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Décisions

CJCE, 6e ch., 22 novembre 2001, n° C-53/00

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Ferring SA

Défendeur :

Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Macken

Avocat général :

M. Tizzano

Juges :

MM. Colneric, Gulmann, Puissochet, Cunha Rodrigues

CJCE n° C-53/00

22 novembre 2001

LA COUR (sixième chambre),

1. Par jugement du 11 janvier 2000, parvenu à la Cour le 21 février suivant, le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil a posé, en application de l'article 234 CE, trois questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 59 du traité CE (devenu, après modification, article 49 CE), 90, paragraphe 2, du traité CE (devenu article 86, paragraphe 2, CE) et 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE).

2. Ces questions ont été soulevées à l'occasion d'un recours introduit par la société Ferring SA (ci-après "Ferring") devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil en vue d'obtenir le remboursement de la somme qu'elle avait versée à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ci-après l'"ACOSS") au titre de la taxe sur les ventes directes de médicaments.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3. Dans le dernier considérant de la directive 92-25-CEE du Conseil, du 31 mars 1992, concernant la distribution en gros des médicaments à usage humain (JO L 113, p. 1), il est rappelé que certains États membres imposent aux grossistes qui fournissent des médicaments aux pharmaciens et aux personnes autorisées à délivrer des médicaments au public certaines obligations de service public, que les États membres doivent pouvoir appliquer ces obligations aux grossistes établis sur leur territoire et qu'ils doivent pouvoir aussi les appliquer aux grossistes des autres États membres à condition de n'imposer aucune obligation plus stricte que celles qu'ils imposent à leurs propres grossistes et dans la mesure où elles peuvent être considérées comme justifiées par des raisons de protection de la santé publique et sont proportionnées par rapport à l'objectif concernant cette protection.

4. L'article 1er, paragraphe 2, second tiret, de la directive 92-25 précise que, aux fins de celle-ci, on entend par "obligation de service public" "l'obligation faite aux grossistes concernés de garantir en permanence un assortiment de médicaments capables de répondre aux exigences d'un territoire géographiquement déterminé et d'assurer la livraison des fournitures demandées dans de très brefs délais sur l'ensemble dudit territoire".

La réglementation nationale

5. Aux termes de l'article R. 5106-5° du Code de la santé publique, on entend par "grossiste répartiteur" "toute entreprise se livrant à l'achat et au stockage de médicaments autres que ceux destinés à être expérimentés sur l'homme, en vue de leur distribution en gros et en l'Etat".

6. L'arrêté ministériel du 3 octobre 1962, relatif aux obligations des grossistes répartiteurs en ce qui concerne l'approvisionnement des officines en médicaments (JORF du 12 octobre 1962, p. 9999), en vigueur jusqu'au mois de février 1998, prévoyait notamment:

"Article 1er - Tout établissement de vente en gros de produits pharmaceutiques visés à l'alinéa 4 de l'article R. 5115-6 du Code de la santé publique ainsi que ses succursales doivent détenir en permanence un stock de médicaments spécialisés permettant d'assurer l'approvisionnement de la consommation mensuelle des officines du secteur qu'ils desservent et appartenant à leur clientèle habituelle.

Ce stock de médicaments doit correspondre en nature à une collection de spécialités comportant au moins les deux tiers du nombre des présentations de spécialités effectivement exploitées et en importance il doit correspondre à la valeur moyenne des chiffres d'affaires mensuels de l'année précédente.

Article 2 - Tout établissement de vente en gros de produits pharmaceutiques ainsi que ses succursales doivent être en mesure d'assurer la livraison de toute spécialité exploitée à toute officine faisant partie de leur clientèle habituelle et relevant de leur secteur de répartition et, dans les vingt-quatre heures suivant la réception de la commande, de toute spécialité faisant partie de leur collection.

Ils doivent surveiller leur approvisionnement des spécialités afin d'éviter toute rupture de stock.

Article 3 - Le secteur mentionné à l'article 2 est constitué par la zone géographique dans laquelle le pharmacien responsable de l'établissement de vente en gros de produits pharmaceutiques ou de la succursale d'un établissement de vente en gros de produits pharmaceutiques a déclaré exercer son activité. [...]"

7. Ce régime a été modifié notamment par le décret n° 98-79, du 11 février 1998, relatif aux établissements pharmaceutiques et modifiant le Code de la santé publique (JORF du 13 février 1998, p. 2287). L'article R. 5115-13 du Code de la santé publique, tel que modifié par ledit décret, dispose:

"[...]

Sur son territoire de répartition, l'établissement est tenu aux obligations de service public suivantes:

1° Il doit disposer d'un assortiment de médicaments comportant au moins les neuf dixièmes des présentations effectivement exploitées en France;

2° Il doit être en mesure:

a) De satisfaire à tout moment la consommation de sa clientèle habituelle durant au moins deux semaines;

b) De livrer dans les 24 heures suivant la réception de la commande tout médicament faisant partie de son assortiment;

c) De livrer tout médicament, et, lorsqu'il en assure la distribution dans les conditions prévues à l'article R. 5108-1, tout autre produit, objet ou article mentionné à l'article L. 512 et tout produit officinal divisé mentionné au 4° de l'article L. 511-1 exploité en France à toute officine qui le lui demande.

[...]"

8. L'article 12 de la loi n° 97-1164, du 19 décembre 1997, de financement de la sécurité sociale pour 1998 (JORF du 23 décembre 1997, p. 18635), qui a inséré notamment l'article L. 245-6-1 dans le Code de la sécurité sociale, institue une contribution de 2,5 % assise sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France par les laboratoires pharmaceutiques auprès des pharmacies d'officine, des pharmacies mutualistes et des pharmacies de sociétés de secours minières, au titre des ventes en gros de spécialités pharmaceutiques. Cette contribution est appelée "taxe sur les ventes directes".

9. Ainsi que l'a rappelé le Conseil constitutionnel (France) dans sa décision 97-393, du 18 décembre 1997 (JORF du 23 décembre 1997, p. 18649), rendue sur un recours introduit contre l'article 12 de la loi n° 97-1164, ladite contribution, qui ne grève pas les ventes de médicaments effectuées par les grossistes répartiteurs, a été instituée en vue de contribuer au financement de la Caisse nationale d'assurance maladie et de rééquilibrer les conditions de concurrence entre les circuits de distribution des médicaments, lesquelles étaient considérées comme faussées en raison du fait que les grossistes répartiteurs sont soumis à des obligations de service public qui ne s'imposent pas aux laboratoires pharmaceutiques.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

10. Ferring est une société de droit français ayant son siège en France, qui fait partie d'un groupe pharmaceutique multinational et qui distribue dans ledit État membre, à travers un système de vente directe aux pharmacies, le Lutrelef, un médicament produit en Allemagne par une autre société du groupe. Ferring a été soumise à la taxe sur les ventes directes et a dû payer à ce titre la somme de 40 155 FRF à l'ACOSS.

11. Considérant que la taxe était illégale, Ferring a saisi, le 17 septembre 1998, le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil d'un recours tendant à obtenir le remboursement de la somme versée à l'ACOSS. À l'appui de son recours, elle a soutenu, d'une part, que le fait de n'imposer cette taxe que sur les ventes des laboratoires pharmaceutiques constituait une aide d'État accordée aux grossistes répartiteurs en violation de l'obligation de notification préalable prévue à l'article 93, paragraphe 3, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 3, CE) et, d'autre part, que cette mesure introduisait un obstacle à la libre circulation des services en violation de l'article 59 du traité.

12. L'ACOSS a fait valoir en substance que le régime fiscal en cause au principal ne constitue pas une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, qu'il est, en tout Etat de cause, justifié en raison de la nature et de l'économie du système français de distribution des médicaments et que, même s'il était qualifié d'aide, ce régime serait couvert par la dérogation prévue à l'article 90, paragraphe 2, du traité. Quant à la prétendue violation de l'article 59 du traité, l'ACOSS a soutenu que cette disposition n'est pas applicable en l'espèce, dans la mesure où il s'agit d'une situation purement interne à un État membre, et où, en tout Etat de cause, le régime fiscal dont il s'agit au principal n'est pas contraire à la réglementation communautaire sur la libre circulation des services.

13. Dans ces conditions, le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

"1) La contribution instituée par l'article L. 245-6-1 du Code de sécurité sociale peut-elle être considérée comme une aide publique au sens de l'article 87 (ex-article 92) du traité?

Si oui, est-elle justifiée par la nature et l'économie du système?

2) Les grossistes répartiteurs sont-ils chargés de la gestion d'un service d'intérêt économique général, au sens de l'article 86, paragraphe 2, du traité (ex-article 90, paragraphe 2)?

Si la contribution instaurée peut être qualifiée d'aide publique, celle-ci doit-elle compenser strictement le surcoût résultant des obligations imposées aux grossistes répartiteurs pour que la dérogation prévue à l'article 86, paragraphe 2, puisse s'appliquer?

3) L'article 49 (ex-article 59) du traité doit-il être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une législation nationale telle que celle résultant de la loi du 19 décembre 1997?"

Sur l'interprétation de l'article 92 du traité

14. Il y a lieu de rappeler que l'article 92, paragraphe 1, du traité dispose que, "[s]auf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le Marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions".

15. Ainsi que la Cour l'a déjà jugé, la notion d'aide est plus générale que celle de subvention parce qu'elle comprend non seulement des prestations positives telles que les subventions elle-mêmes, mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d'une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du terme, sont de même nature et ont des effets identiques (voir arrêts du 15 mars 1994, Banco Exterior de España, C-387-92, Rec. p. I-877, point 13, et du 17 juin 1999, Piaggio, C-295-97, Rec. p. I-3735, point 34).

16. Le terme "aide", au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, désigne nécessairement des avantages accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d'État ou constituant une charge supplémentaire pour l'État ou pour les organismes désignés ou institués à cet effet par celui-ci (voir, notamment, arrêt du 7 mai 1998, Viscido e.a., C-52-97 à C-54-97, Rec. p. I-2629, point 13).

17. Toutefois, l'existence d'un avantage au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité ne saurait être automatiquement déduite de la différence de traitement dont font l'objet les entreprises concernées. En effet, un tel avantage est absent dès lors que ladite différence de traitement est justifiée par des raisons tenant à la logique du système (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 1997, Tiercé Ladbroke/Commission, C-353-95 P, Rec. p. I-7007, notamment points 33 et 35).

18. Il convient donc, ainsi que l'a relevé M. l'avocat général au point 30 de ses conclusions, d'examiner d'abord si, abstraction faite des obligations de service public prévues par le législateur français, le fait de ne pas assujettir les grossistes répartiteurs à la taxe sur les ventes directes peut, en principe, constituer une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité et, dans l'affirmative, il y aura lieu d'examiner si la qualification d'aide de ce régime doit être exclue en raison des obligations spécifiques de service public imposées aux grossistes répartiteurs par le système français d'approvisionnement des officines en médicaments.

19. À cet égard, il importe de relever qu'il existe en France deux circuits directement concurrents de distribution des médicaments: d'une part, celui des grossistes répartiteurs et, d'autre part, celui des laboratoires pharmaceutiques qui pratiquent la vente directe. En outre, il est constant que la taxe sur les ventes directes vise notamment à rééquilibrer les conditions de concurrence entre les deux circuits de distribution des médicaments, lesquelles sont faussées, selon le législateur français, par l'existence d'obligations de service public qui sont imposées aux seuls grossistes répartiteurs. Par ailleurs, il n'est pas contesté que, à la suite de l'introduction de ladite taxe par la loi n° 97-1164, non seulement la croissance des ventes directes enregistrée dans les années immédiatement antérieures s'est interrompue, mais la tendance s'est même inversée, des parts de marché ayant été récupérées par les grossistes répartiteurs.

20. Il apparaît donc que le non-assujettissement des grossistes répartiteurs à la taxe sur les ventes directes, destinée à financer la Caisse nationale d'assurance maladie, équivaut à leur accorder une exonération fiscale. Ainsi, les autorités françaises ont en pratique renoncé, au bénéfice des grossistes répartiteurs, à percevoir des recettes fiscales et ont, dès lors, accordé à ces derniers un avantage économique. Partant, force est de constater que cet avantage a été octroyé au moyen de ressources d'État et a renforcé la position concurrentielle des grossistes répartiteurs par rapport à l'autre circuit de distribution des médicaments.

21. Par ailleurs, il convient de rappeler que, lorsqu'un avantage accordé par un État membre renforce la position d'une catégorie d'entreprises par rapport à d'autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires, ces derniers doivent être considérés comme influencés par cet avantage (voir, notamment, arrêt du 17 septembre 1980, Philip Morris/Commission, 730-79, Rec. p. 2671, point 11). Or, les marchés pharmaceutiques étant caractérisés par la présence d'un grand nombre d'entreprises multinationales qui distribuent leurs produits dans des États membres, il n'est pas douteux qu'une mesure telle que la taxe sur les ventes directes puisse influencer les courants d'échanges entre ces derniers.

22. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de constater que, abstraction faite des obligations de service public prévues par le législateur français, la taxe sur les ventes directes, en tant qu'elle ne s'applique pas aux grossistes répartiteurs, est susceptible de constituer une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité.

23. Toutefois, il convient d'examiner si la qualification d'aide de ce régime doit être exclue en raison des obligations spécifiques de service public imposées aux grossistes répartiteurs par le système français d'approvisionnement des officines en médicaments.

24. Il échet de rappeler que la réglementation française n'impose qu'aux grossistes répartiteurs les obligations de disposer en permanence d'un assortiment de médicaments susceptible de répondre aux exigences d'un territoire géographiquement déterminé et d'assurer la livraison des médicaments demandés dans de très brefs délais sur l'ensemble dudit territoire, de sorte que soit garanti à tout moment un approvisionnement de médicaments à l'ensemble de la population.

25. Or, le respect de ces obligations entraîne, pour les grossistes répartiteurs, un coût supplémentaire que les laboratoires pharmaceutiques n'ont pas à supporter.

26. À cet égard, il convient de rappeler ce que la Cour a constaté à propos d'une indemnité prévue par la directive 75-439-CEE du Conseil, du 16 juin 1975, concernant l'élimination des huiles usagées (JO L 194, p. 23). Cette indemnité, financée sur la base du principe selon lequel le pollueur est le payeur, le cas échéant par une redevance perçue sur les produits transformés en huiles usagées ou sur les huiles usagées, et ne dépassant pas les coûts annuels et réels, pouvait être accordée aux entreprises collectrices et/ou éliminatrices d'huiles usagées en contrepartie de leurs obligations de collecte et/ou d'élimination des produits offerts par les détenteurs. La Cour a déclaré qu'un tel type d'indemnité ne constitue pas une aide au sens des articles 92 et suivants du traité, mais un prix représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises de ramassage ou d'élimination (voir arrêt du 7 février 1985, ADBHU, 240-83, Rec. p. 531, point 18).

27. De manière similaire, pour autant que la taxe sur les ventes directes imposée aux laboratoires pharmaceutiques correspond aux surcoûts réellement supportés par les grossistes répartiteurs pour l'accomplissement de leurs obligations de service public, le non-assujettissement de ces derniers à ladite taxe peut être regardé comme la contrepartie des prestations effectuées et, dès lors, comme une mesure ne constituant pas une aide d'État au sens de l'article 92 du traité. Au demeurant, lorsque cette condition d'équivalence entre l'exonération accordée et les surcoûts exposés est remplie, les grossistes répartiteurs ne bénéficient pas, en réalité, d'un avantage au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, car la mesure concernée aura comme seul effet de mettre ceux-ci et les laboratoires pharmaceutiques dans des conditions de concurrence comparables.

28. En l'occurrence, il appartient à la juridiction de renvoi d'apprécier si ladite condition est remplie.

29. Il y a donc lieu de répondre que l'article 92 du traité doit être interprété en ce sens qu'une mesure telle que celle prévue à l'article 12 de la loi n° 97-1164, en ce qu'elle grève uniquement les ventes directes de médicaments réalisées par les laboratoires pharmaceutiques, ne constitue une aide d'État aux grossistes répartiteurs que dans la mesure où l'avantage qu'ils tirent du non-assujettissement à la taxe sur les ventes directes de médicaments excède les surcoûts qu'ils supportent pour l'accomplissement des obligations de service public qui leur sont imposées par la réglementation nationale.

Sur l'interprétation de l'article 90, paragraphe 2, du traité

30. Pour le cas où l'avantage que les grossistes répartiteurs tirent du non-assujettissement à la taxe sur les ventes directes de médicaments excéderait les surcoûts qu'ils supportent pour l'accomplissement des obligations de service public, la juridiction de renvoi demande, en substance, si un tel avantage est couvert par l'article 90, paragraphe 2, du traité.

31. Selon l'article 90, paragraphe 2, du traité, les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles du traité, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de la Communauté.

32. Ainsi, s'il s'avère que les grossistes répartiteurs tirent du non-assujettissement à la taxe sur les ventes directes de médicaments un avantage qui excède les surcoûts qu'ils supportent pour l'accomplissement des obligations de service public qui leur sont imposées par la réglementation nationale, cet avantage, pour la partie qui excède lesdits surcoûts, ne saurait, en tout Etat de cause, être regardé comme nécessaire afin de permettre à ces opérateurs d'accomplir leur mission particulière.

33. Par conséquent, il convient de répondre que l'article 90, paragraphe 2, du traité doit être interprété en ce sens qu'il ne couvre pas un avantage fiscal dont bénéficient des entreprises chargées de la gestion d'un service public telles que celles en cause au principal, dans la mesure où cet avantage excède les surcoûts du service public.

Sur l'interprétation de l'article 59 du traité

34. La taxe sur les ventes directes en cause dans le litige au principal frappe les ventes de médicaments effectuées par Ferring et ne se rattache pas, en l'occurrence, à une prestation de services tels qu'ils sont définis à l'article 60 du traité CE (devenu article 50 CE). Une situation résultant de l'imposition de cette taxe, telle que celle en cause au principal, n'entre donc pas dans le champ d'application de l'article 59 du traité, qui prohibe les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de la Communauté.

35. Il y a lieu, dès lors, de répondre que l'article 59 du traité ne trouve pas à s'appliquer à une situation, telle que celle en cause au principal, qui ne se rattache pas à une prestation de services.

Sur les dépens

36. Les frais exposés par le Gouvernement français et par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Créteil, par jugement du 11 janvier 2000, dit pour droit:

1) L'article 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE) doit être interprété en ce sens qu'une mesure telle que celle prévue à l'article 12 de la loi n° 97-1164, du 19 décembre 1997, de financement de la sécurité sociale pour 1998, en ce qu'elle grève uniquement les ventes directes de médicaments réalisées par les laboratoires pharmaceutiques, ne constitue une aide d'État aux grossistes répartiteurs que dans la mesure où l'avantage qu'ils tirent du non-assujettissement à la taxe sur les ventes directes de médicaments excède les surcoûts qu'ils supportent pour l'accomplissement des obligations de service public qui leur sont imposées par la réglementation nationale.

2) L'article 90, paragraphe 2, du traité CE (devenu article 86, paragraphe 2, CE) doit être interprété en ce sens qu'il ne couvre pas un avantage fiscal dont bénéficient des entreprises chargées de la gestion d'un service public telles que celles en cause au principal, dans la mesure où cet avantage excède les surcoûts du service public.

3) L'article 59 du traité CE (devenu, après modification, article 49 CE) doit être interprété en ce sens qu'il ne trouve pas à s'appliquer à une situation, telle que celle en cause au principal, qui ne se rattache pas à une prestation de services.