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Décisions

CA Rouen, ch. des appels prioritaires sect. référé prud'homal, 17 juin 2003, n° 03-00107

ROUEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Boucherie, Boulineau, Chanroux, Da Sylva, Duron, Ferrier, Figueiredo, Gazanois (consorts), Giacomini, Guillouzo, Jaeckens, Jolivet, Kujawska, Lales, Lebourg, Lesueur, Perros, Savart, Schwartz, Trabot, Vavasseur

Défendeur :

Groupe Volkswagen France (Sté), Vernon Automobile (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Solle-Tourette

Conseillers :

Mmes Le Carpentier, Samat

Avoués :

SCP Greff Peugniez, Me Couppey, SCP Colin Voinchet Radiguet Enault

Avocats :

Me Simonneau, Me Bricogne (SCP Vogel, Vogel), Me Bertin.

Cons. prud'h. Evreux, du 27 déc. 2002

27 décembre 2002

Les Faits et la Procédure:

Les sociétés Vernon Automobiles, à Vernon, Etablissements Le Troadec au Havre et Garage Picard SA à Dieppe, dirigées par Monsieur Desormeaux, étaient liées à la société Groupe Volkswagen France par des contrats de concession à durée indéterminée prévoyant une exclusivité pour la vente des véhicules neufs Volkswagen, Audi et Skoda.

Ayant constaté des irrégularités dans les dossiers de garantie, la société Groupe Volkswagen France a notifié le 14 novembre 2000 la résiliation des contrats avec un préavis de deux ans, soit pour le 15 novembre 2002.

Les trois sociétés ont aussitôt déposé leur bilan et une procédure de redressement judiciaire a été ouverte au Tribunal de commerce d'Evreux par jugement du 30 novembre 2000, Maître Bourgoin étant désigné ès qualité d'administrateur judiciaire; un plan de continuation a été adopté par le tribunal par jugement du 30 mai 2002.

Par lettre du 7 octobre 2002, le conseil de la société Vernon Automobiles a écrit à chaque salarié que par application des dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail, son contrat de travail serait de plein droit transféré soit au nouveau concessionnaire désigné par la société Volkswagen, soit à la société Groupe Volkswagen France elle-même.

Par lettre du 4 novembre 2002, ce même conseil a demandé à la société Volkswagen de lui indiquer le nom du nouveau concessionnaire, l'avisant qu'à défaut elle deviendrait de plein droit l'employeur des salariés à compter du 15 novembre 2002; celle-ci a répondu le 13 novembre 2002 qu'elle n'était pas concernée par cette reprise des salariés et que tous les concessionnaires et agents du réseau avaient vocation à vendre des véhicules neufs.

Par acte du 9 décembre 2002, 22 salariés de la société Vernon Automobiles ont assigné devant la formation des référés du Conseil de prud'hommes de Dieppe la société Groupe Volkswagen France et la société Vernon Automobiles pour:

Vu la Directive 2001-23-CE du 12 mars 2001,

Vu les dispositions d'ordre public édictées à l'article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail,

Dire et juger que les contrat de travail des requérants ont été transférés à la société Groupe Volkswagen France par application de l'article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail à compter du 15 novembre 2002.

Constater que la société Groupe Volkswagen France a refusé de poursuivre les contrats de travail des requérants et de procéder à leur licenciement.

Constater que la société Groupe Volkswagen France a rompu abusivement le 15 novembre 2002 les contrats de travail des salariés requérants en violation des dispositions de l'article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail.

Condamner, à titre principal, la société Groupe Volkswagen France et infiniment subsidiairement la société Vernon Automobiles à remettre à chacun des salariés une lettre de licenciement, une attestation Assedic, un solde de tout compte et les bulletins de salaire afférents à leur préavis.

Condamner par provision, à titre principal, la société Groupe Volkswagen France à titre infiniment subsidiaire la société Vernon Automobiles à payer à chacun des demandeurs un préavis, l'indemnité de licenciement, une indemnité d'un mois de salaire pour non-respect de la procédure, des dommages intérêts égaux à 6 mois de salaire pour rupture vexatoire et de 12 à 48 mois pour licenciement abusif;

La société Vernon Automobiles s'est associée à la demande principale des salariés à l'encontre de la société Volkswagen; la société Volkswagen a fait valoir l'irrecevabilité des demandes de remise de lettre de licenciement, les mesures ordonnées en référé ne pouvant être que des mesures conservatoires ou de remise en état et l'existence d'une contestation sérieuse s'opposant à toute condamnation à provision;

Par ordonnance du 27 décembre 2002, le Conseil de prud'hommes d'Evreux a dit n'y avoir lieu à référé, renvoyé les demandeurs à mieux se pourvoir et laissé à chaque partie la charge de ses dépens ;

Les salariés ont régulièrement interjeté appel de cette décision.

Les Prétentions des Parties:

Aux termes de leurs écritures et observations orales, les appelants demandent à la cour de:

Vu la Directive 20011231 CE du 12 mars 2001,

Vu les dispositions d'ordre public édictées à l'article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail,

Vu les articles R. 516.31 al. 1 et al. 2 du Code du travail,

Se déclarer compétente.

Dire et juger de travail des requérants ont été transférés à la Société Groupe Volkswagen France par application de l'article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail à compter du 15 novembre 2002

Constater que la société Groupe Volkswagen France a refusé de poursuivre les contrats de travail des requérants et de procéder à leur licenciement.

Constater que la société Groupe Volkswagen France a rompu abusivement le 15 novembre 2002 les contrats de travail des salariés requérants en violation des dispositions de l'article L. 122.12 alinéa 2 du Code du travail.

Condamner, à titre principal, la société Groupe Volkswagen France et infiniment subsidiairement la société Garage Picard à remettre à chacun des salariés une lettre de licenciement, une attestation Assedic, un solde de tout compte et les bulletins de salaire afférents à leur préavis.

Condamner par provision, à titre principal, la société Groupe Volkswagen France et à titre infiniment subsidiaire la société Vernon Automobiles à payer à chacun d'eux l'indemnisation de préavis, les congés payés sur préavis, l'indemnité de licenciement, une indemnité d'un mois de salaire pour non-respect de la procédure, des dommages intérêts égaux à 6 mois de salaire pour rupture vexatoire et de 12 à 48 mois pour licenciement abusif et une indemnité de 763 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Aux termes de ses conclusions et de ses observations orales la société Vernon Automobiles demande à la cour de:

Vu les dispositions d'ordre public édictées à l'article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail transposant une directive n° 20011231 CE du 12 mars 2001,

Vu les articles R. 516-37 al. 1 et 2 du Code du travail,

Infirmer sans l'intégralité de ses dispositions l'ordonnance dont appel,

Statuant à nouveau,

Constater que la concession des marques Volkswagen (VP et VU), Audi et Skoda sur le territoire de Vernon constitue des entités économiques autonomes composées d'ensembles organisés de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'activités économiques qui poursuivent un objectif propre,

Dire et juger qu'en résiliant à effet du 14 novembre 2002 les contrats de concession de la société Vernon Automobiles, ces entités économiques ont fait retour à la société Groupe Volkswagen France à charge pour elle de les retransférer à un ou plusieurs nouveau(x) concessionnaire(s) ou de les exploiter elle-même directement,

Constater que la société Groupe Volkswagen France s'est abstenue de désigner immédiatement un ou plusieurs nouveau(x) concessionnaire(s) pour les marques Volkswagen (VP et VU), Audi et Skoda sur Vernon.

- En conséquence,

Dire et juger qu'à compter du 15 novembre 2002, en application de l'article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail, la société Groupe Volkswagen France est devenue de plein droit l'employeur des salariés affectés aux concessions Volkswagen (VP et VU), Audi et Skoda de Vernon précédemment en poste au sein de la société Vernon Automobiles,

Statuer ce que de droit sur les demandes formées par l'ensemble des salariés,

Débouter la société Groupe Volkswagen France de l'ensemble de ses demandes,

Condamner la société Groupe Volkswagen France à payer à la société Vernon Automobiles une somme de 10 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et les entiers dépens.

Aux termes de ses écritures et de ses observations orales, la société Groupe Volkswagen France demande à la cour de:

Vu les dispositions des articles R. 516-31, L. 121-1 et L. 121-2 du Code du travail,

Dire et juger qu'il existe des contestations sérieuses et qu'il n'y a donc pas lieu à référé; Confirmer l'ordonnance de référé du Conseil des prud'hommes d'Evreux et Renvoyer en conséquence les salariés demandeurs à mieux se pourvoir;

Dire et juger que les demandes de remise de documents administratifs ou de lettre de licenciement par Groupe Volkswagen France, dès lors qu'elles présupposent que la question de l'applicabilité des dispositions de l'article L. 122-12 soit tranchée, ne constituent pas des mesures conservatoires ou de remise en état au sens de 1 article R. 516-31 du Code du travail. Débouter en conséquence les demandeurs.

Dire et juger qu'en tant que de besoin, seule la remise par la société Vernon Automobiles des documents demandés n'imposerait pas à la cour de préjuger de la question de fond.

Dire et juger qu'il ne s'est opéré aucune reprise ou poursuite d'activité de la société Vernon Automobiles par la société Groupe Volkswagen France. En conséquence débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes dès lors que les dispositions de l'article L. 122- 12 du Code du travail ne trouvent pas à s'appliquer.

Dire et juger que les salariés demandeurs n'étaient pas exclusivement affectés à l'exécution du contrat de concession. En conséquence débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes dès lors que les dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail ne trouvent pas à s'appliquer.

Surabondamment constater que les salariés demandeurs avaient déjà fait savoir qu'ils ne souhaitaient pas travailler en lien avec Groupe Volkswagen France. En conséquence débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes.

Subsidiairement,

Dire et juger que les demandes des salariés sont totalement dépourvues de justifications et surévaluées. En conséquence les en débouter.

Infiniment subsidiairement,

Si par extraordinaire la cour considérait que la société Groupe Volkswagen France est devenu employeur des salariés de la société Vernon Automobiles, Dire et juger que les demandes des salariés sont injustifiées et surévaluées. En conséquence Débouter les salariés de leurs demandes ou plus subsidiairement, limiter les condamnations aux seuls préjudices effectivement subis et démontrés.

En tout état de cause,

Débouter MM. Boucherie, Boulineau, Chanroux, Da Silva, Duron, Ferrier, Figueiredo, F. Gazanois, R.Gazanois, Giacomini, Guillouzo, Mme Jaeckens, MM. Jolivet, Kujawska, Lales; Lebourg, Lesueur, Mme Perros, MM. Savart, Schwartz, Trabot, Mme Vavasseur et la société Vernon Automobiles de toutes leurs demandes.

Condamner les salariés demandeurs à payer chacun à la société Groupe Volkswagen France la somme de 700 euro d'indemnités au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce,

Attendu que l'article R. 518-30 du Code du travail dispose :

"Dans tous les cas d'urgence, la formation des référés peut dans la limite de la compétence du conseil des prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend."

Attendu que l'article R. 516-31 du Code du travail dispose :

"La formation de référé peut toujours même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite;

Dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, elle peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire."

Attendu que la société Vernon Automobiles et ses salariés font valoir que la société Groupe Volkswagen France est le propriétaire de l'entité économique que constitue la concession des produits et services de sa marque sur le territoire de Vernon et que la résiliation du contrat de concession a entraîné le transfert de cette entité, au sens de l'article L. 122-12 du Code du travail et de la Directive du 12 mars 2001, peu important que la société Volkswagen ne poursuive pas effectivement cette activité sur le secteur;

Attendu que le changement de concessionnaire exclusif de la vente de véhicules automobiles d'une marque entraîne le transfert d'une unité économique maintenant son identité, entendue comme un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre et entraîne de plein droit la poursuite des contrats de travail qui y sont attachés par le repreneur;

Mais attendu qu'est constitutive d'une contestation sérieuse échappant à la compétence du Juge des référés, l'application des dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail et de la Directive au concédant propriétaire de la marque qui n'a pas désigné de nouveau concessionnaire et dont il est justifié qu'il ne distribue pas par lui-même ses véhicules dans le secteur concerné;

Attendu qu'en outre l'activité du garage n'étant pas limitée à la vente de véhicules neufs et s'étant poursuivie, ni la société Vernon Automobiles, ni les salariés intimés ne précisent lesquels d'entre eux étaient précédemment affectés à cette activité perdue;

Attendu enfin qu'il n'est pas contesté que les salariés qui ont saisi le conseil de prud'hommes sont actuellement employés par la société Vernon Automobiles, qu'aucun dommage imminent ou trouble manifestement illicite n'est donc démontré alors que s'ils font état de l'absence de prise en compte de leur ancienneté dans leur rémunération, aucune demande précise n'est faite de ce chef, les dommages intérêts étant réclamés pour rupture vexatoire et licenciement abusif;

Attendu qu'il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance entreprise, de constater l'existence d'une contestation sérieuse et de débouter les salariés de leur demande de provision sur les indemnités consécutives à un licenciement;

Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société Groupe Volkswagen France les frais exposés en marge des dépens en cause d'appel; qu'il y a donc lieu de la débouter de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs, LA COUR : Déclare l'appel recevable en la forme; Au fond: Confirme l'ordonnance entreprise; Constate l'existence d'une contestation sérieuse et renvoie les parties à se pourvoir au fond sur l'ensemble des demandes relatives à la remise de documents consécutifs à un licenciement; Déboute MM. Boucherie, Boulineau, Chanroux, Da Silva, Duron, Ferrier, Figueiredo, F. Gazanois, R. Gazanois, Giacomini, Guillouzo, Mme Jaeckens, MM. Jolivet, Kujawska, Lales, Lebourg, Lesueur, Mme Perros, MM. Savart, Scjwartz, Trabot, Mme Vavasseur de leurs demandes de provision; Condamne la société Vernon Automobiles aux dépens de première instance et d'appel.