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Décisions

CA Versailles, 3e ch., 1 mars 2002, n° 99-08071

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

ONPL

Défendeur :

Global Event System (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Guirimand

Conseillers :

Mme Le Boursicot, M. Grandpierre

Avoués :

SCP Jullien-Lecharn-Rol, Me Binoche

Avocats :

Mes Andrieu, Hoffman.

TGI Nanterre, du 14 sept. 1999

14 septembre 1999

La société Global Event System, anciennement dénommée Extension, qui a pour activité la création événementielle et l'organisation de grandes manifestations, a réalisé, pour le compte de l'Office Néerlandais des Produits Laitiers (ONPL), une opération relative au lancement du "Gouda de Mai", au mois de juin 1988, suivant devis du 31 mars 1998.

Le 7 octobre 1998, la société Global Event System a assigné devant ce tribunal l'ONPL afin de voir condamner ce dernier à lui payer, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la somme de 15 448,28 euro (103 334,10 F), correspondant au solde de sa facture, avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure et la somme de 4 573,47 euro (30 000 F) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement en date du 14 septembre 1999, le Tribunal de grande instance de Nanterre a condamné l'ONPL à verser à la société Global Event System la somme de 7 479,77 euro (49 064,10 F), avec intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 1998, débouté les parties du surplus de leurs prétentions respectives, ordonné l'exécution provisoire du jugement et condamné l'ONPL aux dépens.

Le 15 octobre 1999, l'ONPL a interjeté appel.

Il expose qu'il est un organisme de promotion et d'information des produits laitiers néerlandais et qu'à ce titre, il organise chaque année une opération événementielle qui constitue l'élément principal de sa stratégie de communication, à l'occasion de l'arrivée sur le marché français d'un fromage dénommé "le Gouda de mai" ; que dans cet esprit, il a consulté, au début de l'année 1998, diverses agences spécialisées et a retenu la société Extension, devenue la société Global Event System, qui lui a proposé un thème de publicité particulièrement original, prévoyant des "vaches volantes" et reposant sur la création et la manipulation de 11 cerfs-volants de 4 x 3 mètres en forme de vaches devant voler haut dans le ciel de Paris à proximité des principaux monuments ; que la date retenue pour cette manifestation était le 16 juin 1998 ; qu'en mai 1998, la société Global Event System a fait état de difficultés techniques qui l'empêchaient de réaliser les cerfs-volants prévus et a pris l'initiative de les remplacer par des cerfs-volants traditionnels de 1 m2, ce qu'il a été contraint d'accepter sous la pression du calendrier; qu'en définitive, le 16 juillet 1998, quelques cerfs-volants de taille modeste sur lesquels on pouvait difficilement identifier des vaches, ont été actionnés sur l'Esplanade des Invalides dans des conditions évoquant davantage un concours de plage qu'une opération commerciale et promotionnelle de grande envergure ; que bien entendu, cette exhibition déplorable n'a bénéficié d'aucune répercussion médiatique;

L'ONPL soutient que le thème central de la campagne publicitaire pour la promotion du "gouda de mai" en 1998 reposait sur les fameuses "vaches volantes" et que la société Global Event System en était parfaitement consciente ; que la référence à l'opération "vaches volantes" se retrouvait à tous les niveaux de la campagne publicitaire de cette année là, messages radio, presse, télévision, parrainages d'émission de télévision, dépliants publicitaires, invitations, documents relations presse ; qu'elle avait retenu ce projet précisément en raison de son originalité ; que l'attention de la société Global Event System a été attirée à plusieurs reprises sur l'importance du thème retenu ; que dès lors que ce thème est passé totalement inaperçu, toute communication devenait dénuée de toute portée et même incompréhensible si elle n'était pas étayée par la reprise dans la presse écrite et télévisée; que la vision d'une dizaine de vaches de 12 m2 volant dans le ciel de Paris aurait en effet nécessairement impliqué une couverture médiatique en raison du caractère exceptionnel et spectaculaire de l'événement ; qu'elle est donc fondée à opposer l'exception d'inexécution et ne peut être condamnée à payer le solde de la facture; qu'au surplus, le manquement de la société Global Event System à l'obligation de moyen qui était la sienne, lui a occasionné un très important préjudice, puisque sa campagne publicitaire 1998 ne lui a servi à rien; qu'elle est donc en droit de lui réclamer à titre de réparation de son préjudice ce que lui a coûté cette campagne publicitaire dans sa globalité.

L'ONPL demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- débouter la société Global Event System de toutes ses demandes,

pour le surplus,

Vu l'article 1147 du Code civil,

- condamner la société Global Event System à lui payer la somme de 609 796,07 euro (4 000 000 F) en réparation de son préjudice,

- ainsi que celle de 7 622,45 euro (50 000 F) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- et tous les dépens.

La SA Global Event System réplique que sur les trois prestations prévues au devis contractuel, deux ont été réalisées par elle sans problème ; qu'il s'agissait de la réception au pavillon d'Armenonville avec différentes célébrités, ainsi que de l'événement "les stars photographient les stars" qui a donné lieu au tournage d'un film ; que concernant la troisième, elle a en définitive obtenu l'autorisation de faire voler les cerfs-volants reproduisant des vaches au-dessus de l'Esplanade des Invalides, endroit stratégique, car très touristique ; qu'elle a toujours fait preuve de bonne foi au cours de la préparation et de la réalisation de l'opération, mais également après ; qu'en effet, elle a ramené le montant de sa prestation à la somme de 6 860,21 euro (45 000 F) au lieu des 17 988,98 euro (118 000 F) hors taxes prévus ; qu'elle ne peut être condamnée à rembourser le montant des sommes versées par l'appelant à des sociétés pour l'organisation de prestations auxquelles elle n'a pas participé ; qu'en tout état de cause, elle n'a jamais été informée par son cocontractant de sa volonté de placer en première ligne l'événement qui a eu lieu sur l'Esplanade des Invalides le 16 juin 1998 et du développement de toute la campagne publicitaire, réalisée par d'autres prestataires, sur ce thème ; que d'ailleurs, cette campagne de l'ONPL avait une dimension nationale, tandis que sa prestation était tout à fait ponctuelle ; que l'appelant n'apporte .pas la preuve d'une faute commise par elle dans l'exécution de son contrat, pas plus que du préjudice qu'elle prétend avoir subi et encore moins, du lien de causalité existant entre la prétendue faute et le préjudice allégué; qu'au contraire, elle a exécuté à la date prévue l'obligation de moyen qui lui incombait, ainsi que son obligation de conseil en tenant informé son co-contractant de la préparation des manifestations prévues et des aménagements intervenus.

Elle demande à la cour de :

- dire l'ONPL mal fondé en son appel,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- débouter l'ONPL de l'ensemble de ses demandes,

- condamner l'ONPL à lui payer la somme de 4 573,47 euro (30 000 F) en vertu des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été signée le 11 octobre 2001 et l'affaire plaidée à l'audience du 28 janvier 2002.

Sur ce, LA COUR

Considérant qu'il est constant que la société Global Event System n'a pas exécuté la prestation prévue au devis daté du 31 mars 1998, selon le planning d'actions établi par elle le 2 avril 1998, qui constitue le document contractuel entre les parties;qu'en effet, la manifestation prévue pour le 16 juin 1998, était le vol de dix cerfs-volants de 4 mètres sur 3 (soit une superficie de 12 m2) en forme de vaches, dans le ciel de Paris à proximité des principaux monuments;qu'elle ne peut être comparée avec celle qui a été réalisée, consistant en la manipulation d'une dizaine de cerfs-volants de taille classique (1 m2) sur la seule Esplanade des Invalides, qui ne pouvait être vue que des promeneurs passant à ce moment-là;

Considérant qu'il est établi que l'ONPL a manifesté son mécontentement concernant les modifications de réalisation de la manifestation et que seule la chronologie des événements et de la campagne publicitaire pour le "Gouda de mai" l'a contraint à accepter ces modifications;

Considérant que certes, la société Global Event System objecte qu'elle a rencontré des difficultés pour l'obtention des autorisations nécessaires pour le vol de cerfs-volants de taille exceptionnelle, ce dont elle rapporte la preuve en produisant divers courriers de la Mairie de Paris et de la Préfecture de Police ; qu'en définitive, cette dernière n'a donné son accord que pour la manifestation qui a été réalisée sur l'Esplanade des Invalides ; que néanmoins, la société Global Event System ne peut soutenir qu'elle a rempli son obligation de moyen, dès lors qu'il lui incombait avant de proposer cette prestation à son co-contractant, d'en étudier la faisabilité, ce que manifestement, elle n'a pas fait;que par conséquent, la non exécution par la société Global Event System de la prestation convenue entre les parties lui est totalement imputable;

Considérant que cependant, l'ONPL ne démontre pas qu'elle aurait informé la société Global Event System que la manifestation des cerfs-volants constituait le support de toute la campagne de publicité ; que cette considération n'entrait pas dans le champ contractuel ; qu'au surplus, axer la campagne publicitaire sur cette opération lui aurait conféré un caractère tout à fait aléatoire quant à son impact; qu'en effet, en dehors des considérations climatiques (le ciel de juin à Paris n'est pas sûr), cet événement demeurait très parisien; que l'appelant déclare qu'il escomptait des retombées médiatiques, probablement nationales, qui auraient décuplé l'effet publicitaire gratuitement, ce qui était tout à fait hasardeux et là encore, n'entrait pas dans le champ contractuel;

Considérant que l'appelante n'établit pas que sa campagne publicitaire 1998, sur le thème du "jour où les vaches voleront" n'a servi à rien, ainsi qu'elle l'allègue ; que la non réalisation de la manifestation n'a pas fait perdre son caractère accrocheur à ce slogan inédit; que l'ONPL n'apporte pas la preuve, ni d'un lien de causalité entre la non réalisation de l'une de ses prestations par la société Global Event System et l'échec allégué de sa campagne publicitaire de 1998, ni même de cet échec et partant, de son préjudice;

Considérant que c'est à juste titre que les premiers juges ont relevé que les autres prestations prévues au devis et fournies par la société Global Event System n'ont donné lieu à aucune critique de la part de son co-contractant; que ces prestations étaient tout à fait distinctes de l'opération des cerfs-volants ; qu'il n'est pas démontré que la non réalisation de celle-ci en aurait amoindri l'impact promotionnel;

Considérant que dans ces conditions, la cour confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné l'ONPL à payer à la société Global Event System la somme de 7 479,77 euro (49 064,10 F), correspondant au solde de la facture, déduction faite du prix de la prestation cerfs-volants, avec intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 1998, date de l'assignation valant mise en demeure, ainsi qu'en ses autres dispositions;

Considérant qu'eu égard à l'équité, il y a lieu d'allouer à la SA Global Event System la somme de 1 200 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs, LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Et y ajoutant : Déboute l'ONPL des fins de toutes ses demandes, Condamne l'ONPL à payer à la SA Global Event System la somme de 1 200 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Le condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés directement contre lui par maître Binoche, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.