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Décisions

Cass. crim., 4 novembre 1999, n° 97-85.584

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gomez

Rapporteur :

M. Sassoust

Avocat général :

M. di Guardia

Avocats :

SCP Lyon-Caen-Fabiani-Thiriez, SCP Waquet-Farge-Hazan, Me Blanc

Cass. crim. n° 97-85.584

4 novembre 1999

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par P Alain, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, en date du 25 septembre 1997, qui, pour publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, démarchage sans contrat, à domicile ou dans un lieu non destiné au commerce de bien ou service et offre préalable de crédit sans formulaire nécessaire à l'exercice du droit de rétractation, l'a condamné à 20 mois d'emprisonnement dont 14 mois assortis du sursis avec mise à l'épreuve durant 3 ans, a prononcé la publication de la décision et a statué sur les intérêts civils ; - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1, L. 121-21 du Code de la consommation, 900-1 et suivants du Code du travail, 122-3 du Code pénal, 8 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable des délits qui lui étaient reprochés et l'a condamné pénalement et civilement ;

"aux motifs qu'il est poursuivi pour les délits de publicité mensongère, d'infractions à la législation sur le démarchage à domicile, et à la législation sur la formation professionnelle, survenus courant 1989, 1990, 1991, 1992 ; qu'il ne peut invoquer l'absence d'intention coupable du fait qu'il se serait entouré de l'avis de juristes ;

"alors que, d'une part, aux termes de l'article 8 du Code pénal, la prescription de l'action publique est de trois ans révolus ; - que l'arrêt attaqué, qui retient la culpabilité du prévenu pour des faits qui, d'après leur date, devraient être prescrits, sans énoncer les actes pour lesquels la prescription avait été interrompue, a privé sa décision de base légale ;

"alors que, d'autre part, aux termes de l'article 122-3 du Code pénal, n'est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte ; qu'en énonçant que le prévenu ne s'exonérait pas de sa responsabilité du fait qu'il s'était entouré de l'avis de juristes, la cour d'appel a violé le texte susvisé" ;

Attendu que, si la prescription de l'action publique peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation, c'est à la condition que cette cour trouve dans les constatations des juges du fond les éléments nécessaires pour en apprécier la valeur ; que, tel n'étant pas le cas en l'espèce, le moyen, mélangé de fait et pris en sa première branche, est nouveau et, comme tel, irrecevable ; que, s'agissant de la seconde branche du moyen, l'erreur sur le droit, invoquée par le requérant, est inopérante, dès lors que la cour d'appel a souverainement retenu que le prévenu ne pouvait se retrancher derrière des conseils, donnés par des juristes, fussent-ils éminents et concernant les conditions d'application de la loi sur le démarchage à domicile ; d'où il suit que le moyen, pris en sa seconde branche, doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1 du Code de la consommation, 1147 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du délit de publicité de nature à induire en erreur et l'a condamné pénalement et civilement ;

"aux motifs qu'en "prévoyant dans le contrat que tout entretien préalable à une embauche équivalait à une proposition d'emploi puisque le stagiaire sera de ce fait considéré comme ayant le profil correspondant au poste de travail offert par l'entreprise, l'E s'exonérerait en réalité de son obligation relative à l'emploi "garanti" puis "proposé" ; qu'il résulte de ces éléments que même si certains stagiaires E ont pu trouver un emploi, les offres d'emploi "garanties", voire seulement proposées, n'étaient nullement sérieuses" ;

"alors que, d'une part, en déclarant le prévenu coupable de publicité de nature à induire en erreur au motif que les offres d'emplois n'étaient nullement sérieuses, tout en relevant que certains candidats auraient pu néanmoins trouver un emploi par ce biais, la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires, privant sa décision de base légale ;

"alors que, d'autre part, l'annonceur qui "garantit" ou "propose" un emploi à l'issue d'un stage de formation n'est tenu que d'une obligation de moyens, qu'il satisfait en présentant le stagiaire à un employeur potentiel avec lequel ledit stagiaire doit parvenir à un accord contractuel ; qu'en mettant à la charge de l'annonceur une obligation de résultat, sans contester que cet annonceur avait présenté la totalité des stagiaires à un ou plusieurs employeurs potentiels, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences juridiques qui en découlaient" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-21 du Code de la consommation, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'infraction à la législation sur le démarchage à domicile et l'a condamné pénalement et civilement ;

"aux motifs que "les centres d'affaires ou les hôtels qui ne peuvent être assimilés à des "foires ou salons" et auprès desquels l'E louaient des salles spécifiquement pour la réunion et la réception des candidats stagiaires et le temps strictement nécessaire à celles-ci, ne devenaient pas de ce fait des "annexes" de l'E ; qu'il ne s'agit donc pas de lieux destinés à la commercialisation de la prestation offerte par l'E ; qu'il importe peu que ces salles soient destinées à être louées par leurs propriétaires et aient pour ceux-ci une vocation commerciale" ;

"alors que l'article L. 121-21, alinéa 2, du Code de la consommation, relatif au démarchage dans les lieux non destinés à la commercialisation, ne s'applique pas aux foires et salons ; qu'en faisant application de ce texte pour des salons d'hôtels ou de centres commerciaux spécialement aménagés à cet effet, la cour d'appel a violé le texte susvisé" ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 900-2-1, du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'infraction à la législation relative à la formation professionnelle et l'a condamné pénalement et civilement ;

"aux motifs que l'E relevant de la formation professionnelle continue au sens de l'article L. 900-2-1, du Code du travail devait respecter les dispositions des articles L. 920-6 et L. 920-13 du même Code, relatives à la publicité des tarifs et au délai de rétractation ;

"alors que ne relève pas de la formation professionnelle continue l'enseignement destiné essentiellement à permettre aux stagiaires d'avoir une meilleure connaissance d'eux-mêmes afin de mieux aborder la vie active ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé le texte précité" ;

Les moyens étant réunis ; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme sur la culpabilité qu'étant le gérant de la société E dont l'activité consistait notamment à organiser un enseignement dans le domaine des ressources humaines, Alain P a diffusé, par voie de presse, une publicité dans laquelle il s'engageait à dispenser à ses élèves, moyennant une somme de 14 200 francs, puis de 15 600 francs, une formation d'une durée totale de quatre semaines, à l'issue de laquelle il leur garantissait, tout d'abord, et leur proposait, par la suite, à compter de janvier 1991, un emploi stable, avec une rémunération fixe de 5 000 francs par mois, en raison de ses relations avec de nombreuses entreprises ; que, reprochant au prévenu de ne pas avoir tenu l'ensemble de ses engagements, 20 stagiaires ont déposé plainte et l'intéressé a été poursuivi des chefs précités ;

Attendu que, pour déclarer ce dernier coupable de ces infractions, la juridiction du second degré se prononce par les motifs partiellement repris au moyen, desquels il résulte que les stipulations des contrats étaient bien de nature à induire en erreur, même le consommateur moyen,que la loi sur le démarchage à domicile n'avait pas été respectée, lesdits contrats de formation ne comportant aucun bordereau de rétractation et prévoyant le versement immédiat d'un acompte et que l'enseignement, assuré par l'E, entrait bien dans le cadre des dispositions relatives à la formation professionnelle, en dépit de précautions linguistiques ne pouvant faire illusion ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance comme de contradiction, les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.