CJCE, 5e ch., 19 septembre 2002, n° C-113/00
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Royaume d'Espagne
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Jann
Rapporteur :
M. Timmermans
Avocat général :
M. Jacobs.
Juges :
MM. Edward, La Pergola, Wathelet
LA COUR (cinquième chambre), rend le présent arrêt :
1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 27 mars 2000, le Royaume d'Espagne a, en vertu de l'article 230, premier alinéa, CE, demandé l'annulation de la décision 2000-237-CE de la Commission, du 22 décembre 1999, concernant le régime d'aides mis à exécution par l'Espagne en faveur des productions horticoles destinées à la transformation industrielle en Estrémadure au titre de la campagne 1997-1998 (JO 2000, L 75, p. 54, ci-après la "décision attaquée").
Le cadre juridique
2. L'article 87, paragraphe 1, CE dispose:
"Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le Marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions."
3. L'article 87, paragraphe 3, sous a) et c), CE précise:
"Peuvent être considérées comme compatibles avec le Marché commun:
a) les aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi,
[...]
c) les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun".
4. L'article 88, paragraphe 2, premier alinéa, CE prévoit:
"Si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu'une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d'État n'est pas compatible avec le Marché commun aux termes de l'article 87, ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l'État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine."
5. Enfin, en vertu de l'article 88, paragraphe 3, CE:
"La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le Marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale."
Les faits à l'origine du litige et la décision attaquée
6. À la suite de l'adoption, le 8 juillet 1998, de l'arrêté de la Consejería de Agricultura y Comercio de la Junta de Extremadura établissant, pour la campagne 1997-1998, un régime d'aides en faveur des productions horticoles destinées à la transformation industrielle (Diario Oficial de Extremadura n° 84, du 23 juillet 1998, p. 5807, ci-après l'"arrêté de 1998"), la Commission, qui n'avait pas reçu de notification de ce régime au titre de l'article 93, paragraphe 3, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 3, CE), a, le 8 février 1999, adressé aux autorités espagnoles une lettre leur demandant la confirmation de l'existence de telles aides et de leur mise en vigueur.
7. La représentation permanente de l'Espagne auprès de l'Union européenne a, par lettre du 26 février 1999, fait parvenir à la Commission les informations sollicitées. Il ressortait notamment de cette lettre et de ses annexes que l'arrêté de 1998 visait à mettre en œuvre, pour la campagne 1997-1998, le décret 84-1993 de la Junta de Extremadura, du 6 juillet 1993, prévoyant, de manière générale, un système d'aides pour les productions horticoles destinées à la transformation industrielle (Diario Oficial de Extremadura n° 82, du 13 juillet 1993, p. 2071). L'arrêté de 1998 précisait, à cet effet, les espèces horticoles bénéficiaires de l'aide, le montant de la prime et le volume total maximal de production éligible à l'aide.
8. Ainsi, en ce qui concerne les produits éligibles à l'aide, l'arrêté de 1998 énumérait, premièrement, les poivrons destinés à la fabrication de piment rouge moulu, avec ou sans dénomination d'origine, deuxièmement, les poivrons et les cornichons destinés à un usage industriel et, troisièmement, les choux, les oignons, les brocolis, les choux-fleurs, les épinards, les poireaux, les fèves et les pommes de terre destinés à la déshydratation et/ou à la (dé)congélation.
9. En ce qui concerne le montant de l'aide accordée aux produits éligibles, l'arrêté de 1998 prévoyait une aide de 5 ESP par kilogramme pour les poivrons destinés à la fabrication de piment rouge moulu sous la dénomination d'origine "Pimentón de la Vera" et pour les cornichons destinés à un usage industriel, et de 1,5 ESP par kilogramme pour les autres produits livrés à l'industrie de transformation.
10. Quant au volume total maximal de production éligible à l'aide, il était fixé à 9 500 tonnes pour les poivrons destinés à la fabrication de piment rouge moulu sous la dénomination d'origine "Pimentón de la Vera", à 4 000 tonnes pour les poivrons destinés à la fabrication de piment rouge moulu sans dénomination d'origine ou destinés à un usage industriel, à 250 tonnes pour les cornichons destinés à un usage industriel, et à 15 000 tonnes pour chacun des autres produits.
11. Confirmant, sur ce point, les principes énoncés dans le décret 84-1993, l'arrêté de 1998 rappelait en outre que les bénéficiaires des aides qu'il instituait étaient les producteurs de produits horticoles destinés à la transformation industrielle en Estrémadure, ayant souscrit des contrats homologués avec des industries destinataires des productions horticoles de cette région pendant la campagne 1997-1998, ces industries devant obligatoirement être inscrites au registre du commerce agricole. Il était précisé que l'aide maximale par agriculteur ne pourrait, en aucun cas, dépasser la somme de 500 000 ESP.
12. Nourrissant, au vu de ces informations, des doutes quant à la compatibilité de ce régime d'aides avec les règles du traité CE, notamment les articles 28 CE, 29 CE et 87 CE, la Commission a, par lettre du 14 juin 1999, informé le Royaume d'Espagne de sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE. En conséquence, elle a invité cet État membre ainsi que les autres parties intéressées à présenter leurs observations éventuelles sur ledit régime dans un délai d'un mois à compter, respectivement, de la réception de la lettre du 14 juin 1999 et de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes.
13. Parmi les autres parties intéressées, seule une association professionnelle, l'Union européenne des industries de transformation de la pomme de terre, a donné suite à l'invitation de la Commission. Par lettre du 6 septembre 1999, cette association a fait savoir qu'elle partageait, en substance, l'évaluation faite par la Commission recommandant au Gouvernement espagnol de supprimer les aides à la pomme de terre, en raison des risques de distorsion de concurrence au sein du marché intérieur qui résulteraient, dans ce secteur, de l'octroi d'aides par les États membres.
14. Le Royaume d'Espagne, pour sa part, a présenté ses observations par lettre du 19 juillet 1999.
15. Il a fait valoir, d'une part, que l'établissement et le maintien de l'industrie agroalimentaire au moyen d'un lien entre le secteur de la production et celui de la transformation sous forme de relations contractuelles garantissaient un prix minimal ainsi que la fourniture de matières premières de qualité et constituaient, de surcroît, un facteur de localisation de la production et de fixation de la population rurale.
16. D'autre part, il a allégué que le développement et l'établissement des cultures horticoles d'automne et d'hiver dans les zones d'irrigation d'Estrémadure constituaient une alternative socio-économique de grande importance pour le développement des zones rurales puisqu'ils avaient permis le maintien de l'équilibre entre les produits destinés au marché frais et ceux destinés à la transformation, basé sur l'existence de quantités maximales garanties qui avaient limité efficacement les possibilités de production et de commercialisation.
17. Dans ces circonstances, le Royaume d'Espagne a estimé que les aides prévues par l'arrêté de 1998 n'avaient pas comporté d'avantages pour les agents économiques et qu'elles avaient été limitées en fonction de l'objectif structurel poursuivi. Une fois ce but atteint, le régime d'aides aurait été suspendu et il ne serait pas prévu de l'appliquer à nouveau.
18. Ces explications n'ont pas convaincu la Commission. Par la décision attaquée, elle a en effet considéré que, les aides prévues par l'arrêté de 1998 n'ayant pas été notifiées conformément à l'article 88, paragraphe 3, CE, elles avaient été octroyées illégalement, et qu'elles étaient en outre incompatibles avec le Marché commun, à l'exception des aides à la pomme de terre, qui concernaient un produit de l'annexe I du traité CE non soumis à une organisation commune de marché.
19. À cet égard, elle a jugé, d'une part, aux points 19 à 23 des motifs de la décision attaquée, que, en raison du volume considérable des échanges de légumes entre l'Espagne et les autres États membres, les aides en cause étaient susceptibles d'affecter les échanges de ce type de produits entre les États membres puisque ce commerce serait affecté lorsque des aides favorisent des opérateurs actifs dans un État membre par rapport aux autres. La Commission a notamment relevé que les mesures en cause avaient un effet direct sur les coûts de production des entreprises de production et de transformation de fruits et légumes en Espagne et qu'elles leur fournissaient, de ce fait, un avantage économique par rapport aux exploitations n'ayant pas accès à des aides comparables dans d'autres États membres. Elle en a conclu que le régime d'aides en cause rentrait dans le champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, CE.
20. D'autre part, la Commission a estimé, aux points 26 à 37 des motifs de la décision attaquée, que le régime d'aides en cause ne pouvait bénéficier d'aucune des dérogations prévues à l'article 87, paragraphe 3, CE. Elle a fait valoir, à cet égard, trois arguments distincts.
21. Aux points 27, 31 et 32 des motifs de la décision attaquée, la Commission a d'abord considéré que les aides en cause n'avaient pas été conçues comme des aides régionales en faveur de la réalisation de nouveaux investissements ou de la création d'emplois, voire pour surmonter des handicaps d'infrastructure de manière horizontale pour l'ensemble des entreprises de la région, mais comme des aides au fonctionnement du secteur agricole, incompatibles avec le Marché commun dans la mesure où, premièrement, de telles aides n'auraient aucun effet durable sur le développement du secteur concerné, leur effet immédiat disparaissant avec la mesure elle-même, et où, deuxièmement, elles conduiraient directement à améliorer les possibilités de production et d'écoulement de leurs produits par les opérateurs concernés par rapport à d'autres opérateurs ne bénéficiant pas d'aides comparables sur le territoire national comme dans les autres États membres.
22. Au point 33 des motifs de la décision attaquée, la Commission a ensuite rappelé que les aides prévues par l'arrêté de 1998 - à l'exception des aides à la pomme de terre - concernaient des produits soumis à une organisation commune de marché et qu'il existait des limites claires au pouvoir d'intervention des États membres dans le fonctionnement d'une telle organisation, les organisations communes de marchés devant être considérées comme des systèmes complets et exhaustifs qui excluent tout pouvoir des États membres d'adopter des mesures pouvant y déroger ou y porter atteinte.
23. Aux points 34 et 35 des motifs de la décision attaquée, la Commission a enfin jugé que le régime d'aides en cause comportait une restriction à la libre circulation des marchandises entre les États membres dans la mesure où, pour pouvoir bénéficier de ces aides, les producteurs d'Estrémadure étaient obligés de vendre leurs produits aux industries de la région. Cette exigence constituait, selon la Commission, une restriction à l'exportation de ces produits vers les autres États membres, qui était contraire à l'article 29 CE.
24. Dans ces circonstances, la Commission a décidé que le Royaume d'Espagne devait supprimer le régime d'aides en cause et prendre toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès de ses bénéficiaires les aides illégalement octroyées.
Le recours
25. Le Royaume d'Espagne avance trois moyens à l'appui de son recours en annulation de la décision attaquée. Ils sont tirés, le premier, d'une violation des articles 87, paragraphe 1, CE et 253 CE, le deuxième, d'une violation des articles 87, paragraphe 3, sous a), CE et 253 CE et, le troisième, d'une violation de l'article 87, paragraphe 3, sous c), CE.
Sur le premier moyen
26. Par son premier moyen, qui se scinde en deux branches, le Gouvernement espagnol soutient, à titre principal, que la décision attaquée viole les articles 87, paragraphe 1, CE et 253 CE.
Sur la première branche du premier moyen, tirée de l'absence d'incidence sur les échanges inter-étatiques
27. Par la première branche du premier moyen, le Gouvernement espagnol fait valoir que les échanges entre États membres ne sont pas affectés par le régime d'aides en cause dans la mesure où, premièrement, le montant global des aides, de surcroît réparti entre de nombreux agriculteurs, serait faible, deuxièmement, les aides en cause ne seraient qu'indirectement des aides aux agriculteurs puisque l'arrêté de 1998 ne viserait pas tant à encourager la production de produits horticoles qu'à garantir la stabilité des relations entre producteurs et transformateurs et, troisièmement, à l'exception du Royaume d'Espagne lui-même, aucun État, entreprise ou association professionnelle n'aurait présenté d'observations sur les aides visées par la décision attaquée lors de la procédure ouverte par la Commission à l'encontre de celles-ci.
28. Le Gouvernement espagnol allègue, à cet égard, que la moyenne du montant perçu par agriculteur tourne en l'espèce autour de 120 000 ESP, ce qui serait largement inférieur aux montants figurant dans les clauses communautaires de minimis, et notamment à celui retenu dans la communication 94-C 368-05 de la Commission, intitulée "Lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté", publiée au Journal officiel des Communautés européennes du 23 décembre 1994 (JO C 368, p. 12, ci-après les "lignes directrices relatives aux entreprises en difficulté").
29. Quant aux observations formulées en l'espèce en application de l'article 88, paragraphe 2, CE, le Gouvernement espagnol estime qu'il n'y a pas lieu de prendre en compte celles de l'Union européenne des industries de transformation de la pomme de terre dans la mesure où elles concernent un produit - la pomme de terre - qui, en tout état de cause, est exclu du champ d'application de la décision attaquée. La mention, au point 15 des motifs de cette décision, des observations présentées par cette association ainsi que l'affirmation, au point 7 des motifs de la même décision, que le Royaume d'Espagne n'a pas réagi auxdites observations auraient pour seul objectif de susciter l'impression qu'il existe des tiers affectés par les aides en cause, ce qui ne serait nullement le cas.
30. En ce qui concerne, en premier lieu, l'argument du Gouvernement espagnol tiré du faible montant global des aides en cause et de leur répartition entre de nombreux agriculteurs qui recevraient, chacun, une part d'aide qui serait négligeable sur le plan national ou communautaire, il convient de rappeler la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle l'importance relativement faible d'une aide ou la taille relativement modeste de l'entreprise bénéficiaire n'excluent pas a priori l'éventualité que les échanges entre États membres soient affectés (voir, notamment, arrêts du 21 mars 1990, Belgique/Commission, dit "Tubemeuse", C142-87, Rec. p. I-959, point 43; du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, C-278-92 à C-280-92, Rec. p. I-4103, point 42, et du 7 mars 2002, Italie/Commission, C-310-99, non encore publié au Recueil, point 86). D'autres éléments peuvent en effet jouer un rôle déterminant dans l'appréciation de l'effet d'une aide sur les échanges, notamment le caractère cumulatif de l'aide ainsi que la circonstance que les entreprises bénéficiaires opèrent dans un secteur particulièrement exposé à la concurrence.
31. Force est de constater que le secteur des fruits et légumes rentre dans cette dernière catégorie et qu'il existe, dans ce secteur, une concurrence intense entre les producteurs des États membres dont les produits font l'objet d'échanges intracommunautaires. Les producteurs espagnols participent pleinement à cette concurrence en exportant des volumes substantiels de légumes vers d'autres États membres.
32. En outre, il y a lieu de rappeler que le Conseil a adopté, le 28 octobre 1996, le règlement (CE) n° 2200-96, portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes (JO L 297, p. 1), qui, ainsi qu'il ressort notamment de son troisième considérant, vise à instituer un cadre de référence contribuant à la loyauté des échanges et à la transparence des marchés et, par là-même, vise à encadrer la concurrence dans ce secteur.
33. Dans de telles circonstances, l'octroi d'aides, même d'un faible montant, est de nature à affecter les échanges entre États membres.
34. Certes, ainsi que la Commission elle-même l'a admis, notamment, dans les lignes directrices relatives aux entreprises en difficulté ainsi que dans sa communication 96-C 68-06, relative aux aides de minimis, publiée au Journal officiel des Communautés européennes du 6 mars 1996 (JO C 68, p. 9, ci-après la "communication relative aux aides de minimis"), applicable à l'époque des faits du litige, certaines aides, dont le montant est très peu élevé, peuvent ne pas avoir d'impact sensible sur les échanges et la concurrence entre les États membres, de sorte qu'elles doivent être dispensées de notification préalable à la Commission.
35. Toutefois, il résulte tant du point 2.3 des lignes directrices relatives aux entreprises en difficulté que du quatrième alinéa de la communication relative aux aides de minimis que la règle de minimis n'est pas applicable aux secteurs faisant l'objet de règles communautaires spéciales en matière d'aides d'État, et notamment aux secteurs de l'agriculture et de la pêche. Le Gouvernement espagnol n'est donc pas fondé à s'en prévaloir dans le cas d'espèce.
36. Au vu de l'ensemble de ces considérations, il y a donc lieu de rejeter comme non fondé l'argument du Gouvernement espagnol tiré du caractère négligeable des aides en cause.
37. En ce qui concerne, en deuxième lieu, l'argument du Gouvernement espagnol selon lequel les aides en cause ne seraient qu'indirectement des aides aux agriculteurs, il ne peut davantage être retenu dès lors que lesdites aides se traduisent, en tout état de cause, par une diminution des coûts de production des producteurs d'Estrémadure qui livrent leurs légumes, aux fins de transformation, à l'industrie locale, de sorte qu'elles sont susceptibles d'affecter les échanges de ce type de produits.
38. En ce qui concerne, en dernier lieu, l'argument du Gouvernement espagnol tiré de l'absence d'observations de tiers relatives aux aides jugées incompatibles avec le Marché commun, il y a lieu de constater que cette circonstance n'est pas de nature à affecter la validité de la décision attaquée.
39. Si l'article 88, paragraphe 2, CE impose en effet à la Commission, avant de prendre sa décision, de recueillir les observations des parties intéressées, il n'interdit pas à cette institution de conclure qu'une aide est incompatible avec le Marché commun en l'absence de telles observations, comme le Gouvernement espagnol lui-même l'a d'ailleurs admis dans sa réplique. En effet, une telle circonstance n'exclut pas, en soi, que les échanges entre États membres puissent être affectés par cette aide.
40. Au regard des considérations qui précèdent, il y a donc lieu de rejeter, dans son ensemble, la première branche du premier moyen.
Sur la seconde branche du premier moyen, tirée d'un défaut de motivation en ce qui concerne le constat d'une incidence sur les échanges interétatiques
41. Par la seconde branche du premier moyen, le Gouvernement espagnol soutient, en substance, que, même à supposer que les aides en cause affectent les échanges entre États membres, en tout état de cause, la décision attaquée ne satisferait pas à l'exigence d'une motivation minimale à cet égard. Selon ce Gouvernement, le seul argument par lequel la Commission tente de démontrer une telle incidence sur lesdits échanges figure au point 21 des motifs de la décision attaquée, où la Commission évoque les chiffres relatifs à la production totale de légumes en Espagne ainsi que ceux relatifs aux échanges de ce type de produits entre l'Espagne et les autres États membres au cours de l'année 1998. Or, une telle motivation serait insuffisante dans la mesure, notamment, où la Commission ne prendrait pas la peine de spécifier correctement le marché prétendument affecté par les aides en cause.
42. Le Gouvernement espagnol relève d'abord que les chiffres de la Commission se réfèrent, de manière générale, aux légumes verts, en ce compris les légumes frais, alors que les aides jugées illégales concernent seulement neuf légumes, de surcroît destinés à la transformation industrielle.
43. Il fait ensuite valoir que la Commission n'a pas mentionné, dans la décision attaquée, la part que représente la production d'Estrémadure dans l'ensemble du marché national ainsi que dans le marché communautaire.
44. Enfin, il déplore que la Commission n'ait pas mis les chiffres relatifs aux tonnes de légumes importés et exportés par l'Espagne au cours de l'année 1998 en relation avec les quantités maximales susceptibles de bénéficier des aides en cause.
45. Selon le Gouvernement espagnol, ces omissions seraient à l'origine de l'inexactitude des chiffres dont la Commission s'est servie pour justifier l'applicabilité de l'article 87, paragraphe 1, CE au cas d'espèce.
46. Ce Gouvernement conclut, sur ce point, que, en tout état de cause, une simple allusion au fait qu'un État membre importe et exporte des produits éligibles à une aide ne suffit pas à démontrer que le commerce entre États membres est affecté. Cette motivation serait d'autant plus insuffisante en l'espèce que l'aide aux agriculteurs ne serait qu'indirecte: ce que l'arrêté de 1998 encouragerait, en l'occurrence, ne serait pas tant la production de légumes que la stabilité des relations entre producteurs et transformateurs en assurant l'approvisionnement des industries de transformation.
47. À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire, que l'obligation de motivation prévue à l'article 253 CE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l'acte litigieux. Dans cette perspective, la motivation exigée par l'article 253 CE doit être adaptée à la nature de l'acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non-équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d'exercer son contrôle (voir, notamment, arrêts du 22 mars 2001, France/Commission, C-17-99, Rec. p. I-2481, point 35, et Italie/Commission, précité, point 48).
48. En outre, cette exigence doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que les destinataires ou d'autres personnes concernées directement et individuellement par l'acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêts précités France/Commission, point 36, et Italie/Commission, point 48).
49. Au regard de cette jurisprudence, il n'apparaît pas que la Commission ait manqué, en l'occurrence, à l'obligation de motiver de manière suffisante la décision attaquée en ce qui concerne le constat que les aides en cause affectent les échanges entre États membres.
50. Tout d'abord, la Commission fait état, au point 21 des motifs de la décision attaquée, des données chiffrées relatives à la production totale de légumes en Espagne ainsi qu'au volume des échanges réalisés, pour ce type de produits, entre l'Espagne et les autres États membres au cours de l'année 1998. Il ressort clairement de ces données qu'une part considérable des produits horticoles espagnols est exportée vers les autres États membres. S'il est vrai que la Commission n'a pas fourni les données chiffrées détaillées relatives aux exportations de ceux desdits produits qui font l'objet du régime d'aides en cause, elle n'en a pas moins souligné que ce régime intervient dans le contexte global d'un niveau élevé de courants d'échanges entre États membres pour les produits relevant du secteur horticole.
51. Ensuite, au point 22 des motifs de la décision attaquée, la Commission évoque l'effet direct et immédiat des mesures d'aide en cause sur les coûts de production des entreprises de production et de transformation de fruits et légumes en Espagne et l'avantage économique qu'elles procurent à ces entreprises par rapport aux exploitations qui n'ont pas accès à des aides comparables dans d'autres États membres.
52. Au deuxième visa de la décision attaquée comme au point 19 de ses motifs, la Commission renvoie en outre explicitement au règlement n° 2200-96, qui a institué une organisation commune de marché dans le secteur des fruits et légumes. Le Gouvernement espagnol ne pouvait donc pas ignorer que l'appréciation portée par la Commission sur le régime d'aides en cause, y compris son constat que les échanges entre États membres en étaient affectés, s'inscrivait nécessairement dans le cadre du régime des organisations communes de marchés.
53. Il convient de relever, à cet égard, que le régime résultant du règlement n° 2200-96, qui comporte un ensemble de règles uniformes relatives à la production, à la commercialisation et à la concurrence entre les opérateurs économiques concernés, favorise tant les courants d'échanges dans le secteur des fruits et légumes que le développement et le maintien d'une concurrence effective au niveau communautaire.
54. Enfin, il y a lieu de rappeler que, s'il est constant que la Commission est tenue d'évoquer, dans les motifs de sa décision, à tout le moins les circonstances dans lesquelles une aide a été accordée, lorsqu'elles permettent de démontrer que l'aide est de nature à affecter les échanges entre États membres (arrêt du 14 octobre 1987, Allemagne/Commission, 248-84, Rec. p. 4013, point 18), elle n'est pas tenue de faire la démonstration de l'effet réel d'aides déjà accordées. Si tel était le cas, en effet, cette exigence aboutirait à favoriser les États membres qui versent des aides en violation du devoir de notification prévu à l'article 88, paragraphe 3, CE au détriment de ceux qui notifient les aides à l'état de projet (voir notamment, en ce sens, arrêt du 14 février 1990, France/Commission, dit "Boussac", C-301-87, Rec. p. I-307, point 33).
55. Dans ces conditions, il y a également lieu de rejeter la seconde branche du premier moyen.
56. Il s'ensuit que le premier moyen du Gouvernement espagnol ne peut être accueilli.
Sur les deuxième et troisième moyens
57. Par son deuxième moyen, qui se scinde également en deux branches, le Gouvernement espagnol allègue que la décision attaquée viole les articles 87, paragraphe 3, sous a), CE et 253 CE.
58. Il fait valoir, d'une part, que la Commission a méconnu le fait que les aides en cause pouvaient bénéficier de la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, sous a), CE dans la mesure où elles étaient précisément destinées à favoriser le développement économique d'une région - l'Estrémadure - dans laquelle le niveau de vie est anormalement bas et où sévit un grave sous-emploi. Selon le Gouvernement espagnol, ces circonstances suffisaient, en tout état de cause, pour que la Commission pût déclarer lesdites aides compatibles avec le traité, car, à la différence de la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, sous c), CE, il ne serait pas requis dans cette hypothèse que les aides n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.
59. D'autre part, le Gouvernement espagnol reproche à la Commission d'avoir manqué à l'obligation de motivation prévue à l'article 253 CE en ne justifiant pas son refus d'autoriser les aides en cause au titre de l'article 87, paragraphe 3, sous a), CE, alors que ces aides avaient une finalité sociale évidente qui ressortait tant du décret 84-1993 que de l'arrêté de 1998.
60. Par son troisième moyen, soulevé à titre subsidiaire, le Gouvernement espagnol invoque une violation de l'article 87, paragraphe 3, sous c), CE, dans la mesure où la Commission aurait omis de prendre en compte le fait que, dans l'hypothèse où l'article 87, paragraphe 3, sous a), CE ne serait pas applicable, les aides en cause pouvaient, en tout état de cause, bénéficier de la dérogation prévue au point c) de la même disposition.
61. La Commission ayant invoqué des motifs identiques pour refuser d'appliquer aux aides en cause les dérogations prévues, respectivement, aux points a) et c) de l'article 87, paragraphe 3, CE, il convient d'examiner conjointement les deuxième et troisième moyens du Gouvernement espagnol.
62. En ce qui concerne, en premier lieu, l'argument du Gouvernement espagnol selon lequel la Commission aurait ignoré les finalités sociales du régime d'aides en cause et n'aurait pas motivé son refus d'appliquer la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, sous a), CE, il suffit de constater que la Commission a exposé de façon détaillée, aux points 26 à 37 des motifs de la décision attaquée, les raisons pour lesquelles ledit régime ne pouvait bénéficier ni de la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, sous a), CE ni de celle prévue au point c) de cette disposition.
63. Il y a donc lieu de rejeter comme non fondée la seconde branche du deuxième moyen.
64. En ce qui concerne, en second lieu, les arguments du Gouvernement espagnol tirés de la possibilité d'appliquer au régime d'aides en cause la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, sous a), CE ou, en tout état de cause, celle prévue au point c) de la même disposition, il convient de rappeler, à titre liminaire, que la Cour a déjà jugé à plusieurs reprises qu'un programme d'aides à finalité régionale peut, dans certaines circonstances, bénéficier de l'une des dérogations prévues à l'article 87, paragraphe 3, sous a) et c), CE.
65. Elle a précisé, à cet égard, que l'emploi des termes "anormalement" et "grave" dans la dérogation contenue à l'article 87, paragraphe 3, sous a), montre que celle-ci ne concerne que des régions où la situation économique est extrêmement défavorable par rapport à l'ensemble de la Communauté. En revanche, la dérogation contenue au point c) de la même disposition a une portée plus large en ce qu'elle permet le développement de certaines régions d'un État membre qui sont défavorisées par rapport à la moyenne nationale, sans être limitée par les conditions économiques prévues au point a), pourvu que les aides qui y sont destinées "n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun" (voir, notamment, arrêts Allemagne/Commission, précité, point 19; du 14 janvier 1997, Espagne/Commission, C-169-95, Rec. p. I-135, point 15, et Italie/Commission, précité, point 77).
66. Inversement, l'absence de cette dernière condition dans la dérogation prévue audit point a) implique une plus grande latitude pour l'octroi des aides à des entreprises situées dans les régions qui répondent effectivement aux critères fixés par cette dérogation (voir arrêt du 14 janvier 1997, Espagne/Commission, précité, point 16).
67. Pour autant, la différence de formulation entre les points a) et c) de l'article 87, paragraphe 3, CE ne saurait conduire à considérer que, lorsqu'elle fait application de la première de ces deux dispositions, la Commission ne doit tenir aucun compte de l'intérêt communautaire, mais doit se borner à vérifier la spécificité régionale des mesures examinées sans évaluer leur incidence sur le ou les marchés pertinents dans l'ensemble de la Communauté. En effet, en pareil cas, la Commission est tenue non seulement de vérifier que ces mesures sont de nature à contribuer effectivement au développement économique des régions concernées, mais également d'évaluer l'impact de ces aides sur les échanges entre les États membres, et notamment d'apprécier les répercussions sectorielles qu'elles sont susceptibles de provoquer au niveau communautaire. Ainsi que la Cour l'a déjà relevé, l'article 87, paragraphe 3, CE confère à la Commission un pouvoir discrétionnaire dont l'exercice implique des appréciations d'ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire (voir, notamment, arrêts du 17 septembre 1980, Philip Morris/Commission, 730-79, Rec. p. 2671, point 24; du 24 février 1987, Deufil/Commission, 310-85, Rec. p. 901, point 18, et du 14 janvier 1997, Espagne/Commission, précité, point 18).
68. Il n'apparaît pas, en l'espèce, que la Commission ait dépassé les limites de ce pouvoir discrétionnaire en déclarant que le régime d'aides en cause ne pouvait bénéficier d'aucune des dérogations visées à l'article 87, paragraphes 2 et 3, CE.
69. Ainsi, en considérant, d'abord, que les aides en cause n'avaient pas été conçues comme des aides régionales en faveur de la réalisation de nouveaux investissements ou de la création d'emplois, voire pour surmonter des handicaps d'infrastructure de manière horizontale pour l'ensemble des entreprises de la région, mais comme des aides au fonctionnement du secteur agricole, la Commission n'a pas effectué une qualification erronée de ces aides. En effet, il est constant qu'elles étaient octroyées en fonction des quantités de produits horticoles déterminés livrées à l'industrie de transformation d'Estrémadure et permettaient aux agriculteurs de cette région d'éviter des dépenses auxquelles ils auraient normalement dû faire face dans le cadre de leur gestion courante.
70. Le Gouvernement espagnol n'ayant nullement apporté la preuve que les aides en cause étaient susceptibles, par leur nature, de contribuer de manière effective et durable au développement économique de l'Estrémadure, la Commission n'a pas dépassé les limites de son pouvoir discrétionnaire en déclarant, pour ce motif, les aides en cause incompatibles avec le Marché commun. Il convient notamment de relever, à cet égard, que, saisie d'une affaire qui concernait un régime d'aides au secteur viti-vinicole en Italie, la Cour a déjà jugé que la Commission avait démontré, dans cette affaire, que l'aide en question, accordée sans condition spécifique et uniquement en fonction des quantités utilisées, devait être considérée comme une aide au fonctionnement des entreprises concernées et que, en tant que telle, elle altérait les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun (arrêt du 6 novembre 1990, Italie/Commission, C-86-89, Rec. p. I-3891, point 18).
71. Cette approche est, au demeurant, corroborée par la communication 2000-C 28-02 de la Commission, intitulée "Lignes directrices de la Communauté concernant les aides d'État dans le secteur agricole", publiée au Journal officiel des Communautés européennes du 1er février 2000 (JO C 28, p. 2). Si ces lignes directrices n'étaient pas en vigueur lors de l'octroi des aides en cause, elles confirment clairement, cependant, l'interdiction de principe des aides au fonctionnement du secteur agricole, leur point 3.5. rappelant expressément, à cet égard, que, pour être considérée comme compatible avec le Marché commun, toute mesure d'aide doit avoir un certain élément incitatif ou exiger une contrepartie du bénéficiaire et que, sauf exceptions expressément prévues dans la législation communautaire ou dans lesdites lignes directrices, les aides d'État unilatérales simplement destinées à améliorer la situation financière des producteurs, mais qui ne contribuent en aucune manière au développement du secteur, et notamment celles accordées sur la seule base du prix, de la quantité, de l'unité de production ou de l'unité des moyens de production sont assimilées à des aides au fonctionnement, incompatibles avec le Marché commun.
72. En rappelant ensuite, dans la décision attaquée, que les aides prévues par l'arrêté de 1998, à l'exception des aides à la pomme de terre, concernaient des produits soumis à une organisation commune de marché, la Commission a clairement souligné le cadre dans lequel s'inscrivaient ces aides et les limites qui sont fixées, à cet égard, au pouvoir d'intervention des États membres.
73. Il est en effet de jurisprudence constante que, lorsque la Communauté a adopté, en vertu de l'article 34 CE, une réglementation portant établissement d'une organisation commune de marché dans un secteur déterminé, les États membres sont tenus de s'abstenir de toute mesure qui serait de nature à y déroger ou à y porter atteinte (voir notamment, en ce sens, arrêts du 29 novembre 1978, Pigs Marketing Board, 83-78, Rec. p. 2347, point 56, et du 26 juin 1979, McCarren, 177-78, Rec. p. 2161, point 14).
74. Or, ainsi qu'il a été relevé au point 32 du présent arrêt, le Conseil a adopté, le 28 octobre 1996, le règlement n° 2200-96, portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes. Dès lors que ledit règlement établit un cadre réglementaire intégré dans lequel sont déjà prévues des mesures de soutien financier en faveur du secteur concerné, un État membre ne saurait octroyer unilatéralement des aides liées à la production, quand bien même celles-ci seraient réservées à quelques produits déterminés destinés à la transformation industrielle, et quand bien même leur montant serait plafonné. Selon une jurisprudence constante, c'est en effet à la Communauté qu'il incombe de chercher des solutions aux problèmes qui peuvent se poser dans le cadre de la politique agricole commune lorsque, comme en l'espèce, elle a établi une organisation commune de marché dans un secteur déterminé (voir notamment, en ce sens, arrêts du 14 juillet 1988, Zoni, 90-86, Rec. p. 4285, point 26, et du 6 novembre 1990, Italie/Commission, précité, point 19).
75. Enfin, il n'apparaît pas non plus que la Commission ait commis une erreur en relevant que le régime d'aides en cause comportait une restriction effective à la libre circulation des marchandises et constituait, plus particulièrement, une infraction à l'article 29 CE.
76. S'il est effectivement loisible aux agriculteurs de l'Estrémadure de vendre leurs produits horticoles aux industries de transformation d'autres pays ou régions ou de les commercialiser en vue d'être consommés frais - tout comme il est permis aux agriculteurs d'autres régions de la Communauté de vendre leurs produits aux industries de transformation de l'Estrémadure -, il n'en reste pas moins que l'arrêté de 1998 ne prévoit pas l'octroi d'aides dans pareilles circonstances.
77. Ainsi, le régime d'aides en cause comporte une incitation financière à vendre les produits horticoles d'Estrémadure aux industries de transformation de la région. Dans ces conditions, il doit être considéré comme une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'exportation, prohibée par le traité (voir, en ce sens, s'agissant de restrictions quantitatives à l'importation, arrêt du 24 novembre 1982, Commission/Irlande, 249-81, Rec. p. 4005, points 20 à 30).
78. Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la Commission n'a pas méconnu les limites de son pouvoir discrétionnaire en considérant que le régime d'aides en cause n'était susceptible de bénéficier d'aucune des dérogations prévues à l'article 87, paragraphes 2 et 3, CE. Il est en effet de jurisprudence constante qu'une aide d'État qui, par certaines de ses modalités, viole d'autres dispositions du traité ne peut être déclarée compatible avec le Marché commun par la Commission (voir,notamment, arrêts du 20 mars 1990, Du Pont de Nemours Italiana, C-21-88, Rec. p. I-889, point 20; du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C-156-98, Rec. p. I-6857, point 78, et du 3 mai 2001, Portugal/Commission, C-204-97, Rec. p. I-3175, point 41).
79. Il s'ensuit que les deuxième et troisième moyens du Gouvernement espagnol ne peuvent être accueillis.
80. Le Royaume d'Espagne ayant succombé dans la totalité de ses moyens, il convient de déclarer le recours non fondé.
Sur les dépens
81. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume d'Espagne et celui-ci ayant succombé en tous ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre)
déclare et arrête:
1°) Le recours est rejeté.
2°) Le Royaume d'Espagne est condamné aux dépens.