Livv
Décisions

Cass. com., 8 juillet 2003, n° 01-10.405

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Servel

Défendeur :

Giroux

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Grenoble, ch. com., du 28 févr. 2001

28 février 2001

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 28 février 2001), que le 27 mars 1997, M. Servel a vendu à M. Giroux divers matériels d'occasion destinés à son entreprise de fauchage et de débroussaillage ; que M. Giroux, prétendant que certains matériels présentaient des défauts, a obtenu, en référé, la désignation d'un expert puis a assigné M. Servel en résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches : - Attendu que M. Servel reproche à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le moyen : 1°) que le vendeur d'un bien d'occasion n'en garantit pas les dysfonctionnements qui sont imputables à l'usure et à la vétusté ; que M. Servel soulignait dans des conclusions que "l'expert a lui-même décrit les matériels comme étant anciens et usés" et que M. Giroux a acquis ces matériels d'occasion à bas prix, notamment le tracteur Deutz et l'épareuse Rousseau ; qu'il faisait ainsi valoir que M. Giroux était conscient d'acquérir des matériels d'occasion présentant une usure normale et apparente lors de la vente à un prix sans commune mesure avec le coût d'un matériel récent ou neuf ; qu'il ne saurait aujourd'hui être qualifié de vices cachés des dysfonctionnements simplement liés à l'ancienneté des matériels ; qu'en se déterminant sur la seule affirmation péremptoire par l'expert d'un vice caché, la cour d'appel qui n'a pas recherché si les défauts de la chose vendue étaient imputables à la seule usure d'un matériel d'occasion dont M. Giroux n'était pas en droit d'attendre les mêmes services qu'un matériel neuf, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1641 du Code civil ; 2°) que M. Servel a fait valoir que M. Giroux avait pu se convaincre lui-même des défauts des matériels pour avoir procédé à plusieurs essais, en présence de mécaniciens compétents ; qu'en se bornant à constater que les défauts de la chose ne pouvaient pas être décelés par un acheteur normalement diligent sans rechercher s'ils ne pouvaient pas être découverts par les techniciens qui avaient assisté M. Giroux, lors de l'acquisition du matériel qu'il avait lui-même essayé en leur présence avant de conclure la vente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1642 du Code civil ; 3°) que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur les factures des réparations des machines démontrant que M. Giroux en avait fait une utilisation intensive, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 4°) que le motif dubitatif équivaut au défaut de motif ; qu'en décidant, pour écarter le moyen tiré par M. Servel de la méconnaissance par l'expert judiciaire de l'article 276 du nouveau Code de procédure civile, que la participation du vendeur aux opérations d'expertise "laisse supposer" que l'expert a recueilli ses déclarations, même si elles n'ont pas été retranscrites, la cour d'appel a déduit un motif dubitatif ; qu'ainsi, elle a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que dans ses conclusions, M. Servel a écrit qu'il avait fait observer à l'expert judiciaire que les différents problèmes évoqués par M. Giroux, en ce qui concerne certains engins, provenaient d'une conduite anormale de ceux-ci par M. Giroux, ce qui rend inopérant le grief de la quatrième branche ;

Attendu, en second lieu, qu'il ne résulte pas des conclusions que M. Servel ait soutenu que les défauts des matériels pouvaient être découverts par les techniciens qui avaient assisté M. Giroux lors de leur acquisition ; que la cour d'appel n'était donc pas tenue d'effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée ;

Attendu, en troisième lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel a estimé, par une décision motivée, que M. Servel ne rapportait pas la preuve de l'utilisation intensive du matériel par M. Giroux ;

Attendu, enfin, que se fondant sur le rapport d'expertise, l'arrêt relève que la boîte de petite vitesse du tracteur reste coincée, que l'épareuse présente une fuite d'huile sur la vanne du déclencheur et que le rotor à bois est surdimensionné ce qui nécessite pour sa mise en place le démontage du carter d'entraînement ; qu'il retient encore que ces défectuosités qui ont une origine interne ne pouvaient être décelées par un acheteur normalement diligent, même à la suite d'un examen attentif, nécessairement extérieur et qu'elles rendaient le matériel complètement inefficace ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche inopérante exposée à la deuxième branche, a légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que M. Servel reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamné à restituer à M. Giroux le prix des différents matériels qu'il lui avait cédés, et d'avoir dit que cette restitution des matériels interviendra en nature ou selon leur valeur mentionnée dans la facture du 27 mars 1997, alors, selon le moyen : 1°) que la voie de l'action rédhibitoire est fermée à l'acquéreur qui n'est pas en mesure de restituer la chose, parce qu'il l'a néanmoins utilisée ou cédée ou qu'il entend la conserver ; qu'en laissant à l'acheteur la faculté de restituer la chose vendue en nature ou en valeur, après avoir prononcé la résolution de la vente, la cour d'appel a violé l'article 1644 du Code civil ; 2°) qu'en cas d'impossibilité de restituer en nature la chose vendue qui est atteinte d'un vice caché, l'acquéreur n'a droit qu'à la restitution d'une partie du prix qui doit être arbitrée par un expert ; qu'en condamnant M. Servel à restituer la totalité du prix du matériel vendu à M. Giroux dont il devait seulement la restitution en valeur, la cour d'appel a violé l'article 1644 du Code civil ;

Mais attendu que c'est, sans encourir le grief du moyen, que la cour d'appel a statué comme elle a fait dès lors qu'en cas de restitution du matériel en valeur d'achat, l'obligation corrélative de M. Servel d'en restituer le prix sera éteinte par compensation entre les dettes réciproques des parties ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.