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Décisions

Cass. crim., 11 février 1998, n° 96-82.672

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roman (conseiller le plus ancien faisant fonction)

Rapporteur :

M. Ruyssen

Avocat général :

M. de Gouttes

Avocats :

SCP Waquet, Farge, Hazan, Me Cossa

Paris, 13e ch., du 11 avr. 1996

11 avril 1996

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par G Bernard, la société F, civilement responsable, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 11 avril 1996, qui, pour publicité illicite en faveur du tabac, a condamné le premier à 30 000 F d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils. - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société de vente par correspondance F a diffusé une publicité annonçant le déroulement d'une loterie dont le prix était un téléviseur ; que cette publicité était illustrée d'une photographie du téléviseur, sur l'écran duquel apparaissait une voiture de course de couleur jaune, marquée du mot " C " ;

Attendu que Bernard G, directeur général de la société, est poursuivi pour publicité illicite en faveur du tabac ;

En cet état : - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 355-24 et L 355-26 du Code de la santé publique, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Bernard G coupable de publicité illicite en faveur du tabac ;

" aux motifs que sur l'écran de ce poste apparaissait une voiture de couleur jaune portant de façon très lisible le mot " C ", le graphisme et la couleur des caractères rappelant la marque des cigarettes C ; que l'image figurant sur le téléviseur ne répond pas aux critères de la loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 ; qu'en effet, à supposer que l'image ait été prise pendant une compétition se déroulant à l'étranger, il ne peut être soutenu que l'on se trouve en présence d'une retransmission au sens de la loi précitée ;

" alors, d'une part, que l'article L. 355-26 du Code de la santé publique n'interdit la publicité en faveur d'un objet autre que le tabac que dans la mesure où, par son graphisme, sa présentation ou tout autre procédé déterminé, cette publicité constituerait une propagande indirecte ou illicite en faveur du tabac ; que l'inscription " C ", parmi d'autres inscriptions, sur une voiture de course apparaissant sur l'écran d'un téléviseur S dans le cadre d'une photo destinée à promouvoir exclusivement la vente du téléviseur, ne saurait, à elle seule, constituer une incitation indirecte à la consommation du tabac, faute d'un lien direct entre l'objet de la publicité (le téléviseur S) et le tabac (les cigarettes C) et de toute incitation, fût-elle lointaine, à consommer ce produit dont l'existence est totalement en dehors du champ de la publicité contestée ; qu'en déclarant, néanmoins, l'infraction constituée, l'arrêt attaqué se trouve privé de base légale ;

" alors, d'autre part, qu'un message publicitaire ne constitue une propagande indirecte en faveur du tabac que s'il est de nature à susciter, dans l'esprit du lecteur, un rapprochement avec le tabac ; que, dans ses écritures, Bernard G faisait valoir que la représentation d'un véhicule de course sur l'écran du téléviseur S évoquait exclusivement un type de programme susceptible d'être visionné sur ce poste et identifiable par tout destinataire de la publicité, à savoir les retransmissions télévisées de compétition de Formule 1 autorisées par la loi n° 93- 121 du 27 janvier 1993 ; que, faute de s'être expliquée sur cet argument, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs " ;

Attendu que, pour caractériser l'existence d'une publicité indirecte en faveur du tabac, dans les termes de l'article L. 355-26 du Code de la santé publique, la juridiction du second degré relève, par motifs adoptés, que la publicité incriminée a contribué à une large diffusion du nom d'une marque de cigarettes ; Qu'en l'état de ces motifs, et dès lors qu'en reproduisant, fût- ce incidemment, le nom et certains des éléments figuratifs d'une marque de cigarettes connue, le document publicitaire incriminé participait nécessairement à la promotion de ce produit, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; Qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L 355-24 et L 355-26 du Code de la santé publique, 121-3 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Bernard G coupable de publicité illicite en faveur du tabac ;

" aux motifs adoptés des premiers juges que Bernard G, professionnel de la vente par correspondance réalisant de nombreuses opérations publicitaires, était tenu de vérifier la licéité des messages dont il est l'annonceur ;

" alors que le délit de publicité illicite est une infraction intentionnelle ; que, faute d'avoir constaté la mauvaise foi de Bernard G, ou à tout le moins sa connaissance du caractère illicite de la publicité litigieuse, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;

Attendu que, pour déclarer Bernard G coupable du délit poursuivi, la juridiction du second degré retient, par motifs adoptés, que ce dernier, étant un professionnel de la vente par correspondance, amené à conduire de nombreuses opérations publicitaires, était tenu de vérifier la licéité de la publicité dont il assurait la diffusion;

Attendu qu'en l'état de ces motifs et dès lors que, conformément à l'article 339 de la loi du 16 décembre 1992, l'élément moral du délit reproché est caractérisé par la négligence de son auteur, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; Que le moyen doit, dès lors, être rejeté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 355-24 et suivants du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, contradiction entre les motifs et le dispositif, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué, après avoir énoncé dans ses motifs qu'il convenait de limiter à 3 000 F le montant des frais irrépétibles exposés par la partie civile en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, a confirmé dans son dispositif le jugement déféré en toutes ses dispositions, et donc notamment en ce qu'il avait fixé les frais irrépétibles à la somme de 5 000 F ;

" alors que la contradiction entre les motifs et le dispositif d'un arrêt équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, par suite de cette contradiction, la Cour de cassation ne peut savoir à quel chiffre les juges du fond ont entendu évaluer le montant des frais irrépétibles accordés à la partie civile ; que, de ce fait, elle se trouve dans l'impossibilité d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaquée qui encourt donc l'annulation " ;

Attendu que la cour d'appel a pu, sans se contredire, confirmer le jugement en ce qu'il avait attribué au Comité national contre le tabagisme une indemnité de 5 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, et accorder à ce titre une somme de 3 000 F, en compensation des frais non recouvrables exposés par la partie civile en cause d'appel ; Que, dès lors, le moyen, qui manque en fait, ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.