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Décisions

CA Orléans, 2e ch. corr. sect. 2, 2 octobre 2001, n° 2001-00715

ORLÉANS

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Marion

Conseillers :

Mme Vallée, M. Algier

Avocat :

Me de Brosses.

TGI Tours, ch. corr., du 3 avr. 2000

3 avril 2000

DÉCISION:

Le ministère public est régulièrement appelant du jugement ci-dessus rappelé, rendu le 3 avril 2000 par le Tribunal correctionnel de Tours.

Monsieur l'avocat général conclut à l'infirmation de la décision en ce qu'elle a relaxé le prévenu des fins de la poursuite.

Il estime que l'examen précis des faits de la cause révèle que le reconditionnement de marchandises avec prolongation de la date limite de vente impliquait personnellement le responsable du magasin, nonobstant la délégation de pouvoirs et de responsabilités dont était investi le responsable du rayon concerné.

Il requiert une peine d'amende de 50 000 F, outre l'affichage de la décision devant le point de vente et sa publication dans La République du Centre.

Bruno C, assisté de son conseil, conclut à la confirmation du jugement entrepris et déclare qu'il maintient l'affirmation selon laquelle il n'était "pas au courant" de cette pratique. Il conteste la qualification des faits qui lui sont reprochés telle que visée à la prévention en faisant valoir en substance qu'il ressort du dossier de la procédure qu'il ne saurait être poursuivi comme auteur principal ou co-auteur du délit, ni même comme complice, voire encore du chef de tentative.

Sur ce,

Attendu que les faits de la cause et la procédure antérieure sont exactement rapportés au jugement, auquel la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé;

qu'il suffit de rappeler qu'à l'occasion d'un contrôle de la DCCRF effectué le 22 septembre 1999 à 9 heures au magasin X de Descartes (37160), il était constaté que "de nombreux morceaux de viande de veau, de boeuf et d'agneau, une quarantaine au minimum destinés à la vente au détail et dont les dates limites de consommation étaient fixées au 24 septembre 1999 avaient été remplacées par des étiquettes indiquant le 26 septembre comme date limite de consommation."

que le procès-verbal mentionnait exactement que si le reconditionnement est acceptable quand il suit une opération de pièçage ou une amélioration de la présentation en reprenant la date limite de consommation initiale, en aucun cas il ne saurait être toléré s'il s'accompagne d'une prolongation du délai de consommation, dès lors que ces marchandises biologiquement très périssables peuvent présenter, après une courte période, un danger immédiat pour la santé humaine lorsqu'elles sont consommées au-delà de la date limite indiquée initialement, sous la responsabilité du conditionneur;

Attendu que le prévenu conteste quelque participation que ce soit dans les faits qui lui sont reprochés ;

qu'en particulier, son conseil estime, d'une part, que la matérialité même des faits n'est pas établie et que, d'autre part, Bruno C ne saurait être poursuivi que du chef de complicité, n'ayant donné aucune instruction pour la commission du délit ;

Attendu que pour entrer en voie de relaxe à son égard, le tribunal a relevé que Guy D, chef du rayon boucherie, disposait d'une délégation de pouvoir en matière d'hygiène et de sécurité, y compris sur le plan disciplinaire, et qu'il appartenait à celui-ci de ne pas suivre les recommandations illicites du directeur de magasin, à les supposer établies ;

Attendu cependant que les faits sont suffisamment établis par le procès-verbal de délit, corroboré par les déclarations concordantes de Guy D et celles de trois salariés du rayon boucherie, selon qui le reconditionnement des pièces de viande proposées à la clientèle en libre-service avec prolongation de la DLC était de pratique courante dans l'établissement ;

Attendu que ses fonctions de directeur de ce supermarché faisaient obligation à Bruno C de veiller à la qualité des produits mis en vente et au respect des conditions d'hygiène, compte tenu du rôle essentiel du rayon boucherie au sein d'un magasin alimentaire et de l'importance particulière du respect des prescriptions en matière d'hygiène dans ce secteur sensible ;

que la taille du point de vente et le nombre de ses salariés lui permettaient d'en contrôler l'activité ;

qu'au surplus, les déclarations des employés de ce rayon confirment clairement les affirmations de Guy D selon lesquelles ce dernier agissait conformément aux instructions de son directeur,"officieuses mais connues de tous", afin d'atteindre un objectif de marge élevé au regard des usages de la profession, et ce en limitant les invendus éventuels par le jeu de la prolongation frauduleuse des dates limites de consommation portées sur les étiquettes des produits après reconditionnement;

que le caractère habituel et général de cette politique est au demeurant également révélé par la méthode, non sérieusement contestée par le prévenu, qui consistait à déconditionner certains produits frais en libre-service qui avaient atteint la date limite de vente pour ensuite les mettre en vente au rayon traditionnel ;

Attendu qu'il est ainsi démontré que Bruno C s'est rendu coupable d'avoir provoqué ou donné des instructions pour commettre le délit visé à la prévention ;

qu'à son égard, les faits de la cause doivent s'analyser au regard de l'article 121-7 du Code pénal en une complicité de tromperie,ainsi que le fait judicieusement observer son conseil ;

Attendu en conséquence qu'il convient d'infirmer le jugement sur la culpabilité et de condamner Bruno C, compte tenu de la particulière gravité des faits, au paiement d'une amende de 30 000 F ;

qu'il n'est pas opportun d'ordonner une mesure d'affichage et de publication de la présente décision ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement ; Reçoit l'appel, régulier en la forme ; Infirme le jugement et, statuant à nouveau ; Requalifie les faits en complicité du délit visé à la prévention ; Condamne Bruno C au paiement d'une amende de trente mille francs (30 000 F) ; Rejette la demande d'affichage et de publication ; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de huit cents francs (800 F) dont est redevable chaque condamné.