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Décisions

CA Lyon, 3e ch. civ., 10 avril 2003, n° 2000-07137

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Sirugue (Sté)

Défendeur :

Master K (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Conseiller :

M. Santelli

Avoués :

SCP Junillon & Wicky, Me Morel

T. com. Lyon, du 10 oct. 2000

10 octobre 2000

EXPOSE DU LITIGE - PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par déclaration du 6 décembre 2000, la société Sirugue a relevé appel d'un jugement rendu le 10 octobre 2000 par le Tribunal de commerce de Lyon a jugé que le contrat liant les sociétés Sirugue et Master K était un contrat de vente, qui a déclaré l'action en garantie des vices cachés et intentée par les sociétés Sirugue et Abeille Assurances valable en la forme et exercée dans les délais prescrits, qui a rejeté l'action en garantie des vices cachés comme non fondée, qui a déclaré injustifiée l'appel en la cause formé par les sociétés Master K et Axa Assurances à l'encontre de la société Constructions Industrielles du Rhône, qui a rejeté comme mal fondées toutes les autres demandes, qui a condamné solidairement les sociétés Sirugue et Abeille Assurances à payer 2 000 F aux sociétés Master K et Axa Assurances et 2 000 F à la société Constructions Industrielles du Rhône en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Vu l'article 455 alinéa 1er du nouveau Code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret du 28 décembre 1998 ;

Vu les prétentions et les moyens développés par la société Sirugue dans ses conclusions récapitulatives du 27 février 2002 tendant à la réformation du jugement déféré aux motifs que le contrat conclu entre elle-même et la société Master K est un contrat de louage d'ouvrage et qu'en conséquence il convient de condamner solidairement les sociétés Master K et la compagnie Axa Assurances à lui régler la somme de 4 421,50 euros au titre du préjudice subi et, à titre subsidiaire, la même somme pour le cas où il serait retenu l'application de la garantie égale du vendeur professionnel en vertu des articles 1641 et suivants du Code civil ;

Vu les prétentions et les moyens développés par les sociétés Master K et Axa Assurances dans leurs conclusions récapitulatives du 30 avril 2002 tendant à la confirmation du jugement déféré et, à titre subsidiaire, la condamnation de la société Constructions Industrielles du Rhône à les relever et à les garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre ;

Vu les prétentions et les moyens développés par la compagnie Abeille Assurances dans ses conclusions du 18 octobre 2001 tendant à la réformation du jugement déféré ; que le contrat intervenu doit s'analyser comme un contrat de louage d'ouvrage, de sorte que l'action engagée n'est pas prescrite, en condamnant en conséquence solidairement la société Master K et la compagnie Axa Assurances à lui payer la somme de 23.321,45 F sauf avant dire droit d'ordonner une expertise et, à titre subsidiaire, il convient de dire que l'action de la société Sirugue et de la compagnie Abeille Assurances était intentée dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil ;

Vu les prétentions et les moyens développés par la société Constructions Industrielles du Rhône dans ses conclusions du 12 mars 2002 tendant à l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré l'action de la société Sirugue et de son assureur recevable, mais à la confirmation de ce jugement en ce qu'il a déclaré l'action en garantie de la société Sirugue et de son assureur non fondée, de relever que l'appel en garantie engagée par la société Master K et son assureur à son encontre est tardif et non fondé et qu'il convient de toute façon de condamner la société Sirugue ou, subsidiairement, la société Master K à lui verser la somme de 7.622 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 septembre 2002.

MOTIFS ET DÉCISION :

I°) Sur la nature du contrat :

Attendu que les parties sont contraires sur la nature du contrat qui a régi leurs rapports, la société Sirugue soutenant que la société Master K ne s'est pas contentée de lui livrer en l'état, comme elle le prétend, un pont à bascule, mais a procédé à son installation sur place selon des spécifications qu'elle lui avait données, ce qui caractériserait ainsi, selon elle, un contrat d'entreprise, la société Master K affirmant de son côté ne lui avoir livré qu'une production standard en l'état ;

Attendu qu'il résulte des dossiers que la société Sirugue a commandés le 24 mai 1996 à la société Master K un pont à bascule de type "Perfect D", mais ne lui a fourni à cette occasion aucune indication spécifique concernant la réalisation de ce matériel et son aménagement en vue de son utilisation ;

Attendu que si ce pont à bascule comprenait dans sa structure, lors de la livraison à la société Sirugue, une partie des caillebotis de panneaux que la société Master K avait commandés le 6 avril 1995 à la société Constructions Industrielles du Rhône, il ne résulte cependant d'aucun élément produit aux débats que le matériel livré a été réalisé avec ces matériaux sur les indications particulières de la société Sirugue, laquelle n'a eu au surplus aucun contact avec la société Constructions Industrielles du Rhône ;

Attendu que - quand bien même la société Master K aurait-elle exécuté des travaux de coffrage et de maçonnerie en vue d'installer le pont à bascule dans les locaux de la société Sirugue, cette circonstance est insuffisante à démontrer que l'installation du pont à bascule livré résulterait d'un processus de fabrication de montage mis en œuvre par la société Master K, qui aurait été défini et arrêté par la société Sirugue et qu'elle constituerait ainsi un ouvrage qui serait le résultat d'un travail spécifique destiné à répondre aux besoins particuliers du donneur d'ordre et qui ne répondraient pas à des considérations déterminées par avance par la société Master K ;

Attendu que, faute par la société Sirugue de rapporter cette preuve qui lui incombe, le contrat conclu ne peut être qualifié de contrat d'entreprise tel qu'il est défini par les dispositions de l'article 1787 du Code civil ;

Attendu que c'est en conséquence à juste titre que le premier juge a considéré le contrat intervenu entre la société Master K et la société Sirugue pour la livraison et l'installation d'un pont à bascule dans les locaux de cette dernière, en vue de permettre le pesage de ses véhicules de transport, comme un contrat de vente ;

II°) Sur les vices cachés :

Attendu que la garantie des vices cachés constitue l'unique fondement que peut exercer un demandeur pour obtenir réparation d'un dommage causé par un défaut de la chose vendue la rendant impropre à sa destination normale ;

Attendu qu'il n'est toutefois pas exclu pour autant l'application de la garantie contractuelle prévue dans les conditions générales de vente de la société Master K pour une durée de douze mois à compter de la vente, mais qui ne peut s'appliquer qu'à la condition d'avoir été exercée dans ce délai ;

Attendu que la société Sirugue fait état d'un sinistre survenu le 14 octobre 1997 lors du passage d'un de ses véhicules sur le pont à bascule mettant en cause les plaques métalliques constituant cet ensemble, lesquelles se seraient effondrées à cette occasion en endommageant le véhicule ;

Attendu que la vente étant intervenue le 24 mai 1996, cette garantie ne peut plus être exercée ;

Attendu que, s'agissant des vices cachés, l'article 1648 du Code civil dispose que l'action en garantie doit se faire dans un bref délai, dont l'appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond qui en déterminent la durée en fonction de la nature des vices et d'après les faits et les circonstances de la cause ;

Attendu que la société Sirugue en intentant son action contre son vendeur, la société Master K, par exploit du 26 février 1999 et en laissant ainsi passer un délai de plus de seize mois depuis la découverte du vice le 14 octobre 1997 et plus de trois années après l'installation du pont à bascule, le 26 juin 1996, n'a manifestement pas agi dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil, sans qu'elle puisse invoquer la tardivité du dépôt du rapport de l'expert de sa compagnie d'assurances, la compagnie Abeille Assurances, intervenu le 17 juin 1998 ni l'existence de prétendus pourparlers qui auraient eu lieu en vue de trouver une solution amiable au litige, ces circonstances étant d'aucune sorte de nature à justifier son inaction, alors même que les vices allégués, pour autant qu'ils soient imputables au vendeur, ne permettaient pas, après cet incident, du fait de leur nature et de leur importance supposées l'utilisation du pont à bascule ;

Attendu que la société Sirugue fait état de la position de la compagnie Axa Assurances, assureur de la société Master K, qui a fait connaître en octobre 1998 qu'elle ne pouvait garantir l'accident, faute que l'imputabilité à son assurée ait pu être rapportée ;

Attendu que, même si l'on devait prendre en considération cette date, il ne pourrait pas davantage être retenu que l'action de l'appelante a été engagée à bref délai ;

Attendu que, dans ces conditions, l'action de la société Sirugue et de son assureur, la compagnie Abeille Assurances, est irrecevable ;

Attendu qu'il y a lieu ainsi de réformer le jugement déféré qui avait débouté la société Sirugue de sa demande au titre de la garantie des vices cachés ;

III°) Sur l'action récursoire de la société Master K et de son assureur, la compagnie Axa Assurances contre la société Constructions Industrielles du Rhône :

Attendu que l'action de la société Sirugue étant irrecevable, l'action récursoire en garantie résultant des vices rédhibitoires de la chose vendue intentée par le vendeur, la société Master K, contre le fabricant du pont à bascule, la société Constructions Industrielles du Rhône, devient sans objet ;

IV°) Sur la demande de la société Constructions Industrielles du Rhône en dommages et intérêts :

Attendu que la société Constructions Industrielles du Rhône ne démontre ni que la société Sirugue ni que la compagnie Abeille Assurances aient formé un appel abusif, ni que la société Master K et la compagnie Axa Assurances aient engagé une action en garantie abusive à son encontre ;

Attendu que, dans ces conditions, la société Constructions Industrielles du Rhône doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts formée à ces titres ;

V°) Sur les autres demandes :

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la société Master K et à la compagnie Axa Assurances la charge de leurs frais irrépétibles et qu'il y a lieu de leur allouer ainsi une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, qui s'ajoutera à celle accordée par le premier juge ;

Attendu qu'il en ira de même au profit de la société Constructions Industrielles du Rhône à qui il est allouée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile une somme de 1 000 euros, qui s'ajoutera à celle accordée par le premier juge ;

Attendu que la société Sirugue et la compagnie Abeille Assurances, qui succombent, doivent supporter les dépens ;

Par ces motifs :LA COUR, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a jugé que le contrat liant la société Sirugue et la société Master K était un contrat de vente et en ce qu'il a condamné solidairement les sociétés Sirugue et Abeille Assurances à payer une indemnité judiciaire aux sociétés Master K et Axa Assurances ainsi qu'à la société Constructions Industrielles du Rhône en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Le réforme en ce qui concerne l'action en garantie engagée au titre des vices cachés du pont à bascule livré par la société Master K à la société Sirugue et en ce qui concerne l'action récursoire de la société Master K et son assureur, la compagnie Axa Assurances, engagée à l'encontre de la société Constructions Industrielles du Rhône ; Et statuant à nouveau, Déclare l'action de la société Sirugue et de son assureur, la compagnie Abeille Assurances, formée à ce titre contre les sociétés Master K et Axa Assurances irrecevable, Dit l'action récursoire de la société Master K et de son assureur, la compagnie Axa Assurances, contre la société Constructions Industrielles du Rhône sans objet ; Y ajoutant, Déclare la société Constructions Industrielles du Rhône mal fondée dans ses demandes en dommages et intérêts et l'en déboute, Condamne la société Sirugue et la compagnie Abeille Assurances à payer à la société Master K et à la compagnie Axa Assurances la somme de 1 000 euros ainsi qu'à la société Constructions Industrielles du Rhône celle de 1 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi que les dépens qui seront recouvrés par Maître Morel, avoué, et par la SCP Junillon & Wicky, avoués, chacun pour ce qui le concerne, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.