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Décisions

CA Rouen, ch. des appels prioritaires sect. référé prud'homal, 17 juin 2003, n° 02-04501

ROUEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Etablissements Le Troadec (SA)

Défendeur :

Bellet, Belval, Caron, Clin, Conrad, Coscat, Cousin, Crochemore, Dehedin, Derick, Dufour, Fiquet, Fleury, Gallais, Girardin, Goument, Graviou, Guerou, Langlais, Larcher, Lassade, Leconte, Lemaistre, Lucas, Machares, Maletras, Panel, Pasquier, Picault, Pillon, Raoult, Renault, Rion, Rivaud, Soyer, Volkswagen France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Solle-Tourette

Conseillers :

Mmes Le Carpentier, Samat

Avoués :

SCP Colin Voinchet Radiguet Enault, Me Couppey

Avocats :

Mes Bertin, Simonneau, Barranco, SCP Vogel, Vogel.

Cons. prud'h. Le Havre, du 16 déc. 2002

16 décembre 2002

Les Faits et Procédure:

Les sociétés Vernon Automobiles, à Vernon, Etablissements Le Troadec au Havre et Garage Picard SA à Dieppe, dirigées par Monsieur Desormeaux, étaient liées à la société Groupe Volkswagen France par des contrats de concession à durée indéterminée prévoyant une exclusivité pour la vente des véhicules neufs Volkswagen, Audi et Skoda.

Ayant constaté des irrégularités dans les dossiers de garantie, la société Groupe Volkswagen France a notifié le 14 novembre 2000 la résiliation des contrats avec un préavis de deux ans, soit pour le 15 novembre 2002.

Les trois sociétés ont aussitôt déposé leur bilan (laissant ainsi impayée une créance de la société Groupe Volkswagen France d'environ 15 millions de francs) et une procédure de redressement judiciaire a été ouverte au Tribunal de commerce d'Evreux par jugement du 30 novembre 2000, Maître Bourgoin étant désigné ès qualité d'administrateur judiciaire.

Dans le cadre de ce redressement judiciaire, la société SCDA (concessionnaire Renault à Fécamp et à Barentin) a proposé de reprendre les fonds de commerce des sociétés Etablissements Le Troadec et Garage Picard SA; les salariés et les sociétés ont refusé cette cession et un plan de continuation développant la vente de véhicules d'occasion et envisageant une substitution de la marque distribuée a été adopté par le tribunal par jugement du 30 mai 2002 autorisant des licenciements économiques.

Par lettre du 7 octobre 2002, le conseil des Etablissement Le Troadec a écrit à chaque salarié que par application des dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail, son contrat de travail serait de plein droit transféré soit au nouveau concessionnaire désigné par la société Volkswagen soit à la société Groupe Volkswagen France elle-même.

Par lettre du 4 novembre 2002, ce même conseil a demandé à la société Volkswagen de lui indiquer le nom du nouveau concessionnaire, l'avisant qu'à défaut elle deviendrait de plein droit l'employeur des salariés à compter du 15 novembre 2002; celle-ci a répondu le 13 novembre 2002 qu'elle n'était pas concernée par cette reprise des salariés et que tous les concessionnaires et agents du réseau avaient vocation à vendre des véhicules neufs;

Les syndicats FO et CGT considérant qu'il existait une unité économique et sociale entre les sociétés, Etablissements Le Troadec, Garage Picard SA et Vernon Automobiles ont informé le 31 octobre 2002 l'employeur qu'ils désignaient des délégués syndicaux au sein de cette unité.

Par télégramme téléphoné du 14 novembre 2002, Madame Picault a sollicité que des élections soient organisées au sein de cette unité; ce qui n'a pas été fait.

Le 3 décembre 2002, Messieurs Caron, Clin, Derick, Machares et Rion et Mesdames Girardin et Picault, salariés des Etablissements Le Troadec n'étant plus rémunérés ont saisi la formation des référés d'une demande à l'encontre de leur employeur de:

- remise de certificat de travail,

- remise de dernière fiche de paye conforme,

- salaire du 1er au 15 novembre 2002,

- indemnité de préavis et de congés payés sur préavis;

- article 700 du nouveau Code de procédure civile: 1 000 euro

étant observé que Madame Girardin et Monsieur Rion ont invoqué leur statut de salarié protégé pour demander leur réintégration.

Le Tribunal d'instance du Havre a jugé le 16 janvier 2003 que les élections des délégués syndicaux étaient irrégulières; (un pourvoi a été formé contre cette décision).

Par acte du 9 décembre 2002, les 28 autres salariés des Etablissements Le Troadec ont assigné devant la formation des référés du Conseil de prud'hommes du Havre la société Groupe Volkswagen France et les Etablissements Le Troadec pour:

Vu la Directive 2001-23-CE du 12 mars 2001,

Vu les dispositions d'ordre public édictées à l'article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail,

Dire et juger que les contrats de travail des requérants ont été transférés à la société Groupe Volkswagen France par application de l'article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail à compter du 15 novembre 2002.

Constater que la société Groupe Volkswagen France a refusé de poursuivre les contrats de travail des requérants et de procéder à leur licenciement.

Constater que la société Groupe Volkswagen France a rompu abusivement le 15 novembre 2002 les contrats de travail des salariés requérants en violation des dispositions de l'article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail.

Condamner, à titre principal, la société Groupe Volkswagen France et infiniment subsidiairement les Etablissements Le Troadec à remettre à chacun des salariés une lettre de licenciement, une attestation Assedic, un solde de tout compte et les bulletins de salaire afférents à leur préavis.

Condamner par provision, à titre principal, la société Groupe Volkswagen France et à titre infiniment subsidiaire les Etablissements Le Troadec à payer à chacun des demandeurs un préavis, l'indemnité de licenciement, une indemnité d'un mois de salaire pour non-respect de la procédure, des dommages intérêts égaux à 6 mois de salaire pour rupture vexatoire et de 12 à 48 mois pour licenciement abusif.

Les Etablissements Le Troadec se sont associés à la demande principale des salariés à l'encontre de la société Volkswagen; la société Volkswagen a fait valoir l'irrecevabilité à son égard des demandes de remise de lettre de licenciement, les mesures ordonnées en référé ne pouvant être que des mesures conservatoires ou de remise en état et l'existence d'une contestation sérieuse s'opposant à toute condamnation à provision.

Par ordonnance du 16 décembre 2002, le Conseil de prud'hommes du Havre a:

- ordonné la jonction des affaires;

- dit que les Etablissements Le Troadec demeuraient l'employeur des 35 salariés;

- ordonné la remise de leur contrat de travail à la date du 13 novembre 2002 et dit qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article R 516-31 du Code du travail;

- dit que la demande de réintégration de Monsieur Rion et de Madame Girardin était sans objet;

- ordonné aux Etablissements Le Troadec de payer à chaque salarié une provision sur salaire brut;

- dit que le surplus des demandes excède le pouvoir de la formation des référés et renvoyé l'affaire à une audience du bureau de jugement;

- condamné les Etablissements Le Troadec à payer à chaque salarié la somme de 200 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Etablissements Le Troadec a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Elle ne l'a pas exécutée volontairement à l'égard des sept salariés qu'elle n'a pas repris et ceux ci ont dû engager des procédures d'exécution.

LES PRETENTIONS DES PARTIES:

Aux termes de leurs écritures et de leurs observations orales, les Etablissements Le Troadec demandent à la cour de:

Vu les dispositions d'ordre public édictées à l'article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail transposant une directive n° 2001-23-CE du 12 mars 2001

Vu les articles R. 516-31 al 1 et 2 du Code du travail

Infirmer dans l'intégralité de ses dispositions l'ordonnance dont appel,

Statuant à nouveau,

Constater que la concession de la marque Volkswagen sur le territoire du Havre constitue une entité économique autonome composée d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre,

Dire et juger qu'en résiliant à effet du 14 novembre 2002 les contrats de concession de la société Etablissements Le Troadec, cette entité économique a fait retour à la société Groupe Volkswagen France à charge pour elle de la retransférer à un nouveau concessionnaire ou de l'exploiter elle-même directement,

Constater que la société Groupe Volkswagen France s'est abstenue de désigner immédiatement un nouveau concessionnaire pour la marque Volkswagen sur Le Havre.

- En conséquence,

Dire et juger qu'à compter du 14 novembre 2002, en application de l'article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail la société Groupe Volkswagen France est devenue de plein droit l'employeur des salariés affectés à la concession Volkswagen du Havre précédemment en poste au sein de la société Etablissements Le Troadec,

Statuer ce que de droit sur les demandes formées par l'ensemble des salariés,

Débouter la société Groupe Volkswagen France de l'ensemble de ses demandes,

Condamner la société Groupe Volkswagen France à payer à la société Établissements Le Troadec une somme de 10 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Débouter Mesdames Caron, Girardin et Picault et Messieurs Clin, Derick, Macares et Ajon de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

Ordonner le remboursement à la société les Etablissements Le Troadec des provisions mises à sa charge par l'ordonnance du Conseil de prud'hommes du Havre du 16 décembre 2002, à savoir :

Madame Caron pour la somme de : 1 500 euro

Monsieur Cun pour la somme de : 2 000 euro

Mademoiselle Girardin pour la somme de : 1 200 euro

Monsieur Derick pour la somme de : 1 500 euro

Madame Picault pour la somme de : 2 000 euro

Monsieur Machares pour la somme de : 1 400 euro

Monsieur Rion pour la somme de : 2 700 euro

Condamner Mesdames Caron, Girardin et Picaut et Messieurs Clin, Derick, Macares et Rion à payer à la société les Etablissements Le Troadec une somme de 1 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Condamner la société Groupe Volkswagen France ainsi que Messieurs Clin, Derick, Macares et Rion et Mesdames Caron, Girardin et Picault aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Aux termes de ses écritures et de ses observations orales, la société Groupe Volkswagen France demande à la cour de:

Vu les dispositions des articles R. 516-31, L. 121-1 et L. 121-2 du Code du travail,

Dire et juger qu'il existe des contestations sérieuses et qu'il n'y a pas lieu à référer et renvoyer en conséquence les salariés demandeurs et les Etablissements Le Troadec à mieux se pourvoir ;

Subsidiairement confirmer, l'ordonnance de référé du Conseil de prud'hommes du Havre en ce qu'elle a considéré que la société Etablissements Le Troadec était seul employeur des salariés;

Dire et juger que les demandes de remise de documents administratifs ou de lettre de licenciement par Groupe Volkswagen France, dès lors qu'elles présupposent que la question de l'applicabilité des dispositions de l'article L. 122-12 soit tranchée, ne constituent pas des mesures conservatoires ou de remise en état au sens de l'article R. 516-31 du Code du travail.

Débouter en conséquence les demandeurs.

Dire et juger qu'en tant que de besoin, seule la remise par la société Etablissements Le Troadec des documents demandés n'imposerait pas à la cour de préjuger de la question de fond.

Dire et juger qu'il ne s'est opéré aucune reprise ou poursuite d'activité des Etablissements Le Troadec par la société Groupe Volkswagen France. En conséquence débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes dès lors que les dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail ne trouvent pas à s'appliquer.

Dire et juger que les salariés demandeurs n'étaient pas exclusivement affectés à l'exécution du contrat de concession. En conséquence débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes dès lors que les dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail ne trouvent pas à s'appliquer.

Surabondamment constater que les salariés demandeurs avaient déjà fait savoir qu'ils ne souhaitaient pas travailler en lien avec Groupe Volkswagen France. En conséquence débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes.

Subsidiairement,

Dire et juger que les demandes des salariés sont totalement dépourvues de justifications et surévaluées. En conséquence les en débouter.

Infiniment subsidiairement,

Si par extraordinaire la cour considérait que la société Groupe Volkswagen France est devenue employeur des salariés de la société établissements Le Troadec, dire et juger que les demandes des salariés sont injustifiées et surévaluées. En conséquence débouter les salariés de leurs demandes ou plus subsidiairement, limiter les condamnations aux seuls préjudices effectivement subis et démontrés.

En tout état de cause,

Débouter MM. Bellet, Belval, Conrad, Coscat, Cousin, Crochemore, Dufour, Fiquet, Fleury, Gallais, Goument, Graviou, Guerou, Langlais, Larcher, Lassade, Leconte, Lucas, Maletras Panel Pillon, Renault, Rivaud et Soyer, Mmes Pasquier et Raoult, MM. Caron, Clin, Derick, Machares et Rion et Mmes Girardin et Picault et la société Etablissements Le Troadec de toutes leurs demandes.

Condamner chacun des salariés à payer à la société Groupe Volkswagen France la somme de 100 euro d'indemnités au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Aux termes de leurs écritures et observations orales, Mesdames Girardin et Picault, Messieurs Caroni Machares, Rion, Clin et Derick demandent à la cour de:

Vu les dispositions des articles R. 516-2, R. 516-31, L. 121-7, L. 122-12, L. 122-4 et L.412-18 du Code du travail;

La directive du Conseil européen n° 77-187-CEE en date du 14 février 1977, modifiée par la directive n° 2001-23-CE en date du 12 mars 2001;

Les dispositions de la Convention internationale du travail n° 158 concernant la cessation de la relation du travail à l'initiative de l'employeur, adoptée à Genève le 22 février 1982, et publiée au Journal Officiel de la République française du 15 février 1990, qui prévoit expressément en ses articles 4, 7 et 9 l'impossibilité pour l'employeur de rompre un contrat de travail sans un motif valable;

- Dire et juger les Etablissements Le Troadec irrecevables à invoquer la résiliation des contrats de travail de son personnel, peu important à cet égard la résiliation du contrat de concession;

- Dire ledit employeur mal fondé à invoquer les dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail, celles-ci étant prescrites dans l'intérêt des salariés, soit pour le maintien des droits des travailleurs dans le cadre de la cession ou du transfert d'entreprise, et non pas dans l'intérêt d'un employeur souhaitant congédier sans frais son personnel;

- Débouter en conséquence la société Le Troadec de l'intégralité de ses prétentions, fins et conclusions comme irrecevables, et subsidiairement les dire mal fondées.

- Confirmer la décision dont appel en ses dispositions ayant alloué des provisions sur salaire au personnel de la société Le Troadec, ainsi qu'en toutes ses autres dispositions, à l'exception des dispositions ayant rejeté la responsabilité solidaire de Volkswagen et dit sans objet la demande de réintégration forcée des salariés protégés.

- Infirmer l'ordonnance de référé du 16 décembre 2002 en ses dispositions ayant dit sans objet la demande de Monsieur Rion, Mademoiselle Girardin et Madame Picault, demandant leur réintégration dans leur emploi, sous le bénéfice d'une astreinte de 10 000 euro par jour de retard.

Statuant à nouveau,

- Dire que la société Volkswagen sera tenue solidairement des conséquences de la rupture des contrats de travail des salariés limogés.

- Ordonner la réintégration des salariés protégés sous le bénéfice d'une astreinte de 10 000 euro par jour de retard et dire que cette astreinte sera effective dès la notification de la décision à intervenir.

- Dire que la décision à intervenir sera exécutoire au seul vu de la minute.

Y ajoutant:

- Condamner solidairement les Etablissements Le Troadec et la société Volkswagen à payer les sommes suivantes à chacun des salariés, à titre de provision sur les salaires de janvier, février et mars 2003:

à Monsieur Caron, la somme de 4 372,02 euro (1 457,34 x 3mois)

à Monsieur Clin, la somme de 6 081 euro (2 027 x 3 mois)

à Monsieur Derick, la somme de 4 390,47 euro (1 483,49 x 3 mois)

à Madame Girardin, la somme de 3 573 euro (1 191 x 3 mois)

à Monsieur Machares, la somme de 4 300 euro (1 433,33 x 3 mois)

à Madame Picault, la somme de 6 093 euro (2 031 x 3 mois)

à Monsieur Rion, la somme de 8 159,28 euro (2 719,76 x 3 mois)

- Condamner les Etablissements Le Troadec à payer une somme de 500 euro à chacun des salariés (Monsieur Caron, Monsieur Clin, Monsieur Derick, Madame Girardin, Monsieur Machares, Madame Picault, Monsieur Rion) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

- Condamner ledit employeur aux entiers dépens.

Les autres salariés demandent à la cour de:

Vu la Directive 2001-23-CE du 12 mars 2001,

Vu les dispositions d'ordre public édictées à l'article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail,

Vu les articles R. 516 31 al. 1 et al. 2 du Code du travail,

Infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé du Conseil de prud'hommes du Havre du 16 décembre 2002 ;

Se déclarer compétente ;

Dire et juger que les contrats de travail des requérants ont été transférés à la société Groupe Volkswagen France par application de l'article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail à compter du 15 novembre 2002 ;

Constater que la société Groupe Volkswagen France a refusé de poursuivre les contrats de travail des requérants et de procéder à leur licenciement ;

Constater que la société Groupe Volkswagen France a rompu abusivement le 15 novembre 2002 les contrats de travail des salariés requérants en violation des dispositions de l'article L. 122-12 alinéa 2 du Code du travail ;

Condamner, à titre principal la société Groupe Volkswagen France et infiniment subsidiairement la société Etablissements Le Troadec à remettre à chacun des salariés une lettre de licenciement, une attestation Assedic, un solde de tout compte et les bulletins de salaire afférents à leur préavis ;

Condamner par provision, à titre principal, la société Groupe Volkswagen France et à titre infiniment subsidiaire la société Etablissements Le Troadec à payer à chacun d'eux l'indemnité de préavis, les congés payés sur préavis, l'indemnité de licenciement une indemnité d'un mois de salaire pour non-respect de la procédure, des dommages intérêts égaux à 6 mois de salaire pour rupture vexatoire et de 12 à 48 mois pour licenciement abusif;

Sur ce,

Attendu que l'article R 516-30 du Code du travail dispose:

"Dans tous les cas d'urgence, la formation des référés peut dans la limite de la compétence du Conseil des prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend."

Attendu que l'article R 516-31 du Code du travail dispose:

"La formation de référé peut toujours même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite;

Dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, elle peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire."

Attendu que les Etablissements Le Troadec et ses salariés font valoir que la société Groupe Volkswagen France est le propriétaire de l'entité économique que constitue la concession des produits et services de sa marque sur la territoire de Dieppe et que la résiliation du contrat de concession sans désignation d'un nouveau concessionnaire a entraîné le transfert de cette entité, au sens de l'article L. 122-12 du Code du travail et de la Directive du 12 mars 2001, peu important que la société Volkswagen ne poursuive pas effectivement cette activité sur le secteur;

Attendu qu'il est constant que le changement de concessionnaire exclusif de la vente de véhicules automobiles d'une marque entraîne le transfert d'une entité économique maintenant son identité, entendue comme un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre, et entraîne de plein droit la poursuite des contrats de travail qui y sont attachés par le repreneur;

Mais attendu qu'est constitutive d'une contestation sérieuse échappant à la compétence du Juge des référés, l'application des dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail et de la Directive au concédant propriétaire de la marque, dont il est justifié qu'il n'a pas désigné de nouveau concessionnaire et ne distribue pas par lui-même ses véhicules dans le secteur concerné;

Attendu qu'en outre l'activité du garage n'étant pas limitée à la vente de véhicules neufs et s'étant poursuivie, le transfert ne pourrait être que partiel et ni les Etablissements Le Troadec, ni les salariés intimés ne précisent lesquels d'entre eux étaient précédemment affectés à cette activité perdue;

Attendu enfin qu'il n'est pas contesté que les 28 salariés qui ont saisi par assignation le Conseil de prud'hommes sont actuellement employés par le Garage Picard SA, qu'aucun dommage imminent ou trouble manifestement illicite n'est donc démontré en ce qui les concerne alors que s'ils font état de l'absence de' prise en compte de leur ancienneté dans leur rémunération, aucune demande précise n'est faite de ce chef, les dommages intérêts étant réclamés pour rupture vexatoire et licenciement abusif;

Attendu que la situation des sept salariés dont les contrats n'ont pas été repris est différente, qu'ils subissent manifestement un trouble illicite puisqu'ils ne sont plus payés et n'ont pas été licenciés;

Attendu que le Tribunal d'instance du Havre, par jugement du 16 janvier 2003, a annulé les désignations en qualité de délégué syndical de Mme Girardon et de Monsieur Rion, que le pourvoi contre cette décision n'est pas suspensif, que la cour ne peut donc ordonner leur réintégration, qu'il en est de même de Mme Picaud pour laquelle l'existence de la protection prévue par l'article L. 425-1 alinéas 9 et 10 se heurte à une contestation sérieuse;

Attendu que dans ces conditions et en présence d'un trouble manifestement illicite, il convient d'ordonner les mesures de remise en état qui s'imposent, qu'il y a lieu en conséquence de confirmer les condamnations en leur faveur prononcées par le conseil de prud'hommes et de faire droit à leur demande de paiement de trois mois de salaires en mettant cette condamnation à la charge de la société les Etablissements Le Troadec;

Qu'il convient par contre d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qui concerne les autres salariés, de constater l'existence d'une contestation sérieuse et de débouter les salariés de leur demande de provision sur les indemnités consécutives à un licenciement;

Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société Groupe Volkswagen France les frais exposés en marge des dépens en cause d'appel; qu'il y a donc lieu de la débouter de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Que l'équité commande par contre de faire droit à la demande à ce titre des 7 salariés;

Par ces motifs, LA COUR : Déclare l'appel recevable en la forme; Au fond: Réforme partiellement l'ordonnance entreprise; Constate l'existence d'une contestation sérieuse et renvoie les parties à se pourvoir au fond sur l'ensemble des demandes relatives à la remise de documents consécutifs à un licenciement; Déboute Messieurs Bellet, Belval, Conrad, Coscat, Cousin. Crochemore, Dufour, Fiquet, Fleury, Gallais, Goument, Graviou, Guerou, Langlais, Larcher, Lassade, Leconte, Lucas, Maletras, Panel, Pillon, Renault, Rivaud et Soyer, Mesdames Pasquier et Raoult de leur demande de provision; Confirme l'ordonnance entreprise en ce qui concerne les condamnations prononcées en faveur de Messieurs Caron, Clin, Derick, Machares et Rion et Mesdames Girardin et Picault; Y ajoutant, Condamne les Etablissements Le Troadec à payer à titre de provision : - à Monsieur Caron, la somme de 4 372,02 euro - à Monsieur Clin, la somme de 6 081 euro - à Monsieur Derick, la somme de 4 390,47 euro - à Madame Girardin, le somme de 3 573 euro - à Monsieur Machares, la somme de 4 300 euro - à Madame Picault, la somme de 6 093 euro - à Monsieur Rion, la somme de 8 159,28 euro ; Condamne les Etablissements Le Troadec à payer à chacun de Messieurs Caron, Clin, Derick, Machares et Rion et Mesdames Girardin et Picault la somme de 200 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne les Etablissements Le Troadec aux dépens.