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Décisions

Cass. crim., 3 septembre 2002, n° 01-84.006

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents :

M. Cotte président, Mme Gailly conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre

Avocats :

SCP Waquet, Farge, Hazan.

TGI Fort-de-France, ch. corr., du 7 juin…

7 juin 2000

LA COUR: Statuant sur le pourvoi formé par P André, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Fort-de-France, chambre correctionnelle, en date du 26 avril 2001, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de tromperie, a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu le mémoire produit ; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 213-1 du Code de la consommation, 1382 du Code civil, 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a dit qu'André P a, en sa qualité de président directeur général de la société X, commis une faute à l'encontre de la société Alliance BTP en mentionnant sur les documents relatifs à la vente d'un tracteur Volvo une année modèle erronée, et l'a condamné à verser à ladite société la somme de 15 000 F en réparation de son préjudice ;

"aux motifs que la mention de l'année modèle, manifestement inexacte, porte sur une qualité substantielle du véhicule ; qu'il importe de relever que la société X n'avait aucun intérêt à l'apposition d'une année modèle erronée puisqu'elle considérait, certes à tort mais de bonne foi, qu'il s'agissait d'un véhicule neuf, et qu'elle n'avait pas pratiqué sur ce véhicule une réduction de prix, offrant cependant à l'acquéreur, ce que celui-ci omet d'ailleurs de signaler, une remorque d'une valeur d'environ 150 000 F ; qu'au contraire, l'intérêt était évident pour la société Alliance qui non seulement pouvait bénéficier des avantages de la défiscalisation sur ce matériel, mais encore profiterait de ce "rajeunissement" de quatre ans lorsque elle-même serait amenée à revendre le tracteur ; que tout conduit donc à accréditer les dires d'André P, confirmés au demeurant par une attestation du vendeur X ayant traité ce dossier, selon lesquels la mention de cette année modèle fausse a été apposée à la demande expresse du représentant de la société Alliance pour bénéficier des dispositions de la "loi Pons" ; que, cependant, le consentement de la victime n'exonère pas le vendeur professionnel de sa responsabilité en ce qui concerne la mention erronée qui porte sur les qualités substantielles du véhicule vendu ; que l'infraction de tromperie sur les qualités substantielles est constituée dès lors que le prévenu, vendeur professionnel, avait connaissance de la fausseté des mentions relatives à l'année modèle du véhicule, ce qui en l'espèce n'est pas discutable puisque le tracteur avait été livré à la société X plus de quatre ans auparavant ; qu'André P étant responsable en sa qualité de chef d'entreprise du fait de ses subordonnés de par son obligation de vérifier la conformité des marchandises vendues, la Cour ne pourra que retenir le principe d'une faute commise par lui au détriment de la société Alliance BTP justifiant que l'appel de cette société soit accueilli et qu'une condamnation à réparation soit prononcée ; que, toutefois, la Cour appréciera à sa juste valeur le préjudice subi par cette société qui apparaît davantage constitué par l'impossibilité d'utiliser correctement le ralentissement électrique monté sur le camion - ce dont André P ne saurait être tenu pour responsable directement - que par cette discordance dans l'année modèle qui selon toute vraisemblance avait été voulue par elle ;

"alors, d'une part, que l'infraction de tromperie sur les qualités substantielles n'est constituée que pour autant que les actions, allégations ou présentations du vendeur aient pu induire le contractant en erreur sur les caractéristiques d'une marchandise ou d'un service ; qu'en l'espèce, pour retenir la faute d'André P, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que, "vendeur professionnel, (il) avait connaissance de la fausseté des mentions relatives à l'année modèle du véhicule", alors même que, par ailleurs, elle accréditait expressément les propos d'André P "selon lesquels la mention de cette année modèle fausse (avait) été apposée à la demande expresse du représentant de la société Alliance" ; qu'ainsi, la société Alliance BTP n'ayant pu être trompée par cette mention erronée du contrat de vente, la cour d'appel ne pouvait retenir l'infraction de tromperie sur les qualités substantielles de la chose vendue à la charge d'André P sans entacher sa décision d'une violation de l'article L. 213-1 du Code de la consommation ;

"alors, d'autre part, que la cour d'appel a relevé que la discordance dans l'année modèle du tracteur Volvo avait été expressément demandée par la société Alliance BTP afin de bénéficier des avantages de la défiscalisation prévue par la "loi Pons", ce dont il résulte nécessairement que celle-ci n'a pu être trompée sur les qualités substantielles du véhicule ; qu'en estimant néanmoins que la tromperie sur l'année modèle du véhicule avait causé un préjudice à la société Alliance BTP, préjudice qu'elle a estimé à 15 000 F, sans rechercher l'avantage qu'en avait probablement tiré la société Alliance BTP, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard des articles 1382 du Code civil et L. 213-1 du Code de la consommation ;

"alors, enfin, qu'en se bornant à énoncer arbitrairement que le préjudice subi par la société Alliance BTP du fait des mentions erronées du contrat de vente relatives à l'année modèle du tracteur Volvo devait être évalué à la somme de 15 000 F, sans expliquer précisément d'où il résulte qu'une telle discordance dans l'année modèle du véhicule aurait causé à ladite société un préjudice de 15 000 F, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs" ;

Vu l'article L. 213-1 du Code de la consommation ; - Attendu que constitue le délit prévu par le texte susvisé le fait de tromper ou tenter de tromper le contractant sur, notamment, une qualité substantielle de la marchandise objet du contrat ;

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que, le 18 septembre 1995, la société X, dont André P est le dirigeant, a vendu à la société Alliance BTP, un tracteur qu'elle avait acquis en 1991 ;

Attendu qu'André P a été relaxé par les premiers juges des fins de la poursuite pour tromperie et que la société Alliance BTP a fait appel de cette décision ;

Attendu que, pour faire droit aux demandes de la partie civile appelante, l'arrêt relève qu'à la demande de cette dernière, qui souhaitait bénéficier des avantages fiscaux accordés en cas d'achat d'un véhicule neuf, la société X lui a remis une facture indiquant faussement qu'il s'agissait d'un modèle de l'année 1995 ; que les juges énoncent que l'infraction est constituée, dès lors que le prévenu, vendeur professionnel, a sciemment fait apposer sur la facture une mention fausse relative à une qualité substantielle du véhicule vendu ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'il résulte de ses propres constatations que la partie civile avait connaissance du caractère erroné de l'année modèle indiquée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;d'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, dès lors que les faits ne sont susceptibles d'aucune qualification pénale ;

Par ces motifs, Casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Fort-de-France, en date du 26 avril 2001 ; Dit n'y avoir lieu à renvoi ; Ordonne l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la Cour d'appel de Fort-de- France et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.