CCE, 18 juillet 2001, n° 2002-143
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Aide d'État que l'Allemagne envisage d'accorder en faveur d'Automobilmanufaktur Dresden GmbH
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa, Vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément aux dispositions précitées (1), considérant ce qui suit:
I. PROCÉDURE
(1) Après un entretien qui a eu lieu le 8 juillet 1999, l'Allemagne a notifié, par lettre du 5 juillet 1999 enregistrée le 9 juillet 1999, un projet d'aide destiné à soutenir un projet d'investissement de la société Automobilmanufaktur Dresden GmbH (AMD), une filiale à 100 % de Volkswagen AG (VW).
(2) Par lettre du 3 août 1999, la Commission a posé des questions complémentaires à l'Allemagne, laquelle y a répondu après avoir demandé, en partie par lettre du 5 octobre 1999 (enregistrée le 6 octobre 1999), une prolongation du délai de réponse. Par lettre du 21 octobre 1999, la Commission s'est exprimée à ce sujet. Par courrier du 17 novembre 1999 (enregistré le 18 novembre 1999), l'Allemagne a fourni des renseignements complémentaires.
(3) Par lettre du 3 février 2000, la Commission a fait part à l'Allemagne de sa décision d'ouvrir, au sujet de l'aide, la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité. Les objections concernent l'utilisation par l'Allemagne de la dérogation énoncée à l'article 87, paragraphe 2, point c), du traité, la mobilité du projet et certaines hypothèses présentées dans l'analyse coûts-bénéfices de l'Allemagne qui ne sont manifestement pas conformes à la pratique de la Commission, ainsi que le montant et l'intensité de l'aide notifiés.
(4) La décision de la Commission d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes (2) et la Commission a invité les intéressés à lui présenter leurs observations au sujet de l'aide en question.
(5) La Commission n'a pas reçu d'observations de la part d'intéressés.
(6) Par lettre du 3 avril 2000 (enregistrée le 4 avril 2000), l'Allemagne a présenté ses observations relatives à l'ouverture de la procédure d'examen. Après une lettre du 13 septembre 2000 par laquelle la Commission a demandé des explications à l'Allemagne, une visite des sites les 28 et 29 novembre 2000, une lettre de rappel de la Commission du 22 décembre 2000 et une demande de prolongation du délai de réponse présentée par l'Allemagne (17 janvier 2001) à laquelle la Commission a accédé le 23 janvier 2001, l'Allemagne a communiqué des renseignements complémentaires par lettre du 2 février 2001 (enregistrée le 7 février 2001).
II. DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE L'AIDE
(7) VW exerce son activité dans le secteur automobile et vend des voitures particulières sous ses quatre marques commerciales principales: Volkswagen, Audi, Seat et Skoda. Dans la Communauté et dans les pays d'Europe centrale et orientale (PECO), VW exploite des usines en Allemagne, en Belgique, en Espagne, au Portugal, en Slovaquie, en Hongrie et en République tchèque. L'entreprise a pris la décision de produire sous la marque Volkswagen un tout nouveau modèle qui fera concurrence à l'Audi A8, à la Mercedes classe S, à la BMW série 7 et à la berline Jaguar.
(8) Le bénéficiaire de l'aide est la société AMD. VW a élaboré un concept, connu sous le vocable de "manufacture de verre", qui permet au client d'observer directement à l'usine le montage final de son véhicule par un personnel hautement qualifié. L'usine de montage doit être construite dans une ville qui se distingue par une symbiose de la technologie, de la tradition et de la culture. Les autorités allemandes ont fait savoir que, après une étude comparative de différents sites, VW avait décidé d'implanter l'usine de verre à Dresde.
(9) Les investissements seront effectués dans plusieurs localités. C'est ainsi que les investissements concernant les chaînes de fabrication de la coque et l'atelier de peinture seront réalisés à Mosel sur un site autrefois utilisé, mais abandonné depuis, qui se trouve à proximité de l'actuelle usine VW en activité. Un entrepôt de regroupement est prévu à Dresde-Friedrichstadt et l'usine de verre, dans laquelle se fera le montage, doit être construite à proximité du centre historique de Dresde, sur la Straßburger Platz. L'Allemagne a notifié l'ensemble des investissements comme étant un projet totalement nouveau (greenfield) au sens de la communication de la Commission - Encadrement communautaire des aides d'État dans le secteur automobile (ci-après dénommé "l'encadrement communautaire") (3) et a souligné que le projet d'investissement ne constitue pas un projet global au sens du point 2 1 e) de l'encadrement communautaire.
(10) D'après les autorités allemandes, le projet d'investissement pourrait également être réalisé sur un site alternatif, à savoir à Prague et dans l'usine existante du groupe VW à Kvasiny, en République tchèque. Après l'achèvement du projet, la capacité de montage à Dresde devrait s'élever à 37500 unités par an. D'après les déclarations de l'Allemagne, quelque 2000 emplois au total seront créés chez AMD.
(11) D'après la notification initiale du 5 juillet 1999, l'aide prévue s'élève à 194 millions de marks allemands (DEM) (valeur en capital: 174 millions de DEM) avec une intensité d'aide de 13,42 %. D'après l'analyse coûts-bénéfices que contient la notification, le handicap des sites de Mosel et de Dresde par rapport aux sites alternatifs en République tchèque est évalué à 37,1 %. Selon les renseignements complémentaires que l'Allemagne a communiqués le 5 octobre 1999, le handicap du site de Mosel par rapport à Kvasiny est de 180,4 %, tandis que celui de Dresde par rapport à Prague n'est que de 19,7 %.
(12) Après l'ouverture de la procédure d'examen, les autorités allemandes ont fourni des chiffres actualisés pour l'aide envisagée et ont révisé les données de l'analyse coûts-bénéfices. Il en ressort que le handicap du site de Mosel par rapport à Kvasiny est de 35,2 % et celui de Dresde par rapport à Prague est de 21,8 %. L'aide à finalité régionale d'un montant d'environ 190,5 millions de DEM (valeur en capital: 171 millions de DEM) doit être octroyée à AMD sur la base des régimes d'aide approuvés "27e plan-cadre de la tâche d'intérêt commun 'Amélioration de la structure économique régionale (TIC)'" et "loi sur les primes à l'investissement de 1999". Elle doit être versée de manière échelonnée dans le temps en fonction de l'état d'avancement du projet d'investissement.
(13) Mosel se trouve dans une région assistée au sens de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité, dans laquelle les aides à finalité régionale sont autorisées à hauteur d'un plafond de 35 % en équivalent-subvention brut. Les deux sites de Dresde se trouvent eux aussi dans une région assistée au sens de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité, mais dans laquelle le plafond autorisé pour les aides à finalité régionale aux grandes entreprises est inférieur, puisqu'il est de 28 % en équivalent-subvention brut. Les autorités allemandes font valoir que l'aide est également compatible avec le Marché commun en vertu de l'article 87, paragraphe 2, point c), du traité, aux termes duquel sont compatibles avec le Marché commun les aides octroyées à l'économie de certaines régions de la République fédérale d'Allemagne affectées par la division de l'Allemagne, dans la mesure où elles sont nécessaires pour compenser les désavantages économiques causés par cette division.
III. OBSERVATIONS DE L'ALLEMAGNE
(14) Par lettre du 3 avril 2001, les autorités allemandes ont communiqué leurs observations sur l'ouverture de la procédure d'examen, qu'elles estimaient suffisantes pour permettre à la Commission de mener à bien l'appréciation de l'affaire.
(15) Les autorités allemandes ont précisé les conditions dans lesquelles la ville de Dresde a vendu à AMD le terrain sur lequel l'usine sera construite à Dresde et fourni des documents complémentaires, comme l'acte de vente (extraits) et son contrat d'exécution.
(16) En ce qui concerne l'application de la dérogation énoncée à l'article 87, paragraphe 2, point c), du traité, l'Allemagne a réitéré son point de vue selon lequel cette dérogation s'applique en l'espèce.
(17) Sur la question de la mobilité du projet, les autorités allemandes ont fourni des renseignements complémentaires et indiqué que la production des modèles en République tchèque constituait une alternative économiquement viable. En ce qui concerne le concept commercial qui offre au client la possibilité non seulement de suivre le montage de son véhicule, mais aussi de visiter la ville, les deux villes (Prague et Dresde) présentent un intérêt culturel et touristique équivalent. En outre, VW considère par principe que le lieu de fabrication sera sans effet sur les ventes et estime que le choix du site revêt moins d'importance parce que l'entreprise a pu remplacer des notions d'image liées à la localisation par une image de marque (Made by Volkswagen). Néanmoins, si un risque pour les ventes pour des raisons d'image devait apparaître, il serait contré par des dépenses de marketing supplémentaires. En ce qui concerne la qualité de la production, la qualité "objective" est la même sur tous les sites VW. La perception de la qualité "subjective" de véhicules que VW produit, par exemple, en République tchèque sous la marque SKODA, atteindra entre-temps le niveau des autres produits de marque du groupe VW. La production actuelle du modèle TT d'Audi en Hongrie et le montage de la Porsche Boxster en Finlande sont également évoqués.
(18) En ce qui concerne la nature du projet d'investissement, l'Allemagne établit qu'elle considère tous les investissements à Dresde et à Mosel comme de nouveaux investissements. Une série d'éléments utilisés dans l'analyse coûts-bénéfices pour le calcul du handicap du site, comme les risques et les facteurs immatériels et matériels, ont été ajustés et chiffrés.
(19) Enfin, l'Allemagne indique que la capacité supplémentaire pour la construction du modèle D1, lequel fait partie d'une catégorie supérieure, s'élève à 37 500 véhicules par an. Concrètement, on ne peut pas considérer qu'il y ait substituabilité intégrale entre tous les véhicules de VW. Dans ce segment de marché, on trouve actuellement quatre modèles d'autres constructeurs de renom (BMW série 7, Mercedes classe S, Audi A8, Jaguar) et une poignée de modèles d'acteurs du marché moins importants (notamment la Toyota Lexus). La mise en production du modèle D1 renforcera donc la concurrence dans ce segment, ce qui veut dire qu'elle aura des effets positifs. Les autorités allemandes estiment que les effets du projet sur la capacité au sens de l'encadrement communautaire seront minimes.
(20) Après les visites des sites par la Commission les 28 et 29 novembre 2000, les autorités allemandes ont fourni, par lettre du 2 février 2001, des renseignements complémentaires qui contenaient des analyses coûts-bénéfices distinctes et corrigées pour les sites de Dresde et de Mosel. En outre, les autorités allemandes ont précisé plusieurs points que la Commission avait abordés lors de l'ouverture de la procédure. Elles ont également présenté des documents complémentaires destinés à justifier l'intention d'étudier différents sites, ainsi que des chiffres révisés pour les coûts de l'investissement, les frais d'exploitation et les aides. L'analyse coûts-bénéfices rectifiée fait ressortir un handicap de 21,8 % pour le site de Dresde et de 35,2 % pour celui de Mosel.
IV. APPRÉCIATION DE L'AIDE
(21) La mesure d'aide notifiée par les autorités allemandes en faveur d'AMD constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité. Elle sera financée par l'État ou au moyen de ressources d'État. De surcroît, en raison du fait qu'elle représente une part importante des coûts de financement du projet d'investissement, elle menace de fausser la concurrence dans la Communauté en favorisant AMD par rapport aux concurrents. Enfin, dans le secteur automobile, les échanges entre États membres sont importants.
(22) L'aide doit être octroyée à une entreprise qui construit et monte des véhicules. Par conséquent, cette entreprise fait partie du secteur automobile au sens de l'encadrement communautaire.
(23) L'aide doit être octroyée sur la base de la "loi sur les primes à l'investissement 1999" et du "27e plan-cadre de la tâche d'intérêt commun 'Amélioration de la structure économique régionale (TIC)'", deux régimes d'aide approuvés par la Commission.
(24) En vertu de l'encadrement communautaire, toutes les aides que les pouvoirs publics envisagent d'accorder à un projet individuel dans le cadre de régimes d'aide autorisés en faveur d'une entreprise exerçant ses activités dans le secteur automobile doivent être notifiées préalablement à leur octroi sur la base de l'article 88, paragraphe 3, du traité si au moins un des deux seuils suivants est franchi: a) coût total du projet égal à 50 millions d'euro ou b) montant brut total des aides d'État et des aides provenant des instruments communautaires égal à 5 millions d'euro.
(25) Le coût total du projet et le montant de l'aide franchissent tous deux le seuil de notification. Par conséquent, en notifiant le projet d'aide en faveur d'AMD, l'Allemagne a rempli les obligations imposées par l'article 88, paragraphe 3, du traité.
(26) L'article 87, paragraphe 2, du traité indique certains types d'aides qui sont compatibles avec le Marché commun. Les autorités allemandes excipent de la dérogation énoncée à l'article 87, paragraphe 2, point c), selon laquelle sont compatibles avec le Marché commun les aides octroyées à l'économie de certaines régions de la République fédérale d'Allemagne affectées par la division de l'Allemagne, dans la mesure où elles sont nécessaires pour compenser les désavantages économiques causés par cette division. D'après la jurisprudence constante (4), l'expression "division de l'Allemagne" se réfère, historiquement, à l'établissement en 1948 de la ligne de partage entre les deux zones occupées. Par conséquent, "les désavantages économiques causés par cette division" ne sauraient viser que les désavantages économiques provoqués dans certaines régions allemandes par l'isolement qu'a engendré l'établissement de cette frontière physique, tels que la rupture des voies de communication ou la perte de débouchés faisant suite à l'interruption des relations commerciales entre les deux parties du territoire allemand. Or les autorités allemandes n'ont pas démontré que l'aide est nécessaire pour compenser de tels désavantages économiques causés par la division de l'Allemagne. En conséquence, la Commission considère que l'article 87, paragraphe 2, point c) ne s'applique pas à l'aide à finalité régionale envisagée en faveur de la société Automobilmanufaktur Dresden GmbH. L'article 87, paragraphe 2, points a) et b) n'est pas applicable en raison de la nature et de l'objectif de l'aide et du site.
(27) En vertu de l'article 87, paragraphe 3, du traité, certains autres types d'aide peuvent être considérés comme compatibles avec le Marché commun. Cette compatibilité doit être appréciée du point de vue de la Communauté dans son ensemble et non du seul point de vue de l'un de ses États membres. Pour garantir le bon fonctionnement du Marché commun et sauvegarder le principe ancré dans l'article 3, paragraphe 1, point g), les dérogations de l'article 87, paragraphe 3, doivent faire l'objet d'une interprétation étroite. En ce qui concerne l'article 87, paragraphe 3, points b) et d), il est patent que l'aide en cause n'est pas destinée à promouvoir des projets importants d'intérêt européen commun ni à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre, pas plus qu'elle n'est destinée à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine. En ce qui concerne l'article 87, paragraphe 3, points a) et c), la Commission constate que les différents projets d'investissement seront réalisés dans des régions de Saxe qui sont éligibles à une assistance au sens du point a). D'après la nouvelle carte des régions assistées en Allemagne, que la Commission a approuvée le 29 juillet 1999 pour les régions assistées au sens de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité, les projets sont implantés dans des régions où les aides à finalité régionale pour les grandes entreprises peuvent être accordées à hauteur d'un plafond de 35 % en équivalent-subvention brut (Mosel) et de 28 % en équivalent-subvention brut (Dresde).
(28) En ce qui concerne l'opération de vente du terrain entre la ville de Dresde et AMD, les autorités allemandes ont présenté des documents complémentaires et ont expliqué dans les observations relatives à l'ouverture de la procédure les conditions auxquelles le terrain a été vendu. La valeur du terrain a été estimée par une commission d'experts indépendants mandatée par la ville de Dresde conformément aux dispositions législatives allemandes correspondantes (article 192 du Code de la construction). Cette valeur (terrain constructible hors frais de viabilisation) a été estimée à [...] (5) DEM par mètre carré, déduction faite des dépenses nécessaires à la mise dans un état utilisable pour l'investissement (viabilisation, élimination des dommages écologiques hérités du passé, élimination d'engins de combat ...) et déduction faite de la moins-value résultant des restrictions imposées à l'utilisation ultérieure. D'après l'acte de vente et son contrat d'application, le terrain a été vendu au prix de [...] DEM par mètre carré et AMD a pris en charge les dépenses nécessaires pour l'assainir et le rendre constructible (qui s'élèvent à [...] DM par mètre carré), lesquelles auraient dû sinon être prises en charge par la ville. Étant donné que le coût total effectivement assumé par AMD s'élève à [...] DEM par mètre carré, la Commission considère qu'AMD n'a pas obtenu d'aide pour l'achat du terrain.
(29) Pour être en mesure d'apprécier si une aide à finalité régionale peut être considérée comme compatible avec le Marché commun en vertu de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité, la Commission doit examiner si les conditions de l'encadrement communautaires sont remplies.
(30) Pour autoriser une aide en fonction de l'encadrement communautaire, après avoir vérifié si la région de destination est éligible à une aide autorisée conformément au droit communautaire, la Commission examine, afin d'établir la nécessité de l'aide, notamment en ce qui concerne la mobilité du projet, si l'investisseur a envisagé un autre site pour son projet.
(31) La Commission a examiné la mobilité du projet d'investissement. À cet égard, le groupe automobile bénéficiaire de l'aide doit prouver de manière claire et crédible qu'il possède une alternative économiquement viable pour le site prévu.Sur ce point, la Commission a pris en compte dans son appréciation le fait que le projet en cause comprend un investissement totalement nouveau (sur site vierge) à Dresde ainsi que l'extension d'installations de production existantes à Mosel, mais pas le remplacement d'installations existantes, et que les investissements dans un nouvel atelier de peinture et les chaînes de fabrication de la coque seront réalisés sur un ancien site qui était utilisé autrefois et ne l'a plus été ensuite, situé à proximité des usines VW existantes et en exploitation. Ces éléments ont été confirmés par l'expert automobile de la Commission après visite du site.
(32) La Commission a en outre reçu différents documents, comme des copies de procès-verbaux de l'organe décisionnel de VW, qui montrent l'intention de l'entreprise d'étudier des sites alternatifs pour la production du nouveau modèle, ainsi qu'une étude comparative des deux sites (Machbarkeitsstudie und Standortuntersuchung - Volkswagen D1 - étude de faisabilité et analyse des sites), un plan de situation de la surface disponible à Prague et des renseignements détaillés sur les éléments de coût fondés sur les coûts réels d'usines VW en République tchèque.
(33) VW exploite déjà plusieurs usines automobiles dans les pays d'Europe centrale et orientale, de sorte qu'il serait tout à fait possible techniquement de réaliser les investissements pour la mise en production du nouveau modèle D1 à l'usine VW de Kvasiny et ceux concernant la réalisation du montage dans une nouvelle usine à Prague. Quant à savoir si Prague peut être considérée comme une alternative économiquement viable, la Commission constate que, d'après le concept commercial de VW, le client conjugue la visite d'une ville au riche patrimoine culturel et l'observation du montage de son véhicule et prend livraison de celui-ci à l'usine. La Saxe et la République tchèque ont une longue tradition dans le domaine de la construction automobile. En outre, on peut considérer que Dresde et Prague présentent le même intérêt culturel et conviendraient donc aussi bien l'une que l'autre au concept commercial. Audi monte déjà un modèle de la catégorie supérieure (Audi TT) en Hongrie.
(34) Toutefois, en cas d'implantation de la production de la D1 en République tchèque, il subsiste toujours un éventuel risque pour l'image, parce que le concept commercial prévoit que le client sera informé de la localisation du site dans un pays d'Europe centrale et orientale. Les autorités allemandes ont concédé que, en tant que site, Prague pourrait dans certains cas influer sur le choix des acheteurs potentiels et que les ventes ou la tarification par rapport à Dresde pourraient être inférieures en raison d'attentes subjectives du client. Mais, d'après les déclarations des autorités allemandes, ce risque pourrait être compensé par des dépenses de marketing plus élevées. Après avoir pris conseil auprès de son expert automobile indépendant, la Commission considère qu'il est plausible que ce genre de risque pour l'image pourrait être compensé par des actions de marketing supplémentaires. En tenant compte du surcroît de dépenses de marketing nécessaires dans l'analyse coûts-bénéfices, la décision d'opter pour Prague ou Kvasiny peut être considérée comme une alternative économiquement plausible. En conséquence, la Commission constate que le projet est mobile et qu'il est donc éligible à une aide à finalité régionale, parce que cette aide est nécessaire pour qu'un investissement soit réalisé dans la région assistée.
(35) Les aides à finalité régionale destinées à la modernisation et à la rationalisation, qui se révèlent en général non mobiles, ne sont pas autorisées dans le secteur automobile. En revanche, une transformation qui implique un changement radical des structures de production sur le site ancien peut être éligible aux aides régionales. L'expert automobile indépendant consulté par la Commission a confirmé que l'investissement dans le nouvel atelier de peinture et les chaînes de fabrication de la coque dans le bâtiment abandonné à proximité de l'usine principale de VW à Mosel, dans lequel il n'aurait pas été possible d'utiliser pour le nouveau modèle D1 les installations de carrosserie et de peinture en place, remplit les conditions d'une transformation. Dans le cas des investissements à Dresde, il s'agit de projets entièrement nouveaux (site vierge).
(36) La Commission a expertisé l'analyse coûts-bénéfices avec le concours de l'expert automobile indépendant, pour voir dans quelle mesure l'aide régionale prévue est proportionnée aux problèmes régionaux qu'elle doit contribuer à résoudre. L'examen approfondi de l'analyse coûts-bénéfices a permis d'éclaircir les points abordés lors de l'ouverture de la procédure. Le handicap du site de Dresde s'explique principalement par le niveau des coûts salariaux qui est très nettement plus élevé en Allemagne qu'en République tchèque.Compte tenu des renseignements complémentaires que les autorités allemandes ont fournis après l'ouverture de la procédure, l'analyse coûts-bénéfices a été ajustée comme suit, à partir du taux de change en vigueur à l'époque de la notification.
(37) Lors de l'ouverture de la procédure, la Commission a exprimé des doutes quant à l'opportunité - comme les autorités allemandes l'ont notifiée - pour l'appréciation de la proportionnalité de l'aide d'évaluer le handicap du site de Saxe par rapport à la République tchèque uniquement sur la base d'une seule analyse agrégée. Compte tenu des types différents d'investissements (investissement entièrement nouveau à Dresde et extension à Mosel), et notamment des plafonds régionaux pour l'aide à Dresde (28 % en équivalent-subvention brut) et à Mosel (35 % en équivalent-subvention brut), la Commission s'est appuyée, pour l'appréciation de la proportionnalité de l'aide, sur deux analyses coûts-bénéfices distinctes, à savoir une pour les sites de Dresde et de Prague et une pour les sites de Mosel et de Kvasiny.
(38) Les autorités allemandes ont considéré tous les investissements à Dresde et à Mosel comme un projet entièrement nouveau. Une nouvelle usine au sens de l'encadrement communautaire serait une usine sur un site nouveau qui n'est pas encore viabilisé. Dans ce cas - ce qui n'est pas vrai lorsqu'il s'agit d'une extension d'une usine existante -, l'entreprise doit faire face aux problèmes créés par l'absence d'infrastructure adéquate, l'absence de logistique organisée, l'absence d'une main-d'œuvre formée aux besoins concrets de l'entreprise et l'absence d'une structure de sous-traitants. Toutefois, si ces services peuvent être assumés par une unité du même groupe située à proximité, le projet est considéré comme une extension, même s'il est effectivement construit sur un site vierge. D'après la visite des lieux, la Commission constate que les investissements dans les nouvelles chaînes de fabrication de la coque et dans l'atelier de peinture sont effectués dans des bâtiments existants, et autrefois utilisés, de la société VW Sachsen GmbH à proximité de l'usine VW principale de Mosel. Puisque AMD peut profiter de l'infrastructure et de la logistique en place, la Commission estime que le projet doit être considéré comme une opération d'extension. En conséquence, dans les analyses coûts-bénéfices, les handicaps opérationnels du site de Mosel ont été évalués sur une période de trois ans.
(39) À Dresde, en revanche, les investissements sont effectués dans des projets totalement nouveaux. La Commission a constaté qu'ils seront réalisés sur des sites entièrement nouveaux et qu'ils n'impliquent pas le transfert d'emplois de l'usine existante de Mosel, mais la création de nouveaux emplois. À Dresde, les handicaps opérationnels ont donc été évalués sur une période de cinq ans.
(40) La Commission a en outre ouvert la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité pour examiner dans quelle mesure des dépenses de marketing supplémentaires s'imposent pour compenser des risques pour l'image en cas de production du modèle de voiture en cause en République tchèque.Les autorités allemandes ont reconnu que, en cas d'implantation de la production du nouveau modèle de luxe D1 à Prague, VW devrait, le cas échéant, se résigner à pratiquer des prix plus bas au début et/ou que la courbe de démarrage pourrait se révéler plus basse en raison des attentes subjectives des clients au sujet des différences de qualité. Les autorités allemandes ont estimé les dépenses de marketing supplémentaires pour la compensation de ce risque à [...] millions de DEM dans le cas de figure normal (hypothèse moyenne) et à [...] millions de DEM dans le cas de figure défavorable (hypothèse la plus pessimiste). Par mesure de prudence, la Commission a pris pour base le cas de figure défavorable et supposé que ces dépenses qui ont un effet considérable sur le handicap du site interviendraient essentiellement en début de production. Les autorités allemandes ont affecté ces dépenses supplémentaires aux sites de Prague et de Kvasiny en fonction de la création de valeur. Au vu du concept commercial de "manufacture de verre" sur lequel repose le projet, en vertu duquel le client conjugue la visite d'une ville au riche patrimoine culturel et l'observation du montage final de son véhicule, la Commission considère que ces dépenses de marketing sont étroitement liées à la vente de la voiture dans les locaux de l'usine de montage et doivent donc être affectées intégralement, en tant que dépenses de marketing supplémentaires nécessaires, aux deux sites de comparaison où les véhicules doivent être montés et livrés, c'est-à-dire Dresde et Prague.
(41) Volkswagen a prévu que le transfert de véhicules depuis la République tchèque pourrait entraîner des coûts supplémentaires que l'entreprise a chiffrés à [...] millions de DEM. Ces coûts ont été intégrés dans les calculs, en considérant qu'ils pourraient devoir être engagés plus particulièrement durant les années de préadhésion. En ce qui concerne la gestion de la qualité, Volkswagen a reconnu que, pour l'implantation du projet à Prague, dans le cas de figure défavorable, des frais de personnel supplémentaires d'un montant de [...] millions de DEM pourraient devoir être engagés durant une période transitoire. En outre, un montant de [...] millions de DEM a été indiqué pour d'éventuelles difficultés de démarrage à Prague. Tous ces coûts ont été pris en compte dans l'analyse coûts-bénéfices.
(42) En ce qui concerne les coûts salariaux, la pratique courante de la Commission veut qu'un facteur de convergence soit appliqué lorsque le site de comparaison se trouve dans un pays d'Europe centrale ou orientale. Lors de l'ouverture de la procédure, la Commission a indiqué que, dans des cas comparables, elle appliquait généralement pour l'analyse coûts-bénéfices un facteur de convergence annuel de 5 %. Même si les autorités allemandes sont d'un autre avis, la Commission considère que les traitements et les salaires en République tchèque et en Allemagne devraient converger, car le marché du travail tchèque continue à se développer dans la perspective de l'élargissement de la Communauté. En conséquence, à partir des renseignements fournis par les autorités allemandes, des coûts supplémentaires de quelque [...] millions de DEM ont été pris en compte pour l'implantation de la production en République tchèque. Bien qu'elle considère que les risques de productivité sont relativement faibles dans ce pays, Volkswagen a intégré dans l'analyse coûts-bénéfices, pour le cas de figure défavorable, des coûts pour risque estimés à [...] millions de DEM.
(43) En ce qui concerne les coûts d'investissement, les autorités allemandes ont concédé que l'hypothèse initiale d'une réduction des coûts [...] en cas de décision en faveur de Prague ne doit pas être maintenue au titre des achats de matières auprès de fournisseurs tchèques, car des différences de ce genre seraient éliminées dans le cadre des achats groupés pratiqués par le groupe VW. C'est pourquoi ces réductions de coûts n'ont pas été prises en compte lors de l'évaluation des handicaps comparatifs de Dresde par rapport à la République tchèque.
(44) Les handicaps comparatifs ont été obtenus sur la base des dépenses d'investissement éligibles à l'aide conformément aux régimes d'aide approuvés par la Commission. Les handicaps de coût liés à l'achat du terrain de Dresde n'ont pas été pris en compte dans l'analyse coûts-bénéfices. Il en est de même pour les investissements dans la construction à Mosel que les autorités allemandes ont intégrés dans l'analyse coûts-bénéfices comme non éligibles à l'aide. En ce qui concerne les coûts relatifs aux machines et aux équipements à Mosel, que les autorités allemandes ne considèrent que partiellement éligibles à l'aide, le handicap a été réduit proportionnellement. Sur les dépenses pour l'outillage des fournisseurs, la Commission n'a considéré comme éligible à l'aide que le montant applicable dans les régions assistées des nouveaux Länder allemands. Après l'ouverture de la procédure, les autorités allemandes ont présenté une estimation des investissements dans l'outillage des fournisseurs qui seront effectués dans ces régions jusqu'en 2004. La Commission n'a intégré que ces montants dans son appréciation, ce qui a entraîné une réduction des dépenses éligibles sur les deux sites et, par voie de conséquence, une augmentation du ratio handicap régional ainsi que de l'intensité d'aide du projet. Étant donné que les autorités allemandes n'ont pas présenté de preuves suffisantes, la Commission n'a pas pris en compte des handicaps des sites pour l'outillage des fournisseurs.
(45) Les modifications de l'analyse coûts-bénéfices qui ont été décrites aboutissent à des résultats divergents par rapport à l'analyse initialement présentée par les autorités allemandes. Ainsi, la valeur en capital du handicap du site s'élève à 86,7 millions de DEM à Dresde et à 200,46 millions de DEM à Mosel. La valeur en capital des dépenses éligibles à l'aide à Mosel est de 334,59 millions de DEM, ce qui donne un handicap de 59,91 % par rapport à Kvasiny, tandis que la valeur en capital des dépenses éligibles à l'aide à Dresde est de 652,81 millions de DEM, soit un handicap de 13,28 % par rapport à Prague.
(46) Après l'ouverture de la procédure, les autorités allemandes ont communiqué des chiffres actualisés pour l'aide à octroyer à AMD sur la base des régimes d'aide approuvés "27e plan-cadre de la tâche d'intérêt commun "Amélioration de la structure économique régionale (TIC)" et "loi sur les primes fiscales à l'investissement de 1999". La valeur en capital de l'aide en faveur du projet à Dresde s'élève à 105,87 millions de DEM, ce qui correspond à une intensité d'aide d'environ 16,22 % en équivalent-subvention brut, et la valeur en capital de l'aide en faveur du projet à Mosel s'élève à 64,85 millions de DEM, ce qui correspond à une intensité d'aide d'environ 19,38 % en équivalent-subvention brut.
(47) En raison du caractère sensible du secteur automobile, la Commission examine également si l'intensité d'aide admissible doit, le cas échéant, être modulée par une majoration ou une minoration de 2 à 4 points de pourcentage en fonction des effets sur le secteur et sur la concurrence (et notamment les modifications de la capacité de production du groupe sur le marché en cause) et du statut de région assistée du site concerné. Il existe un effet important sur le secteur lorsque le rapport entre la capacité du groupe après l'investissement (C (f)) et avant l'investissement (C (i)) est égal ou supérieur à 1,01. D'après les indications des autorités allemandes, la capacité de production du groupe VW est de [...] (6) unités avant l'investissement et de [...] après celui-ci. En considérant le statut du site comme région assistée au sens de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité et l'effet important de la modification de la capacité de production du groupe sur le secteur, la Commission a réduit l'intensité admissible de l'aide des projets d'un point de pourcentage dans chaque cas, soit 58,91 % pour l'investissement à Mosel et 12,28 % pour l'investissement à Dresde.
V. CONCLUSIONS
(48) La Commission constate que le projet d'investissement est mobile et que l'aide est nécessaire à la réalisation de ce projet. En ce qui concerne la proportionnalité, la Commission a appuyé son appréciation sur deux analyses coûts-bénéfices distinctes pour les aides à finalité régionale à Dresde et à Mosel, en raison des plafonds d'aide différents pour les deux sites. En ce qui concerne l'investissement à Mosel, l'intensité d'aide prévue est inférieure au ratio handicap régional et au plafond pour les aides à finalité régionale. Dans un tel cas, en vertu de l'encadrement communautaire, le constructeur automobile n'obtient pas des montants d'aide injustifiés, mais l'aide sert à compenser jusqu'à un certain point le handicap financier pour le choix du site. C'est pourquoi la Commission peut autoriser l'aide à hauteur de 64,85 millions de DEM (valeur en capital actualisée), car elle est compatible avec le Marché commun en vertu de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE.
(49) En ce qui concerne l'investissement à Dresde, l'intensité de l'aide prévue par les autorités allemandes est de 16,22 % en équivalent-subvention brut. Même si cette valeur est inférieure au plafond pour les aides à finalité régionale (35 %), elle est tout de même supérieure au handicap du site calculé dans l'analyse coûts-bénéfices et réduit par la minoration (d'un point de pourcentage) qui est de 12,28 % des dépenses d'investissement éligibles à l'aide. En conséquence, la Commission ne peut autoriser qu'une aide s'élevant à 12,28 % des dépenses d'investissement éligibles à l'aide d'un montant de 652,81 millions de DEM, ce qui correspond à une valeur en capital actualisée de 80,17 millions de DEM. L'aide envisagée pour un montant de 25,7 millions de DEM n'est pas compatible avec le Marché commun et ne peut pas être octroyée.
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
1. L'aide d'un montant de 64,85 millions de DEM (valeur en capital actualisée) que les autorités allemandes envisagent d'accorder en faveur de la société Automobilmanufaktur Dresden GmbH (AMD) pour le projet d'investissement à Mosel est compatible avec le Marché commun en vertu de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité.
2. L'aide que les autorités allemandes envisagent d'accorder en faveur d'AMD pour le projet d'investissement à Dresde est compatible avec le Marché commun en vertu de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité, pour un montant de 80,17 millions de DEM (valeur en capital actualisée).
Cette aide n'est pas compatible avec le Marché commun pour un montant de 25,7 millions de DEM (valeur en capital actualisée) et, pour cette raison, ne peut être accordée.
Article 2
La République fédérale d'Allemagne est destinataire de la présente décision.
(1) JO C 78 du 18.3.2000, p. 8.
(2) Voir note 1 de bas de page.
(3) JO C 279 du 15.9.1997, p. 1.
(4) Arrêt de la cour du 19 septembre 2000 dans l'affaire C-156-98: Allemagne contre Commission, Recueil 2000, p. I-6857.
(5) Information confidentielle.
(6) Information confidentielle; augmentation d'environ 4 %.