Cass. crim., 29 juin 1999, n° 98-81.962
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gomez
Rapporteur :
Mme Ferrari
Avocat général :
M. de Gouttes
Avocats :
Mes Choucroy, Cossa
Cassation partielle sur les pourvois formés par D Jean-Pierre, le Comité national contre le tabagisme, partie civile, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Angers, chambre correctionnelle, du 16 décembre 1997, qui, sur renvoi après cassation, dans les poursuites exercées contre Jean-Pierre et Jean-Claude D pour publicité illicite en faveur du tabac, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR, - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société Régie publicitaire de mobilier urbain, qui assure l'exploitation commerciale de panneaux d'information et d'abribus appartenant à la société Jean-Claude D, a, en exécution d'un contrat de publicité conclu avec la société de droit italien Oto Spa, assuré la diffusion, durant les mois de novembre et décembre 1992, d'une affiche publicitaire destinée à promouvoir les montres de marque " Camel Trophy ", fabriquées et commercialisées par l'annonceur Oto Spa, depuis 1987, en vertu d'un contrat de licence de marque ; que le Comité national contre le tabagisme a fait citer les 2 sociétés françaises et leurs dirigeants respectifs, Jean-Pierre et Jean-Claude D, les premières comme civilement responsables, sur le fondement des articles 3 et 8 de la loi du 9 juillet 1976, dans leur rédaction alors applicable, pour avoir réalisé une publicité indirecte illicite en faveur de la marque de cigarettes Camel ;
Attendu que les prévenus ont fait valoir que la publicité relevait de l'exception prévue par l'alinéa 2 de l'article 3 de la loi du 9 juillet 1976 modifiée, en faveur de certains produits mis sur le marché avant le 1er janvier 1990 par des entreprises juridiquement et financièrement distinctes de toute entreprise fabriquant, important ou commercialisant du tabac ou des produits du tabac ; que les juges du second degré, accueillant le moyen de défense de Jean- Pierre et Jean-Claude D, les ont relaxés et ont débouté la partie civile de ses demandes ;
Attendu que, sur le pourvoi du Comité national contre le tabagisme, l'arrêt a été cassé, en ses seules dispositions civiles, aux motifs que la dérogation au régime de la publicité indirecte en faveur du tabac, désormais codifiée sous l'article L. 355-26, alinéa 2, du Code de la santé publique, est exclue pour les produits commercialisés, avant le 1er janvier 1990, par les entreprises qui, sans constituer juridiquement et financièrement une entité avec celle qui fabrique, importe ou commercialise du tabac ou un produit du tabac, se rattachent à cette dernière par un lien juridique ou financier, fût-il indirect ou occasionnel, et que la cour d'appel devait rechercher si la société ayant concédé la licence de marque à la société italienne était intéressée, directement ou indirectement, au commerce du tabac ou de ses produits, le lien né d'un contrat de licence de marque, quelle que soit sa date, étant de nature à mettre obstacle à la dérogation prévue ;
Attendu que la cour d'appel, désignée comme juridiction de renvoi, a déclaré caractérisée l'infraction à la charge de Jean-Pierre D et mis Jean-Claude D hors de cause ; qu'elle a déclaré irrecevables les demandes que le Comité national contre le tabagisme a présentées contre eux et les sociétés qu'ils dirigent ;
En cet état : - I. Sur le pourvoi formé par Jean-Pierre D :- Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 11, 58, 92 à 98, 427, 802 et 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, violation des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'incident de communication de pièces soulevé par les appelants pour les débouter de leur demande de rejet de pièces et conclusions ;
" aux motifs qu'il n'est pas contesté que les pièces provenant d'une information pénale ont été versées aux débats par le CNCT pour les avoir obtenues alors qu'il était constitué partie civile dans la procédure ; que la partie civile peut produire en justice des pièces d'une information pénale dans laquelle elle s'est constituée, surtout si cette information a fait l'objet d'une ordonnance de renvoi ; que l'interdiction édictée par l'article 98 du Code de procédure pénale, qui fait défense de divulguer les pièces provenant de perquisitions à une personne non qualifiée par la loi pour en prendre connaissance, ne peut de toute façon valoir lorsqu'il s'agit de produire les pièces devant la juridiction pénale à qui il appartient d'apprécier la valeur des pièces qui lui sont soumises ; que les pièces dont le rejet est demandé ont été communiquées et versées en temps utile pour qu'elles puissent faire l'objet d'un débat contradictoire ;
" alors que, d'une part, l'article 98 du Code de procédure pénale interdisant formellement, sous peine des sanctions qu'il prévoit, la communication ou la divulgation à une personne non qualifiée par la loi pour en prendre connaissance, de documents provenant d'une perquisition sans l'autorisation de la personne mise en examen ou de ses ayants droit ou de son signataire ou de son destinataire, la cour a violé le texte susvisé en refusant de rejeter des débats des documents provenant d'une perquisition effectuée dans le cadre d'une information concernant des faits distincts de ceux dont elle était saisie ;
" alors que, d'autre part, la cour a violé l'article 6 la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantit à toute personne le droit à un procès impartial et à tout prévenu le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, en refusant de rejeter des débats des pièces communiquées par la partie civile la veille au soir de l'audience des débats qui n'ont pas été rouverts pour permettre aux prévenus de préparer leur défense " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt que le Comité national contre le tabagisme a versé au dossier des pièces qu'il a obtenues en sa qualité de partie civile dans une procédure distincte, étrangère aux prévenus, provenant d'une perquisition opérée par un juge d'instruction ; que Jean-Pierre D a demandé, avant toute défense au fond, que ces documents soient écartés des débats, ainsi que ceux produits tardivement par le Comité ;
Attendu que, pour rejeter la demande, les juges énoncent que la partie civile a la faculté de produire en justice les pièces tirées d'une procédure d'instruction dans laquelle elle est constituée, clôturée par une ordonnance de renvoi devant la juridiction de jugement ; que les dispositions de l'article 98 du Code de procédure pénale, qui interdisent la communication d'un document provenant d'une perquisition, à une personne non qualifiée par la loi, ne font pas obstacle à la production d'une telle pièce devant le tribunal correctionnel, qui apprécie les preuves soumises à son examen ; que les juges ajoutent que les pièces contestées ont été communiquées aux parties en temps utile pour qu'elles puissent faire l'objet d'un débat contradictoire ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu les droits de la défense, a justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 355-26 et L. 355-31 du Code de la santé publique dans leur rédaction issue de la loi du 9 juillet 1976 modifiée par la loi du 10 janvier 1991, 111-4, 121-3 et 121-7 du nouveau Code pénal, 2 et 593 du Code de procédure pénale, de l'article 30 du Traité de Rome et de l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de réponse aux conclusions, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Pierre D coupable de complicité de publicité indirecte en faveur du tabac ;
" aux motifs que le prévenu a reconnu qu'il avait accepté d'afficher la campagne litigieuse à la demande de la société Universal Média qui est une centrale d'achat d'espaces publicitaires et agissait pour le compte de la société de droit italien Oto, fabricant des montres "Camel Trophy" ; qu'en affichant une publicité pour un produit portant la marque "Camel" qu'il savait être une marque notoire de cigarettes, Jean-Pierre D a sciemment procuré au responsable de la société Oto les moyens de commettre une infraction à la loi du 9 juillet 1976 ; que Jean-Pierre D est mal fondé à invoquer une erreur de droit alors qu'il reconnaît avoir fait l'objet d'une mise en garde du CNCT et qu'il a répondu que les cigarettes "Camel" n'étaient aucunement concernées par la campagne publicitaire, ce qui est la démonstration d'une parfaite mauvaise foi de la part d'un professionnel de la publicité ; qu'il n'est pas sérieux de contester le fait que la marque "Camel Trophy" a été spécialement choisie pour bénéficier de la notoriété mondiale de la marque de cigarettes Camel et que tout l'impact publicitaire réside dans la présentation d'images destinées avant tout à maintenir cette notoriété ; qu'en particulier le graphisme du mot "Camel" figurant sur les affiches incriminées est en tout point identique à celui qui figure sur les paquets de cigarettes ; qu'il s'agit donc d'une publicité indirecte en faveur du tabac ; que Jean-Pierre D invoque le bénéfice de la dérogation prévue par l'alinéa 2 de l'article 3 de la loi du 9 juillet 1976 modifiée, en faveur de certains produits mis sur le marché avant le ler janvier 1990 ; que la marque objet de la publicité incriminée, appartient à la société "Worlwide Brands Inc" (WBI), filiale d'une société holding du groupe Reynolds Tobacco, lequel fabrique, distribue et vend des cigarettes ; que cette considération suffit à convaincre Jean-Pierre D de complicité de publicité indirecte en faveur du tabac par fourniture de moyens, en l'espèce par fourniture d'emplacements publicitaires ; qu'on peut, en outre, ajouter que les pièces versées aux débats démontrent que la promotion des "produits de diversification" par la société de droit américain Nabisco et ses filiales telles que la société RJ Reynolds Tobacco Company procède d'une volonté délibérée de tourner les législations nationales sur l'interdiction de la publicité en faveur du tabac, le moyen utilisé étant la création de sociétés-écran chargées uniquement, à l'exclusion du commerce et de la fabrication du tabac, de l'exploitation des marques commerciales notoires de tabac ou de cigarettes pour lesquelles la publicité est interdite (...) ; que le principe de l'autonomie des personnes morales n'est donc pas invoqué de bonne foi ; que l'exploitation de la marque "Camel Trophy" par la société Oto implique nécessairement l'existence entre cette société et le titulaire de la marque, d'un lien juridique ou financier qui, quelle que soit la date de sa création, est exclusif du bénéfice de la dérogation invoquée ; que les interdictions édictées par les dispositions susvisées du Code de la santé publique le sont pour la protection de la santé et s'appliquent sans discrimination à tous les produits et services concernés quelle que soit leur origine ; qu'elles sont nécessaires à la sauvegarde du droit à la santé dont l'intérêt prime celui du commerce ; qu'elles ne sont donc contraires ni à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ni aux traités garantissant la libre circulation des biens et services ;
" alors que, d'une part, l'article 121-3 du nouveau Code pénal disposant qu'il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre et l'article 121-7 dudit Code prévoyant que la complicité d'un crime ou d'un délit n'est punissable que si l'auteur a agi sciemment, c'est à dire en sachant qu'il aidait à la préparation ou à la consommation de telles infractions, la cour a violé ces textes et privé sa décision de motifs en déduisant l'élément intentionnel du délit de complicité de publicité indirecte en faveur du tabac dont elle a déclaré le prévenu coupable, du seul fait que la partie civile l'avait averti du caractère illégal de la campagne publicitaire, alors qu'en l'état de la législation en vigueur, le demandeur pouvait légitimement penser au contraire, que la publicité était parfaitement licite comme la Cour d'appel de Rennes l'avait d'ailleurs jugé ;
" alors que, d'autre part, aux termes du second alinéa de l'article 3 de la loi du 10 janvier 1991 dont les dispositions ont été reprises par le Code de la santé publique, l'interdiction de la publicité indirecte en faveur du tabac n'est pas applicable en cas de publicité en faveur d'un produit autre que le tabac mis sur le marché avant le 1er janvier 1990 par une entreprise juridiquement et financièrement distincte de toute entreprise qui fabrique, importe ou commercialise du tabac ou un produit du tabac ; que, dès lors, en l'espèce où les juges du fond qui ont constaté que la publicité litigieuse concernait des montres, n'ont pas contesté que, comme le soutenait le prévenu, les conditions prévues pour la mise en œuvre de cette dérogation étaient remplies en l'espèce, la cour a violé le texte précité en invoquant l'existence d'un hypothétique lien juridique et financier existant entre la société qui fabrique les montres et la société titulaire de la marque "Camel Trophy" pour en déduire l'illicéité de la publicité, la caducité de la dérogation à la règle de l'interdiction de la publicité indirecte en faveur du tabac prévue par le texte, ne s'appliquant qu'en cas de création d'un lien juridique ou financier entre l'entreprise qui a mis le produit autre qu'un produit du tabac sur le marché avant le 1er janvier 1990 et une entreprise qui fabrique, importe ou commercialise du tabac et non en cas de création de tels liens entre un fabricant de montres et la société titulaire d'une marque de cigarettes qui ne fabrique pas, n'importe pas et ne commercialise pas de produit du tabac, fut- elle liée à une telle société " ;
Attendu qu'après avoir retenu que la campagne d'affichage au profit des montres " Camel Trophy " constituait une publicité indirecte en faveur du tabac, non autorisée, les juges d'appel relèvent que la société Oto Spa fabrique et commercialise les montres sous cette marque en vertu d'un contrat de licence passé avec la société américaine Worlwide Brands Inc, filiale d'une société holding du groupe Reynolds Tobbaco, qui fabrique, distribue et vend des cigarettes ; que les juges en déduisent qu'un lien juridique et financier unit l'annonceur Oto Spa au fabricant de cigarettes, de sorte que la dérogation instituée par l'article L. 355-26 ne peut en l'espèce être invoquée ;
Attendu que, pour caractériser la complicité de publicité illicite en faveur du tabac à l'encontre de Jean-Pierre D, les juges d'appel exposent qu'il a reconnu avoir accepté de diffuser la campagne publicitaire sur la demande d'une société agissant pour le compte du fabricant italien de montres ; qu'en permettant l'affichage d'une publicité en faveur d'un produit offert sous une dénomination qu'il savait être une marque de cigarettes, il a sciemment procuré à l'annonceur les moyens de commettre une infraction ; que les juges ajoutent qu'il ne peut invoquer une erreur sur le droit alors que, professionnel de la publicité, il avait reçu une mise en garde de la partie civile ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article L. 355-26 du Code de la santé publique et a caractérisé, en tous ses éléments, la complicité de publicité illicite imputée au demandeur ; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
II. Sur le pourvoi formé par le Comité national contre le tabagisme : - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 355-24 L. 355-26 et L. 355-31 du Code de la santé publique, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué, sur ce point infirmatif, a relaxé Jean-Claude D du chef d'infraction à la législation prohibant la publicité en faveur du tabac et débouté le CNCT de ses demandes de réparation civile formées à l'encontre du susnommé et de la SA Jean-Claude D en qualité de civilement responsable ;
" aux motifs que, le 18 janvier 1982, la société Jean-Claude D et la SA RPMU ont modifié leurs relations contractuelles concernant les mobiliers urbains comportant des supports publicitaires ; qu'ils ont mis un terme au mandat qui les liait pour conclure un contrat de commissionnaire ; que Jean-Pierre D reconnaît que sa société devait contractuellement assumer la responsabilité totale de la prospection et de la gestion des contrats publicitaires ; qu'il n'est pas établi que la société Jean-Claude D, dont la prestation se limitait à la fourniture d'emplacements publicitaires, ait été informée en temps utile de la nature de la publicité qui devait être affichée et ait eu la possibilité matérielle d'interrompre la campagne d'affichage qui avait été mise en œuvre ; qu'il n'est pas non plus établi que Jean-Claude D a participé aux faits reprochés ;
" alors qu'en sollicitant la confirmation du jugement en ce qu'il portait condamnation de Jean- Claude D du chef d'infraction à la législation sur la publicité en faveur du tabac, les conclusions du CNCT invitaient expressément la cour de renvoi à tirer toutes les conséquences, à l'instar des premiers juges, de ce que, conformément aux stipulations du contrat de commissionnement du 8 juillet 1975 et de ceux des avenants en vigueur à la date des faits, Jean-Claude D jouissait d'un pouvoir de contrôle effectif sur la diffusion des campagnes d'affichage négociées pour son compte par la société RPMU, notamment par la faculté reconnue à "Jean-Claude D Paris" d'empêcher, par exercice d'un droit de veto, la diffusion d'une publicité ; que, dès lors, en écartant toute responsabilité de Jean-Claude D dans la diffusion de la campagne en faveur des montres "Camel Trophy", au seul motif de l'absence prétendue de preuve de ce que la société qu'il dirige ait été informée de la teneur illicite de cette publicité, suffisamment à temps pour en suspendre la diffusion, sans réfuter ou à tout le moins s'expliquer sur les circonstances relatées dans le moyen précité des conclusions du CNCT, lequel moyen était pourtant particulièrement dirimant puisque de nature à démontrer que l'inaction fautive de la société Jean-Claude D et de son dirigeant avait contribué à la perpétration des faits délictueux, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve de l'infraction reprochée n'était pas rapportée à la charge de Jean-Claude D, en l'état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant la partie civile de ses prétentions à son encontre ; d'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 2, 388, 392, 485, 515, 551 et 593 du Code de procédure pénale, excès de pouvoir, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué, sur ce point infirmatif, a déclaré le CNCT irrecevable en ses demandes tendant à la condamnation à des dommages-intérêts de Jean-Pierre D et de la société RPMU prise en qualité de civilement responsable de son dirigeant social ;
" aux motifs que Jean-Pierre D déclare, dans ses conclusions, qu'il ne conteste pas avoir accepté d'afficher la campagne litigieuse à la demande de la société Universal Média ; qu'il reconnaît donc un acte de gestion qui, sur le fondement de l'article 113 de la loi du 24 juillet 1966, engage la société dont il est le président-directeur général ; qu'il n'est cependant nullement allégué qu'il a eu de par ses fonctions au sein de l'entreprise, un lien de subordination avec la société qu'il dirige qui puisse lui donner la qualité de préposé ; que la demande de dommages et intérêts était formée par le CNCT en première instance contre la SA RPMU prise en qualité de civilement responsable de son préposé ; que, dans ses conclusions d'appel, le CNCT demande pour la première fois la condamnation de la SA RPMU à lui payer la somme de 4 176 950 F de dommages et intérêts en qualité de civilement responsable de son dirigeant social ; que, si dans son exploit introductif d'instance, le CNCT a assigné la SA RPMU pour qu'elle soit déclarée responsable du paiement des amendes auxquelles son dirigeant serait condamné, il a, par ailleurs, demandé sa condamnation au paiement de la somme de 4 176 950 F de dommages et intérêts en qualité de civilement responsable de son préposé ; que cette distinction faite dans son assignation par la partie civile est exclusive de toute erreur matérielle et manifestait la volonté de demander la condamnation de la SA RPMU à des dommages et intérêts, en sa qualité précise de commettant de Jean-Pierre D, ce qu'elle n'est pas ; que la demande de condamnation à des dommages et intérêts de la SA RPMU en qualité de civilement responsable de son dirigeant est donc nouvelle en appel et à ce titre irrecevable par application de l'article 515 du Code de procédure pénale ; qu'est irrecevable pour les mêmes raisons, la demande de condamnation de Jean-Pierre D à des dommages et intérêts, demande qui, elle non plus, n'a pas été présentée en première instance et dont Jean-Pierre D soulève l'irrecevabilité pour être nouvelle en appel ;
" alors que, dans le corps de la citation à comparaître devant le tribunal correctionnel de Quimper, délivrée à la diligence du CNCT à l'encontre de Jean-Pierre D et de la SA RPMU celle-ci n'était désignée, et ce à plusieurs reprises, qu'en sa qualité exacte de civilement responsable de son dirigeant, Jean-Pierre D, lui-même exclusivement désigné en cette qualité, de telle sorte que ne pouvait résulter que d'une erreur matérielle leur désignation en qualité respectivement de préposé de ladite société et de civilement responsable de son préposé dans le chef du dispositif du même acte tendant à l'allocation de dommages-intérêts à la partie civile, qui plus est à la suite du chef du dispositif relatif à l'action publique les désignant en leur exacte qualité respectivement de dirigeant social et de civilement responsable de son dirigeant ; que, dès lors, en décidant néanmoins que la rectification de cette erreur matérielle résultant des conclusions d'appel du CNCT où était sollicitée la condamnation à des dommages-intérêts de la société RPMU en qualité de civilement responsable de son dirigeant constituait en réalité une demande nouvelle, et comme telle irrecevable en appel, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'ensemble des textes susvisés " ;
Vu l'article 515 du Code de procédure pénale ; - Attendu que ne constitue pas une demande nouvelle en cause d'appel, la demande de la partie civile qui, tendant aux mêmes fins que celle soumise aux premiers juges, repose sur un fondement juridique différent ;
Attendu que, par la citation directe qui a saisi le tribunal correctionnel de l'infraction poursuivie contre Jean-Pierre D, président de la société Régie publicitaire de mobilier urbain, la partie civile, après avoir demandé que la société soit déclarée solidairement responsable du paiement de l'amende mise à la charge de son dirigeant, a sollicité la condamnation de celle-ci au paiement de dommages intérêts en sa qualité de civilement responsable de son préposé ;
Attendu que, devant la cour d'appel de renvoi, la partie civile a demandé la condamnation de la société en sa qualité de civilement responsable de son dirigeant social Jean-Pierre D ; que la société a opposé une exception d'irrecevabilité de cette prétention sur le fondement de l'article 515, dernier alinéa, du Code de procédure pénale ;
Attendu que, pour déclarer la demande irrecevable comme nouvelle en cause d'appel, les juges du second degré énoncent que la distinction opérée par la partie civile dans l'assignation est exclusive de toute erreur matérielle et manifeste la volonté de celle-ci d'agir contre la société Régie publicitaire de mobilier urbain en tant que commettant du prévenu Jean-Pierre D, ce qu'elle n'est pas ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que le tribunal correctionnel avait déjà été saisi, par la partie civile, d'une demande de condamnation, en qualité de civilement responsable, de la société dirigée par Jean-Pierre D et que la modification du fondement de cette demande, ne pouvait lui conférer un caractère nouveau, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ; d'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs : Casse et annule, l'arrêt de la Cour d'appel d'Angers, du 16 décembre 1997, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande formée par la partie civile contre la société Régie publicitaire de mobilier urbain, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit jugé à nouveau, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ; Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel d'Orléans.