protocole E 115 ; selon ce contrat, la société Intelmatique doit verser une redevance annuelle s'élevant à 15 % du chiffre d'affaires de l'activité de consultation ;

* convention pour l'accès à la base annuaire pour le droit d'usage auprès des opérateurs mobiles par l'accès 36 14 AE ; selon ce contrat, le montant de la redevance annuelle s'élève à 75 % du chiffre d'affaires de l'activité de consultation.

Lors de leur audition, les représentants d'Intelmatique, ont déclaré, à propos du contrat pour l'accès E 115 : "A l'heure actuelle, ce contrat est en cours de révision dans la mesure où les investissements d'Intelmatique pour sa plate-forme ont largement diminué. La redevance devrait s'élever à 30 % désormais". Selon une note remise par la société Intelmatique à l'enquêteur, le pourcentage de reversement est passé de 15 à 30 % au 1er janvier 2000.

b) Les relations entre le Gestionnaire de fichier et Médiatel

Les relations entre France Télécom et Médiatel sont définies dans un contrat de mandat par lequel France Télécom met à disposition de Médiatel la base annuaire et lui confie "à titre exclusif la charge de commercialiser pour son compte la base de données annuaire auprès de tout client, à des fins exclusives de marketing direct", le terme clients étant entendu de la manière suivante : "les utilisateurs ainsi que les rediffuseurs de données annuaire, courtiers ou autre intermédiaires auprès desquels Médiatel, en application du présent mandat, commercialise les données annuaire".

La cession de la base annuaire est consentie pour 3,5 millions de francs pour le prix d'accès à la base (PAB), plus une redevance par adresse et utilisation (PUD) de 9 centimes en dessous de 80 millions d'adresses et 4,5 centimes au delà, l'utilisation consistant en une rediffusion, dans le cadre d'une location ou cession. Ce contrat de mandat stipule également : "En rémunération des obligations mises à sa charge par le présent contrat, Médiatel percevra une commission de 10 % sur PAB et une commission de 17 % sur PUD".

Outre ce contrat de mandat, on doit signaler l'existence d'un contrat de prestation de services par lequel le Service national des annuaires téléphonique (le SNAT), rattaché à la division multimédia de France Télécom) réalise, pour le compte de Médiatel, des prestations de traitement sur la base de données de Médiatel. Le montant de la facture est de l'ordre de 5 MF par an.

c) Les relations entre le Gestionnaire de fichier et le pôle service par opérateur

Les représentants du pôle service par opérateur, entité en charge, au sein de France Télécom, du service de renseignement téléphonique "le 12", déclarent ne pas avoir de contact formalisé par écrit avec la division multimédia de France Télécom, mais une convention non écrite "par laquelle nous étions tenus de reverser à la division multimédia une redevance pour l'utilisation de la base de données en fonction du nombre de consultations". En ce qui concerne le montant de cette redevance versée à la division multimédia pour l'accès à la base annuaire, ils déclarent ensuite : "La division multimédia vendait à France Télécom sa base de données pour 34,3 millions de francs en 1999 et France Télécom répartissait cette charge entre les utilisateurs de cette base : le "12" et la division de l'annuaire pour les annuaires papier et en ligne. La clé de répartition était pour le 12 le nombre de consultation de la base et, pour les annuaires, l'audience."

d) Les relations entre le Gestionnaire de fichier et Pages Jaunes éditeur d'annuaires

France Télécom a apporté, en juin 2000, à ODA l'ensemble de ses activités d'édition d'annuaire à l'exception de celles concernant les Pages Blanches et annuaire électronique. "Le transfert des locaux, des outils, et de l'ensemble des actifs a été officiellement réalisé par un traité d'apport signé par France Télécom SA, validé par les Commissaires aux Apports nommés par le Président du Tribunal de commerce de Paris, et par la résolution votée par l'assemblée générale extraordinaire d'ODA". Cette dernière a aussi voté le changement de raison sociale : la société prend le nom de Pages Jaunes.

* La période antérieure à juin 2000

Avant le transfert des activités d'édition de France Télécom à Pages Jaunes, le SNAT avait en charge non seulement la gestion de la base annuaire mais également l'édition des annuaires, même si France Télécom a délégué à l'ODA un certain nombre d'activités éditoriales. Les relations entre France Télécom et l'ODA étaient définies par une convention de régie et convention d'édition déléguée.

Aux termes de la convention de régie (extrait de la décision n°94-D-21 du 22 mars 1994 du Conseil de la concurrence) : "La régie exclusive de la publicité a été confiée à l'ODA dans une convention en date du 4 février 1946 signée par l'Agence Havas et le ministre chargé de l'administration des P. et T. Une convention du 30-06-67 a défini, sur de nouvelles bases, les relations entre les parties qui ont, depuis lors, évolué au gré de différents avenants. Le dernier en application, au moment des faits, daté du 18-09-90, attribuait une rémunération "pour ses intermédiaires et pour ses peines et soins" de 32 % au régisseur exclusif sur le montant hors taxe de l'espace publicitaire facturé au cours de l'édition précédente et de 43,5 % sur l'écart entre le montant hors taxe de l'espace publicitaire facturé pour l'édition concernée et le montant correspondant de l'édition précédente."

Aux termes de la convention d'édition déléguée, France Télécom confie à ODA la responsabilité d'éditeur délégué, et le charge "d'exercer, pour son compte, des activités, à caractère éditorial, complémentaires et indispensables à celles de la régie publicitaires des annuaires de France télécom". Il s'agit notamment des activités de conception, fabrication et distribution des annuaires.

* La période postérieure à juin 2000

Le transfert des activités d'édition de France Télécom à Pages Jaunes acte, juridiquement la séparation entre les activités de gestionnaire de fichier et les activités d'éditeur d'annuaires autres que les pages blanches. La société Pages Jaunes devient éditeur et régisseur publicitaire. Elle conserve l'ensemble des bénéfices de ces activités. Pages Jaunes signe avec France Télécom un contrat de mise à disposition des données annuaire aux fins d'annuaires et/ou de services de renseignement. Pages Jaunes (anciennement ODA) ne reverse plus à France Télécom, sauf pour les pages blanches, la redevance éditoriale diminuée des coûts éditoriaux telle que prévue dans la convention d'édition déléguée du 25 mai 1999.

Pour les Pages Blanches, en revanche, France Télécom ne fait que déléguer les activité d'édition à Pages Jaunes qui est aussi régisseur publicitaire. Ainsi pour cette activité, les relations entre France Télécom et Pages Jaunes continuent à être définies par une convention de régie et une convention d'édition déléguée.

D. - L'avis de l'art sur la saisine de la société Sonera

En application des dispositions des dispositions de l'article L. 36-10 de la loi n° 96-659 du 29 juillet 1996 de réglementation des télécommunications, l'Autorité de régulation des télécommunications a transmis au Conseil de la concurrence, le 15 novembre 2000, son avis sur la saisine de la société Sonera en procédure de respect d'injonction. Elle estime que :

"compte tenu :

* de l'activité de renseignements téléphoniques que la société Sonera envisage d'exercer en France ;

* de la situation du marché de cession des listes d'abonnés au service téléphonique, qui n'a pas évolué depuis 1999, tant sur le plan réglementaire qu'économique ;

* du caractère très général de l'injonction faite à France Télécom par la Cour d'appel de Paris.

* des éléments conduisant l'Autorité à penser que France Télécom n'a pas modifié son comportement relatif à son activité de cession de fichier, ni en terme de prix ni en terme de complément des offres ;

les conditions de cession des listes d'abonnés de France Télécom, définies par le Conseil de la concurrence puis par la Cour d'appel, et auxquelles la société Sonera peut prétendre, ne sont pas respectées."

E. - Les griefs notifiés

Le rapporteur a estimé que France Télécom n'avait pas respecté les injonctions formulées à son encontre par la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 29 juin 1999, sur les points suivants :

1. les prix de consultation de la base annuaire via les services offerts par la société Intelmatique ne sont pas orientés vers les coûts ;

2. les prix de cession des données annuaire (indiqués en ligne L.12 du catalogue de prix de l'opérateur public) pour les utilisateurs souhaitant exercer un service de renseignement mais ne souhaitant pas exercer une activité d'édition d'annuaires imprimés sont discriminatoires par rapport à ceux pratiqués au sein du groupe France Télécom ;

3. les prix de cession des données annuaire (indiqués en ligne L.12 du catalogue de prix de l'opérateur public) ne sont pas objectifs car ils ne traduisent pas une répartition objective des charges du gestionnaire de fichier entre les différents utilisateurs et reposent en particulier sur une contribution sous-évaluée de la société Pages Jaunes à ces charges.

Le rapporteur n'a pas notifié de grief au sujet de l'orientation des tarifs vers les coûts de l'activité de gestionnaire de fichier. Il a néanmoins estimé "que le montant des charges retenues par le Gestionnaire de fichier [199 MF pour l'année 1999], notamment les coûts de collecte s'élevant à 155 MF, est très probablement surdimensionné". Le rapporteur indique que le compte de résultat du Gestionnaire de fichier établi par la division multimédia de France Télécom fait apparaître un chiffre d'affaires pour la mise à disposition des données issues de l'annuaire de 106,9 millions de francs pour l'année 1999. Il souligne que compte tenu du montant prétendu de charges de collecte et de gestion de la base annuaire de 199 MF, France Télécom avance un déficit de l'ordre de 90 MF sur son activité de Gestionnaire de fichier pour l'année 1999. Le rapporteur estime que les coûts évalués par France Télécom sont surdimensionnés, mais, compte tenu du niveau des recettes significativement inférieures à ces charges, il ne conclut pas dans son rapport à une remise en cause de l'équilibre global entre les recettes dégagées et les coûts supportés, considérant que l'approche critique des coûts de France Télécom devrait être davantage approfondie pour pouvoir mettre en évidence un défaut d'orientation vers les coûts et nécessiterait, pour cela, des éléments beaucoup plus détaillés de la part de France Télécom.

II. - Sur la base des constatations qui précèdent, le Conseil

Considérant que la compétence du Conseil de la concurrence prévue à l'article L. 464-3 du Code de commerce porte sur le respect des injonctions qu'il a lui-même prononcées mais peut également, en cas de réformation de sa décision par la Cour d'appel de Paris, porter sur le respect des injonctions prononcées par la cour ;

Considérant qu'il ressort d'une jurisprudence constante, d'une part, que les injonctions formulées en application de l'article L. 464-1 du Code de commerce sont d'interprétation stricte et doivent être formulées en termes clairs, précis et exempts d'incertitude quant à leur exécution (voir, notamment, les arrêts rendus par la Cour d'appel de Paris le 29 mars 1996 sur recours contre la décision n° 95-D-47, et le 10 septembre 1996 sur recours contre la décision n° 95-D-82) et, d'autre part, que le Conseil de la concurrence ne peut, dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 464-3 du Code de commerce, sanctionner d'autres pratiques que celles qui résultent du défaut de respect d'injonction (voir les arrêts rendus par la Cour d'appel de Paris le 19 novembre 1992 sur recours contre la décision du Conseil n° 92-D-95, et le 26 avril 1994 sur recours contre la décision n° 93-D-26) ;

Considérant que l'examen du respect des injonctions, citées à la page 2 de la présente décision et formulées à l'encontre de France Télécom par la Cour d'appel de Paris requiert l'analyse des points suivants :

* en premier lieu, le champ de l'injonction et sa durée d'application dans le temps (§ A) ;

* en deuxième lieu, les incidences des éventuels droits de propriété intellectuelle (§ B) ;

* en troisième lieu, le respect de l'obligation de fourniture, à ceux qui en font la demande, des prestations de cession de la base de données annuaire et de mise en conformité avec la liste orange (§ C) ;

* en quatrième lieu, l'examen de la transparence des tarifs (§ D) ;

* en cinquième lieu, l'examen du périmètre et du montant des coûts encourus par France Télécom pour permettre d'offrir un accès à la base annuaire et de l'orientation de ces tarifs vers les coûts (§ E) ;

* en sixième lieu, l'examen du caractère non discriminatoires des tarifs pour la fourniture de ces prestations entre les services de France Télécom et ses concurrents (§ F) ;

* en septième lieu, l'examen particulier de l'orientation vers les coûts des tarifs de consultation en ligne de l'annuaire proposés par Intelmatique aux professionnels (§ G) ;

Considérant que le rapporteur, en ce qui concerne le troisième grief relatif au caractère non objectif des prix de cession des données annuaire, a examiné la répartition, entre les différents utilisateurs de l'annuaire, des charges du Gestionnaire de fichier alléguées par France Télécom ; que sur la base d'une comparaison, pour les diverses activités d'exploitation des données annuaires, des rapports existant entre le coût d'accès à la base et les volumes réalisés ou les valeurs engendrées par ces activités, il a considéré qu'il existait des écarts disproportionnés entre, d'une part, les redevances relativement faibles reversées par la société Pages Jaunes et, d'autre part, les redevances plus importantes reversées par d'autres utilisateurs de ces données ; que cette répartition disproportionnée, couplée avec un effet d'éviction des concurrents de France Télécom sur l'activité de renseignement dû au niveau des tarifs, constituait, selon le rapporteur, un défaut de respect de l'exigence d'objectivité requise par la Cour d'appel ;

Mais considérant qu'en l'absence d'autres précisions dans l'arrêt de la Cour en date du 29 juin 1999 sur le contenu des "conditions objectives" imposées à France Telecom pour les propositions de prestations visées dans l'injonction, il n'est ni clair ni certain, au regard du principe d'interprétation stricte qui prévaut en la matière, que les constatations précédentes doivent s'analyser comme un non-respect d'injonction au sens de l'article L. 464-3 du Code de commerce ;

Considérant que les parties plaignantes soutiennent que les termes de l'injonction, en ce qu'ils précisent que France Télécom doit fournir la liste d'abonnés "dans des conditions identiques" à toute personne en faisant la demande, imposaient à France Télécom de pratiquer des tarifs d'accès identiques quelle que soit l'activité aval du destinataire (hormis les différences qui peuvent exister dans le coût des moyens technique de mise à disposition de la base annuaire, faibles en tout état de cause) ;

Mais considérant que par l'expression "fournir, dans des conditions identiques" (formulation similaire à celle de l'ancien article L. 35-4 du Code des postes et télécommunications), la Cour d'appel a entendu seulement que les conditions d'accès à la base annuaire soient les mêmes tant pour France Télécom et ses filiales que pour ses concurrents ; qu'il est, par exemple, exclu que les filiales de France Télécom bénéficient d'un accès privilégié aux différents fichiers tenus dans ses agences commerciales ; qu'ainsi, l'argumentation des parties plaignantes selon laquelle les termes de l'injonction imposent à France Télécom de pratiquer des tarifs de fourniture uniformes, est infondée ; que l'exigence formulée par la Cour d'appel se ramène, en réalité, à la non discrimination (§ F) ;

A. - Le champ de l'injonction et sa durée d'application dans le temps

Sur le champ de l'injonction

Considérant que les termes de l'injonction de la Cour d'appel de Paris ("à toute personne qui lui en fait la demande") concernent tout opérateur faisant la demande d'accéder à la liste des abonnés au téléphone, et ce quel que soit le marché sur lequel cet opérateur est susceptible d'agir (marketing direct, édition d'annuaires imprimés, services de renseignement téléphonique, mise en ligne de services d'annuaire ou renseignements) ; que la portée de l'injonction formulée par la Cour d'appel n'est donc pas limitée aux conditions d'accès à la liste des abonnés au téléphone à des fins exclusives de constitution de fichiers de prospection, activité qui était pratiquée par l'auteur de la plainte ayant abouti à l'arrêt de la Cour d'appel ;

que, par conséquent, les sociétés Sonera France et Scoot France, entreprises souhaitant exercer une activité de service de renseignement et d'annuaire à partir de la liste des abonnés au téléphone, entrent dans le champ des bénéficiaires de l'injonction ; qu'elles ont, donc, un intérêt à agir devant le Conseil ; que leurs saisines sont recevables ;

Sur la durée d'application de l'injonction dans le temps

Considérant que les injonctions formulées par la Cour d'appel de Paris s'appliquent "jusqu'à la mise en service de l'organisme prévu à l'article L. 35-4 du Code des postes et télécommunications, chargé de tenir à jour la liste de l'annuaire universel" ; que cet organisme n'a pas été créé ; que l'ordonnance en date du 25 juillet 2001, portant diverses transpositions d'harmonisation communautaire, a modifié le contenu de l'article L. 35-4 du Code des postes et télécommunication et abandonné la création de l'organisme initialement envisagé ; que la validité de l'injonction prononcée ne peut s'étendre au-delà de la date d'entrée en vigueur de ladite ordonnance, elle-même subordonnée à la publication d'un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la commission supérieure du service public des postes et télécommunications, non encore publié à ce jour ; que toutefois, les faits invoqués par les parties saisissantes sont antérieurs à cette date et, par conséquent, relatifs à une période au cours de laquelle l'injonction n'était pas frappée de caducité ;

B. - Les incidences des éventuels droits de propriété intellectuelle

Considérant que les injonctions formulées par la Cour d'appel de Paris ont aux termes de cette décision, été arrêtées "sans qu'il soit besoin de prendre parti sur le bien-fondé de la prétention à la titularité de droits de propriété intellectuelle émise par France Télécom" ;

Considérant, d'une part, que les dispositions des articles L. 341-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, issues de la loi du 1er juillet 1998 qui a transposé la directive communautaire concernant la protection juridique des bases de données (directive n° 96-9-CE du 11 mars 1996), ne sauraient faire obstacle à l'application d'une mesure d'orientation vers les coûts prononcée par une autorité de concurrence ; qu'aux termes du considérant 47 de cette directive : "dans le but de favoriser la concurrence entre les fournisseurs de produits et de services dans le secteurs du marché de l'information, la protection par le droit sui generis ne doit pas s'exercer de manière à faciliter les abus de position dominante, notamment en ce qui concerne la création et la diffusion de nouveaux produits et services présentant une valeur ajoutée d'ordre intellectuel, documentaire, technique, économique ou commercial ; que, dès lors, les dispositions de la présente directive sont sans préjudice de l'application des règles de la concurrence, qu'elles soient communautaires ou nationales" ;

Considérant, d'autre part, que, comme l'indique le considérant 40 de cette directive, "l'objectif du droit sui generis est d'assurer la protection d'un investissement" ; qu'à supposer que la base annuaire suppose un investissement financier, matériel et humain substantiel de sorte à être éligible à la protection accordée aux bases de données par le Code de la propriété intellectuelle, l'exercice de ce droit sui generis ne fait pas obstacle à l'application du droit de la concurrence ni à l'application d'une mesure d'orientation vers les coûts prononcée par une autorité de concurrence ;

C. - L'obligation de fourniture

Considérant qu'il convient de vérifier si France Telecom s'est conformée à l'obligation de fourniture "à toute personne qui lui en fait la demande", c'est-à-dire à tout opérateur exerçant une activité d'exploitation de l'annuaire quelle qu'elle soit, mise à sa charge par l'arrêt du 29 juin 1999 ;

La mise en conformité avec la liste orange

Considérant que les prestations de topage sont maintenant réalisées par la société Médiatel ; que ces prestations sont facturées à un tarif similaire à celui facturé pour les prestations de mise en conformité avec la liste safran et indiqué dans le catalogue de France Télécom ; que sur ce point, France Télécom s'est conformée aux injonctions de la Cour d'appel ;

La cession de la base annuaire à usage de marketing direct

Considérant que les prestations de fourniture pour usage de marketing direct sont à présent réalisées par la société Médiatel ; que les prix de ces prestations sont définis dans le document "tarifs et barèmes" de la société ; que la société Médiatel propose également aux professionnels du marketing direct souhaitant exercer une activité de rediffusion de la base annuaire une offre de mise à disposition de l'intégralité de son fichier avec mise à jour mensuelle qui comprend une partie fixe (3,5 MF) et une partie variable fonction de la quantité d'adresses rediffusées (9 centimes par adresse rediffusée avec une remise de 50 % au delà de 80 millions d'adresses) ;

Considérant que cette licence de rediffusion offre dorénavant aux professionnels du marketing direct la possibilité de commercialiser la base annuaire ou d'enrichir leur propre fichier à des fins de rediffusion, alors que cette faculté leur était interdite par les contrats de cession donnant uniquement à leur bénéficiaire un droit d'usage final ; que s'agissant des obligations de fourniture de la base annuaire pour le marketing direct, les injonctions prononcées à l'égard de France Télécom ont été respectées ;

La cession de données annuaire à usage de renseignement

Considérant, compte tenu de l'organisation des activités d'annuaires de France Télécom, que deux entités sont susceptibles de répondre à une demande de données de la part d'un opérateur souhaitant mettre en place un service de renseignement : la division multimédia pour la mise à disposition de la base annuaire, et la société Intelmatique pour la consultation en ligne des données annuaire ; que ces deux offres diffèrent, en premier lieu, en ce que l'offre Intelmatique est plus avantageuses pour un volume de données relativement faible alors que l'offre de la division multimédia, étant forfaitaire, est indépendante du volume de l'activité en aval ; qu'en second lieu, la mise à disposition de la base annuaire par la division multimédia permet à un opérateur d'apporter un service à valeur ajoutée, alors que la consultation en ligne via l'offre Intelmatique est peu compatible avec ce type de service ; qu'en effet, l'offre Intelmatique est inadaptée pour un service d'"annuaire intelligent" tel que celui de la société Scoot France, comme en témoignent les propos tenus par M. Broncard, représentant de la société Cegetel, lors d'une réunion avec France Télécom le 22 juillet 1999, qui constate qu'il est "impossible d'ajouter sa propre valeur ajoutée" ;

Considérant que l'offre de la division Intelmatique répond initialement à une demande d'accès en ligne à la base annuaire depuis l'étranger pour les renseignements étrangers ; qu'elle est disponible depuis 1994 et que les premiers contrats sont apparus en 1998 ; que ce service de mise en ligne directe de la base annuaire existe également, pour les opérateurs français, dans les mêmes conditions tarifaires que celles prévues pour la demande internationale ; que trois contrats ont été conclus, notamment avec les opérateurs mobiles SFR et Bouygues Telecom ; que, faisant suite à la demande d'accès de Sonera France à la base annuaire en mai 1999, France Télécom indiquera, lors d'une réunion en août 1999, que le contrat de l'opérateur finlandais avec Intelmatique couvre également une utilisation en vue d'installer un service de renseignement sur le territoire français ; que, par conséquent, France Télécom, via la société Intelmatique, fournit effectivement une offre d'accès en ligne à la base annuaire à ceux qui en font la demande ;

Considérant que l'offre de la division multimédia pour la mise à disposition de l'annuaire a été élaborée courant 1999 par France Télécom ; que son prix est passé de 65 millions à 35 millions pour l'acquisition de la base complète avec mise à jour quotidienne ; qu'elle correspond à une offre commune à des fins de renseignement ou d'édition d'annuaire, répondant à la demande de nombreuses entreprises, notamment Cegetel, Sonera, Iliad (pour l'édition d'un annuaire inversé) puis Scoot ; que l'offre, dans son montant actuel, a été communiquée à la société Sonera dans un courrier du 1er décembre 1999, soit 8 mois après la demande initiale de cette dernière ; que les délais ci-dessus constatés au cours de l'année 1999 pour l'élaboration de l'offre de la division multimédia qui comportait de nouveaux tarifs, ne sont pas de nature, à eux seuls, à caractériser un non-respect d'injonction ;

La cession de la base annuaire à usage d'édition d'annuaires imprimés

Considérant que les demandes d'accès à des extraits de la base de données France Télécom ont donné lieu à de nombreux contrats avec des éditeurs d'annuaires locaux, sur la base d'un prix par adresse de 1,27 F hors frais techniques ; que la mise à disposition des données annuaire à des fins d'édition est maintenant réalisée dans un cadre contractuel commun qui couvre les utilisations pour services d'annuaires et de renseignement ; que, sur ce point encore, France Télécom est en conformité avec l'obligation de fourniture ;

D. - La transparence des tarifs

La mise en conformité avec la liste orange

Considérant que les prix des prestations de mise en conformité avec la liste orange sont définis dans le document "tarifs et barèmes" de la société Médiatel ;

La cession de la base annuaire à usage de marketing direct

Considérant que les conditions de cette offre ont été communiquées par France Télécom en juin 1999 à l'ensemble des acteurs majeurs du marketing direct en France, dont la société Groupadress ; qu'elles sont maintenant mentionnées dans le catalogue de prix de l'opérateur public, en ligne L.13 ;

La cession de données annuaire à usage de renseignement et d'annuaires

Considérant que la commercialisation des données annuaire est assurée au sein du groupe France Télécom par deux entités distinctes, la division multimédia et la société Intelmatique ;

Considérant que le commissaire du Gouvernement estime que "s'agissant d'une ressource unique, le principe d'une mise à disposition transparente et objective aurait pu conduire France Télécom à mettre en place un guichet unique proposant un catalogue de tarifs de cession de la liste des abonnés au téléphone" et qu'"en l'état, l'accès à la base d'abonnés est fourni dans des conditions peu transparentes, compte tenu de l'éclatement des moyens de commercialisation" ;

Considérant que si du point de vue du demandeur d'accès à la base annuaire, cet état de fait est susceptible d'introduire la confusion, il résulte de choix d'organisation interne de France Télécom justifiés par l'existence de différentes formes de commercialisation ; que d'ailleurs un interlocuteur principal a été désigné par France Télécom comme point de contact pour les négociations avec les opérateurs intéressés (la branche entreprise de France Télécom pour la société Sonera, la division multimédia de France Télécom pour la société Scoot) afin de faire la synthèse des offres possibles et de déterminer l'offre la mieux adaptée ; que l'offre de la division multimédia dans sa version actuelle fait l'objet d'une publication en ligne L.12 du catalogue des prix de l'opérateur public ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les offres de cession de données annuaire à usage de renseignement et d'annuaires répondent donc aux exigences de transparence ;

E. - Le périmètre et le montant des coûts encourus par France télécom pour permettre d'offrir un accès à la base annuaire et l'orientation des tarifs vers les cou^ts pour l'accès à cette base

Considérant que la Cour d'appel de Paris a enjoint à France Télécom de fournir, à toute personne qui lui en fait la demande, "la liste consolidée comportant, sous réserve des droits des personnes concernées, les informations contenues dans l'annuaire universel", "à un prix orienté vers les coûts liés aux opérations techniques nécessaires pour répondre à cette demande" ;

Le principe que les coûts pertinents sont les coûts incrémentaux

Considérant qu'il est constant que France Telecom ne peut fonctionner, pour les besoins de son activité de service téléphonique, sans établir un fichier commercial de ses abonnés, dont l'annuaire n'est qu'un produit dérivé ;

Considérant que le coût technique d'établissement d'un tel produit est le coût incrémental selon la pratique constante de l'ART en semblable matière ; que le coût incrémental est celui de l'"incrément" c'est-à-dire des opérations supplémentaires nécessaires pour établir l'annuaire, le fichier commercial étant supposé réalisé, le tout selon la technologie la plus efficace et avec un juste calcul de la charge en capital aux coûts d'aujourd'hui (et non aux coûts historiques) ;

Considérant que le périmètre des "opérations techniques nécessaires pour répondre à la demande" visé par la Cour d'appel de Paris ne doit comporter aucune opération déjà réalisée pour la constitution du fichier commercial, dans la mesure où ce fichier est de toute façon nécessaire pour la gestion des abonnés au service téléphonique ; qu'il convient de ne retenir que les coûts supplémentaires qui sont engendrés pour pouvoir fournir la liste consolidée des abonnés c'est-à-dire la base annuaire ; que les coûts fixes communs qui ne dépendent pas de la seule fourniture de la liste consolidée et qui seraient de toute manière supportés si France Télécom ne fournissait pas cette prestation, ne font pas partie de ces coûts incrémentaux ;

Considérant que France Télécom a répondu à l'obligation qui lui était faite de fournir "la liste consolidée comportant, sous réserve des droits des personnes concernées, les informations contenues dans l'annuaire universel", en proposant une offre de mise à disposition de sa base annuaire, dans les conditions examinées au paragraphe C ;

Considérant que les parties plaignantes soutiennent, en premier lieu, que l'injonction de la Cour d'appel obligeait France Télécom à ne retenir que les coûts marginaux de mise à disposition supportés par France Télécom lors de la mise à disposition de sa base annuaire ; que les coûts devaient alors être limités aux seuls frais techniques qui sont engagés à chaque commande pour l'ouverture du dossier, la sélection des adresses et l'édition du fichier sur un support (disquette, CD-rom, bande magnétique), y compris l'amortissement du matériel informatique et logiciels nécessaires pour ces opérations ; que le coût de ces opérations devait alors être de 2 500 F par fourniture (frais techniques identifiés dans le catalogue de France Télécom, ligne L.122) ;

Mais considérant que les termes de l'injonction visent, "les coûts liés aux opérations techniques nécessaires pour répondre à la demande" et non les seuls frais techniques de fourniture ; que si la constitution de la base annuaire nécessite des opérations techniques supplémentaires par rapport à celles réalisées pour la constitution du fichier commercial, alors les termes de l'injonction autorisent France Télécom à prendre en compte le coût de ces opérations pour élaborer ses tarifs de cession de la base annuaire ;

Considérant que les parties plaignantes soutiennent, en second lieu, que les éventuels coûts fixes exposés pour la constitution de la base annuaire (qui doivent être limités aux coûts incrémentaux) n'ont pas à être pris en compte car ils sont amortis par les recettes tirées de l'annuaire universel ;

Mais considérant que les termes de l'injonction de la Cour d'appel visent les coûts liés aux opérations techniques nécessaires pour répondre à la demande, et non les coûts nets de recettes ; que par conséquent le Conseil, pour examiner l'orientation des tarifs vers les coûts, doit, dans un premier temps, procéder à l'évaluation de ces coûts ;

L'évaluation des coûts incrémentaux

Le modèle de coût fourni par France Télécom

Considérant que par lettre du 14 mai 2001, le rapporteur a demandé à France Télécom de lui fournir "toutes données comptables permettant de justifier l'orientation vers les coûts des tarifs de cession des données de l'annuaire", précisant qu'"il sera probablement nécessaire à ces fins de disposer d'éléments appropriés de comptabilité analytique" ; que dans les éléments comptables transmis au rapporteur, France Télécom estime légitime de prendre en compte les coûts supportés en amont pour la collecte et la gestion de la base annuaire ;

Considérant que France Télécom a fourni les données comptables suivantes pour l'année 1999, sur la base d'un rapport d'audit de comptabilité analytique établi à la demande de France Télécom par le cabinet Price Waterhouse Coopers, en date du 8 octobre 1999, et mettant à jour des données établies en 1993 :

Considérant que les coûts de collecte ont été calculés à partir du temps que les agents de France Télécom répartis dans ses 600 agences consacrent à la mise à jour et à l'enregistrement des modifications sur la base annuaire ; que France Télécom indique que ces opérations sont très importantes en volume "dans la mesure où environ un tiers de notre base subit des modifications chaque année" et suppose au minimum 50 000 écritures par jour ; qu'une fois cette estimation opérée, les coûts de collecte ont été évalués à partir du coût global d'une opération commerciale extraite de la comptabilité analytique ;

Considérant que les coûts de gestion recouvrent les coûts informatiques de regroupement des données recueillies en agence et de maintenance de la base ;

Considérant que France Télécom précise que ces coûts de collecte et de gestion ne comprennent pas les coûts relatifs aux abonnés inscrits en liste rouge ;

Considérant que France Télécom indique appliquer un pourcentage de 70 % sur le montant total estimé ci-dessus afin de ne retenir que les opérations efficaces, c'est-à-dire celles qui donnent lieu à une modification de la base annuaire ; que selon France Télécom "le coût de la base brute de données annuaire hors liste d'oppositions, hors rejets, hors coûts d'enrichissement de la base, s'élève pour l'exercice 1999 à 238 211 000 F" ; qu'elle ne retient que les modifications de la base qui donnent lieu à validation, et détermine donc un coût global de la base annuaire de 199 MF pour l'année 1999 ;

L'appréciation des éléments fournis par France Télécom

Considérant, en premier lieu, qu'il convient de s'interroger sur le niveau des coûts de collecte retenus par France Télécom ; qu'il importe de vérifier que ces coûts n'incorporent aucun coût d'opérations de collecte de données réalisées, par ailleurs, pour la constitution du fichier commercial ;

Considérant que France Télécom indique, au sujet de ces coûts "qu'il ne s'agit que des coûts liés aux opérations de traitement de la base annuaire, à l'exclusion de tout autre, en particulier les coûts de traitement du fichier de gestion de la clientèle de France Télécom" ;

Mais considérant que France Télécom n'apporte aucune justification qui permette au Conseil de vérifier cette affirmation ; que, par ailleurs, des doutes sérieux peuvent être émis compte tenu des observations formulées par France Télécom en réponse au rapport selon lesquelles elle "persiste à considérer que des coûts communs devraient être répartis entre la base annuaire et la gestion commerciale de la clientèle selon des critères pertinents" ;

Considérant, en deuxième lieu, que France Télécom affirme que "les opérations et les coûts décaissés concernant son propre fichier de clientèle (fichier de facturation) sont totalement indépendants des opérations et des coûts liés au traitement de sa base annuaire" afin de justifier que "les temps mesurés (pour les inscriptions des abonnés sur la liste) correspondent à des tâches spécifiques à l'annuaire hors toutes celles concernant les listes rouges, et hors toutes celles concernant d'autres tâches, en particulier les tâches concernant le fichier client" ; que s'il était établi dans les faits qu'en raison de la nature des opérations réalisées pour constituer la base annuaire, les coûts dont se prévaut France Télécom sont totalement indépendants des activités relatives à la gestion de son fichier clientèle, alors l'imputabilité de ces derniers à l'activité de cession de la base annuaire ne devrait pas être remise en cause ;

Mais considérant que l'indépendance totale entre les opérations liées au traitement de la base annuaire et celles liées au traitement du fichier commercial ne peut susciter que l'interrogation compte tenu des données communes à ces deux fichiers (noms, prénoms, adresses, numéros de téléphone...) qui constituent l'essentiel de leur contenu ; que France Télécom se contente d'affirmer : "la caractéristique principale du système d'information annuaire tient au fait qu'il est spécifique au traitement des données annuaires et qu'il a été depuis très longtemps, déployé et mis en œuvre dans le seul but de réunir les données nécessaires à la confection des annuaires de France Télécom. On aurait pu imaginer que la base des données annuaire puisse être issue d'autres fichiers France Télécom (fichier client, fichier facturation). Or pour des raisons éditoriales, pour des raisons de faisabilité technique, pour des raisons de qualité, et pour des raisons d'ordre organisationnnel notamment, ce n'est pas la réalité" ; que ces affirmations induisent un doute sur le point de savoir si le coût des opérations techniques retenu par France Telecom correspond bien au coût incrémental en ce qu'il doit s'entendre au sens de coût de remplacement selon la technique la plus efficace ;

Considérant, en troisième lieu, que le modèle de coûts de la base annuaire fourni par France Télécom utilise comme donnée d'entrée essentielle le coût global d'une opération commerciale extraite de la comptabilité analytique ; que dans le rapport d'audit du cabinet Price Waterhouse Coopers en date du 8 octobre 1999, les opérations de création, modification et suppression sont respectivement imputées à hauteur de 8,7 F, 11,4 F, et 12,2 F par minute pour les inscriptions des résidentiels ; que le rapporteur, estimant que ces opérations informatiques effectuées par un agent commercial sur un poste de travail relié à une base de donnée informatique sont de même nature que celles réalisées par un télé-opérateur de renseignement par téléphone, et se référant aux charges directement affectables du service "12", a mis en évidence un ordre de grandeur du coût par minute de 8,6 F pour les charges directement affectables, inférieur en moyenne de 20 % au montant moyen par minute des opérations réalisées pour les inscriptions sur les annuaires ; que cette évaluation résulte seulement d'une comparaison et ne prétend pas refléter le coût par minute pertinent qu'il conviendrait de retenir ; qu'elle ne tient pas compte des gains de productivité réalisés sur l'activité de renseignement après 1999 mais qu'elle constitue un élément de doute sérieux sur la validité des coûts avancés par France télécom ;

Considérant que France Télécom conteste ce calcul au motif qu'il ne comprend pas "les coûts en matériel, logiciels et actions de recherche indispensables à la constitution et à la gestion de la base" ;

Mais considérant que France Télécom ne fournit pas d'éléments montrant que ces coûts seraient indépendants des coûts déjà encourus pour la constitution du fichier commercial, ni que ceux-ci n'ont pas, par ailleurs, déjà été pris en compte dans les coûts de gestion de la base annuaire ;

Considérant enfin que le modèle de coûts de France Télécom comporte des hypothèses de calcul qui ne donnent lieu à aucune justification satisfaisante, notamment l'application d'un ratio de 70 % pour passer du coût global de la base annuaire au coût de la base brute, et la déduction opérée sur ce montant pour ne retenir que les modifications de la base qui donnent lieu à validation ;

L'insuffisance des éléments fournis par France Télécom et la nécessité d'une évaluation détaillée des coûts incrémentaux

Considérant que, pour vérifier que l'injonction est respectée, le Conseil doit disposer d'éléments suffisants lui permettant de valider les coûts avancés par France Télécom ; qu'en l'état, les éléments fournis par France Télécom ne permettent pas au Conseil de vérifier, d'une part, que les opérations que France Télécom entend imputer dans le coût de la base annuaire ne sont pas en fait liées au fichier clientèle, ni, d'autre part, que les différentes mesures et hypothèses servant à établir ces coûts sont fondées, ni enfin que ces coûts sont évalués en considération d'exigence minimale d'efficacité de l'opérateur public ;

Considérant, par ailleurs, que le rapporteur n'a pas notifié de grief au sujet de l'orientation des tarifs vers les coûts si ce n'est en ce qui concerne les prix de consultation de la base annuaire via les services offerts par la société Intelmatique ; qu'il a néanmoins estimé "que le montant des charges retenues par le Gestionnaire de fichier [199 MF pour l'année 1999], notamment les coûts de collecte s'élevant à 155 MF, est très probablement surdimensionné" ;

Considérant que France Télécom, comparant les 199 MF dont elle se prévaut au titre des charges avec les 106,9 MF de recettes qu'elle avance pour la vente des fichiers, soutient que "en face des coûts supportés par France Télécom, les sommes dues par les opérateurs, dont ceux du groupe auquel elle appartient, sont très largement inférieures" ; qu'il en résulte, selon elle, que "loin d'être excessifs les prix pratiqués par France Télécom ne permettent de couvrir qu'une faible part des coûts exposés" ;

Mais considérant que l'incertitude subsistant sur l'ampleur des écarts entre les montants de coûts et de recettes avancés par France Télécom ne permet pas au Conseil de porter un jugement sur l'orientation des tarifs vers les coûts ;

Considérant que France Télécom souligne que certains de ses concurrents (opérateurs de téléphonie) qui ont créé, de leur côté, des bases refusent de les mettre à sa disposition et qu'il en résulterait que ces concurrents sont à même de proposer au marché des bases plus complètes que celle proposée par France Télécom ; qu'elle ajoute "qu'il est pour le moins paradoxal de prétendre que France Télécom n'aurait pas respecté l'injonction au détriment de ses concurrents et de la concurrence sur le marché, alors que son respect scrupuleux de l'obligation de mise à disposition a permis à ses concurrents de déséquilibrer le marché à leur avantage exclusif" ;

Mais considérant que cet argument, à supposer qu'il repose sur des faits établis, est sans incidence sur l'appréciation du point de savoir si France Télécom s'est conformée à l'injonction de la Cour d'appel ;

Considérant que la société Sonera soutient de son côté que les coûts de constitution et d'entretien de la base annuaire sont de l'ordre de 1 MF ; qu'elle retient à cet effet que la base annuaire résulte d'extractions opérées sur le fichier commercial de France Télécom ; que ces opérations nécessitent au plus une dizaine de serveurs, une licence d'utilisation d'un logiciel de gestion de la base de données et une routine d'extraction ;

Mais considérant que les éléments apportés ne suffisent pas à éclairer le Conseil sur la question de savoir si la base annuaire résulte d'extractions ou de simples transformations du fichier commercial de France Télécom ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en l'état de l'instruction, le Conseil n'est pas en possession d'éléments lui permettant de se prononcer sur le respect par France Télécom de l'injonction d'orientation vers les coûts de ses tarifs de cession de la base annuaire ;que l'examen du respect de cette injonction nécessite de décrire les modalités selon lesquelles est constitué le contenu de la base annuaire et d'évaluer le coût afférent à l'ensemble de ces opérations de constitution ;que la description du processus de fabrication de l'annuaire doit identifier les tâches qui ne sont pas communes à celles requises pour la constitution du fichier commercial de France Télécom ; qu'il sera probablement nécessaire pour cela de dégager les spécificités du contenu de la base annuaire par rapport au fichier commercial, de décrire globalement les opérations de constitution du fichier commercial et de la base annuaire, puis d'imputer ces opérations à l'un des deux fichiers selon le principe que les opérations imputées à la base annuaire ne doivent comporter aucune opération nécessaire pour la constitution du fichier commercial ; qu'il convient aussi d'examiner le volume des tâches imputables à la base annuaire et leur nécessité en considération d'une exigence minimale d'efficacité ; qu'enfin, l'évaluation du coût de ces tâches doit se fonder sur des données objectives et suffisamment justifiées ;

Considérant qu'il convient, dès lors, de renvoyer le dossier à l'instruction sur ces points en recourant éventuellement à une expertise ;

F. - La non discrimination entre les services de France télécom et ceux de ses concurrents (2e grief)

Considérant que France Télécom offre deux catégories d'offre de mise à disposition de la base annuaire (v. supra § C) l'une à destination des professionnels actifs dans le secteur du marketing direct, l'autre à destination des professionnels actifs dans le secteur des services d'annuaire (édition papier ou annuaire électronique) et de renseignement ;

1. La mise à disposition de l'annuaire pour des activités de marketing direct

Considérant que la société Médiatel est mandatée par France Télécom pour assurer l'ensemble des activités de marketing direct y compris la concession de licence de rediffusion ; que les clients de Médiatel sont, selon les termes de ce mandat, "les utilisateurs ainsi que les rediffuseurs de données-annuaires, courtiers ou autres intermédiaires" ; que les opérateurs de marketing direct concurrents qui souscrivent auprès de Médiatel une licence de rediffusion ont la possibilité de proposer à leurs clients des prestations de location, de cession, de déduplication ou d'enrichissement des fichiers détenus par leur client grâce au fichier France Télécom (le terme "clients" désignant ici "exclusivement les utilisateurs finaux des adresses ou services associés acquis aux fins de marketing direct uniquement") ;

Considérant que le simple examen des conventions pour la mise à disposition de la base annuaire à des fins de marketing direct indique que les conditions tarifaires consenties par France Telecom à sa filiale Médiatel sont identiques à celles consenties à d'autres opérateurs concurrents (v. supra § C) ;

2. La mise à disposition de l'annuaire pour les activités de renseignement et d'édition

Considérant que le groupe France Télécom produit et commercialise des annuaires papier et des annuaires électroniques (minitel, internet) via la société Pages Jaunes ; qu'en ce qui concerne les pages jaunes (papier, minitel et internet), Pages Jaunes est éditeur ; qu'en ce qui concerne les pages blanches (papier et minitel), France Télécom SA est restée éditeur en raison de son obligation de service universel, mais qu'elle a délégué l'ensemble des activités de réalisation de ces annuaires à Pages Jaunes (achat de papier, création de pages, impression, distribution) et qu'elle a confié à Pages Jaunes l'activité de régisseur pour la publicité ;

Considérant que les activités de renseignement par téléphone sont exercées par 93 centres de renseignement répartis sur le territoire et gérés par la société France Télécom ;

Considérant que France Télécom concède à sa filiale indirecte Pages Jaunes les droits d'utilisation de la base annuaire, dans le cadre du contrat de mise à disposition de cette base pour les activité de renseignement et d'édition ; que ces droits d'utilisation sont conférés à Pages Jaunes "pour les seuls besoins de ses activités et/ou celles des filiales qu'elle contrôle et/ou celles de sa maison-mère France Télécom" (article 1er du contrat de mise à disposition) ;

Considérant que les coûts d'acquisition de la base annuaire dus au titre de ce contrat, soit 34,3 MF annuels, sont ainsi ensuite répartis par la société Pages Jaunes entre les différents utilisateurs faisant partie du groupe France Télécom entre les activités d'édition des annuaires exercées par la société Pages Jaunes (depuis l'année 2000), et les activités de service de renseignement par téléphone gérées par France Télécom (dont la consolidation financière est effectuée au niveau du pôle service par opérateur) ;

Considérant que les représentants du pôle service par opérateur déclarent : "La division multimédia vendait à France Télécom sa base de données pour 34,3 millions de francs en 1999 et France Télécom répartissait cette charge entre les utilisateurs de cette base : le "12" et la division de l'annuaire pour les annuaires papier et en ligne. La clé de répartition était pour le 12 le nombre de consultations de la base et pour les annuaires l'audience. Depuis juin 2000, c'est désormais Pages Jaunes qui acquiert auprès de la division multimédia de France Télécom la base de données opérateurs et répartit en fonction des utilisateurs le coût de l'acquisition de cette base. La clé de répartition n'a pas changé, il s'agit du nombre de consultations pour le 12 et l'audience pour l'annuaire papier et en ligne" ; que pour l'année 2000 "nous avons provisionné 9 millions de francs pour la prestation de redevance pour l'utilisation de la base de données annuaire/opérateurs. Cette prestation sera désormais versée à Pages Jaunes" ;

Considérant que la société Sonera souhaite acquérir la base annuaire pour exercer un service de renseignement par téléphone ; que la société Scoot France a besoin d'accéder à la base annuaire pour son service d'annuaire électronique et par téléphone ; que ni la société Sonera ni la société Scoot France n'ont manifesté l'intention d'exercer une activité d'édition d'annuaires imprimés ; que ces entreprises qui veulent pénétrer le secteur des services de renseignement (électronique ou par téléphone) doivent acquérir la base de données 34,3 MF alors que le coût de l'acquisition de la base annuaire provisionné par le pôle service par opérateur pour l'activité de renseignement par téléphone de France Télécom n'est que de 9 MF (pour l'année 2000) ; qu'un représentant de Cegetel a soulevé la question au cours d'une réunion avec France Télécom : "M. Broncard demande s'il est possible de découpler la proposition 2 [la proposition 2 est l'offre de cession de la base annuaire, la proposition 1 étant l'offre Intelmatique] qui permet d'éditer des annuaires, activité vers laquelle Cegetel ne compte pas se concentrer pour l'instant. En effet le prix de la proposition 2 peut être justifié par l'édition d'annuaires qui est une activité très lucrative. Si un tel usage n'en est pas fait, une proposition tarifaire différente pourrait être faite". Le directeur annuaires de France Télécom répond "qu'il est aujourd'hui impossible de découpler la prestation, notamment car France Télécom est en attente de décisions judiciaires sur le sujet. France Télécom ne souhaite pas pour le moment décorréler l'usage de la base à des fins d'annuaire de son usage à des fins de renseignement."

Considérant que les termes fixés dans les conventions pour la mise à disposition de la base annuaire prévoient des conditions tarifaires en apparence identiques entre Pages Jaunes et d'autres éditeurs de services d'annuaires ou de renseignement concurrents ; que, pour autant, le coût de l'acquisition de la base annuaire imputé par le pôle service par opérateur pour l'activité de renseignement par téléphone de France Télécom est inférieur au montant facturé à un opérateur concurrent qui souhaiterait exclusivement, comme Sonera, exercer une telle activité ; que cette situation, qui est en contradiction apparente avec l'identité des conditions contractuelles stipulées, est due à la rétrocession de la base annuaire effectuée par Pages Jaunes au profit de France Télécom pour l'exercice de l'activité de renseignement par téléphone ; que le passage par Pages Jaunes apparaît artificiel dans la mesure où la base de données pourrait être cédée directement par la division multimédia de France Télécom ;

Considérant que France Télécom indique que l'activité de renseignement ne saurait être considérée comme objectivement distincte de l'activité d'annuaire ; qu'elle indique que l'évolution technologique rend au contraire de plus en plus indiscernables l'exploitation de ces deux activités ;

Mais considérant que si, comme le souligne France Télécom, les activités de renseignement et d'annuaire en ligne sont susceptibles de dégager d'évidentes synergies et bénéficient de progrès technologiques importants qui amènent à des réductions de coûts significatives, France Télecom, en revanche, n'apporte aucun élément de nature mettre en évidence de telles synergies entre ces activités en ligne et les activités d'annuaires imprimés ; qu'il apparaît, tout au contraire, que les activités d'annuaires imprimés sont des activités plus traditionnelles, dont la structure de coûts et de recettes diffère significativement de celle des activités en ligne ; qu'en effet, les recettes dégagées par l'édition annuaires imprimés dépendent presque exclusivement des ventes d'espaces publicitaires alors que les services en ligne peuvent comporter des tarifs de fourniture ou de connexion au service ; que les coûts de l'activité d'édition d'annuaires papier comprennent des charges éditoriales difficilement compressibles (achat papier, impression et distribution) et spécifiques de ce type d'activité ; que les coûts de l'activité de renseignement par téléphone comprennent des charges de personnels importantes et croissantes avec le volume de l'activité ;

Considérant, en outre, que la pénétration du marché des annuaires imprimés par les concurrents de France Télécom est rendue difficile par la notoriété des marques "Pages Jaunes" et "Pages Blanches" associées à l'image de l'opérateur public ; que l'effet de l'image de marque vis-à-vis du client final est d'autant plus déterminant que la concurrence par les prix est limitée sur les annuaires imprimés puisque ceux-ci sont remis gratuitement aux clients finals et que la concurrence par l'innovation pour ce type d'activité (par exemple la présentation de l'annuaire) n'est pas aussi intense que pour les services en ligne qui bénéficient de progrès technologiques permettant de différencier plus nettement ces services vis-à-vis du client final ; que les activités d'annuaires imprimés et de renseignement en ligne ne présentent donc pas des caractéristiques concurrentielles similaires ;

Considérant, enfin, que l'activité de renseignement par téléphone de France Télécom est, sur le plan de l'organisation interne, nettement distincte des autres activités à base d'annuaire, et en particulier des activités d'annuaires imprimés regroupées dans la société Pages Jaunes ; que le pôle service par opérateurs de France Télécom tient une comptabilité analytique des activités de renseignement par téléphone séparée des autres activités d'annuaire dont la comptabilité est effectuée au niveau de la division annuaires de Wanadoo, maison-mère de Pages Jaunes ; que la gestion de ces deux types d'activité est donc bien distincte ;

Considérant, compte tenu de l'ensemble des éléments qui précèdent, que l'édition d'annuaires imprimés constitue une activité économique distincte des activités de renseignement et, en particulier, des activités de renseignement par téléphone ; que les entreprises qui souhaitent concurrencer France Télécom sur les activités de renseignement doivent procéder à l'acquisition de la base annuaire à un prix supérieur à celui facturé aux entités de France Télécom chargées de la seule réalisation de ces services, comme en attestent les éléments de comptabilité analytique ci-dessus détaillés ; que cette pratique tarifaire de France Télécom constitue une source de discrimination entre ses propres services et ceux de ses concurrents ;

Considérant, de surcroît, que l'objet des injonctions de la Cour d'appel de Paris était de permettre aux activités d'exploitation de la base annuaire concurrentes de se développer ;

Considérant, sur la base des éléments de comptabilité d'exploitation prévisionnelle fournis par la société Sonera (v. supra § I B1) et non contestés par France Télécom, que le coût de cession de la base annuaire représente une part importante des charges de ce type d'activité (de l'ordre de 25 % avec une hypothèse de 24 millions d'appels par an) ; que des variations sur le tarif de cession de la base annuaire ont des conséquences importantes qui peuvent suffire à déterminer des concurrents potentiels à entrer sur le marché ou des concurrents actifs à en sortir ; que France Télécom n'apporte aucune argumentation à l'appui de son affirmation selon laquelle la spécialisation dans la fourniture de renseignements téléphoniques ne présente aucune perspective économique ; qu'au vu de ces éléments, le constat que les concurrents ne parviennent pas à exercer une activité de renseignement par téléphone concurrentielle avec celle de France Télécom (point de vue partagé par l'Autorité de régulation des télécommunications qui considère dans son avis n° 98-1055 en date du 23 décembre 1998 sur les décisions tarifaires relatives au service de renseignement "que les tarifs proposés par France Télécom ne permettent pas à ces opérateurs de fournir le même service à des prix comparables à ceux de France Télécom, sans que ce service ne soit déficitaire") est dû, au moins en partie, au niveau des tarifs de cession de la base annuaire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la réalité du deuxième grief notifié à France Télécom, selon lequel les prix de cession des données annuaire indiqués en ligne L.12 du catalogue de prix de l'opérateur public pour les utilisateurs souhaitant exercer un service de renseignement mais ne souhaitant pas exercer une activité d'édition d'annuaires imprimés sont discriminatoires par rapport à ceux pratiqués au sein du groupe France Télécom, est établie ;

G. - L'examen particulier de l'orientation vers les coûts des tarifs de consultation en ligne de l'annuaire proposés par intelmatique aux professionnels(1er grief)

Considérant que la société Intelmatique est une filiale à 100 % de France Télécom, par l'intermédiaire de Cogecom, holding financière ;

Considérant que la société Intelmatique a fourni, à la demande de l'enquêteur, des données permettant d'établir un compte analytique d'exploitation de l'activité de consultation de l'annuaire de France Télécom ; que ces données sont issues de la comptabilité analytique de la direction des services d'annuaires de la société et de l'application d'une clé de répartition sur les charges afin de ne retenir que les charges liées à cette seule activité ;

Considérant qu'après application de la clé de répartition, le bénéfice d'exploitation pour l'exercice 1999 s'établit à 31,9 MF soit 46 % du chiffre d'affaires qui s'élève à 70 MF ; que, pour l'année 2000, la hausse de la redevance versée à Pages Jaune fait baisser le bénéfice de la société Intelmatique ; que la marge d'exploitation prévisionnelle pour l'année 2000 s'établit alors à 22 MF soit 30 % du chiffre d'affaires qui s'élève à 74 MF ;

Considérant que les éléments ci-dessus mettent en évidence une marge d'exploitation substantielle pour l'activité de consultation en ligne de l'annuaire pour les années 1999 (46 %) et 2000 (30 %) ; que l'appréciation de l'orientation des tarifs de consultation en ligne vers les coûts doit cependant tenir compte d'une rémunération raisonnable des capitaux engagés ;

Considérant qu'il convient de définir l'assiette des capitaux engagés à retenir et un taux de rémunération raisonnable ; que leur montant est, en tout état de cause, largement inférieur au montant des fonds propres plus les dettes financières à moyen et long terme de la société Intelmatique dans la mesure où celle-ci exerce d'autres activités au moyen de ces capitaux (notamment l'offre minitel à l'international) ; que leur montant est donc inférieur au montant de 150 MF obtenu à partir des compte sociaux de la société Intelmatique pour l'année 1999 ;

Considérant donc que les bénéfices dégagés par la société Intelmatique rapportés aux capitaux engagés pour cette activité ne peuvent être que supérieur aux chiffres de 21 % pour l'année 1999 et à 15 % pour l'année 2000, chiffres calculés à partir de la totalité des capitaux engagés dans l'activité de la société Intelmatique ; que ces taux peuvent utilement être rapprochés des taux de rentabilité proposés par l'Autorité de Régulation des Télécommunications en ce qui concerne les activités de service universel de France Télécom qui se situent à 10,9 % pour 1999 et 9,9 % pour 2000 ; que ces taux apparaissent supérieurs à un taux de rémunération raisonnable des capitaux engagés ;

Considérant que France Télécom conteste le grief notifié par le rapporteur au motif que le tarif de la consultation sur requête n'induit aucun effet de ciseau tarifaire ; que cependant le respect du principe d'orientation des tarifs vers les coûts est indépendant de la recherche d'éventuels effets de ciseau tarifaire ;

Considérant que France Télécom soulève encore que la marge d'exploitation mise en évidence par le rapporteur est en réalité bien moindre car elle ne tient pas compte de la rémunération des actifs incorporels que constituent les procédés mis au point pour perfectionner le service de consultation sur requête (protocole normalisé E 115) ; que cependant, la rémunération de ces actifs est prise en compte par une rémunération raisonnable des capitaux engagés ; que, par ailleurs, France Télécom n'a fourni aucune évaluation de ces investissement ni dans le cadre de l'enquête qui portait notamment sur l'activité de la société Intelmatique, ni dans ses observations ;

Considérant, par ailleurs, que les comparaisons effectuées avec les tarifs pour des services européens équivalents ne sauraient faire obstacle à l'application du principe d'orientation vers les coûts retenu par l'injonction prononcée par la Cour d'appel de Paris ;

Considérant ainsi que les tarifs de consultation en ligne des donnés de la base annuaire, pour les années 1999 et 2000, ne sont pas orientés vers les coûts des opérations techniques nécessaires pour offrir ce service ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société France Telecom n'a pas respecté les injonctions formulées à son encontre par la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 29 juin 1999 sur les deux points suivants :

* les prix de consultation de la base annuaire via les services offerts par la société Intelmatique ne sont pas orientés vers les coûts ;

* les prix de cession des données annuaires indiqués en ligne L.12 du catalogue de prix de l'opérateur public pour les utilisateurs souhaitant exercer un service de renseignement mais ne souhaitant pas exercer une activité d'édition d'annuaires imprimés, sont discriminatoires par rapport à ceux pratiqués au sein du groupe France Telecom ;

Considérant, enfin, que s'agissant de l'exigence d'orienter vers les coûts les tarifs de l'activité de gestionnaire de fichiers de France Telecom, également formulée dans l'injonction de la Cour d'appel, l'état du dossier ne permet pas au Conseil de se prononcer ; qu'il y a lieu, avant de faire application des dispositions de l'article L. 464-3 du Code de commerce et de se prononcer sur les saisines des sociétés Scoot et Sonera, de renvoyer l'affaire à l'instruction sur ce point ;

DÉCIDE

Article 1er : Il n'est pas établi que France Télécom n'a pas respecté l'injonction relative au caractère objectif des prix de cession des données annuaire indiqués en ligne L.12 du catalogue de prix de l'opérateur public.

Article 2 : Il est établi que France Telecom n'a pas respecté les injonctions formulées à son encontre par la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 29 juin 1999 sur les deux points suivants :

* non orientation vers les coûts des prix de consultation de la base annuaire via les services offerts par la société Intelmatique ;

* caractère discriminatoire des prix de cession des données annuaires indiqués en ligne L.12 du catalogue de prix de l'opérateur public pour les utilisateurs souhaitant exercer un service de renseignement mais ne souhaitant pas exercer une activité d'édition d'annuaires imprimés.

Article 3 : Il est sursis à statuer sur le respect de l'injonction relative à l'orientation vers les coûts des tarifs de l'activité de gestionnaire de fichier.