Cass. crim., 3 avril 2001, n° 00-85.058
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Béraudo
Avocat général :
M. Di Guardia
Avocats :
SCP Waquet, Farge, Hazan.
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par S Gilbert, G Philippe, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, en date du 21 octobre 1999, qui, pour tromperie sur les qualités substantielles et l'identité de la marchandise, les a condamnés chacun, à 10 000 F d'amende ; - Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 213-1, L. 215-4, R. 215-1, R. 215-2 et suivants, R. 215-18 et suivants, 1er point 2 ) e) du Code de la consommation et annexe I bis du règlement CEE n° 1538-91 du 5 juin 1991, 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler l'ensemble des poursuites dirigées contre les prévenus ;
"aux motifs que les textes applicables en l'espèce n'exigent pas les prélèvements en cause, les constatations effectuées de visu permettant à suffisance d'observer si les cuisses des volatiles comportaient ou non une partie de dos et si l'étiquetage était conforme ;
"alors que le règlement CEE n° 1538-91 du 5 juin 1991, qui définit le mode de découpe des cuisses de volaille, qui doit être pratiquée aux articulations entre deux lignes précisées à l'annexe I bis du règlement, admet une marge de tolérance impliquant la possibilité de la présence d'une partie de dos ; que, compte tenu de ce texte réglementaire, la question posée aux agents de la DGCCRF n'était pas celle de savoir si les cuisses de pintade contrôlées comportaient ou non une partie de dos, mais si la partie de dos constatée excédait, ou non, la marge de tolérance admise par le règlement ; qu'il s'ensuit que les agents de la DGCCRF ne pouvaient se borner à effectuer des contrôles élémentaires et procéder à de simples constatations de visu, mais devaient opérer des prélèvements permettant une expertise contradictoire ; que cette violation des droits de la défense devait entraîner l'annulation de la poursuite ; qu'en refusant d'y procéder, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Attendu que, pour écarter l'exception de nullité des poursuites prise de l'absence de prélèvements de la marchandise litigieuse, la cour d'appel relève que les constatations effectuées sont suffisantes pour permettre d'apprécier les faits poursuivis ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision ;que, dès lors, le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 213-1, L. 214-1 et L. 214-3 du Code de la consommation, 1er point 2.) e.), annexe I 1.2 et annexe I bis du règlement CEE n° 1538-91 du 5 juin 1991, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Gilbert S et Philippe G coupables de tromperie sur les qualités substantielles et l'identité de la marchandise, en l'espèce des cuisses de pintade ;
"aux motifs que les constatations non utilement critiquées de la DGCCRF ont permis d'établir que les produits étiquetés "cuisse de pintade", fabriqués par la SA X (Philippe G) et distribués par la SARL Y (Gilbert S), comportaient une partie de dos à concurrence de 15,5 % du poids total du produit, ce qui constitue bien une tromperie ; que les prévenus ne contestent pas la matérialité des faits ; que Gilbert S avait le devoir de s'assurer que la marchandise qu'il livrait était conforme à l'étiquetage, l'absence de réclamation de la part des acheteurs ne faisant pas disparaître l'élément matériel de l'infraction ;
"alors, d'une part, que le règlement CEE n° 1538-91 du 5 juin 1991 définit en son article 1er, point 2.) le mode de découpage des cuisses de volaille, qui doit être pratiqué aux articulations entre deux lignes précisées à l'annexe I bis, ce qui implique une tolérance d'une partie du dos rattachée à la cuisse ; qu'il s'ensuit que, sauf à démontrer, ce qui n'a pas été fait, que la marge de tolérance aurait été franchie lors du découpage, les produits litigieux étaient conformes à la réglementation ; qu'en retenant néanmoins l'existence d'une tromperie, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"alors, d'autre part, que selon le mémoire introductif de la DGCCRF du 6 mai 1998, l'objet du marché conclu entre la société Y et le groupement de commandes des Etablissements hospitaliers et sociaux de la Mayenne portait sur la fourniture de cuisses de pintade avec découpes pratiquées aux articulations, telles que définies par l'article 1er du règlement CEE n° 1538-91 du 5 juin 1991 ; qu'il s'ensuit que, compte tenu de la tolérance admise par ce règlement, les produits litigieux étaient également conformes au marché ; qu'en retenant néanmoins l'existence d'une tromperie, la cour d'appel a violé les texte susvisés ;
"alors, de troisième part, que l'annexe I, article 1-2 du règlement CEE n° 1538-91 du 5 juin 1991, définissant les noms des découpes, s'il prévoit la dénomination de "cuisse de poulet avec une partie du dos", ne prévoit pas celle de "cuisse de pintade avec partie de dos" que la cour d'appel reproche aux prévenus de ne pas avoir choisie ; qu'il s'ensuit que, compte tenu de la tolérance d'une partie de dos admise par le règlement, et de l'absence de dénomination autre que "cuisse de pintade" prévue par le règlement, les produits litigieux étaient conformes à l'étiquetage ; qu'en concluant néanmoins à l'existence d'une tromperie, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"alors, de quatrième part, que la tromperie sur les qualités substantielles ou sur l'identité de la chose vendue doit résulter d'une intention frauduleuse ; qu'en se bornant à énoncer que Gilbert S avait le devoir de s'assurer que la marchandise qu'il livrait était conforme à l'étiquetage, sans s'expliquer sur le mémoire de ce prévenu qui, pour démontrer sa bonne foi, faisait valoir que, dans le cadre du marché conclu avec le groupement de commandes, des échantillons de découpes de volailles avaient été fournis par la société Y et agréés par le groupement, et que, en raison des règles d'hygiène alimentaire et sanitaire impératives, les produits lui étaient livrés par le fabricant, réfrigérés et sous vide dans des emballages protecteurs qui ne pouvaient être détruits sans altérer la marchandise, ce qui lui interdisait tout nouveau contrôle de celle-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
"alors, enfin, qu'en estimant que le délit de tromperie était constitué en tous ses éléments à l'égard de Philippe G, sans caractériser les circonstances dont se déduirait la mauvaise foi du prévenu, et sans s'expliquer sur le mémoire dont ce prévenu qui faisait valoir qu'il n'avait été nommé directeur de la SA X qu'à compter du 1er mars 1997, soit postérieurement au contrat litigieux qu'il était dans l'obligation de respecter, mais que, dès sa prise de fonction, et malgré la marge de tolérance admise par l'annexe I bis du règlement CEE n° 1538-91, et en l'absence de toute norme sur ce point, il avait pris l'initiative de porter sur l'étiquette la mention de la présence d'une partie de dos, modification en cours au moment du contrôle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;
Attendu, que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré les prévenus coupables ;d'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.