Livv
Décisions

CA Nîmes, 2e ch. B, 4 avril 2002, n° 00-1516

NÎMES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Nîmes Philatélie (SARL)

Défendeur :

Rizo

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Conseiller :

M. Bertrand

Avoués :

Me Everlange, SCP Guizard-Servais

Avocats :

Mes Quinot, Hanson

T. com. Nîmes, du 15 mars 2000

15 mars 2000

Statuant sur appel d'une ordonnance de référé du Tribunal de commerce de Nîmes, en date du 15 mars 2000;

Vu l'assignation en référé délivrée, le 11 février 2000, à la requête de Bernard Rizo, sur le fondement de la concurrence déloyale,

Vu l'ordonnance du Président du Tribunal de commerce de Nîmes, rendue le 15 mars 2000:

- interdisant à la SARL Nîmes Philatélie, de faire usage, comme dénomination sociale, enseigne ou nom commercial, de la mention Nîmes Collections,

- ordonnant, sous astreinte, le retrait de cette dénomination de sa publicité, devanture, enseigne, ou de tous autres supports,

- ordonnant à ses frais, la publication du dispositif de l'ordonnance, dans trois journaux locaux, choisis par la partie demanderesse,

- condamnant la SARL Nîmes Philatélie, à payer à Bernard Rizo:

- 20 000 F à titre de dommages et intérêts,

- 4 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- avec exécution sur minute,

Vu l'appel interjeté le 28 mars 2000, par la SARL Nîmes Philatélie,

Vu les conclusions récapitulatives de la SARL Nîmes Philatélie, signifiées le 29 janvier 2002, par lesquelles il est sollicité:

- l'infirmation,

- de débouter Bernard Rizo de ses demandes,

- de le condamner à rembourser, la somme de 3 048,98 euros,

- la somme de 2 000 euros, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- à titre subsidiaire, la réduction, dans de très larges proportions, du montant des dommages et intérêts,

- de dire qu'il n'y a pas lieu à publication de la décision frappée d'appel,

Vu le bordereau de pièces communiquées, annexé à ces écritures,

Vu les conclusions responsives et récapitulatives de Bernard Rizo, signifiées le 22 février 2002, par lesquelles il est demandé:

- la confirmation de l'ordonnance entreprise,

sur le fondement des articles 565 et 566 du nouveau Code de procédure civile,

- de constater que la SARL Nîmes Philatélie exerce toujours une activité constitutive de concurrence déloyale, à son égard,

- de condamner celle-ci de cesser d'exercer une activité de philatélie, numismatique et vente d'objets de collection, au local situé 15 Rue de la Curaterie, ou en tout autre local situé dans un rayon de 100 m, autour du magasin de Monsieur Rizo, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, et ce pendant une période de 10 ans, à compter de ladite décision,

- d'assortir cette interdiction d'une astreinte de 150 euros par semaine d'exploitation,

- de condamner la SARL Nîmes Philatélie à lui verser, à titre de provision complémentaire, la somme de 6 000 euros,

- outre celle de 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Vu le bordereau récapitulatif de pièces, annexé auxdites écritures,

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur la recevabilité:

La recevabilité des appels n'est ni contestable, ni contestée.

Conformément aux dispositions des articles 565 et 566, la demande formulée par Bernard Rizo, en cause d'appel, visant à obtenir la condamnation à cesser toutes activités commerciales, concurrentes, doit être déclarée recevable, puisqu'elle tend, en réalité, aux mêmes fins, que celle soumise aux premiers Juges, à savoir la cessation d'un comportement qualifié de déloyal, et correspond à une prétention, qui n'est que la conséquence ou le complément, de celles soumises au Juge des référés du Tribunal de commerce de Nîmes.

Sur la concurrence déloyale:

Si la liberté du commerce est la règle, il peut être néanmoins reproché, à un commerçant, son comportement déloyal, notamment en raison d'une attitude d'imitation ou d'un parasitisme.

Constitue un agissement parasitaire, le fait pour un agent économique, de s'introduire sur un marché, avec ou sans risque de confusion, mais en utilisant une valeur économique d'autrui, fruit d'un investissement en argent ou en travail.

Le parasitisme est sanctionné, car il fausse le jeu normal de la concurrence, et constitue un manquement aux usages professionnels.

Le commerçant, auteur des actes déloyaux, profite des efforts réalisés par une entreprise concurrente, sur le plan technique ou commercial.

Il peut agir sans intention de nuire.

Il s'infère nécessairement des actes déloyaux constatés, l'existence d'un préjudice.

Tel a bien été le cas en l'espèce, puisque pour le juge de l'apparent, de l'évident et de l'incontestable, qu'est le magistrat des référés, il est établi:

- qu'au 13 rue de la Curaterie à Nîmes, Bernard Rizo exploitait un commerce de timbres, cartes postales, numismatiques, en utilisant le nom et l'enseigne AS de Nîmes Collections;

- que les pièces produites par lui, démontrent qu'il avait une activité soutenue, dans le milieu de la philatélie, justifiant même, devant la cour, qu'il est l'un des organisateurs du Salon de la Philatélie de mars 2002 se tenant dans les arènes de Nîmes;

- qu'à compter du 3 novembre 1999, était immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de Nîmes, une SARL Nîmes Collections, ayant son siège 15 rue de la Curaterie, et pour objet, le commerce d'objets de collection, et plus précisément de timbres et de numismatiques;

- que cette société s'installait à proximité immédiate du commerce de Bernard Rizo:

- pour exercer la même activité, en reprenant un intitulé ne pouvant que prêter à confusion;

- que la consultation de l'annuaire électronique du téléphone révélait d'ailleurs, que les deux commerces figuraient sous la même rubrique;

- que ce commerce ouvrait le 7 février 2000;

- que l'utilisation par la SARL Nîmes Collections, devenue en suite Nîmes Philatélie, d'une dénomination sociale similaire, constituait une concurrence déloyale, puisque cette utilisation créait une confusion dans l'esprit du public, entre deux commerces exerçant une activité identique, située au surplus, côte à côte;

- qu'il en est d'ailleurs résulté des erreurs de distribution de courriers et une confusion, dans l'esprit de certains clients, comme la lettre de Dominique Dupont le démontre;

- que si la SARL Nîmes Collections a changé de dénomination, ce changement n'est intervenu que postérieurement à la délivrance de l'assignation, par assemblée générale extraordinaire du 12 février 2000, donnant lieu à une inscription modificative, et à une publication, le 16 février 2000;

- que le changement de l'enseigne, apposée sur le commerce, intervenait entre le 15 et 16, 17 février 2000, alors que le changement de nom sur l'annuaire téléphonique, ne pouvait intervenir, pour l'annuaire électronique, que postérieurement au 14 mars 2000, la modification de l'annuaire papier, étant soumise au rythme annuel de sa parution;

- qu'il importe peu que Bernard Rizo ait effectué, seulement, le 22 novembre 1999, une modification au Registre du commerce, concernant son nom commercial, dès lors qu'il n'est pas contesté, et qu'il est établi par les pièces produites, qu'avant l'arrivée de la SARL Nîmes Collections, il utilisait l'appellation AS de Nîmes Collections;

- qu'au surplus, le contentieux dont la cour est saisie, n'est pas un contentieux des marques, mais concerne la concurrence déloyale.

Le fait d'ouvrir un magasin ayant la même activité de vente de timbres, sous une dénomination similaire, à proximité immédiate du commerce de Bernard Rizo, dénote la volonté délibérée de s'inscrire, dans son sillage, et de tirer profit des efforts déployés pour lui, pour développer son action commerciale, et se faire connaître.

Un tel comportement n'a pas manqué d'attirer l'attention des commerçants voisins, a créé un risque de confusion dans l'esprit du public, constituant un acte parasitaire, contraire à la loyauté qui doit présider à la libre concurrence, et cet acte engage la responsabilité de son auteur.

C'est donc à juste titre, que le premier Juge a ordonné la cessation de l'utilisation du nom de Nîmes Collections, ordonné la publication, et alloué une provision à valoir sur le préjudice, résultant de l'attitude fautive de la SARL Nîmes Collections, devenue Nîmes Philatélie,

Contrairement, à ce que prétend la SARL Nîmes Philatélie, Bernard Rizo justifie bien de faits de concurrence déloyale, pendant une durée significative, puisque le nom de Nîmes Collections a été porté au Registre du Commerce et des Sociétés, le 3 novembre 1999, et n'y a disparu que par mention du 16 février 2000, l'appelant étant resté taisant sur la publicité, qui a pu être effectuée, pour faire connaître son commerce.

Si les pièces produites par Bernard Rizo, démontrent que son chiffre d'affaires, a augmenté entre 1999 et 2000, et que le résultat d'exploitation est passé de 125 466 F, à 103 994 F, en raison d'une augmentation de ses charges, il n'est pas démontré l'existence d'un préjudice supplémentaire, qui permettrait, dans le cadre d'une instance en référé, de lui allouer, une provision complémentaire.

Alors que la liberté du commerce est la règle, que la SARL Nîmes Philatélie n'utilise plus, désormais, l'appellation Nîmes Collections, que des mesures de publication ont été ordonnées, il n'est pas justifié, au provisoire de la présente instance en référé, de faire droit à la demande visant à interdire, à la SARL Nîmes Philatélie, d'exercer son commerce, à moins de 100 mètres du commerce de Bernard Rizo.

Il appartient à Bernard Rizo, de saisir le juge du fond, s'il souhaite voir ordonner une telle mesure.

L'ordonnance entreprise sera donc confirmée, sauf à préciser, dans les conditions précisées au dispositif du présent arrêt, le coût de chaque insertion dans les journaux locaux.

Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile:

L'équité ne commande nullement d'allouer, à la société appelante, qui succombe, la moindre somme au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par contre, il paraît inéquitable de laisser à Bernard Rizo, la charge des frais, exposés par lui, en cause d'appel, et il convient de lui allouer une indemnité supplémentaire, à hauteur de 1 500 euros.

Sur les dépens:

Succombant, la SARL Nîmes Philatélie supportera les dépens.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement; Reçoit les appels; Confirme l'ordonnance entreprise, sauf à dire que le coût de chaque insertion, dans la presse locale, ne pourra dépasser la somme 1 000 euros; La complétant, Condamne la SARL Nîmes Philatélie à payer, à Bernard Rizo, la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Déboute les parties de leurs autres demandes; Condamne la SARL Nîmes Philatélie aux dépens d'appel, qui comprendront notamment le coût des procès-verbaux de constat de Maître Bruyère, huissier de justice, en date des 10 janvier 2000, 24 janvier 2000, 7, 11, 29 février 2000, et autorise la SCP Guizard Servais, avoués, à les recouvrer, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile;