Cass. crim., 29 octobre 1997, n° 96-85.821
COUR DE CASSATION
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Procureur général, Saint-Maclou (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Culie
Rapporteur :
Mme Verdun
Avocat général :
M. Lucas
Avocats :
Me Choucroy, SCP Jean-Jacques Gatineau.
LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par le Procureur général près la Cour d'appel de Douai, la société Saint-Maclou, partie civile, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Douai, 6e Chambre, en date du 14 mai 1996, qui a relaxé Léon S du chef de publicité de nature à induire en erreur, et a prononcé sur les intérêts civils. - Joignant les pourvois en raison de la connexité ; - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Sur le moyen unique de cassation proposé par le Procureur général et pris de la violation des articles L. 121-1 et L. 121-3 du Code de la consommation, contradiction de motifs, manque de base légale ; - Sur le moyen unique proposé pour la société Saint-Maclou par Me Choucroy et pris de la violation des articles 44 de la loi du 27 décembre 1973, devenu l'article L. 121-1 du Code de la consommation, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse aux conclusions, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé Léon S des fins de la poursuite exercée à son encontre du chef de publicité fausse ou de nature à induire en erreur et a débouté en conséquence la société Saint-Maclou de sa constitution de partie civile ;
"aux motifs qu'il résulte du dossier que la pose gratuite était proposée dans différents points de vente et sur certains produits, et à certaines conditions, que chaque directeur de magasin était libre d'offrir tel ou tel modèle voire telle ou telle nuance d'un modèle et de fixer les prix des produits ; enfin, qu'à une exception près sur les modèles contrôlés, les articles vendus avec pose gratuite étaient tous de qualité supérieure et en général plus " frayeux " ; "qu'il est constant que le contrôle de l'Administration n'a porté que sur 206 références de produits et 851 relevés de prix, et que, sur certains points de vente, il existait par ailleurs des opérations de promotion lors du contrôle ; " que, comme le fait plaider le prévenu, il n'est pas possible d'affirmer que l'échantillon est représentatif de l'ensemble des produits offerts à la clientèle et que le même écart de coefficient multiplicateur se retrouverait sur l'ensemble des articles s'ils avaient tous fait l'objet d'un même examen ; qu'au demeurant, le prévenu verse la consultation d'un expert judiciaire qui démontrerait le contraire ; " que cela étant, dès lors que le système économique repose sur un système de libre fixation des prix, qu'il n'a nullement été recherché si, dans chaque magasin, il n'y a pas eu de majoration préalable à l'opération promotionnelle, que le service offert est défini précisément, que le client y a droit dès lors qu'il remplit les conditions spécifiées, le droit pénal étant d'interprétation stricte, aucun élément faux ou de nature à induire en erreur ne peut être relevé dans la publicité litigieuse ;
"alors que, d'une part, le prévenu n'ayant pas contesté sa responsabilité pénale en ce qui concerne les annonces publicitaires effectuées avant 1994 en faveur des magasins portant l'enseigne "Y" qui, selon ses propres conclusions d'appel, appartenaient jusqu'au 30 décembre 1993 à la société dont il est le dirigeant, et ayant même accepté de comparaître volontairement devant le tribunal correctionnel pour y répondre des faits poursuivis, la cour s'est fondée sur des motifs inopérants en invoquant la liberté d'action des directeurs de magasin appartenant à la chaîne Y ;
"alors que, d'autre part, s'agissant d'une campagne publicitaire organisée par une société qui vend des moquettes et qui affirmait que la pose de certains de ses articles était gratuite bien que le prévenu ait dû reconnaître que cette pose ayant un coût, celui-ci était obligatoirement répercuté sur le prix de vente de l'article considéré, la cour, qui n'a tenu aucun compte de ces déclarations particulièrement claires dont la teneur était rappelée dans les conclusions d'appel de la partie civile et qui avait amené les premiers juges à décider que le délit de publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur était bien constitué, a ainsi laissé sans réponse un moyen péremptoire figurant dans les conclusions d'appel de la demanderesse ; "et qu'enfin, le fait pour un vendeur de moquettes d'affirmer que la pose de certains de ses articles est gratuite alors qu'en réalité le coût de cette prestation est inclus dans le prix de vente qui s'en trouve majoré, constitue une allégation fausse ou de nature à induire en erreur dès lors que le consommateur moyen pouvait logiquement croire à tort que le coût de la pose était pris en charge par le vendeur dans le cadre d'une opération promotionnelle " ;
Les moyens étant réunis ; - Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que la société "Y" a, dans le cadre d'une opération promotionnelle, proposé à la clientèle, par voie d'affiches et de prospectus, des moquettes et revêtements de sols avec "pose gratuite" ; que Léon S, président du conseil d'administration de la société, a été cité devant la juridiction correctionnelle, sur le fondement des articles L. 121-1 et L. 121-3 du Code de la consommation, pour avoir diffusé une publicité trompeuse, "laissant croire au consommateur que la pose était gratuite alors que le coût de ce service était financé par une augmentation de la marge commerciale" ; qu'il a été condamné par les premiers juges ;
Attendu que, pour infirmer cette décision et relaxer le prévenu, la juridiction du second degré relève qu'il n'est pas établi que tous les articles proposés en pose gratuite se soient vu appliquer un coefficient multiplicateur plus élevé que les autres produits, ni que leur prix ait été majoré avant l'opération promotionnelle ; que les juges ajoutent que, le service offert ayant été défini, et fourni, dès lors que les conditions spécifiées étaient remplies, la publicité incriminée ne contient aucune indication fausse ou de nature à induire en erreur ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance ou de contradiction, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; qu'en effet, le fait d'annoncer comme étant gratuits des services dont le coût est en réalité inclus dans le prix de vente de la marchandise, objet principal de la publicité, ne constitue pas le délit prévu par l'article L. 121- 1 du Code de la consommation dès lors que l'acquéreur a été exactement informé du prix global qu'il aurait à payer et qu'il n'a pas été induit en erreur sur l'un des éléments prévus par ce texte ;que les moyens ne peuvent, dès lors, qu'être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette les pourvois.