CJCE, 6e ch., 3 juillet 2001, n° C-378/98
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Commission des Communautés européennes
Défendeur :
Royaume de Belgique
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gulmann
Avocat général :
M. Tizzano
Juges :
MM. Puissochet, Schintgen, Mmes Macken, Colneric
LA COUR (sixième chambre):
1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 21 octobre 1998, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 93, paragraphe 2, deuxième alinéa, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 2, deuxième alinéa, CE), un recours ayant pour objet de faire constater que, en n'ayant pas adopté dans les délais impartis les mesures nécessaires pour récupérer auprès des entreprises bénéficiaires les aides prévues dans le cadre de l'opération Maribel bis/ter, qui ont été déclarées illégales et incompatibles avec le marché commun par la décision 97-239-CE de la Commission, du 4 décembre 1996, concernant les aides prévues par la Belgique dans le cadre de l'opération Maribel bis/ter (JO 1997, L 95, p. 25), qui lui a été notifiée le 20 décembre 1996, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 189, quatrième alinéa, du traité CE (devenu article 249, quatrième alinéa, CE) et des articles 2 et 3 de ladite décision.
Le cadre réglementaire et factuel
Les antécédents et la décision 97-239
2. En Belgique, l'opération dite "Maribel", instaurée par la loi, du 29 juin 1981, établissant les principes généraux de la sécurité sociale des travailleurs salariés (Moniteur belge du 2 juillet 1981, p. 8575), avait accordé une réduction des cotisations de sécurité sociale aux employeurs occupant des travailleurs manuels. Eu égard à son caractère général et automatique, cette mesure n'avait pas été considérée comme une aide relevant du champ d'application de l'article 92, paragraphe 1, du traité CE (devenu, après modification, article 87, paragraphe 1, CE).
3. L'arrêté royal du 14 juin 1993 (Moniteur belge du 7 juillet 1993, p. 16069) a modifié ce régime à compter du 1er juillet 1993, en introduisant l'opération dite "Maribel bis". Il prévoyait que la réduction des cotisations de sécurité sociale serait majorée dans le cas des employeurs exerçant principalement leurs activités dans l'un des secteurs les plus exposés à la concurrence internationale.
4. Par l'arrêté royal du 22 février 1994 (Moniteur belge du 18 mars 1994, p. 6724), qui a instauré l'opération dite "Maribel ter", la réduction des cotisations de sécurité sociale a été de nouveau augmentée, avec effet à partir du 1er janvier 1994. Son champ d'application a également été étendu, d'une part, avec effet au 1er janvier 1994, aux transports internationaux et, d'autre part, avec effet au 1er avril suivant, aux transports aériens et maritimes ainsi qu'aux activités annexes aux transports.
5. Les mesures constituant les opérations Maribel bis et Maribel ter (ci-après l'"opération Maribel bis/ter") n'ayant pas été notifiées préalablement par le Gouvernement belge à la Commission, celle-ci a engagé la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, premier alinéa, du traité. À l'issue de cette procédure, elle a adopté, le 4 décembre 1996, la décision 97-239, qu'elle a notifiée au Royaume de Belgique le 20 décembre suivant.
6. À l'article 1er de la décision 97-239, la Commission a déclaré incompatible avec le marché commun la réduction plus importante des cotisations de sécurité sociale afférentes aux travailleurs manuels accordée dans le cadre de l'opération Maribel bis/ter aux employeurs exerçant principalement leurs activités dans l'un des secteurs les plus exposés à la concurrence internationale.
7. Aux termes de l'article 2, première phrase, de la décision 97-239, "[l]a Belgique est tenue de prendre les mesures appropriées pour mettre fin sans délai à l'octroi des réductions majorées des cotisations sociales [...] et doit récupérer auprès des entreprises bénéficiaires les aides illégalement versées".
8. L'article 3 de la décision 97-239 prévoit que "[l]a Belgique informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de [cette] décision, des mesures qu'elle aura prises pour s'y conformer".
9. Par requête déposée au greffe de la Cour le 19 février 1997, le Royaume de Belgique a demandé à la Cour l'annulation de la décision 97-239. Par son arrêt du 17 juin 1999, Belgique/Commission (C-75-97, Rec. p. I-3671), la Cour a rejeté ce recours.
Les démarches effectuées par le Royaume de Belgique à la suite de la décision 97-239 et les discussions menées avant l'introduction du présent recours
10. Le Gouvernement belge a informé la Commission que, afin d'exécuter l'obligation de mettre fin à l'octroi des réductions majorées de cotisations sociales, imposée par la première partie de l'article 2, première phrase, de la décision 97-239, il envisageait de remplacer l'opération Maribel bis/ter par un nouveau régime dit "Maribel quater" à partir du 1er juillet 1997. La Commission a répondu au Gouvernement belge qu'elle considérait l'opération Maribel quater dans son ensemble comme une mesure générale et qu'elle ne soulèverait pas à son égard d'objection fondée sur l'article 92, paragraphe 1, du traité.
11. En revanche, le Royaume de Belgique ne s'est pas conformé avant l'introduction du présent recours à l'obligation imposée, par la seconde partie de l'article 2, première phrase, de la décision 97-239, de récupérer les aides accordées au titre de l'opération Maribel bis/ter.
12. Pour surmonter les difficultés par lesquelles le Gouvernement belge a justifié l'absence de récupération de ces aides, des discussions entre celui-ci et la Commission ont eu lieu; elles semblent avoir débuté par une réunion tenue le 13 janvier 1997 entre des représentants du Gouvernement belge et des fonctionnaires de la Commission.
13. Au titre des difficultés invoquées, le Gouvernement belge faisait valoir la disparition ou la faillite de certaines entreprises, la fusion entre les réductions de cotisations de l'opération Maribel bis et celles de l'opération Maribel ter, la prise en compte des différentes formes de financement auxquelles les entreprises auraient eu droit si elles n'avaient pas bénéficié de ces réductions, les difficultés de calcul liées à une éventuelle déduction des nouvelles réductions de cotisations prévues au titre de l'opération Maribel quater sur les sommes à rembourser, le nombre important d'entreprises bénéficiaires pour lesquelles les réductions auraient dû être calculées, trimestre par trimestre, en fonction du nombre de travailleurs employés et, en substance, le coût élevé et la charge de travail intolérable qu'une telle opération de récupération entraînerait pour l'administration compétente.
14. Le Gouvernement belge soutenait qu'il était nécessaire de recourir à un calcul forfaitaire du montant des aides à récupérer.
15. Il demandait également l'application de la règle de minimis, affirmant que, en application de cette règle, les entreprises dont le nombre de salariés est inférieur à 50 étaient exclues de l'obligation de restituer les aides en cause.
16. Pour sa part, la Commission n'a écarté a priori ni l'application de la règle de minimis ni une éventuelle compensation entre les sommes à restituer et le montant des nouvelles réductions prévues au titre de l'opération Maribel quater.
17. Toutefois, elle a demandé à plusieurs reprises au Gouvernement belge de préciser sa proposition en matière de calcul forfaitaire et de concrétiser la récupération des aides en cause selon la méthode envisagée. La Commission, préoccupée par le caractère très vague du calcul forfaitaire, a exclu toute méthode de calcul qui ne tiendrait pas compte des réductions de cotisations dont les entreprises avaient effectivement bénéficié.
18. N'ayant pas obtenu, après des mois de discussions, des propositions concrètes relatives à la récupération des aides, la Commission a demandé, par lettre du 4 mai 1998, que le Gouvernement belge fasse "parvenir à la Commission, dans un délai de 15 jours ouvrables à compter de la date de la présente lettre, une proposition concrète, détaillée et opérationnelle de récupération".
19. La réponse du Gouvernement belge n'ayant pas satisfait la Commission, celle-ci s'est résolue à introduire le présent recours.
La poursuite des discussions après l'introduction du présent recours
20. Il ressort des réponses apportées par les parties à une question de la Cour que, après avoir été interrompues à la suite de l'introduction du présent recours, les discussions ont repris en janvier 1999. Le Gouvernement belge a alors examiné avec la Commission différentes versions d'un "projet de protocole", proposé par ce gouvernement en vue de résoudre le problème de la récupération des aides ayant résulté de l'opération Maribel bis/ter.
21. La méthode de récupération proposée dans ce document a été en substance acceptée par la Commission, qui s'est bornée à demander des précisions au Gouvernement belge.
22. Par conséquent, la récupération des aides ayant résulté de l'opération Maribel bis/ter a été réglementée par une loi, du 24 décembre 1999, portant des dispositions sociales et diverses (Moniteur belge du 31 décembre 1999, 3e édition, p. 50467).
23. Certaines modalités de cette réglementation ont cependant été contestées par la Commission, qui a indiqué au Gouvernement belge qu'il serait nécessaire d'y apporter des modifications. Un désaccord semblait subsister notamment sur un aspect de l'application de la règle de minimis ainsi que sur le caractère prétendument ambigu de la loi en ce que celle-ci semblerait consentir aux entreprises intéressées une double déduction fiscale sur les sommes à restituer.
Sur le fond
Sur la date pertinente pour constater un manquement
24. La voie de recours ouverte par l'article 93, paragraphe 2, deuxième alinéa, du traité n'est qu'une variante du recours en manquement, adaptée de manière spécifique aux problèmes particuliers que présentent les aides étatiques pour la concurrence dans le marché commun (voir arrêt du 14 février 1990, France/Commission, dit "Boussac Saint Frères", C-301-87, Rec. p. I-307, point 23).
25. Dans le cadre des procédures engagées en application de l'article 169 du traité CE (devenu article 226 CE), l'existence d'un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l'État membre telle qu'elle se présentait au terme du délai fixé dans l'avis motivé et les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (voir, par exemple, arrêt du 23 mai 2000, Commission/Italie, C-58-99, Rec. p. I-3811, point 17).
26. Du fait que l'article 93, paragraphe 2, deuxième alinéa, du traité ne prévoit pas de phase précontentieuse, à la différence de l'article 169 du traité, et que, par conséquent, la Commission n'émet pas d'avis motivé imposant aux États membres un délai pour se conformer à sa décision, le délai de référence ne saurait être, pour l'application de la première disposition citée, que celui qui a été prévu dans la décision dont l'inexécution est contestée ou, le cas échéant, celui que la Commission a fixé par la suite.
27. S'agissant du délai imparti en l'occurrence, l'article 3 de la décision 97-239 impose un délai de deux mois, à compter de la date de sa notification, pour que le Gouvernement belge informe la Commission des mesures prises afin de se conformer à cette décision, y compris celles prises aux fins de la récupération des aides accordées. Après de longues discussions entre les parties sur les difficultés éprouvées par le Gouvernement belge, la Commission a fixé, dans sa lettre du 4 mai 1998, un nouveau délai expirant quinze jours après la date de cette lettre.
28. Au vu des difficultés effectivement rencontrées et eu égard à la jurisprudence relative à l'obligation imposée tant aux États membres qu'aux institutions communautaires de coopérer loyalement (voir arrêt du 22 mars 2001, Commission/France, C-261-99, non encore publié au Recueil, point 24), il ne saurait être contesté que le délai fixé à l'article 3 de la décision 97-239 a été remplacé par celui résultant de la lettre du 4 mai 1998. Il convient dès lors de considérer ce dernier délai comme pertinent et de constater que les initiatives et les mesures prises par le Gouvernement belge après la date d'expiration dudit délai ne sauraient être prises en considération.
Sur la prétendue impossibilité de récupérer les montants accordés
29. Il n'est pas contesté que les autorités belges n'ont pas récupéré dans le délai imparti, tel que défini au point 28 du présent arrêt, les aides illégalement accordées en vertu de l'opération Maribel bis/ter.
30. Or, il ressort d'une jurisprudence constante que le seul moyen de défense susceptible d'être invoqué par un État membre contre le recours en manquement, introduit par la Commission sur la base de l'article 93, paragraphe 2, du traité, est celui tiré d'une impossibilité absolue d'exécuter correctement la décision (voir arrêts du 4 avril 1995, Commission/Italie, C-348-93, Rec. p. I-673, point 16; du 29 janvier 1998, Commission/Italie, C-280-95, Rec. p. I-259, point 13, et Commission/France, précité, point 23).
31. Le fait, pour un État membre, de ne pouvoir soulever, contre un tel recours, d'autres moyens que l'existence d'une impossibilité d'exécution absolue n'empêche pas que l'État qui, lors de l'exécution d'une décision de la Commission en matière d'aides d'État, rencontre des difficultés imprévues et imprévisibles ou prend conscience de conséquences non envisagées par la Commission soumette ces problèmes à l'appréciation de cette dernière, en proposant des modifications appropriées de la décision en cause. Dans un tel cas, la Commission et l'État membre doivent, en vertu de la règle imposant aux États membres et aux institutions communautaires des devoirs réciproques de coopération loyale, qui inspire, notamment, l'article 5 du traité CE (devenu article 10 CE), collaborer de bonne foi en vue de surmonter les difficultés dans le plein respect des dispositions du traité, et notamment de celles relatives aux aides (voir arrêts du 2 février 1989, Commission/Allemagne, 94-87, Rec. p. 175, point 9; du 4 avril 1995, Commission/Italie, précité, point 17; du 27 juin 2000, Commission/Portugal, C-404-97, Rec. p. I-4897, point 40, et Commission/France, précité, point 24).
32. La condition d'une impossibilité d'exécution absolue n'est pas remplie lorsque le gouvernement défendeur se borne à faire part à la Commission des difficultés juridiques, politiques ou pratiques que présentait la mise en œuvre de la décision, sans entreprendre quelque démarche que ce soit auprès des entreprises en cause aux fins de récupérer l'aide et sans proposer à la Commission des modalités alternatives de mise en œuvre de la décision qui auraient permis de surmonter les difficultés (voir arrêts Commission/Allemagne, précité, point 10; du 10 juin 1993, Commission/Grèce, C-183-91, Rec. p. I-3131, point 20, et du 29 janvier 1998, Commission/Italie, précité, point 14).
Les arguments des parties
33. La Commission reproche au Royaume de Belgique de ne pas avoir pris de mesures aux fins de la récupération des aides octroyées dans le cadre du régime Maribel bis/ter, alors qu'il ne lui était pas absolument impossible de parvenir à cette récupération. Elle lui fait grief à cet égard de ne pas avoir pris d'initiatives pour chercher à récupérer lesdites aides auprès des entreprises bénéficiaires.
34. Aussi déplore-t-elle que le Gouvernement belge n'ait pas proposé des modalités alternatives d'exécution de la décision 97-239 afin de surmonter les difficultés rencontrées pour la récupération des aides en cause. Elle lui reproche notamment de ne pas avoir précisé, malgré des demandes répétées, ses propositions tendant à un régime de compensation et à un calcul forfaitaire.
35. Le Gouvernement belge fait valoir en réponse qu'il a agi avec diligence pour procéder à la récupération des aides en cause, mais qu'il a rencontré des difficultés insurmontables pour le calcul exact - trimestre par trimestre - des réductions de cotisations dont avaient bénéficié les entreprises concernées.
36. Il ajoute que, en l'absence d'une solution de caractère général à ce problème, il ne pouvait pas exécuter la décision 97-239 vis-à-vis de quelques-unes seulement des entreprises en cause sans enfreindre le principe d'égalité de traitement.
37. Le Gouvernement belge expose en détail les difficultés résultant selon lui de deux particularités du système de sécurité sociale belge:
- En premier lieu, l'entreprise qui deviendrait débitrice d'un remboursement des aides reçues dans le cadre de l'opération Maribel bis/ter se trouverait dans une situation qui ne pourrait se maintenir que pour une période de 30 jours, faute de quoi l'entreprise ne pourrait plus bénéficier d'autres réductions de charges sociales relevant de conditions différentes. Il serait évident qu'un tel remboursement est impossible à réaliser dans un délai de 30 jours.
- En second lieu, étant donné que les opérations Maribel constituaient un forfait indivisible et que, avant 1994, le système informatique ne faisait pas la distinction entre les avantages découlant de l'opération Maribel initiale et ceux résultant de l'opération Maribel bis/ter, il serait en tout état de cause exclu que l'on procède à des calculs pour la période antérieure à cette année.
38. Le Gouvernement belge fait valoir que seul un calcul forfaitaire du montant à récupérer aurait permis de surmonter les difficultés rencontrées, mais que cette solution a été écartée par la Commission.
39. Le Gouvernement belge reproche, dans ce contexte, à la Commission de ne pas avoir coopéré de manière constructive à la recherche d'une solution acceptable au problème de la récupération des aides en cause. Il souligne que l'obligation de coopération loyale s'impose aussi bien aux institutions communautaires qu'aux États membres.
Appréciation de la Cour
40. Il y a lieu de rappeler que la Cour a constaté au point 90 de l'arrêt Belgique/Commission, précité, que rien ne prouvait, malgré la présence incontestable de difficultés, qu'il était absolument impossible de procéder à la récupération des aides en cause et qu'une telle impossibilité absolue existait déjà au moment où la Commission a pris la décision 97-239.
41. En l'espèce, les autorités belges se sont bornées en pratique, ainsi que M. l'avocat général l'a constaté au point 25 de ses conclusions, à dénoncer l'existence des difficultés de caractère technique et administratif que présentait une telle récupération, difficultés qui résultaient essentiellement du nombre important d'entreprises concernées ainsi que de la nécessité de déterminer le montant des aides - trimestre par trimestre - sur la base du nombre de travailleurs effectivement employés dans ces entreprises.
42. S'agissant de pareilles difficultés, la Cour a rejeté dans une affaire similaire l'argument selon lequel une impossibilité absolue peut résulter du grand nombre d'entreprises concernées (arrêt du 29 janvier 1998, Commission/Italie, précité). La Cour a plus particulièrement relevé au point 23 de cet arrêt que, à supposer même que la récupération d'un crédit d'impôt pose des difficultés sur le plan administratif, cette circonstance n'est pas de nature à permettre de considérer la récupération comme étant techniquement impossible à réaliser.
43. Jusqu'à la date pertinente pour constater le manquement, le Gouvernement belge n'a entrepris aucune démarche auprès des entreprises concernées aux fins de récupérer les aides en cause.Or, il ne paraît pas qu'il était absolument impossible de commencer par récupérer ces aides auprès de certaines entreprises, sélectionnées en respectant le principe d'égalité de traitement, tout en préservant les entreprises concernées des désavantages résultant des particularités du système de sécurité sociale belge.
44. Il convient également de constater que le Royaume de Belgique n'a pas coopéré de manière suffisante avec la Commission pour trouver une solution au problème de la récupération des aides en cause.
45. Certes, il est exact que le Gouvernement belge a proposé un modèle de compensation reposant essentiellement sur un calcul forfaitaire des montants à payer par chaque entreprise.
46. Néanmoins, il convient de constater le bien-fondé de l'observation de la Commission, selon laquelle la proposition d'un calcul forfaitaire des aides à récupérer était formulée en termes vagues.
47. Ainsi, malgré des demandes répétées de la Commission, le Gouvernement belge n'a pas fourni à celle-ci d'indications permettant de clarifier la nature et le contenu exact de ce type de calcul; il n'a notamment pas défini les éléments qui devraient être considérés comme étant de nature "forfaitaire".
48. De plus, à un moment donné au cours des négociations, le Gouvernement belge a exprimé lui-même des doutes sérieux au sujet du caractère praticable de son modèle de compensation et il a informé la Commission de ses réticences.
49. Par voie de conséquence, en l'absence d'indications plus précises, la Commission ne pouvait adopter une attitude autre que celle consistant à déclarer inacceptable un éventuel calcul forfaitaire qui n'aurait pas tenu compte du montant des réductions de cotisations dont les entreprises avaient effectivement bénéficié.
50. Quant au reproche d'un manque de coopération que le Gouvernement belge adresse à la Commission, il convient de constater que c'est l'État membre destinataire de la décision lui enjoignant de récupérer les aides illégalement versées qui est tenu de présenter en premier des propositions en cas de difficultés.
51. Étant donné l'absence de dispositions communautaires portant sur la procédure de recouvrement des montants indûment versés, la récupération des aides irrégulièrement octroyées doit être effectuée en principe selon les modalités prévues par le droit national (voir arrêt du 20 mars 1997, Alcan Deutschland, C-24-95, Rec. p. I-1591, point 24). L'État membre est donc le mieux placé pour définir les modalités appropriées en vue d'une telle récupération.
52. Dans ces conditions, on ne peut pas reprocher à la Commission un manque de coopération. De plus, la Commission a accepté sans retard l'application de la règle de minimis et s'est déclarée prête, à plusieurs reprises lors des négociations, à accepter une proposition concrète fondée sur un calcul forfaitaire. Elle s'est donc appliquée activement à coopérer en acceptant le peu de propositions qui lui ont été faites et qui étaient susceptibles d'être admises.
53. Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que, en n'ayant pas adopté dans le délai imparti les mesures nécessaires pour récupérer auprès des entreprises bénéficiaires les aides prévues dans le cadre de l'opération Maribel bis/ter, qui ont été déclarées illégales et incompatibles avec le marché commun par la décision 97-239, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 189, quatrième alinéa, du traité et des articles 2 et 3 de ladite décision.
Sur les dépens
54. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume de Belgique et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (sixième chambre)
déclare et arrête:
1) En n'ayant pas adopté dans le délai imparti les mesures nécessaires pour récupérer auprès des entreprises bénéficiaires les aides prévues dans le cadre des opérations Maribel bis et Maribel ter, qui ont été déclarées illégales et incompatibles avec le marché commun par la décision 97-239-CE de la Commission, du 4 décembre 1996, concernant les aides prévues par la Belgique dans le cadre de l'opération Maribel bis/ter, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 189, quatrième alinéa, du traité CE (devenu article 249, quatrième alinéa, CE) et des articles 2 et 3 de ladite décision.
2) Le Royaume de Belgique est condamné aux dépens.