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Décisions

TPICE, 4e ch. élargie, 25 mars 1999, n° T-37/97

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Forges de Clabecq (SA), Société wallonne pour la sidérurgie SA, Royaume de Belgique, Région Wallone.

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ramos

Juges :

MM. Garcia-Valdecasas, Lindh, Mengozzi, Mmes Tiili

Avocats :

Mes van Gehuchten, de Backer, Vandersanden, Ralet, Levi

TPICE n° T-37/97

25 mars 1999

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre élargie),

Cadre juridique

1. Le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier (ci-après "traité" ou "traité CECA") prohibe les aides d'État à des entreprises sidérurgiques, en déclarant, en son article 4, sous c), incompatibles avec le marché commun du charbon et de l'acier et, en conséquence, interdites dans les conditions prévues audit traité "les subventions ou aides accordées par les États ou les charges spéciales imposées par eux, sous quelque forme que ce soit".

2. L'article 95, premier et deuxième alinéas, du traité énonce ce qui suit:

"Dans tous les cas non prévus au présent traité, dans lesquels une décision ou une recommandation de la Commission apparaît nécessaire pour réaliser dans le fonctionnement du marché commun du charbon et de l'acier et conformément aux dispositions de l'article 5 l'un des objets de la Communauté, tels qu'ils sont définis aux articles 2, 3 et 4, cette décision ou cette recommandation peut être prise sur avis conforme du Conseil, statuant à l'unanimité et après consultation du comité consultatif.

La même décision ou recommandation, prise dans la même forme, détermine éventuellement les sanctions applicables."

3. Afin de répondre aux exigences de la restructuration du secteur de la sidérurgie, la Commission s'est fondée sur les dispositions précitées de l'article 95 du traité pour mettre en place, à partir des années 80, un régime communautaire des aides autorisant l'octroi d'aides d'État à la sidérurgie dans certains cas limitativement énumérés. Le régime communautaire des aides à la sidérurgie en vigueur durant la période considérée dans la présente espèce est celui instauré par la décision n° 3855-91-CECA de la Commission, du 27 novembre 1991, instituant des règles communautaires pour les aides à la sidérurgie (JO L 362, p. 57, ci-après "Code des aides").

4. Selon l'article 1er, paragraphe 1, du Code des aides, "[t]outes les aides à la sidérurgie financées par un État membre, ainsi que par des collectivités territoriales ou au moyen de ressources d'État [...], ne peuvent être considérées comme des aides communautaires et, partant, comme compatibles avec le bon fonctionnement du marché commun que si elles satisfont aux dispositions des articles 2 à 5". Selon le paragraphe 2 du même article, "[l]a notion d'aides couvre également les éléments d'aide contenus dans les transferts de ressources d'État tels que prises de participations, dotations en capital ou mesures similaires [...] effectués par les États membres, les collectivités territoriales ou des organismes au bénéfice d'entreprises sidérurgiques qui ne peuvent être considérés comme un véritable apport de capital à risque selon la pratique normale des sociétés en économie de marché".

5. Les articles 2 à 5 du Code des aides prévoient la possibilité de considérer, comme compatibles avec le marché commun, sous certaines conditions, des aides destinées à couvrir les dépenses des entreprises sidérurgiques pour des projets de recherche et de développement, des aides destinées à faciliter l'adaptation aux nouvelles normes légales de protection de l'environnement des installations en service deux ans au moins avant la mise en vigueur de ces normes, des aides en faveur des entreprises qui cessent définitivement leur activité de production sidérurgique CECA et celles destinées à couvrir des allocations versées aux travailleurs rendus disponibles ou mis anticipativement à la retraite, et certaines aides à des entreprises situées en Grèce, au Portugal et sur le territoire de l'ancienne République démocratique allemande. Ce Code n'autorise ni les aides au fonctionnement ni les aides à la restructuration, sauf lorsqu'il s'agit d'aides à la fermeture.

Faits

6. La requérante est une entreprise sidérurgique de droit belge qui, à l'époque de son fonctionnement, produisait de l'acier liquide et des produits finis plats, à savoir des tôles et des brames aplaties.

7. La Société wallonne pour la sidérurgie SA (SWS), dont le capital est détenu à 100% par la Région wallonne, a pour mission, dans le cadre de la politique économique de cette région dans le secteur de la sidérurgie, d'intervenir dans l'intérêt d'entreprises privées.

8. Au cours de la première moitié des années 80, un plan de relance a été établi pour la requérante et, dans ce cadre, plusieurs crédits d'investissement lui ont été accordés. Ces crédits étaient, pour l'essentiel, couverts par une garantie d'État. Un premier crédit s'élevait à 1,5 milliard de BFR, un deuxième à 850 millions de BFR et un troisième à 1,5 milliard de BFR. Le quatrième et dernier crédit de cette série a été accordé en 1985 et s'élevait à 650 millions de BFR. Ce groupe de crédits sous garantie d'État est communément appelé "prêts SNCI" (conventions de prêts avec la société nationale du crédit à l'industrie). Par décisions du 16 décembre 1982 et du 31 juillet 1985, la Commission a autorisé, sous certaines conditions, une partie de ce plan de relance, dont notamment celle concernant les premier et quatrième crédits de, respectivement, 1,5 milliard de BFR et 650 millions de BFR.

9. La Compagnie belge pour le financement de l'industrie (ci-après "Belfin"), créée pour assurer le financement des investissements en vue de la restructuration du secteur industriel belge, et appartenant pour moitié au domaine public, a également accordé à la requérante plusieurs prêts au moyen de capitaux empruntés à des établissements financiers: de 104 millions de BFR en 1988 et de 196 millions de BFR en 1989, ces deux contrats repris par un crédit de 300 millions de BFR en 1991 et de 200 millions de BFR en 1994 en substitution d'un prêt conclu en 1987.

10. Par lettre du 25 juin 1996, la représentation permanente de la Belgique auprès de l'Union européenne a notifié à la Commission, en vertu de l'article 6, paragraphe 2, du Code des aides, un plan qui avait comme but le maintien des activités de la requérante. D'un point de vue commercial, le plan revenait à maintenir l'usine intégrée, mais travaillant en capacités réduites. D'un point de vue financier, le plan, tel que notifié, comprenait, d'une part, des "mesures d'accompagnement" provenant d'un apport, de la SWS, de nouveaux capitaux à hauteur de 1,5 milliard de BFR et d'un rééchelonnement des dettes de l'entreprise avec l'accord de la SNCI et de Belfin et, d'autre part, l'acquisition, par la SWS, des 21,3 % du capital social de l'entreprise auparavant détenus par Socindus, une société regroupant les intérêts des actionnaires-gestionnaires privés familiaux. La SWS devenait ainsi détentrice de 60,3 % des actions, le restant étant réparti dans le grand public.

11. Avant la rédaction dudit plan, plusieurs diagnostics avaient été établis sur l'état de santé de l'entreprise, notamment, à sa demande, par les consultants Laplace Conseil et Davy Clecim. Par ailleurs, M. Gandois, doyen des administrateurs de la requérante, avait été chargé par M. Collignon, ministre-président de la Région wallonne, d'étudier la viabilité du secteur sidérurgique en Wallonie et les actions à mener pour consolider cette viabilité, en particulier celle de la requérante. Les trois rapports étaient unanimes quant au besoin de mesures radicales et rapides pour assurer la survie de la requérante. Interrogée, à ce moment-là, par la Commission sur ses intentions à l'égard de la requérante, la SWS avait fait savoir que son but consistait à "éviter la faillite de l'entreprise en prenant tous les accords possibles avec les créanciers et les banquiers des Forges cela afin d'éviter une catastrophe financière et sociale" et avait déclaré que, "à la requête du ministre-président, la SWS ne prendra[it] aucune décision définitive vis-à-vis des Forges de Clabecq avant que le Gouvernement wallon n'ait pu analyser les conclusions du rapport Gandois".

12. A la suite de la notification, la Commission a, par lettre du 5 juillet 1996, adressé une demande de renseignements supplémentaires à la représentation permanente de la Belgique auprès de l'Union européenne. Elle a notamment voulu savoir si d'autres mesures que celles notifiées avaient été prises. A cet égard, elle a fait remarquer que la notification ne contenait aucune information sur les conditions du rééchelonnement des dettes de la requérante et sur la situation d'un prêt de 500 millions de BFR octroyé par la Région wallonne fin 1992, qu'elle n'avait pas considéré comme une aide sous certaines conditions tenant notamment au taux d'intérêt. Elle signalait, en outre, que la presse belge avait rapporté davantage de mesures, telles que la concession de nouveaux prêts à la requérante. La représentation permanente de la Belgique a communiqué cette lettre à la Région wallonne.

13. Par lettre du 23 juillet 1996, les autorités belges ont communiqué des informations supplémentaires. En ce qui concerne le prêt de 500 millions de BFR datant de 1992, il était indiqué que, "à la demande pressante du conseil d'administration [de la requérante] et en vue d'obtenir le soutien nécessaire des banquiers et fournisseurs à l'étude et à la mise en œuvre d'un plan de redressement", la SWS avait décidé en 1996 d'abandonner sa créance représentant, au total, 555 millions de BFR. Le courrier précisait que cet abandon de créance ne constituait pas une aide puisque, de toute façon, la requérante n'aurait jamais pu la rembourser.

14. Quant au rééchelonnement des dettes, il était annexé à la lettre des documents faisant état d'un accord de principe de la SNCI et de Belfin de reporter de trois ans le délai du remboursement des prêts. Cet accord de principe était subordonné à plusieurs conditions, notamment l'avis favorable de la Communauté européenne sur la recapitalisation de la requérante.

15. Il était précisé ensuite que la SWS avait octroyé à la requérante un crédit-relais de 200 millions de BFR, à titre d'avance sur la recapitalisation prévue. Cette avance aurait été indispensable pour permettre à celle-ci de poursuivre ses activités dans l'attente de la décision de la Commission. La lettre annonçait que d'autres avances seraient sans doute nécessaires.

16. Il était souligné que, de toute manière, les mesures contenues dans le plan ne constituaient pas des aides d'État, étant donné qu'elles ne faisaient pas appel à des fonds publics et qu'elles ne traduisaient que le comportement d'un investisseur privé raisonnable en économie de marché. La SWS n'aurait, par ailleurs, pas l'intention de demeurer l'actionnaire majoritaire de la requérante. Enfin, il était indiqué dans la lettre que la SWS se tenait à la disposition de la Commission pour fournir d'autres précisions et pour examiner les adaptations éventuelles que celle-ci proposerait.

17. Par une communication au titre de l'article 6, paragraphe 4, du Code des aides publiée le 11 octobre 1996 (JO 1996, C 301, p. 4), la Commission a mis le Gouvernement belge en demeure et l'a invité, ainsi que toute autre personne intéressée, à présenter ses observations.

18. Dans sa décision 97-271-CECA, du 18 décembre 1996, acier CECA - Forges de Clabecq, concernant des interventions financières de la Région wallonne en faveur de l'entreprise sidérurgique Forges de Clabecq (JO 1997, L 106, p. 30, ci-après "décision litigieuse"), la Commission a décidé ce qui suit:

"Article premier

Les mesures prises par la Belgique en faveur des Forges de Clabecq, à savoir:

- un apport en capital pour un montant de 1,5 milliard de BFR,

- les garanties d'État pour les prêts Belfin et SNCI,

- les abandons de créances d'un montant de 802,3 millions de BFR (302,2 millions de BFR pour SA Forges finances et 500 millions de BFR pour SWS),

- les crédits-relais d'un montant total de 700 millions de BFR,

constituent des aides au sens de l'article 1er, paragraphe 2, [du Code des aides].

Article 2

Les aides mentionnées à l'article 1er sont incompatibles avec le marché commun puisqu'elles ne satisfont pas aux dispositions des articles 2 à 5 [du Code des aides], comme prévu à l'article 1er, paragraphe 2, [dudit Code], et sont donc interdites en vertu de l'article 4, sous c), du traité.

Article 3

La Belgique est tenue de supprimer les aides mentionnées à l'article 1er et d'exiger la restitution des aides illégales déjà versées, avec des intérêts depuis la date de versement, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

[...]"

19. Le 19 décembre 1996, les administrateurs des Forges de Clabecq ont fait aveu de la faillite de l'entreprise. Par un jugement du Tribunal de commerce de Nivelles du 3 janvier 1997, la faillite sur aveu a été déclarée ouverte.

20. La décision litigieuse a été notifiée aux autorités belges par lettre du 23 janvier 1997 et a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes du 24 avril 1997.

21. Plus tard en 1997, les actifs de la requérante ont été achetés par une nouvelle société dénommée Duferco Clabecq, créée sur l'initiative d'un investisseur privé, le groupe Duferco. Conformément à la législation belge sur les faillites, Duferco Clabecq n'a pas dû reprendre les dettes de la requérante. La Commission a approuvé certaines interventions de la SWS en faveur de Duferco Clabecq, au motif qu'elles constituaient un apport en capital à risque selon la pratique normale des sociétés en économie de marché.

Procédure et conclusions des parties

22. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 février 1997, la requérante a introduit le présent recours. L'affaire a été attribuée à une chambre composée de cinq juges. Dans sa requête, la requérante a demandé à ce que l'affaire soit renvoyée devant la formation plénière du Tribunal. La chambre n'a pas donné suite à cette demande.

23. Par acte séparé déposé au greffe le 6 mars 1997, la requérante a introduit une demande d'assistance judiciaire gratuite. Par ordonnance du 29 septembre 1997, le Tribunal a rejeté cette demande.

24. Par acte déposé au greffe le 21 mars 1997, la défenderesse a soulevé une exception d'irrecevabilité. La requérante a présenté ses observations sur l'exception d'irrecevabilité le 2 mai 1997. Par ordonnance du Tribunal du 11 juillet 1997, l'exception d'irrecevabilité a été jointe au fond.

25. Par demandes déposées au greffe respectivement les 24 juin, 23 et 25 juillet 1997, la SWS, le Royaume de Belgique et la Région wallonne ont demandé à intervenir à l'appui des conclusions de la partie requérante. Par ordonnance du président de la troisième chambre élargie du Tribunal du 31 octobre 1997, la SWS, le Royaume de Belgique et la Région wallonne ont été admis à intervenir à l'appui des conclusions de la partie requérante.

26. Dans son mémoire en réplique, la requérante a proposé l'adoption de certaines mesures d'organisation de la procédure et, subsidiairement, d'une mesure d'instruction. Étant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, le Tribunal a décidé de ne pas procéder à des mesures d'organisation de la procédure ou d'instruction.

27. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l'audience publique du 18 novembre 1998.

28. La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- annuler la décision litigieuse;

- statuer sur les dépens comme de droit.

29. La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- rejeter le recours comme irrecevable ou, subsidiairement, comme non fondé;

- condamner la requérante aux dépens.

30. Les parties intervenantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

- annuler la décision litigieuse;

- condamner la défenderesse aux dépens.

Sur la recevabilité

Arguments des parties

31. La défenderesse soutient que le recours a été introduit tardivement. Elle ne conteste pas que le recours ait été introduit dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision le 23 janvier 1997. Toutefois, elle estime que le point de départ du délai de recours ne doit pas être la date de notification de la décision à l'État belge, mais plutôt la date à laquelle la requérante a pris connaissance de la décision. En l'espèce, il serait constant que cette date se situe bien avant le 23 janvier 1997. Cela serait notamment démontré par le fait que, dans son jugement du 3 janvier 1997, le Tribunal de commerce de Nivelles a constaté que la requérante avait fait l'aveu de faillite le 19 décembre 1996 "en raison d'une décision prise le 18 décembre 1996 par la Commission européenne".

32. La défenderesse estime que, dans ces circonstances, le calcul du délai d'un mois doit se baser sur la date du 18 décembre 1996. Le recours serait par conséquent irrecevable car tardif.

33. A titre subsidiaire, la défenderesse expose que, si la requérante estimait ne pas avoir une connaissance exacte de la décision, il lui incombait d'en demander le texte, dans un délai raisonnable, ce qu'elle aurait omis de faire.

34. A l'appui de son argumentation, la Commission cite, en particulier, les arrêts de la Cour du 19 septembre 1985, Hoogovens Groep/Commission (172-83 et 226-83, Rec. p. 2831), du 6 juillet 1988, Dillinger Hüttenwerke/Commission (236-86, Rec. p. 3761), et du 6 décembre 1990, Wirtschaftsvereinigung Eisen- und Stahlindustrie/Commission (C-180-88, Rec. p. I-4413), ainsi que l'ordonnance de la Cour du 5 mars 1993, Ferriere Acciaierie Sarde/Commission (C-102-92 Rec. p. I-801), qui est citée également dans l'arrêt du Tribunal du 19 mai 1994, Consorzio gruppo di azione locale "Murgia Messapica"/Commission (T-465-93, Rec. p. II-361, point 29).

35. La requérante rappelle qu'un recours ne peut être introduit utilement que lorsque la personne concernée a connaissance de la motivation de la décision prise par la Commission. Or, la requérante aurait pris connaissance du texte de la décision lors de la notification de celle-ci. Elle affirme, à cet égard, que, peu après l'adoption de la décision, elle avait contacté la Commission afin d'en obtenir le texte, mais que celle-ci lui avait répondu qu'il n'était pas possible de le lui envoyer avant sa notification formelle à l'État belge.

36. La requérante ajoute que les interprétations de la jurisprudence faites par la Commission sont erronées. La jurisprudence en question porterait sur des faits tout à fait différents de ceux de l'espèce. Les arrêts et ordonnances cités par la Commission concernent en effet la situation dans laquelle une décision CECA n'est ni notifiée ni publiée, disant pour droit qu'un recours peut être introduit dans un délai d'un mois à compter de la connaissance effective de la décision, à condition que le requérant ait demandé la production de la décision dans un délai raisonnable.

37. Finalement, la requérante expose que la possibilité d'introduire un recours avant la notification était, de toute façon, exclue du fait que, en vertu de l'article 15 du traité CECA, une décision ne peut avoir des effets juridiques avant sa notification.

38. Le Gouvernement belge soutient l'argumentation de la requérante.

39. La Région wallonne et la SWS observent que la décision a été notifiée et que le recours a été introduit dans le délai d'un mois, augmenté du délai de distance, à compter de cette notification. Elles concluent que l'article 33, troisième alinéa, du traité a été pleinement respecté et que le recours ne saurait donc être qualifié de tardif.

Appréciation du Tribunal

40. Selon l'article 33, troisième alinéa, du traité, les recours en annulation "doivent être formés dans le délai d'un mois à compter, suivant le cas, de la notification ou de la publication de la décision ou recommandation". Le Tribunal estime que, conformément au principe de sécurité juridique, les justiciables doivent être en mesure de se fier au libellé clair de cette disposition. Par conséquent, il convient de calculer les délais de recours sur la base des dates de notification et de publication des décisions et recommandations de la Commission.

41. Dans le cas d'espèce, la décision litigieuse a été notifiée à l'État belge par lettre du 23 janvier 1997 et publiée au Journal officiel le 24 avril 1997. Il s'ensuit que le présent recours, qui a été introduit le 25 février 1997, bien avant la fin du délai d'un mois, majoré du délai de distance de deux jours applicable aux recours introduits par des personnes installées en Belgique, à compter de la date de la publication, n'est pas tardif.

42. Par ailleurs, comme la requérante l'a exposé à juste titre, la jurisprudence citée par la Commission à l'appui de l'exception d'irrecevabilité concerne la situation, essentiellement différente de celle de l'espèce, où la décision n'a ni été notifiée ni publiée.

43. Il en résulte que l'exception d'irrecevabilité doit être rejetée.

Sur le fond

44. La requérante et les parties intervenantes invoquent, en substance, sept moyens d'annulation. Le premier moyen est tiré d'une violation de l'article 4 du traité. Le deuxième moyen est tiré d'une violation de l'article 95 du traité. Le troisième moyen est tiré d'une violation du principe de sécurité juridique. Le quatrième moyen est tiré d'une insuffisance de motivation. Le cinquième moyen est tiré d'une violation des droits de la défense. Le sixième moyen est tiré d'une violation du droit fondamental au travail, des préambules et objectifs des traités CECA et CE et du principe de proportionnalité. Enfin, le septième moyen est tiré d'une violation du principe d'égalité de traitement.

45. En outre, la requérante soulève, dans le cadre du présent recours en annulation et à titre subsidiaire, une exception d'illégalité à l'encontre du Code des aides. Cette exception est étayée par trois moyens. Un premier moyen est tiré d'une violation de l'article 95 du traité. Un deuxième moyen est tiré d'une violation de l'article 67 du traité et, pour autant que de besoin, d'une violation des articles 92 et 93 du traité CEE. Un troisième moyen est tiré d'un excès de pouvoir, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une violation du principe d'égalité de traitement.

Sur le premier moyen d'annulation, tiré d'une violation de l'article 4 du traité

Arguments des parties

46. La requérante expose que ce n'est pas la Région wallonne, mais la SWS qui a fait les interventions en sa faveur. Cela aurait pour conséquence que les interventions ne peuvent être qualifiées d'aides d'État. En effet, la SWS est une société de droit privé, qui est, certes, détenue à 100% par la Région wallonne, mais qui n'est subordonnée à aucun comportement de puissance publique de la Région wallonne et qui ne reçoit aucune dotation en capital de celle-ci pour faire face aux coûts de ses opérations. L'intervention de la SWS s'inscrirait dans sa mission d'actionnaire majoritaire et ne consisterait donc pas dans un apport de fonds publics. La requérante ajoute d'ailleurs que, s'il est vrai que la SWS est devenue son actionnaire de référence, celle-ci ne détient que 40 % des droits de vote.

47. La requérante expose, ensuite, qu'il n'est pas approprié d'appliquer le critère de l'"investisseur privé en économie de marché" au secteur de la sidérurgie, étant donné que ce secteur a besoin de moyens publics, afin de pouvoir survivre. Ledit critère n'aurait, en outre, pas fait l'objet d'un examen attentif et individualisé de la Commission dans le cas d'espèce. A cet égard, la requérante observe que la Commission n'a fourni aucun document lui permettant ou permettant au Tribunal de connaître les conditions dans lesquelles le dossier a été examiné. Elle fait remarquer également que, dans sa décision, la Commission ne fait que constater "une présomption d'aide lorsque, dans des entreprises dont le capital est partagé entre des actionnaires privés et publics, l'apport public atteint une proportion sensiblement supérieure à celle d'origine et lorsque le désengagement des actionnaires privés est essentiellement imputable aux mauvaises perspectives de rentabilité de l'entreprise" (point V, cinquième alinéa, des considérants de la décision litigieuse). Or, une telle présomption ne trouverait aucune base dans le droit communautaire. En outre, la présomption de la Commission reposerait sur de fausses assertions factuelles. Notamment, l'ancien actionnaire de référence, Socindus, aurait continué à soutenir qu'il croyait aux chances de restauration de la compétitivité de l'entreprise. Le désengagement de cet actionnaire privé aurait seulement été dû à son manque de moyens pour participer au plan de relance.

48. La requérante ajoute que c'est seulement lorsqu'il n'y a pas de raisons objectives de s'attendre à ce que des mesures d'interventions aient une rentabilité acceptable, que l'on est en présence d'une aide d'État. A cet égard, elle fait remarquer que l'assertion factuelle exprimée par la Commission dans la décision litigieuse, selon laquelle le plan de relance aurait été déconseillé par un expert indépendant, est fausse. Les rapports Laplace Conseil et Davy Clecim auraient attesté les possibilités de rentabilité de l'entreprise. Le rapport Gandois aurait été partial, étant donné que M. Gandois assumait, à l'époque, des fonctions auprès d'un concurrent belge et auprès d'un organisme représentant les intérêts des entreprises sidérurgiques françaises. A l'audience, la requérante a, en outre, souligné que le marché croyait à la rentabilité des mesures d'intervention. Le fait que la bourse a réagi favorablement auxdites mesures serait un indice important à cet égard.

49. Enfin, la requérante expose que, de toute façon, la constatation de la Commission selon laquelle "l'État [a] remplac[é] le privé" dans la gestion et l'actionnariat de l'entreprise manque de pertinence, puisque, en vertu de l'article 83 du traité, l'institution de la Communauté ne préjuge en rien le régime de propriété des entreprises. Le fait que la Commission s'est basée sur ladite constatation aurait pour conséquence que les entreprises publiques soient discriminées par rapport aux entreprises privées.

50. La requérante conclut que, pour ces multiples raisons, la Commission a commis une erreur en estimant que les interventions litigieuses constituent des aides d'État au sens de l'article 4, sous c), du traité.

51. Selon le Gouvernement belge, la Commission a considéré de manière erronée que les prêts consentis par Belfin à la requérante bénéficient d'une garantie de l'État. Il fait remarquer, à cet égard, que seuls les emprunts souscrits par Belfin auprès des banques se voient octroyer une telle garantie, et non pas les prêts qui sont consentis par Belfin aux entreprises. La présence d'une garantie d'État constituerait précisément une différence essentielle entre les relations contractuelles de Belfin avec les organismes bancaires et ses relations contractuelles avec les entreprises.

52. A titre subsidiaire, le Gouvernement belge fait remarquer que la garantie de l'État pour les montants empruntés par Belfin est toujours contre-garantie par les destinataires des prêts et est donc, finalement, de nature privée. En effet, ces destinataires contribuent à un "Fonds de garantie", auquel les prêts de Belfin sont liés. Selon l'article 10 de la convention d'actionnaires de Belfin, les recours de l'État contre Belfin, du fait de l'appel à la garantie pour les montants empruntés, sont exercés à concurrence des montants formant le Fonds de garantie. La partie intervenante conclut que, même si le Tribunal estimait que les prêts de Belfin étaient sous garantie, cette garantie ne constituerait pas une aide d'État. Elle ajoute d'ailleurs que Belfin n'est pas une entreprise publique, étant donné que son actionnariat est privé à 50 %.

53. Pour le reste, le Gouvernement belge soutient l'argumentation de la requérante.

54. La Région wallonne et la SWS soutiennent également l'argumentation avancée par la partie requérante. Elles observent que le plan soumis à la Commission était indispensable et avait pour objet d'apporter, à relativement brève échéance, une rentabilité économique et une amélioration de la situation financière de la requérante. En particulier, l'apport en capital de 1,5 milliard de BFR avait pour but d'assurer la viabilité de l'entreprise et son développement futur. La Région wallonne et la SWS soulignent aussi que les interventions de la SWS étaient limitées à ce qui était strictement nécessaire et que, par conséquent, la SWS s'est comportée comme un investisseur privé en économie de marché. Elles exposent, en même temps, que le critère de l'investisseur privé en économie de marché est déraisonnable, étant donné qu'il n'est pas possible de satisfaire à ce critère dans la pratique. En effet, habituellement, un investisseur privé se garde d'apporter des capitaux à une entreprise en difficulté. En imposant ledit critère aux États membres, la Commission méconnaîtrait leur rôle de puissance publique. En outre, la Commission aurait mal appliqué ce critère au cas d'espèce, en s'abstenant de tenir compte du fait que le plan permettait à la requérante, notamment par une réduction des capacités de production, de retrouver sa viabilité.

55. La défenderesse rappelle liminairement que doit être comprise comme une aide au sens de l'article 4, sous c), du traité, toute prestation en monnaie ou en nature accordée pour le soutien d'une entreprise en dehors du paiement par l'acheteur ou l'utilisateur des biens ou services qu'elle produit; la notion d'aide comprend non seulement des prestations positives, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui, normalement, grèvent le budget d'une entreprise. La défenderesse rappelle aussi que la notion d'aide d'État couvre aussi bien les aides accordées directement par les États membres ou par leurs collectivités territoriales que celles accordées par des organismes publics ou privés institués dans le but de distribuer et de gérer des aides.

56. A la lumière de cette interprétation de l'article 4 du traité, la défenderesse attire l'attention sur les statuts de la SWS. Il résulte, entre autres, de ceux-ci que la SWS est une société dont le capital est détenu à 100 % par la Région wallonne, qu'elle a pour mission, en tant qu'"outil privilégié de la politique de la Région wallonne dans le secteur [de la] sidérurgie", de gérer les participations et créances publiques dans le secteur de la sidérurgie, et d'assurer la mise en œuvre de décisions d'intervention prises par le Gouvernement wallon ainsi que la gestion des participations, obligations, avances ou intérêts que la Région wallonne détient ou viendrait à détenir dans des sociétés sidérurgiques, en vertu de telles décisions. A cette fin, la SWS doit assurer l'exécution et le contrôle des décisions prises au sujet des entreprises qui ont fait l'objet d'une intervention de la Région wallonne. La défenderesse ajoute que, toujours selon les statuts de la SWS, la Région wallonne désigne les président et vice-président de ladite société, adopte les modifications éventuelles de ses statuts, et doit donner l'autorisation pour la cession de ses actions, qui, de toute façon, ne peuvent être détenues que par la Région wallonne elle-même ou par des institutions financières d'intérêt public désignées par le Gouvernement wallon.

57. La défenderesse conclut que l'argumentation de la requérante, selon laquelle la SWS aurait pris la décision d'intervenir en faveur des Forges de Clabecq et que cette intervention ne correspond pas à des ressources d'État, est complètement fausse. A cet égard, elle se réfère, à titre complémentaire, à des articles de presse parus dans les journaux belges qui mentionnent explicitement la décision du Gouvernement wallon, et plus particulièrement du ministre-président de la Région wallonne, M. Collignon, d'apporter un soutien financier de 1,5 milliard de BFR aux Forges de Clabecq. Les informations fournies à la Commission par les autorités belges lors de la notification en juin 1996 confirmeraient, elles aussi, que c'est le ministre-président de la Région wallonne qui a mené la procédure décisionnelle concernant les Forges de Clabecq. Enfin, la même conclusion pourrait être tirée des mémoires déposés par la Région wallonne dans l'affaire T-70-97, déclarée irrecevable par ordonnance du Tribunal du 29 septembre 1997. Dans ces mémoires, la Région wallonne parle de "sa décision du mois de juin 1996" et affirme que "c'est la Région wallonne qui a piloté le projet et qui s'est déclarée prête à réaliser les investissements nécessaires".

58. En réponse aux arguments du Gouvernement belge, la défenderesse fait observer que la SWS a annexé à sa lettre du 23 juillet 1996 certains documents, rédigés par le ministère des Finances belge et par la SNCI et Belfin, desquels il ressort sans équivoque que les prêts SNCI et Belfin, ainsi que les échéances reportées de ceux-ci, étaient couverts par une garantie d'État.

59. La défenderesse rappelle, ensuite, que le principe de l'investisseur en économie de marché figure dans le Code des aides. Elle souligne que ce principe a été appliqué dans de nombreux cas pour déterminer s'il existe une aide d'État. La Commission examine notamment, dans les cas où une entreprise reçoit des ressources publiques, si un investisseur en économie de marché aurait procuré ces montants à des conditions similaires. Cette politique de la Commission aurait, par ailleurs, été approuvée par la Cour à plusieurs reprises.

60. Enfin, la défenderesse souligne qu'elle a appliqué ledit principe en tenant compte du dossier individuel de la requérante, et que l'article 83 du traité, invoqué par celle-ci, justifie précisément l'utilisation du critère de l'investisseur en économie de marché. Quant aux expertises, la défenderesse observe que celles-ci faisaient entièrement partie du dossier de notification que la Commission a reçu des autorités belges en juin 1996, et qu'elles étaient unanimes quant à la situation financière et commerciale désastreuse de la requérante. Elle fait remarquer aussi qu'elle a pleinement tenu compte de tous les éléments dégagés par ces expertises.

61. Dans son mémoire en réplique, la requérante précise que la question n'est pas de savoir si la Région wallonne a piloté le plan de relance, mais de savoir si la SWS, société de droit privé, ou son actionnaire, la Région wallonne, ont pris une décision économiquement justifiée par des logiques de marché ou s'il s'agit d'une décision purement politique et dénuée de justification économique rationnelle. La requérante estime, en d'autres mots, que "[l]a question n'est pas de savoir si la Région wallonne pilote le dossier mais bien d'apprécier de quelle manière elle le pilote. La Région wallonne est en l'espèce l'unique actionnaire de l'actionnaire, lui-même minoritaire en droits de vote, agissant temporairement comme actionnaire de référence de la société en difficulté".

Appréciation du Tribunal

62. Le Tribunal constate, liminairement, que l'exactitude des montants des interventions indiqués dans la décision litigieuse, dont certains sont nettement supérieurs à ceux initialement notifiés ou autrement déclarés par les autorités belges, n'est pas contestée par la requérante ou par les parties intervenantes.

63. Il convient de rappeler, ensuite, que la notion d'aide visée en l'article 4, sous c), du traité comprend les prestations en monnaie ou en nature accordées pour le soutien d'une entreprise en dehors du paiement, par l'acheteur ou l'utilisateur, des biens ou services qu'elle produit et, en outre, toute intervention qui allège les charges qui normalement grèvent le budget d'une entreprise (arrêt de la Cour du 23 février 1961, De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, 30-59, Rec. p. 1, 39). Or, manifestement, chacune des mesures visées par la décision litigieuse tombe sous cette notion.

64. D'abord, il est constant que l'apport en capital d'un montant de 1,5 milliard de BFR et les avances octroyées dans le cadre de cet apport ne constituaient pas un paiement de biens produits par la requérante mais des mesures visant la relance de l'entreprise. Lesdites mesures sont donc à considérer comme des prestations en monnaie accordées pour le soutien d'une entreprise et peuvent donc être qualifiées d'aide au sens de l'article 4, sous c), du traité.

65. Il est clair, ensuite, que les autres mesures visées par la décision litigieuse ont exempté la requérante de charges qu'elle aurait eu sinon à supporter. Par l'abandon de créances de prêts, la requérante s'est vue exonérée de certaines dettes qui pesaient sur son budget. De même, les garanties d'État pour les prêts SNCI et Belfin ainsi que les crédits-relais étaient de nature à réduire la pression sur le budget de la requérante.

66. D'ailleurs, afin de justifier les mesures prises en faveur de la requérante, la Région wallonne et la SWS ont fait valoir que ces mesures étaient indispensables pour redresser, voire même sauver l'entreprise (voir le point 54 ci-dessus). Cela démontre précisément que ces interventions avaient pour but d'alléger les problèmes financiers de la requérante, et qu'elles constituaient donc des mesures d'aide.

67. Il s'ensuit nécessairement que c'est à bon droit que la Commission a qualifié d'aide chacune des mesures visées par la décision litigieuse.

68. Quant à la question de savoir si ces aides sont de nature étatique, il convient de rappeler que, pour apprécier le caractère étatique d'une aide, il n'y a pas lieu de distinguer entre, d'une part, les cas où l'aide est accordée directement par l'État membre ou par une collectivité territoriale de celui-ci et, d'autre part, ceux où l'aide est accordée par un organisme public ou privé que l'État ou la collectivité territoriale institue ou désigne en vue de gérer l'aide (voir, par exemple, les arrêts de la Cour du 22 mars 1977, Steinike & Weinlig/Allemagne, 78-76, Rec. p. 595, point 21, et du 21 mars 1991, Italie/Commission, C-303-88, Rec. p. I-1433, point 11; voir également l'article 1er, paragraphe 2, du Code des aides).

69. A la lumière de cette jurisprudence, le Tribunal estime que le caractère étatique de l'apport en capital de 1,5 milliard de BFR, des avances accordées dans le cadre de cet apport et des abandons de créances de prêts est bien établi, du fait qu'il s'agit d'interventions de la SWS, qui est détenue à 100 % par la Région wallonne, qui sert, selon ses propres statuts, d'"outil privilégié de la politique de la Région wallonne", et qui a précisément été créée pour "favoriser, dans l'intérêt de l'économie régionale et compte tenu de la politique économique de la région, la création, la réorganisation ou l'extension d'entreprises privées" et pour "promouvoir l'initiative économique publique". Il ressort, en outre, du dossier que les comportements de la SWS en faveur de la requérante étaient directement liés à des délibérations au sein du Gouvernement wallon.Ainsi, dans une lettre adressée à la Commission, le ministre-président de la Région wallonne indique que, suite à la décision litigieuse de la Commission, "la Région wallonne a considéré que les conditions qui justifiaient sa décision du mois de juin 1996 de participer à ce projet de recapitalisation n'étaient plus remplies et qu'en conséquence elle ne pouvait plus charger la SWS d'apporter son soutien à l'entreprise" (annexe II au mémoire en duplique).

70. Quant aux prêts SNCI et Belfin, il y a lieu de constater d'abord que ce ne sont pas ces prêts que la Commission a qualifiés d'aides en tant que tels, mais les garanties d'État qui les couvrent.Il convient de constater ensuite que l'argument du Gouvernement belge, selon lequel il n'existait pas une garantie d'État pour les prêts Belfin, est contredit par une lettre du 25 juin 1996 adressée par Belfin à la requérante et annexée par la SWS à sa lettre du 23 juillet 1996 adressée à la Commission, selon laquelle l'accord de principe avec un report de trois ans du calendrier de remboursement du capital des crédits consentis à la requérante par Belfin était subordonné à la condition d'un "[a]ccord de l'État (crédit public) d'étendre sa garantie aux échéances reportées". Le caractère étatique de garanties d'État ne saurait pas non plus être valablement réfuté.

71. Quant au critère de l'investisseur privé en économie de marché, le Tribunal rappelle que, dans le cadre de l'appréciation de la compatibilité avec le marché commun de mesures prises par les autorités publiques en faveur d'une entreprise, il est pertinent d'appliquer ce critère, qui est basé sur les possibilités pour l'entreprise bénéficiaire d'obtenir les sommes en cause sur le marché des capitaux et qui consiste à savoir si un investisseur privé aurait réalisé l'opération en cause aux mêmes conditions (voir, par analogie, l'arrêt de la Cour du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C-142-87, Rec. p. I-959, point 26, et l'arrêt du Tribunal du 30 avril 1998, Cityflyer Express/Commission, T-16-96, Rec. p. II-757, point 51). Contester, comme le font la requérante et les parties intervenantes, la pertinence de ce critère dans le secteur de la sidérurgie, au motif que, dans la pratique, ce secteur a inévitablement besoin d'apports publics, revient à nier l'applicabilité de principe de l'interdiction énoncée à l'article 4, sous c), du traité, qui porte précisément sur les subventions et aides accordées par les États. Le Tribunal estime que le critère de l'investisseur privé en économie de marché est tout aussi pertinent dans le cadre de l'article 4 du traité CECA que dans le cadre de l'article 92 du traité CE, dans la mesure où il sert à détecter des avantages qui faussent ou menacent de fausser la concurrence. Le critère est, par ailleurs, inscrit à l'article 1er, paragraphe 2, du Code des aides, et la légalité de ce Code n'est pas contestée par la requérante sous cet angle.

72. Il ressort des pièces fournies au Tribunal dans le cas d'espèce, et notamment de la lettre de notification (annexe 3 à la requête), que les mesures en faveur de la requérante ont été prises pour "assurer le maintien des activités" de celle-ci, et que la SWS a dû servir d'exécuteur de ces mesures, au motif que Socindus, société regroupant les intérêts des actionnaires-gestionnaires privés familiaux et considérée comme l'actionnaire privé responsable de la gestion de l'entreprise, s'est retirée de celle-ci. Il ressort de la même pièce que, en dépit des crédits d'investissement obtenus par la requérante pendant les années 80 et 90 (voir les points 8 et 9 ci-dessus), la situation concurrentielle et financière de celle-ci ne cessait de se détériorer. Il y a toutes les raisons de penser que, dans de telles circonstances, les possibilités pour la requérante de trouver un investisseur privé disposé à injecter dans l'entreprise des sommes aussi importantes que les sommes publiques visées par la décision litigieuse, étaient négligables voire inexistantes. A cet égard, le fait que la bourse a réagi favorablement sur les interventions financières prises en faveur de la requérante, n'équivaut pas à un indice de ce que des actionnaires privés auraient fait eux-mêmes une injection financière de cette ampleur dans l'entreprise. Aussi, les mesures prises en faveur de la requérante n'étaient pas des apports à risque selon les pratiques normales des sociétés en économie de marché, mais constituaient, bien au contraire, des mesures d'urgence visant la survie de l'entreprise. Cette appréciation est, par ailleurs, corroborée par le fait que, le lendemain du jour où elle a pris connaissance du refus de la Commission d'autoriser ces interventions, la requérante a fait aveu de sa faillite.

73. Enfin, contrairement à ce que suggère la requérante, ni la circonstance que la SWS était un actionnaire de l'entreprise au moment où elle a mis en œuvre les interventions susmentionnées en faveur de celle-ci ni l'article 83 du traité ne sauraient faire obstacle à ce que ces interventions soient qualifiées d'aides d'État. En effet, le fait que l'article 83 dispose que "[l]'institution de la Communauté ne préjuge en rien le régime de propriété des entreprises" n'empêche pas que l'article 4 du traité puisse être opposé aux autorités étatiques qui, en tant qu'actionnaires d'entreprises, prennent des mesures qui ne sont pas des apports à risque selon les pratiques normales de sociétés en économie de marché. Il convient de constater, à cet égard, que la décision attaquée est dirigée contre les interventions financières en faveur de la requérante et non pas contre la qualité d'actionnaire de la SWS en tant que telle (voir ci-dessus le point 18).

74. Il ressort de toutes ces considérations que l'appréciation de la Commission, selon laquelle les mesures concernées n'étaient pas des apports à risque selon la pratique normale des investisseurs en économie de marché et devaient donc être considérées comme des aides étatiques au sens de l'article 1er, paragraphe 2, du Code des aides et selon l'article 4, sous c), du traité, ne saurait être considérée comme manifestement erronée.

75. Il s'ensuit que c'est à bon droit que la Commission a qualifié d'apport public chacune des mesures prises en faveur de la requérante et visées par la décision litigieuse. Par conséquent, le premier moyen d'annulation doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen d'annulation, tiré d'une violation de l'article 95 du traité

Arguments des parties

76. La Région wallonne et la SWS font observer que, comme la Commission l'a reconnu elle-même dans sa décision, les mesures d'intervention en faveur de la requérante n'entraient pas dans le champ d'application des articles 2 à 5 du Code des aides. Dans ces circonstances, la Commission aurait dû, en application de l'article 95 du traité, saisir le Conseil afin d'obtenir l'avis de celui-ci sur une éventuelle approbation de ces mesures.

77. La défenderesse rappelle que, dans le cadre de l'article 95 du traité, elle dispose d'un pouvoir discrétionnaire qu'elle doit utiliser aux fins de l'intérêt commun. L'exercice de ce pouvoir ne peut être sanctionné que si l'existence d'une inexactitude matérielle ou d'une erreur manifeste d'appréciation a été démontrée. Une telle démonstration n'aurait pas été faite par les parties intervenantes.

Appréciation du Tribunal

78. Le Tribunal constate, liminairement, que les parties n'ont pas contesté que les mesures en cause ne relevaient d'aucune des catégories d'aides visées par les articles 2 à 5 du Code des aides (voir ci-dessus point 5).

79. Le Tribunal rappelle, ensuite, que l'article 4, sous c), du traité n'interdit pas à la Commission d'autoriser, à titre dérogatoire, des aides d'État qui ne relèvent pas des catégories visées par le Code des aides, en se fondant sur l'article 95, premier et deuxième alinéas, du traité (arrêt du Tribunal du 24 octobre 1997, EISA/Commission, T-239-94, Rec. p. II-1839, points 63 et 72). Toutefois, contrairement à ce que suggèrent la Région wallonne et la SWS, il ne s'agit pas d'une obligation de la Commission, mais seulement d'un pouvoir discrétionnaire que celle-ci exerce lorsqu'elle est d'avis que l'aide notifiée est nécessaire aux fins de la réalisation des objectifs du traité, et cela notamment en vue de faire face à des situations imprévues (arrêt EISA/Commission, précité, mêmes points). Il s'ensuit que la Commission, qui doit agir dans l'intérêt communautaire, ne peut utiliser ce pouvoir qu'à titre d'exception. Cette interprétation est, par ailleurs, corroborée par le principe posé dans l'article 1er, paragraphe 1, du Code des aides, selon lequel les mesures d'aides en faveur de la sidérurgie ne peuvent être considérées comme compatibles avec le bon fonctionnement du marché commun que si elles satisfont aux dispositions des articles 2 à 5 du Code des aides (arrêt du Tribunal du 25 septembre 1997, UK Steel Association/Commission, T-150-95, Rec. p. II-1433, point 95). Un tel régime vise précisément à assurer des conditions de concurrence équitables au sein du secteur de la sidérurgie (même arrêt, point 118; point I, cinquième alinéa, des considérants du Code des aides).

80. Il convient de rappeler, enfin, qu'une violation du traité en raison d'une appréciation erronée d'une situation découlant de faits ou de circonstances économiques ne saurait être constatée que si un détournement de pouvoir de la part de la Commission ou une erreur évidente dans l'appréciation, au regard des dispositions du traité, de la situation au vu de laquelle la décision de la Commission est intervenue a été démontré (arrêt de la Cour du 12 février 1960, Société métallurgique de Knutange/Haute Autorité, 15-59 et 29-59, Rec. p. 9, 28; ordonnance du président de la Cour du 3 mai 1996, Allemagne/Commission, C-399-95 R, Rec. p. I-2441, points 61 et 62).

81. Le Tribunal estime que, en l'espèce, rien ne permet de penser que la Commission a commis une erreur évidente en s'abstenant d'autoriser, à titre dérogatoire, les aides en cause. Bien au contraire, au regard du fait que, en dépit de multiples interventions importantes en faveur de la requérante, celle-ci se trouvait presque en situation de faillite, il n'était pas déraisonnable pour la Commission de considérer que les nouvelles mesures envisagées n'assuraient pas, à quel terme que ce soit, la viabilité de l'entreprise et qu'il n'y avait donc aucun objectif dans le traité qui rendait nécessaire l'autorisation de ces mesures. En outre, la situation dans laquelle la requérante se trouvait lors de l'allocation des mesures d'aides était prévisible.

82. Les expertises rédigées en 1996 au sujet de la situation de l'entreprise et des mesures à prendre confirment ces appréciations. Dans le rapport Laplace Conseil, il est constaté que "[l]a cause de [la situation grave de l'entreprise] se trouve à l'intérieur des Forges de Clabecq, dans le système de déresponsabilisation en chaîne de tous les acteurs: actionnaires, administrateurs, direction, encadrement, maîtrise et représentants des travailleurs. Ce système a bloqué l'évolution de la gestion des hommes, donc de la compétitivité de l'entreprise, au cours des 20 dernières années". Il y est constaté ensuite que "[l]es Forges de Clabecq sont dans la situation de loin la plus critique parmi les sidérurgistes wallons" et que, à la lumière de cette situation, "[l]a restructuration proposée n'est pas une panacée" et servirait, tout au plus, à "donner du temps [...] pour réaliser les transitions industrielles et sociales nécessaires". Parmi ces transitions nécessaires, le rapport mentionnait, entre autres, une "réduction de l'effectif de l'ordre de 650 personnes, avant la fin de 1996". Le rapport Gandois constatait que la requérante "est exsangue et ne survit que grâce à l'appui de la Région wallonne", et estimait qu'une recapitalisation de 4,5 milliards de BFR serait nécessaire pour avoir une chance réelle de redresser l'entreprise. Il déconseillait toutefois une telle recapitalisation, au motif qu'il "s'agirait d'une aide publique interdite, créant une discrimination manifeste dans la concurrence entre les divers acteurs du marché sidérurgique. Il est évident que l'économie de marché ne peut pas fonctionner si chaque État est libre d'aider une entreprise comme il veut". Il concluait: "Les Forges de Clabecq ne poursuivent aujourd'hui leur activité que grâce au soutien de l'un de leurs actionnaires qui est la Région wallonne. Cette situation ne peut pas durer. Dans la meilleure des hypothèses, on pourra maintenir sur le site une activité occupant 600 à 700 personnes." Rien ne permet, par ailleurs, de constater que ce rapport était partial.

83. Il s'ensuit qu'il ne saurait être constaté que la Commission a commis une erreur évidente en décidant de ne pas autoriser les aides en cause au motif qu'aucun objectif du traité ne rendait nécessaire leur autorisation. Par conséquent, le deuxième moyen d'annulation doit également être rejeté.

Sur le troisième moyen d'annulation, tiré d'une violation du principe de sécurité juridique

Arguments des parties

84. Le Gouvernement belge souligne que les garanties d'État critiquées par la Commission dans la décision attaquée sont, en réalité, celles qui portaient sur, d'une part, une tranche de 680 millions de BFR du premier crédit d'investissement accordé à la requérante au début des années 80 et, d'autre part, sur le dernier crédit de 650 millions de BFR, accordé à la requérante en 1985. Il fait remarquer que ces deux crédits ont été autorisés, sous certaines conditions, respectivement par décision de la Commission du 16 décembre 1982 (ci-après "décision de 1982") et par décision de la Commission du 31 juillet 1985 (ci-après "décision de 1985"). En 1986, la Commission aurait même confirmé son autorisation, malgré le fait qu'un seuil financier fixé par ses soins avait été dépassé.

85. Le Gouvernement belge estime que, dans ces circonstances, il n'était pas permis à la Commission d'examiner ces mêmes mesures d'intervention à la lumière du Code des aides actuellement en vigueur, de conclure à l'illégalité de celles-ci et d'ordonner leur restitution. A cet égard, il souligne qu'il a respecté les conditions d'approbation posées par la Commission en 1982 et en 1985 et qu'en tout état de cause la Commission n'a jamais pris de mesure de sanction au motif de leur violation.

86. Le Gouvernement belge ajoute que son argumentation n'est pas mise en cause par les différents rééchelonnements de remboursement qui sont intervenus à l'égard desdits crédits. Notamment, les différents reports d'échéance auraient étendu et donc modifié les garanties d'État seulement d'une façon minimale; par conséquent, la Commission n'aurait pas le droit de remettre en cause son approbation de ces garanties. Dans sa décision, elle aurait, de toute façon, dû prendre position exclusivement sur les extensions des garanties initiales, et non pas sur les garanties en leur totalité.

87. La défenderesse fait remarquer que l'argumentation développée par le Gouvernement belge n'a été présentée par celui-ci ni en réponse à sa mise en demeure par la Commission dans le cadre de la procédure de l'article 6, paragraphe 4, du Code des aides, ni dans une autre phase de la procédure précontentieuse. La défenderesse rappelle, à cet égard, le principe de la stricte concordance entre les moyens énoncés dans la procédure administrative et ceux développés dans le cadre du recours. Par ailleurs, la décision de la Commission d'ouvrir la procédure de l'article 6, paragraphe 4, du Code des aides, faisait déjà clairement comprendre que les garanties d'État pour les prêts SNCI et Belfin n'étaient pas considérées comme couvertes par une autorisation préalable de la Commission.

88. La décision litigieuse serait, en outre, un acte confirmatif par rapport à la décision d'ouvrir la procédure d'examen, qui est un acte attaquable.

89. Enfin, la partie intervenante aurait, par cette argumentation, modifié le cadre du litige. Elle n'aurait donc pas accepté le litige dans l'état où il se trouve lors de son intervention.

90. Pour toutes ces raisons, le présent moyen serait irrecevable.

91. A l'audience, le Gouvernement belge a souligné qu'il a, en sa qualité de partie intervenante au litige, le droit de présenter tout moyen juridique à l'appui des conclusions de la requérante. Le fait qu'il n'a pas présenté certains arguments en réponse à la lettre de mise en demeure que la Commission lui avait envoyée, ne serait pas pertinent.

Appréciation du Tribunal

92. Il convient de constater liminairement que, contrairement à ce que maintient la défenderesse, le Gouvernement belge n'a pas déformé le cadre du litige en soulevant un moyen d'annulation qui n'est pas soulevé par la requérante. Ainsi qu'il résulte du libellé de l'article 116, paragraphe 4, du règlement de procédure, l'intervenant ne peut pas élargir les conclusions de la partie au soutien desquelles il intervient, mais il peut choisir librement les moyens et arguments qu'il invoque en faveur desdites conclusions.

93. Cette liberté de choix n'est, par ailleurs, pas limitée aux arguments invoqués au stade de la procédure administrative. Certes, le Gouvernement belge ne pourrait pas se prévaloir d'éléments factuels qui n'étaient pas connus par la Commission et qu'il n'aurait pas voulu signaler à celle-ci lors de la procédure administrative (voir l'arrêt de la Cour du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, C-278-92, C-279-92 et C-280-92, Rec. p. I-4103, point 31), mais rien ne l'empêche de développer, à l'encontre de la décision finale, un moyen juridique non soulevé au stade de la procédure administrative.

94. Contrairement à ce que la défenderesse a suggéré dans ses mémoires, la règle appliquée par la Cour et le Tribunal en matière de concordance entre les moyens développés dans le cadre de la procédure précontentieuse, d'une part, et dans le cadre du recours, d'autre part (voir, par exemple, l'arrêt du Tribunal du 29 mars 1990, Alexandrakis/Commission, T-57-89, Rec. p. II-143, points 8 et 9, et l'arrêt de la Cour du 17 novembre 1992, Commission/Grèce, C-105-91, Rec. p. I-5871, point 12), n'est pas une règle générale. Elle ne s'applique pas au-delà de ce qui découle nécessairement de certaines dispositions, comme, en matière de fonction publique, l'article 91, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes et, en matière de recours en manquement, l'article 169 du traité CE. Par ailleurs, même dans le régime spécifique institué par l'article 169 du traité CE, la règle de concordance n'est pas opposée à l'État membre, qui ne se trouve donc pas dans l'obligation de limiter ses arguments en justice à ceux présentés à titre d'observations pendant la procédure précontentieuse.

95. Enfin, il convient de rappeler que les décisions finales prises par la Commission en matière d'aide d'État produisent des effets juridiques propres et que les personnes intéressées peuvent donc agir en justice à l'encontre d'une telle décision, qu'elles aient ou non attaqué la décision d'ouvrir la procédure d'examen des aides litigieuses (arrêt du Tribunal du 31 mars 1998, Preussag Stahl/Commission, T-129-96, Rec. p. II-609, point 31). Par conséquent, contrairement à ce que maintient la défenderesse, le fait que le Royaume de Belgique n'a pas attaqué en justice la décision de la Commission d'ouvrir la procédure d'examen contre les interventions en faveur de la requérante n'empêche pas qu'il puisse agir en tant que partie intervenante au recours introduit contre la décision finale prise par la Commission.

96. Il résulte de toutes ces considérations liminaires que le présent moyen doit être examiné au fond.

97. Selon une jurisprudence constante, le principe de sécurité juridique vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit communautaire (arrêt de la Cour du 15 février 1996, Duff e.a., C-63-93, Rec. p. I-569, point 20). A cette fin, il est essentiel que les institutions communautaires respectent l'intangibilité des actes qu'elles ont adoptés et qui affectent la situation juridique et matérielle des sujets de droit, de sorte qu'elles ne pourront modifier ces actes que dans le respect des règles de compétence et de procédure (arrêt du Tribunal du 21 octobre 1997, Deutsche Bahn/Commission, T-229-94, Rec. p. II- 1689, point 113).

98. Toutefois, une violation de ce principe ne saurait utilement être invoquée si le sujet de droit, dont la situation juridique et matérielle était affectée par l'acte en cause, n'a pas respecté les conditions formulées par celui-ci (arrêt du Tribunal du 15 octobre 1997, IPK/Commission, T-331-94, Rec. p. II-1665, point 45).

99. En l'espèce, force est de constater que, en 1996, aucune des garanties d'État sur les prêts SNCI et Belfin ne relevait plus de l'autorisation donnée par la Commission dans ses décisions de 1982 et de 1985. En effet, dans les années qui ont suivi lesdites décisions, les autorités belges ont apporté certaines modifications importantes aux conditions de remboursement de ces prêts, particulièrement favorables à la requérante. Il ressort notamment des explications données à cet égard par le Gouvernement belge (mémoire en intervention, point 12) que l'État belge a repris un montant de 198 millions de BFR sur le crédit de 680 millions de BFR et qu'il a permis le report de plusieurs années des échéances des divers crédits SNCI et des garanties d'État attachées à ceux-ci.

100. Ces modifications n'ont pas été notifiées à la Commission et ne sauraient être considérées comme compatibles avec les conditions auxquelles les autorisations de 1982 et de 1985 étaient subordonnées. Dans la décision de 1982, la Commission avait indiqué au Gouvernement belge que l'autorisation de la mesure notifiée devait épuiser la possibilité pour la requérante de continuer à chercher des solutions pour ses problèmes dans l'assistance financière de l'État; cette modalité de la décision d'autorisation est clairement méconnue par les modifications apportées ensuite par les autorités belges à la mesure autorisée. Dans la décision de 1985, la Commission précisait que les aides autorisées devaient être effectuées avant le 31 décembre 1985, modalité qui excluait d'apporter ultérieurement, en faveur de la requérante, des changements importants au régime de prêt autorisé. De toute façon, manifestement, les autorisations de la Commission en matière d'aides d'État ne peuvent porter que sur les mesures telles que notifiées et ne sauraient être considérées comme conservant leurs effets au-delà de la période initialement prévue pour l'exécution de ces mesures.

101. Dans ces circonstances, le troisième moyen d'annulation, tiré d'une méconnaissance des décisions de 1982 et 1985, ne saurait être accueilli.

Sur le quatrième moyen d'annulation, tiré d'une insuffisance de motivation

Arguments des parties

102. La requérante observe que la décision litigieuse est étayée par des assertions fausses et que la Commission n'expose pas les raisons pour lesquelles elle n'a pas jugé pertinentes les contestations de ces assertions. Par exemple, la Commission aurait affirmé dans sa décision, sans motivation aucune, que la Région wallonne avait décidé de prendre le contrôle de l'entreprise, que le plan de relance avait été déconseillé par un expert indépendant et que le désengagement de l'actionnaire Socindus était imputable aux mauvaises perspectives de rentabilité de l'entreprise.

103. La requérante conclut que la décision est entachée d'un défaut de motivation.

104. Le Gouvernement belge expose que la décision est entachée d'un défaut de motivation dans la mesure où la Commission sanctionne les prêts SNCI et Belfin, sans préciser quels prêts elle vise exactement et sans préciser quel serait l'élément d'aide dans les garanties d'État attachées à ces prêts. Il estime que, dans ces circonstances, il n'est pas possible de comprendre la portée du dispositif de la décision, selon lequel "[l]a Belgique est tenue de supprimer les aides mentionnées à l'article 1er et d'exiger la restitution des aides illégales déjà versées, avec des intérêts depuis la date de versement".

105. La Région wallonne et la SWS sont d'avis que la Commission a mal motivé sa décision dans la mesure où elle a appliqué des principes draconiens et théoriques sans tenir compte des conséquences économiques et sociales de sa décision.

106. En réponse à l'argumentation de la requérante en ce qu'elle porte en substance sur l'exactitude de certaines assertions factuelles dans la décision litigieuse, la Commission se réfère à son argumentation développée dans le cadre de sa réfutation des premier et deuxième moyens.

107. Pour le reste, elle souligne que son analyse juridique et économique du cas de la requérante est exposée de manière adéquate dans la décision.

Appréciation du Tribunal

108. L'article 15, premier alinéa, du traité dispose que les décisions de la Commission doivent être motivées. Selon une jurisprudence constante, la motivation doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge communautaire d'exercer son contrôle. Il n'est toutefois pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la motivation doit être appréciée non seulement au regard du libellé de l'acte, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du Tribunal du 24 octobre 1997, British Steel/Commission, T-243-94, Rec. p. II-1887, points 159 et 160; arrêt Hoogovens Groep/Commission, précité, point 24).

109. Le Tribunal constate que, d'une part, les arguments de la requérante tirés d'une insuffisance de motivation consistent essentiellement à reprocher à la Commission de ne pas avoir apprécié correctement certains faits et que, d'autre part, les arguments de la Région wallonne et de la SWS tendent à reprocher à la Commission de ne pas avoir tenu compte, dans sa décision, des conséquences économiques et sociales de son appréciation. Manifestement, ces arguments ne concernent pas la présence d'une motivation, mais l'exactitude de celle-ci. Ces arguments ne font donc pas réellement appel à l'obligation de motivation (voir, à cet égard, l'arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367-95 P, Rec. p. I-1719, points 66 et 67, et l'arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Buchmann/Commission, T-295-94, Rec. p. II-813, point 45). Ils s'intègrent plutôt, respectivement, aux premier et sixième moyens d'annulation.

110. Dans le cadre du présent moyen, il suffit de constater que la requérante a été en mesure de vérifier le bien-fondé de la décision attaquée et de défendre ses droits, et que le Tribunal est en mesure d'exercer son contrôle à cet égard (voir, à cet égard, l'arrêt Preussag Stahl/Commission, précité, point 93). Dans la décision litigieuse, la Commission a abondamment exposé les éléments factuels de l'espèce et les arguments des autorités belges tels qu'elle les a compris ainsi que son appréciation juridique de chacune des interventions en faveur de la requérante. Elle a amplement exposé les raisons pour lesquelles elle considérait que les interventions en cause constituaient des aides d'État et étaient incompatibles avec le marché commun. Quant aux prêts SNCI et Belfin, le Gouvernement belge ne saurait faire valoir qu'il lui est impossible de savoir quels prêts sont concernés. Il ressort clairement de la décision attaquée que l'ensemble des garanties attachées à l'ensemble des prêts Belfin et SNCI est visé.

111. Il résulte de ce qui précède que le quatrième moyen d'annulation doit être rejeté.

Sur le cinquième moyen d'annulation, tiré d'une violation des droits de la défense

Arguments des parties

112. La requérante, la Région wallonne et la SWS font observer que la Commission s'est abstenue d'entrer en dialogue avec la SWS avant de prendre sa décision, alors que la SWS lui avait fait savoir qu'elle était disposée à donner des informations complémentaires ou à réaménager partiellement le plan de relance envisagé. La requérante s'étonne, en particulier, du fait que la Commission n'a pas posé de questions sur les rapports de Laplace Conseil et de Davy Clecim ou sur la prétendue immixtion de la Région Wallonne dans l'opération projetée.

113. La requérante expose en outre que, dans le cas où la procédure d'examen ne porte pas sur des interventions directes de l'État membre, mais plutôt sur la participation d'un autre opérateur, il est essentiel que non seulement l'État membre mais également cet autre opérateur soit en mesure de faire valoir utilement son point de vue.

114. Dans ces circonstances, les droits de la défense n'auraient pas été suffisamment respectés.

115. Le Gouvernement belge soutient cette argumentation.

116. La défenderesse expose que, lors d'une procédure engagée par la Commission en vertu de l'article 6, paragraphe 4, du Code des aides, l'État membre concerné est l'interlocuteur principal de la Commission, étant donné que la décision prise par cette dernière lui sera adressée. Quant aux tiers intéressés, ils doivent être mis en demeure de présenter leurs observations. La défenderesse souligne que, dans le cas d'espèce, elle a pleinement respecté ces principes.

Appréciation du Tribunal

117. En vertu de l'article 6, paragraphe 4, du Code des aides, la Commission doit mettre les intéressés en demeure de présenter leurs observations, avant de constater qu'une aide est incompatible avec le marché commun. Dans le cas d'espèce, la Commission a rempli cette obligation. Le 11 octobre 1996, elle a publié au Journal officiel une communication par laquelle elle a mis en demeure le Gouvernement belge de présenter ses observations et invité les autres États membres et les autres intéressés à présenter leurs observations dans un délai d'un mois (voir point 17 ci-dessus). Après l'expiration de ce délai, la Commission a transmis les observations reçues aux autorités belges.

118. Le Tribunal estime que, dans ces circonstances, la requérante et les parties intervenantes ne sauraient faire valoir une méconnaissance des droits procéduraux de la SWS. En particulier, il n'y a aucune raison de reprocher à la Commission d'avoir demandé des informations complémentaires aux autorités belges et non à la Région wallonne ou à la SWS. Comme la Commission l'a fait observer à juste titre dans ses mémoires, sa façon de procéder était pleinement justifiée, étant donné que les décisions finales en matière d'aides d'État doivent être adressées aux États membres. Il ressort, par ailleurs, du dossier que la SWS et la Région wallonne ont participé à la procédure administrative qui a précédé la décision attaquée. Par exemple, plusieurs pièces fournies à la Commission par la représentation permanente de la Belgique auprès de l'Union européenne ont été rédigées par la SWS.

119. Du reste, il suffit de constater que la SWS et la Région wallonne ont eu l'occasion, en tant qu'intéressés, de présenter des observations en réponse à la communication publiée par la Commission au Journal officiel.

120. Il y a lieu, pour les raisons exposées ci-dessus, de rejeter également le cinquième moyen d'annulation.

Sur le sixième moyen d'annulation, tiré d'une violation du droit fondamental au travail, des préambules et objectifs des traités CECA et CE et du principe de proportionnalité

Arguments des parties

121. La requérante, la Région wallonne et la SWS soutiennent que les motifs à l'appui de la décision litigieuse vont à l'encontre de principes fondamentaux, notamment le droit au travail.

122. A cet égard, la Région wallonne et la SWS exposent que la Commission n'a en aucune manière tenu compte des incidences que sa décision pourrait avoir sur la mise au chômage des travailleurs de la requérante et sur la situation sociale dans la région. La Commission aurait ainsi méconnu le droit au travail, qui est reconnu par le Conseil européen, et dans plusieurs instruments internationaux, tels que la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et la charte sociale européenne. Elles soulignent qu'il s'agit d'un droit fondamental qui fait, par conséquent, partie de l'ordre juridique communautaire. Selon elles, une décision en matière d'aides d'État doit non seulement satisfaire à des critères tenant au respect de la libre concurrence, mais également se baser sur des considérations de nature humaine et sociale.

123. En raison de son refus de tenir compte des conséquences graves de sa décision sur le plan social, la Commission aurait également méconnu le principe de proportionnalité, qui exige que, lorsqu'un choix s'offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et de veiller à ce que les charges imposées ne soient pas démesurées par rapport aux buts visés.

124. En causant des licenciements, la Commission aurait, enfin, méconnu le préambule du traité CECA, par lequel les États membres expriment leur souci "de concourir par l'expansion de leurs productions fondamentales au relèvement du niveau de vie et au progrès des œuvres de paix", l'article 2 du traité CECA, selon lequel la Communauté doit sauvegarder "la continuité de l'emploi" et éviter "de provoquer dans les économies des États membres des troubles fondamentaux et persistants", et les objectifs semblables énoncés au préambule et à l'article 2 du traité CE.

125. Le Gouvernement belge soutient ce moyen.

126. La défenderesse fait remarquer que, dans la requête, ce moyen est formulé d'une façon totalement abstraite et indéfinie. Par conséquent, elle demande au Tribunal de le déclarer irrecevable, au motif qu'elle n'a pas été en mesure de défendre ses intérêts.

127. Quant aux arguments soulevés par la Région wallonne et la SWS, la Commission observe que ceux-ci manquent de pertinence, étant donné qu'elle n'est pas en mesure de s'écarter du traité, du Code des aides et de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal. Elle fait remarquer, par ailleurs, que les parties intervenantes n'ont pas contesté la légalité du Code des aides.

Appréciation du Tribunal

128. Compte tenu de la situation précaire de l'entreprise concernée, il était prévisible que la décision litigieuse provoquerait sa faillite et entraînerait des conséquences sociales importantes. Toutefois, comme il vient d'être jugé dans le cadre du deuxième moyen, la Commission a pu raisonnablement conclure que les aides envisagées ne pouvaient, de toute façon, pas assurer un rétablissement de la viabilité de l'entreprise. Or, manifestement, le droit au travail et l'article 2 du traité ne sauraient être interprétés en ce sens que la Commission aurait l'obligation d'autoriser des aides publiques en faveur d'une entreprise sans viabilité commerciale ou financière, seulement pour assurer, artificiellement, le maintien de l'emploi dans cette entreprise. Une telle interprétation serait incompatible avec le principe de proportionnalité, qui, en matière d'aides d'État, exige entre autres qu'une situation de saine concurrence dans le marché commun soit maintenue (voir, par analogie, l'arrêt Cityflyer Express/Commission, précité, point 55). La CECA ayant pour mission d'établir un marché commun harmonieux (article 2 du traité) et devant, en principe, considérer comme incompatible avec ce marché commun les aides d'État sous quelque forme que ce soit (article 4 du traité), la Commission ne saurait autoriser une aide en faveur d'une entreprise sans perspectives de viabilité et perturber ainsi l'équilibre dans le marché commun en infligeant un désavantage sans justification économique aux entreprises sidérurgiques concurrentes.

129. Il s'ensuit que le sixième moyen d'annulation doit être rejeté.

Sur le septième moyen d'annulation, tiré d'une violation du principe d'égalité de traitement

Arguments des parties

130. La Région wallonne et la SWS font remarquer que le traité CE et les lignes directrices développées par la Commission en matière d'aides d'État sont beaucoup plus souples que les règles en matière d'aides d'États formulées par le traité CECA et le Code des aides. Selon elles, il est probable que les mesures d'intervention en faveur de la requérante auraient été autorisées si celles-ci étaient tombées sous l'application du traité CE. Dès lors, en refusant d'interpréter la réglementation CECA à la lumière de la réglementation CE et de tenir compte du fait que le traité CECA ne sera plus en vigueur dans quelques années, la Commission aurait méconnu le principe d'égalité de traitement.

131. La défenderesse fait observer que cette argumentation méconnaît l'article 232 du traité CE.

Appréciation du Tribunal

132. Il résulte de l'article 232 du traité CE que les dispositions de ce traité ne modifient pas celles du traité CECA, qui, en conséquence, conservent leur champ d'application propre (arrêt de la Cour du 24 octobre 1985, Gerlach, 239-84, Rec. p. 3507, point 9; ordonnance du Tribunal du 29 septembre 1997, D'Orazio et Hublau/Commission, T-4-97, Rec. p. II-1505, point 18). Par conséquent, le moyen tiré du principe d'égalité de traitement et du fait que les règles CE en matière d'aides d'État seraient plus souples que celles formulées par le traité CECA et le Code des aides adopté par la Commission doit être jugé non fondé.

133. Le septième moyen d'annulation doit également être rejeté.

Sur le premier moyen d'illégalité, tiré d'une violation de l'article 95, troisième et quatrième alinéas, du traité

Arguments des parties

134. La requérante expose que l'adoption d'un Code des aides emporte une modification importante des pouvoirs de la Commission, en autorisant celle-ci à examiner des aides, à ouvrir une procédure contradictoire à cet effet et, le cas échéant, à autoriser des aides et à surveiller leur exécution. Or, toute modification ou aménagement des pouvoirs de la Commission relèverait du champ d'application de l'article 95, troisième et quatrième alinéas, du traité. La Commission aurait méconnu ces dispositions, en basant l'adoption du Code sur les autres dispositions de l'article 95 du traité. La requérante estime, par ailleurs, que le Code des aides ne concerne pas des "cas non prévus au [...] traité". En effet, les aides financières communautaires et les actions sur la production sont expressément prévues par les articles 54 et 57 du traité.

135. La Commission rappelle que l'article 95, premier et deuxième alinéas, du traité permet de combler des lacunes dans ses moyens d'action, en lui donnant la possibilité de prendre, sur avis conforme du Conseil, une décision qui apparaît nécessaire pour réaliser l'un des objets de la Communauté définis aux articles 2, 3 et 4 du traité, tandis que l'article 95, troisième et quatrième alinéas, du traité permet de modifier et de réviser les règles du traité relatives à l'exercice de ses pouvoirs. Selon elle, le Code des aides correspond aux premier et deuxième alinéas dudit article, en ce qu'il vise à mettre en place, pour réaliser le bon fonctionnement du marché commun, un système communautaire permettant d'assurer l'octroi de certains types d'aides à la sidérurgie communautaire.

Appréciation du Tribunal

136. La Commission est habilitée, en vertu de l'article 95, premier et deuxième alinéas, du traité à adopter, dans tous les cas non prévus au présent traité, toute décision générale ou individuelle nécessaire à la réalisation des objectifs de celui-ci. En effet, lesdites dispositions habilitent la Commission à adopter une décision ou une recommandation sur avis conforme du Conseil, statuant à l'unanimité et après consultation du comité consultatif CECA, dans tous les cas non prévus par le traité dans lesquels cette décision ou cette recommandation apparaît nécessaire pour réaliser, dans le fonctionnement du marché commun du charbon et de l'acier et conformément aux dispositions de l'article 5, l'un des objectifs de la Communauté, tels qu'ils sont définis aux articles 2, 3 et 4. Il s'ensuit que, dans la mesure où, à la différence du traité CE, le traité CECA n'attribue à la Commission ou au Conseil aucun pouvoir spécifique en vue d'autoriser les aides d'État, la Commission est habilitée, en vertu de l'article 95, premier et deuxième alinéas, à prendre toutes les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs du traité et, partant, à autoriser, suivant la procédure qu'il instaure, les aides qui lui paraissent nécessaires pour atteindre ces objectifs. La Commission est ainsi compétente, en l'absence de disposition spécifique du traité, pour adopter toute décision générale ou individuelle nécessaire à la réalisation des objectifs de celui-ci. L'article 95, premier et deuxième alinéas, ne comporte aucune précision relative à la portée des décisions que cette institution est habilitée à arrêter (arrêt EISA/Commission, précité, points 64 et 65). L'adoption d'un Code des aides relève précisément de cette compétence conférée à la Commission par l'article 95, premier et deuxième alinéas, du traité (même arrêt, points 66 et 72).

137. Il s'ensuit que le premier moyen d'illégalité doit être rejeté.

Sur le deuxième moyen d'illégalité, tiré d'une violation de l'article 67 du traité et, pour autant que de besoin, des articles 92 et 93 du traité CEE

Arguments des parties

138. La requérante fait remarquer que le Code des aides porte non seulement sur des aides accordées à des bénéficiaires spécifiques, mais aussi sur des aides non spécifiques, comme celles destinées à la recherche, au développement, à la protection de l'environnement, ou à l'aide à certaines régions défavorisées. Selon la requérante, ces matières n'entrent pas dans le champ d'application du traité CECA mais relèvent plutôt des articles 92 et 93 du traité CEE.

139. La requérante estime aussi que le Code des aides est incompatible avec l'article 67 du traité CECA. Elle estime que "les aides générales, susceptibles d'avoir des répercussions sensibles sur la concurrence dans les marchés communs du charbon et de l'acier, n'ont pas été profondément touchées par le traité CECA [...] Tout au plus l'article 67 du traité a habilité la Commission, après consultation du comité consultatif et du Conseil, à [...] adresser [aux États membres] des recommandations, lorsque leurs actions étaient de nature à provoquer un déséquilibre grave".

140. La défenderesse rappelle que l'article 4, sous c), et l'article 67 du traité visent deux domaines distincts, le premier interdisant certaines interventions des États membres dans le domaine que le traité soumet à la compétence communautaire, le second tendant à parer aux atteintes à la concurrence dans l'exercice des pouvoirs retenus par les États membres.

Appréciation du Tribunal

141. Comme il vient d'être jugé dans le cadre du premier moyen d'illégalité, l'article 95, premier et deuxième alinéas, du traité constituait la base juridique appropriée pour l'adoption du Code des aides. Manifestement, un Code instituant certaines règles générales en matière d'aides à la sidérurgie ne pourrait être adopté sur la base du traité CE. L'article 67 ne pouvait pas non plus servir de base juridique, étant donné que cet article ne relève pas de la matière des aides d'État (arrêt De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, précité, p. 42 et 43).

142. Il s'ensuit que le deuxième moyen d'illégalité doit également être rejeté.

Sur le troisième moyen d'illégalité, tiré d'un excès de pouvoir, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une violation du principe d'égalité de traitement

Arguments des parties

143. La requérante expose que les pouvoirs attribués à la Commission consistent dans l'organisation du marché et dans "la détermination, au profit des opérateurs, des conditions les plus favorables pour permettre leur développement, dans un contexte de sécurité juridique". En adoptant le Code des aides, la Commission aurait excédé ces pouvoirs, étant donné que le Code aurait "entraîné des effets économiques pervers", notamment une "situation d'attentisme à laquelle se sont trouvés contraints les opérateurs industriels". A cet égard, la requérante explique que, dans la période allant de 1991 jusqu'à 1996, la Commission aurait fait régner une grande incertitude. Elle se serait, notamment, abstenue de réagir à la crise dans le secteur de la sidérurgie.

144. La requérante estime, en outre, que le Code des aides a créé une discrimination, en ce qu'il exige, comme condition de l'aide à la fermeture, une fermeture d'un équipement industriel complet. En effet, cette condition aurait pour conséquence que les entreprises disposant d'équipements industriels sur des sites d'exploitation distincts peuvent prendre la décision de fermeture d'un équipement industriel complet plus facilement que celles qui, comme la requérante, ne disposent que d'un seul ensemble industriel. Il s'agirait d'une erreur d'appréciation de la part de la Commission, que celle-ci a implicitement reconnue, en éliminant ladite discrimination lors de l'adoption d'un nouveau Code en 1996.

145. La défenderesse observe que le Code des aides disposait, de façon non équivoque, qu'il entrait en vigueur le 1er janvier 1992 et était applicable jusqu'au 31 décembre 1996. Elle estime que, dans ces circonstances, il ne saurait être conclu que ce Code des aides a été source d'incertitudes quant à l'avenir des aides à la sidérurgie.

146. Elle souligne, ensuite, que ses comportements pendant la période 1991-1996 ne sont pas pertinents lorsqu'il s'agit d'examiner la légalité du Code des aides.

147. Enfin, elle soutient que l'argument de la requérante tiré d'une discrimination entre les entreprises pilotant des sites d'exploitation distincts et celles opérant sur un seul ensemble industriel doit être rejeté sur la base de l'article 4, paragraphe 2, quatrième tiret, du Code des aides, selon lequel l'autorisation des aides à la fermeture est soumise à la condition que l'entreprise bénéficiaire ne soit pas contrôlée directement ou indirectement par une entreprise sidérurgique et ne contrôle pas elle-même une telle entreprise.

Appréciation du Tribunal

148. L'argumentation présentée par la requérante en vue de démontrer un "excès de pouvoir" de la part de la Commission, revient essentiellement à dire que la Commission n'a pas suffisamment tenu compte de la crise dans le secteur de la sidérurgie et qu'elle a commis une erreur manifeste d'appréciation en jugeant qu'il n'était pas nécessaire d'adopter un Code des aides plus souple.

149. Le Tribunal constate au vu du préambule du Code des aides que la Commission a voulu, d'une part, "ne pas priver la sidérurgie du bénéfice des aides à la recherche et au développement ainsi que de celles destinées à lui permettre d'adapter ses installations aux normes nouvelles de protection de l'environnement" et "autoriser les aides sociales susceptibles de favoriser une fermeture partielle d'installations et des aides au financement d'une cessation définitive de toute activité" et, d'autre part, "interdire l'octroi de toute autre aide au fonctionnement ou à l'investissement en faveur des entreprises sidérurgiques [... en aménageant cependant une dérogation concernant les aides régionales à l'investissement pour certains États membres ...] [afin de continuer à] assurer des conditions de concurrence équitables au sein de ce secteur". Le Tribunal estime que cette conciliation d'objectifs ne saurait être considérée comme déraisonnable, d'autant plus que le Code n'exclut pas que des aides permettant une restructuration prometteuse puissent, dans des situations imprévues et exceptionnelles, être autorisées en application de l'article 95 du traité (voir ci-dessus point 79). A la lumière de cette constatation, il est clair que les principes élaborés par la Commission dans le Code des aides ne sont pas entachés d'une erreur manifeste d'appréciation ou d'un "excès de pouvoir".

150. Quant à la prétendue violation du principe d'égalité de traitement, il suffit de constater que, au regard de l'article 4, paragraphe 2, du Code des aides, duquel il ressort que les aides à la fermeture portent nécessairement sur des fermetures d'usines sidérurgiques dans leur intégralité, la requérante n'a pas exposé en quoi la fermeture serait réellement plus facile pour les entreprises disposant d'équipements industriels sur des sites d'exploitation distincts par rapport aux entreprises qui ne disposent pas d'équipements industriels sur des sites d'exploitation distincts.

151. Il s'ensuit que le troisième moyen d'illégalité doit également être rejeté.

152. Il découle de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté.

Sur les dépens

153. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions et la Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens, il y a lieu de condamner la requérante à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.

154. Le royaume de Belgique supportera ses propres dépens, conformément à l'article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure.

155. Le Tribunal peut, en vertu de l'article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, ordonner qu'une partie intervenante, autre que les États membres, les États parties à l'accord EEE, les institutions et l'Autorité de surveillance AELE, supportera ses propres dépens. En l'espèce, il convient que la Région wallonne et la SWS, parties intervenantes à l'appui de la partie requérante, supportent leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête:

1°) Le recours est rejeté.

2°) La requérante supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la défenderesse.

3°) Chaque partie intervenante supportera ses propres dépens.