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Décisions

CA Paris, 3e ch. A, 9 avril 2002, n° 2000-00606

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Domaxel Achats & Services (SA), SAPEC (SA)

Défendeur :

Ma Maison (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Perie

Conseillers :

Mmes Deurbergue, Feydeau

Avoués :

Mes Teytaud, SCP Verdun-Seveno

Avocats :

Mes Bloch-Maurel, Mazen

T. com. Paris, 7e ch., du 26 oct. 1999

26 octobre 1999

Vu l'appel interjeté, à titre principal, par la société Domaxel Achats & Services (Domaxel) et la Société Pour l'Approvisionnement, la Promotion et les Etudes Commerciales (SAPEC) et, à titre incident, par la société Ma Maison d'un jugement du Tribunal de commerce de Paris (7e chambre) du 26 octobre 1999 qui a condamné in solidum les sociétés SAPEC et Domaxel à payer à la société Ma Maison 370 000 F de dommages et intérêts et rejeté les autres demandes des parties ;

Vu les conclusions du 24 janvier 2002 des sociétés Domaxel et SAPEC qui prient la cour d'infirmer le jugement et de condamner la société Ma Maison à leur payer, à chacune, 7 622, 45 euros par application de l'article 700 du NCPC ;

Vu les conclusions du 20 février 2002 de la société Ma Maison qui demande à la cour de confirmer le jugement, sauf à porter le montant des dommages et intérêts à 1 881 599 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, et de condamner les sociétés Domaxel et SAPEC à lui payer 7 621, 95 euros par application de l'article 700 du NCPC ;

SUR QUOI:

Considérant qu'en vue de l'installation d'un magasin de bricolage dans la galerie commerciale de Talant, la société Ma Maison a adhéré, le 6 septembre 1994, à la SAPEC, société coopérative de commerçants régie par les articles L. 124-1 du Code de commerce, ayant, notamment, une activité de groupement d'achats pour différentes enseignes ;

Que la société Ma Maison a souscrit 300 parts de la SAPEC, s'est engagée à respecter ses statuts, son règlement intérieur et son cahier des charges ; qu'elle a accepté les conditions générales de vente de son groupement d'achat, la société Domaxel, et la clause de réserve de propriété des marchandises livrées par celle-ci ;

Que, par contrat du 5 octobre 1994, la société Maison Conseil, propriétaire de la marque et de l'enseigne du même nom, de son concept et de son savoir-faire pour la vente d'articles de l'équipement de la maison et du jardin et de tous produits qui s'y rattachent, a concédé à la société Ma Maison une sous-licence exclusive d'exploitation des marque et enseigne précitées dans la zone territoriale de Talant ;

Que, le 27 juin 1995, la société Ma Maison a signé un contrat de réserve de propriété de marchandises avec la société Domaxel ;

Que, le 26 novembre 1996, elle a été mise en redressement judiciaire et a fait l'objet d'un plan de continuation, le 26 août 1997;

Que, le 24 février 1997, la société Maison Conseil lui a notifié la résiliation du contrat d'enseigne pour non-respect de ses obligations et dénigrement systématique du groupement de commerçants ; qu'elle a été exclue de la SAPEC à la suite d'une assemblée générale du 30 juin 1997 ;

Considérant que la société Domaxel se trouve aux droits de la société Maison Conseil par suite d'une fusion-absorption décidée par une assemblée générale extraordinaire du 14 juin 1999 ;

Considérant qu'alléguant avoir été trompée par une étude de marché réalisée par la SAPEC avant son installation et par des études financières de la société Domaxel et ne pas avoir ensuite reçu de leur part l'assistance technique nécessaire, ce qui l'a conduite au dépôt de bilan, la société Ma Maison a assigné ces deux sociétés en réparation de son préjudice devant le Tribunal de commerce de Paris ;

Que, devant la cour, elle demande de condamner solidairement les sociétés SAPEC et Domaxel à lui payer 1 881 599 euros de dommages et intérêts se décomposant comme suit en francs :

- absence du responsable régional: 83 720 F

- études de marché inutilisables : 20 162 F

- mise en place des gondoles : 4210 F

- implantation: 78 390 F

- frais SAPEC, droit d'entrée : 121 402 F

- perte de marge brute sur 5 ans: 1 453 894 F, 1 014 752 F, 1 409 471 F, 1 556 089 F, 1 794 716 F

- étiquetage des prix: 500 000 F

- frais, assistance, droit d'entrée Ma Maison: 345 405 F

- participation publicitaire : 123 188 F

- préjudice du dépôt de bilan: 1 000 000 F.

- perte de valeur du fonds de commerce : 2 837 082 F

Considérant que la société Ma Maison fait valoir que ses relations avec les sociétés Domaxel et SAPEC étaient régies par un contrat de franchise et, qu'en vertu de l'article L. 330-3 du Code de commerce, elles étaient tenues de lui fournir, préalablement à la signature de contrat, un document donnant des informations sincères lui permettant de s'engager en connaissance de cause ;

Mais considérant que, si la société Ma Maison devait, en compensation de la mise à sa disposition d'une marque et d'une enseigne, d'un savoir-faire et d'une assistance technique, respecter des techniques commerciales conformes, appliquer des plans de vente et de gestion, réaliser un chiffre d'affaire prévisionnel, fournir un état comptable complet une fois par an et donner des informations sur sa situation commerciale et financière, verser un droit d'entrée et s'acquitter de redevances pour utiliser l'enseigne et participer aux frais de publicité, elle n'était pas tenue, contrairement à ce qu'elle prétend, par une clause d'approvisionnement exclusif, d'acheter l'ensemble de ses marchandises uniquement à la société Maison Conseil, mais seulement, comme l'y invitaient les statuts et le règlement intérieur de la société SAPEC à promouvoir la vente des produits du groupement d'achats de la société coopérative à laquelle elle avait adhéré; que, par ailleurs, le montant des redevances exigées d'elle était minime ;

Que le contrat d'enseigne n'a pas été souscrit par deux commerçants animés d'une simple volonté de collaboration mais avec un esprit coopératif conforme aux exigences de l'article L. 124-1 du Code de commerce ;

Qu'il ne s'agit donc pas d'un contrat de franchise ;

Que, par ailleurs, en l'absence d'engagement d'exclusivité les dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce ne sont pas applicables, comme l'ont exactement retenu les premiers juges ;

Considérant, néanmoins, que la société SAPEC pouvait, comme son règlement intérieur l'y autorisait, dans le cas d'implantations nouvelles, mettre à la disposition du commerçant des moyens techniques et financiers ;

Que c'est dans ces conditions qu'elle a réalisé, pour le compte de la société Ma Maison, une étude de marché destinée à définir sa zone d'attribution territoriale à laquelle fait référence l'article 13 du contrat d'enseigne;

Que cette étude fait l'objet devant la cour des mêmes critiques que celle déjà développées devant les premiers juges, notamment en ce qui concerne les zones de chalandise, sans que la société Ma Maison apporte de justification nouvelle ;

Que le tribunal a répondu, par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, que les études réalisées à la demande de chaque partie présentent des conclusions contradictoires et sont inexploitables, et qu'en toute hypothèse le gérant de la société Ma Maison, installé depuis de nombreuses années dans la galerie commerciale, était à même d'apporter les rectifications nécessaires ;

Qu'il n'est donc pas établi que la société SAPEC qui, aux termes de son règlement intérieur (page 6 in fine), n'était tenue que d'une obligation de moyens, aurait commis des erreurs sur le potentiel de clientèle dans la zone définie de nature à vicier le consentement de la société Ma Maison ;

Considérant que la société Ma Maison fait encore valoir que la société Domaxel lui a fourni des éléments substantiels dolosive ment erronés, notamment en lui communiquant cinq études financières présentant des incohérences et annonçant une évaluation du chiffre d'affaires prévisionnel volontairement "gonflée" de 35 % ;

Mais considérant qu'il ne peut être reproché à la société Domaxel d'avoir réalisé successivement plusieurs " approches financières" pour affiner ses conclusions et mieux apprécier la faisabilité de l'opération;

Que, certes, elle a fait preuve d'optimisme en prévoyant dans sa dernière approche, des 5 et 11 octobre 1994, un chiffre d'affaires sur les 12 premiers mois de 5 000 000 F HT alors que celui réalisé n'a été que de 3 800 000 F HT;

Que, toutefois, elle n'avait donné aucune garantie de réalisation et n'était tenue d'aucune obligation de résultat à cet égard ;

Que, par ailleurs, ce n'est manifestement pas au vu de ce chiffre prévisionnel de 5 000 000 F HT que la société Ma Maison s'est déterminée puisque, comme cela ressort de l'article 6-1 du contrat d'enseigne, en fonction de la capacité du marché dans sa zone de chalandise, elle s'est engagée à réaliser un chiffre d'affaires de seulement 3 300 000 F HT pour la première année, ce qui indique que son gérant avait une exacte conscience des capacités du marché;

Qu'en cet état, la société Ma Maison ne démontre pas que la société Domaxel l'aurait volontairement trompée sur un élément substantiel du contrat ;

Que le jugement doit être infirmé en ce qu'il lui a alloué 260 000 F de dommages et intérêts au titre de son manque à gagner ;

Considérant que la société Ma Maison se plaint ensuite de divers manquements de la société Domaxel à ses obligations qui auraient gêné le démarrage de son activité ;

Que, toutefois, s'agissant du document "retroplanning" comportant la liste des diverses tâches à accomplir en vue de l'ouverture du magasin, sa remise tardive n'a pas eu d'incidence, la quasi-totalité des opérations prévues ayant été exécutées à temps ;

Que l'erreur d'approvisionnement, dont excipe la société Ma Maison, est imputable à son gérant qui a passé les commandes ; que cette erreur a été sans conséquence puisque la société Domaxel a accepté, à titre commercial, un report sans intérêts des échéances de règlement des marchandises ;

Que la société Ma Maison, affirme, sans l'établir, que l'implantation des marchandises aurait été faite en dépit du bon sens avec des articles anciens, des invendus et des produits supprimés et qu'il aurait fallu la reprendre deux mois plus tard ;

Qu'elle ne démontre pas qu'elle aurait pu recevoir des fournisseurs une participation publicitaire supérieure à celle obtenue de 49 90 F HT ;

Que, s'agissant de la fixation des prix et de l'étiquetage des produits, si la société Domaxel lui a communiqué des éléments, il ne ressort pas de l'attestation de son ancien employé, M. Bertrand, qu'elle lui aurait aussi fourni des étiquettes de prix autocollantes ; que rien n'indique qu'elle lui aurait imposé ses prix ; que la société Ma Maison restait libre de les fixer en vertu de l'article 24 du contrat d'enseigne et qu'à cet égard la société Domaxel lui reproche d'avoir multiplié par 2 le tarif de base du fournisseur et de ne pas avoir tenu compte des remises ; que force est de constater que les quelques éléments de comparaison communiqués n'ont aucune valeur probante dès lors que les prix de marché indiqués sont en réalité ceux pratiqués entre le fabricant et le commerçant et non les prix de vente conseillés au public ; que ce grief n'est donc pas caractérisé ;

Qu'enfin, si le jour de l'ouverture du magasin, le personnel de la société Domaxel n'a pas été suffisamment présent, la société Ma Maison a reçu par la suite toute l'assistance nécessaire en obtenant plusieurs reports d'échéance, une reprise de marchandise et la prise en charge d'une opération de communication;

Qu'en réalité, les éléments du dossier font ressortir que M. Gonçalves, gérant de la société Ma Maison, faisait preuve de défiance vis-à-vis de l'organisme coopératif auquel il avait adhéré, qu'il était en désaccord avec sa politique commerciale et de gestion, qu'il ne tenait pas compte des conseils prodigués et ne respectait pas ses obligations, notamment quant à la communication de sa comptabilité ; qu'il doit supporter les risques d'une exploitation qu'il a menée à sa guise ;

Qu'ainsi aucune faute n'étant établie à l'encontre des sociétés Domaxel et SAPEC, les prétentions de la société Ma Maison doivent donc être rejetées ;

Qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a alloué 100 000 F, de dommages et intérêts à la société Ma Maison au titre des manquements allégués ;

Considérant que l'équité ne commande pas de condamner l'une ou l'autre des parties par application de l'article 700 du NCPC ;

Considérant que les dépens de première instance et d'appel doivent être mis à la charge de la société Ma Maison qui succombe;

Par ces motifs: Infirme le jugement; Statuant à nouveau: Rejette les demandes de la société Ma Maison; Rejette la demande des sociétés Domaxel et SAPEC au titre de l'article 700 du NCPC; Condamne la société Ma Maison aux dépens de première instance et d'appel ; Admet les avoués au bénéfice de l'article 699 du NCPC.