Cass. crim., 7 février 1984, n° 82-90.338
COUR DE CASSATION
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Comité national contre le tabagisme
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Caff
Rapporteur :
M. Lamanda
Avocat général :
M. Rabut
Avocats :
Me Cossa, SCP Waquet
LA COUR: - Statuant sur le pourvoi forme par 1° B François, - 2° la société P France, civilement responsable, contre un arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 16 décembre 1981, qui, dans une poursuite pour publicité indirecte ou clandestine en faveur du tabac, a constaté l'amnistie du délit et a statué sur les réparations civiles;- Vu les mémoires produits en demande et en défense; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 3 de la loi du 9 juillet 1976, des articles 2 et 503 du Code de procédure pénale, défaut de réponse aux conclusions, manque de base légale,
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile du Comité national contre le tabagisme, "au motif que les efforts déployés par cet organisme pour s'opposer à la persistance du tabagisme avaient été contrariés par les faits reprochés au demandeur,
"alors que, seul un préjudice personnel et direct, distinct du trouble social, est de nature à rendre recevable l'action civile d'une association;
"attendu que l'arrêt attaqué, après avoir déclaré François B, directeur de la publicité et des relations publiques de la société P France, responsable d'une publicité indirecte ou clandestine en faveur du tabac, énonce que les agissements de l'intéressé sont venus contrarier les efforts que le Comité national contre le tabagisme, association reconnue d'utilité publique, déploie pour la sauvegarde de la santé, notamment par de nombreuses campagnes d'information et l'édition d'une publication périodique; Que le Comité national, a, ainsi, subi un préjudice lui ouvrant droit à des réparations civiles;
Attendu qu'en état de ces énonciations souverainement déduites des éléments de preuve soumis aux débats contradictoires et qui impliquent l'existence d'un préjudice direct et personnel subi par la partie civile en raison de la spécificité du but et de l'objet de sa mission, la cour d'appel a justifié sa décision; Que, dès lors, le moyen ne saurait être accueilli;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 3, 10 et 11 de la loi du 9 juillet 1976, relative à la lutte contre le tabagisme, 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse aux conclusions et manque de base légale,
"en ce que l'arrêt attaque a condamné le chef de publicité d'une firme fabriquant des cigarettes, qui parrainait des films de jeunes réalisateurs français pour aider à leur sortie,
"au motif que la mention de ce parrainage sur les affiches des films constitue une publicité indirecte en faveur du tabac, interdite par l'article 3 de la loi du 9 juillet 1976;
"alors, d'une part, que la seule mention sur une affiche de film, "prime par la fondation P" ne constitue ni une publicité ni une propagande, même indirecte;
"alors, d'autre part, que la loi du 9 juillet 1976 réserve un sort particulier aux opérations de parrainage et de patronage en ne les interdisant que dans le cadre des manifestations sportives ou destinées à la jeunesse;
"sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 3, 10 et 11 de la loi du 9 juillet 1976, relative à la lutte contre le tabagisme, 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse aux conclusions et manque de base légale, "en ce que l'arrêt attaque a estimé établie l'intention délictueuse du chef de publicité d'une firme fabriquant des cigarettes, qui avait décide le parrainage de films de jeunes réalisateurs français pour aider à leur sortie,
"au motif que, sans mettre en doute le désir de la firme d'aider le jeune cinéma, "on ne peut tenir pour totalement exclue de la pensée des responsables de la société concernée la préoccupation parallèle de développer, à la faveur du parrainage organisé, la vente des cigarettes P",
"alors, d'une part, qu'en matière délictuelle, l'intention coupable du prévenu doit être prouvée et que cette preuve ne peut reposer sur des éléments hypothétiques;
"alors, d'autre part, que l'intention se distingue clairement des mobiles, qui sont indifférents pour l'incrimination;
"les deux moyens étant réunis; - Attendu que, selon l'arrêt attaque et le jugement dont il adopte les motifs non contraires, la firme américaine P, dans l'intention de promouvoir une nouvelle image de la marque, a doté sa filiale française d'un important budget publicitaire;que ces fonds ont permis de créer, sous la responsabilité de François B, directeur de la publicité et des relations publiques de la société P France, une association dénommée "fondation P pour le cinéma", destinée à récompenser des films distingues par un jury;que les prix décernés n'étaient pas remis aux producteurs, la "fondation" se chargeant seulement de faire organiser, en faveur des films, une campagne de publicité à concurrence de la somme allouée;qu'en contrepartie, sur les affiches et sur les encarts publicitaires, devait apparaître, de façon visible, la mention "prime par la fondation P pour le cinéma";que la notoriété du nom du fabricant américain de cigarettes ne pouvait manquer de susciter dans l'esprit des lecteurs un rapprochement avec le tabac;que, sous couvert d'un mécénat industriel, était ainsi réalisée une publicité clandestine ou indirecte en faveur de ce produit;
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, abstraction faite d'un motif surabondant, les juges ont caractérisé, en tous ses éléments, le délit prévu par l'article 3 de la loi du 9 juillet 1976; que, dès lors, c'est vainement que le demandeur invoque la violation de l'article 11 de cette même loi, d'ailleurs inapplicable en la cause; qu'ainsi, les moyens doivent être écartes;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;
Rejette le pourvoi.