Cass. crim., 9 octobre 2001, n° 00-87.089
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Blondet
Avocat général :
M. Davenas
Avocat :
Me Le Prado
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par F Daniel, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 21 septembre 2000, qui, pour publicité de nature à induire en erreur et tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue, l'a condamné à 10 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3 du Code pénal, L. 121-1 et L. 213-1 du Code de la consommation, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Daniel F coupable du délit de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur et du délit de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, et l'a condamné à une amende ainsi qu'au paiement d'une indemnité à M Dauvillier, partie civile ;
"aux motifs que, par courrier du 27 juillet 1994, Sébastien Dauvillier saisissait la Direction de la Concurrence et de la Consommation de Montpellier ; qu'il lui indiquait qu'il avait acquis en mars 1984 un véhicule R5 GTX à la suite d'une annonce parue dans un journal local mentionnant "R5 GTX, gris métal + options, 1re main, 5 p An 88, excellent état, 25 000 F" ; que le contrôle technique réalisé le 1er mars 1994 n'indiquait que quelques anomalies qui ne nécessitaient pas une contre-visite ; que le certificat de vente portait un kilométrage réel de 86 566 km ; que le carnet d'entretien remis par le vendeur mentionnait des révisions jusqu'à 52 000 km ; que, dès les premiers kilomètres, le véhicule avait de nombreux problèmes ; que l'acheteur sollicitait l'avis d'un garagiste qui lui conseillait de montrer son véhicule à un expert ; que le véhicule était examiné par M Laurent, alors que le véhicule n'avait parcouru que 33 km depuis la date d'acquisition ; que l'expert "privé" relevait notamment une déformation du berceau avant gauche, du longeron et de la traverse ainsi qu'un jeu important au niveau de la tête d'amortisseur droite ; qu'il faisait état d'une usure prononcée des freins et d'un mauvais fonctionnement du moteur ; que l'administration de la Répression des Fraudes décidait de montrer ce véhicule à un expert judiciaire, M Raynaud ; que l'examen avait lieu en avril 1995 alors que depuis la première expertise, le plaignant n'avait plus utilisé son véhicule ; que M Raynaud relevait que le berceau avait subi un choc important par dessous, que le longeron gauche avait été affecté par un choc, que le joint de pare-brise était fuyant, que le mauvais centrage de la fixation supérieure de l'amortisseur avant gauche en était une des séquelles, qu'il y avait une différence d'empattement de 5 mm en moins du côté gauche par rapport au côté droit du véhicule, que la roue sur laquelle le choc avait porté avait été vraisemblablement remplacée par la roue de secours, celle placée en secours n'étant plus d'origine, et que la carburation et le freinage étaient défectueux ; qu'il apparaissait que l'assureur de Daniel F n'avait enregistré aucun sinistre et qu'il s'agissait bien d'un véhicule de première main ; qu'il s'agissait en conséquence d'un véhicule qui avait reçu un choc, et qui avait été mal réparé et mal entretenu ; que l'Administration dressait procès-verbal, d'une part, pour publicité mensongère dans la mesure où ce véhicule ne pouvait être qualifié d'un véhicule "en excellent état" et, d'autre part, pour le délit de tromperie sur les qualités substantielles du véhicule ; "que, sur la publicité mensongère, Daniel F indique qu'il ne peut être poursuivi parce que c'est sa femme qui avait passé l'annonce et produit deux attestations de Mme Gouju qui indique "avoir fait insérer, à titre amical, dans le journal gratuit 30 Nîmes une petite annonce permettant à Nicole F de mettre en vente un véhicule" ; mais qu'il ressort des pièces non contestées du dossier que le véhicule dont s'agit était bien la propriété de Daniel F et qu'ainsi, c'est bien pour son compte que la publicité a été diffusée et qu'il est bien le responsable de l'infraction commise ; que Daniel F indique par ailleurs que son véhicule a été régulièrement entretenu, que cinq jours avant la vente, son garagiste est intervenu sur le véhicule, que le contrôle technique n'a rien révélé et ce, en présence de l'acheteur, et qu'il n'est pas démontré que le choc a eu lieu avant la vente ; que, toutefois, il ne pouvait qualifier son véhicule de véhicule "en excellent état" alors que le contrôle technique relevait plusieurs défauts, tels que canalisation d'échappement en mauvais état, amortisseur avant ; mauvaise fixation supérieure, moteur : fuite, porte latérale : mauvais état ancrage avant gauche, frein de service : déséquilibre arrière important, vérification impérative ; que cette seule énumération établit que le véhicule n'était pas en excellent état ; que les factures produites par le prévenu sont de 1992, à l'exception de deux, antérieures de quelques jours, à la vente ; que la première, en date du 23 février 1994, concernait le remplacement d'une durite et la seconde, du 28 février 1994, concernait un contrôle de nettoyage de freins ; que l'expert a relevé une usure de disques de frein à la limite de la tolérance constructeur et une usure anormale de la garniture d'un tambour arrière ; que, cependant, la liste du contrôle technique exclut l'examen des garnitures et plaquettes de frein par conséquent, le freinage, au moment de la vente, était défectueux ; qu'au surplus, le prévenu laisse entendre que le choc relevé par les experts aurait été fait après la vente et avant les constatations des experts, soit pendant les 33 km parcourus par le véhicule ; que, cependant, l'expert judiciaire précise que le mauvais centrage de fixation supérieure de l'amortisseur avant gauche était l'une des séquelles du choc ; le contrôle technique avait révélé une mauvaise fixation de l'amortisseur avant, ce qui démontre que le choc avait déjà eu lieu lorsque le véhicule a été examiné lors du contrôle technique ; qu'ainsi, le véhicule n'était pas "en excellent état" et Daniel F a trompé sciemment son co-contractant en lui laissant croire que son véhicule était en excellent état et n'avait pas été accidenté ; que, dans ces conditions, la culpabilité sera légalement confirmée sur le délit de tromperie ;
"alors, d'une part, qu'il y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre, et l'élément moral constitutif du délit de publicité trompeuse suppose une faute d'imprudence ou de négligence ; que les juges du fond ne pouvaient, pour déclarer Daniel F coupable de ce délit, se fonder sur la seule constatation de l'inexactitude de l'annonce présentant le véhicule en vente comme en excellent état, révélée par un contrôle technique et des expertises postérieures, pour affirmer que le prévenu avait sciemment trompé son co-contractant, sans constater que Daniel F avait eu conscience de l'existence de défauts incompatibles avec la qualification de véhicule en excellent état, au moment où l'annonce a été diffusée et le véhicule proposé à la vente ;
"alors, d'autre part, que l'article L. 213-1 du Code de la consommation incrimine quiconque aura trompé ou tenté de tromper le contractant, par quelque moyen ou procédé que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles de toutes marchandises ; que les juges du fond ne pouvaient déclarer Daniel F coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, sans constater que Daniel F aurait eu conscience de défauts de l'automobile mise en vente au moment de la diffusion de l'annonce, ni que les parties avaient fait de l'absence de choc une qualité substantielle, ni s'expliquer sur la circonstance que l'acquéreur était présent lors du contrôle technique précédant la vente" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Daniel F a fait diffuser au mois de mars 1994 dans un journal local une annonce aux termes de laquelle il proposait à la vente, au prix de 25 000 francs, une Renault 5 de première main, acquise en 1988, présentée comme étant en "excellent état" ; que Sébastien Dauvillier, acquéreur du véhicule, a, le 27 juillet 1994, après avoir constaté son mauvais fonctionnement, porté plainte auprès de la direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ; qu'un examen du véhicule par un expert désigné par ce service a révélé que son berceau et le longeron gauche avaient été déformés par un choc important, et qu'il avait été mal réparé et mal entretenu ; que Daniel F est poursuivi sous la prévention des délits de publicité fausse et de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise vendue ;
Attendu que, pour écarter l'argumentation en défense du prévenu et le déclarer coupable de ces délits, les juges relèvent que, si le procès-verbal de contrôle technique établi le 1er mars 1994, et remis à l'acquéreur lors de la vente, ne prescrivait pas de contre-visite, il mentionnait plusieurs défauts qui ne permettaient pas d'affirmer que le véhicule était en excellent état ; qu'ils ajoutent que la mauvaise fixation de l'un des amortisseurs, retenue comme une séquelle de choc par l'expert désigné au cours de l'enquête, était mentionnée par le contrôle technique, ce qui établit que l'accident dissimulé à l'acquéreur a eu lieu avant la vente ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où résultent à la charge du prévenu non seulement une faute d'imprudence ou de négligence constituant l'élément moral de l'infraction de publicité trompeuse, mais la dissimulation intentionnelle d'un accident antérieur ayant causé au véhicule des dégâts insuffisamment réparés, qui caractérise en tous ses éléments le délit de tromperie, la cour d'appel a justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.