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Décisions

CJCE, 18 juin 2002, n° C-242/00

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

République fédérale d'Allemagne

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rodríguez Iglesias

Présidents de chambre :

M. Jann, Mmes Macken, Colneric

Avocat général :

M. Mischo.

Juges :

MM. Gulmann, Edward, Puissochet (rapporteur), M. Wathelet, R. Schintgen, Skouris, Timmermans

Comm. ce, du 14 mars 2000

14 mars 2000

LA COUR,

1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 16 juin 2000, la République fédérale d'Allemagne a, en vertu de l'article 230 CE, demandé l'annulation de la décision 2001-272-CE de la Commission, du 14 mars 2000, concernant la nouvelle délimitation des régions proposées au titre de la tâche d'intérêt commun intitulée "Amélioration de la structure économique régionale" en Allemagne pour la période comprise entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2003 - Allemagne de l'Ouest et Berlin (JO 2001, L 97, p. 27, ci-après la "décision attaquée"), en tant qu'elle n'aurait considéré des aides régionales comme compatibles avec le marché commun que dans la mesure où elles avaient trait à des régions correspondant à 17,73 % de la population allemande.

Les dispositions communautaires

2. L'article 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE) est relatif aux aides accordées par les États. Il dispose ce qui suit en son paragraphe 3, sous a) et c), première phrase, dont le texte est identique à celui de l'article 87, paragraphe 3, sous a) et c), CE:

"Peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun:

a) les aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi,

[...]

c) les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun".

3. L'article 93 du traité CE (devenu article 88 CE) prévoit, en son paragraphe 1, dont le texte est identique à celui de l'article 88, paragraphe 1, CE:

"La Commission procède avec les États membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces États. Elle propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun."

4. La Commission a adopté, le 16 décembre 1997, les lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale (JO 1998, C 74, p. 9, ci-après les "lignes directrices concernant les aides régionales") élaborées en collaboration avec les États membres. Celles-ci précisent en leur annexe III la méthode selon laquelle est déterminé le plafond de population des régions pouvant être bénéficiaires de telles aides.

5. Au niveau communautaire, la Commission fixe un plafond global de couverture de ce type d'aides, exprimé en termes de population, qui est ultérieurement réparti entre les États membres. Chaque État se voit ainsi fixer un pourcentage maximal de population éligible.

6. Sont incluses automatiquement dans le plafond communautaire, au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité, toutes les régions correspondant à une unité géographique du niveau II de la nomenclature des unités territoriales statistiques (ci-après la "NUTS"), qui disposent d'un produit intérieur brut (ci-après le "PIB") par habitant, mesuré en standard de pouvoir d'achat (ci-après le "SPA"), qui ne dépasse pas 75 % de la moyenne communautaire.

7. Le chiffre total de population retenu au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité est obtenu en déduisant la population des régions retenues au titre du passage sous a), dudit paragraphe du plafond global fixé pour l'ensemble de la Communauté. Il est ultérieurement réparti entre les États membres en fonction de la situation socio-économique relative des régions au sein de chaque État membre, évaluée dans le contexte de la Communauté.

8. Cette répartition du chiffre de population pris en compte au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité est effectuée dans les conditions suivantes. Une première clé de répartition permet, pour chaque région du niveau III de la NUTS, d'évaluer, sur trois ans et à partir des données statistiques fournies par Eurostat quant au taux de chômage et au PIB/SPA par habitant, l'écart constaté par rapport aux seuils de base communautaires de ces indicateurs, à savoir 115 pour le taux de chômage et 85 pour le PIB. Peuvent être prises en compte à ce titre les régions qui présentent un écart significatif par rapport à au moins l'un des deux seuils de base. Toutes les régions des États membres qui n'ont pas déjà été retenues au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité et qui répondent à cette condition sont additionnées, ce qui permet de déterminer la part relative de chaque État membre dans cet ensemble.

9. Il convient toutefois de noter que les résultats obtenus font l'objet de corrections, "si nécessaire", pour tenir compte des impératifs suivants: d'abord, la population couverte par l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité doit être au moins égale à 15 % de la population non couverte au titre du passage sous a), du même paragraphe, sans pouvoir dépasser 50 % de celle-ci; ensuite, toutes les régions qui perdent le bénéfice de l'éligibilité au titre de ce passage sous a), ainsi que les zones à faible densité de population, doivent être couvertes au titre du passage sous c) dudit paragraphe; enfin, la réduction de la couverture totale au titre de ces passages sous a) et sous c) ne peut dépasser 25 %.

10. L'application de ces corrections peut avoir pour effet d'augmenter le plafond de population pris en compte pour chaque État membre, ce qui implique d'ultimes ajustements entre États afin que le plafond global de population au niveau communautaire fixé ex-ante ne soit pas dépassé.

Les faits du litige

11. Par une décision prise le 16 décembre 1997, soit le jour de l'adoption des lignes directrices concernant les aides régionales, la Commission a fixé les plafonds de couverture des aides à finalité régionale, pour les années 2000 à 2006, à 42,7 % de la population communautaire [19,8 % au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité et 22,9 % au titre du passage sous c), dudit paragraphe], contre 46,7 % auparavant [22,7 % au titre du passage sous a) et 24 % au titre du passage sous c)].

12. Cette diminution était motivée, d'une part, par l'amélioration de la situation économique et sociale de certaines régions, leur faisant perdre l'éligibilité au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité et, d'autre part, par la volonté d'encadrer plus rigoureusement les aides pouvant relever du passage sous c), dudit paragraphe en les concentrant sur les régions où sont observées les plus grandes difficultés, de manière à garantir que ces aides n'affectent pas défavorablement les échanges intracommunautaires, tout en préservant leur efficacité et leur cohérence par rapport à l'action des fonds structurels. La perspective de l'élargissement de la Communauté au cours de la période 2000 à 2006 était également invoquée pour justifier ladite réduction.

13. Cette décision du 16 décembre 1997 fixant des plafonds de couverture a été portée à la connaissance de la République fédérale d'Allemagne par une lettre du 24 février 1998, par laquelle la Commission a également indiqué que 35,7 % de la population allemande pouvait être couverte par des aides à finalité régionale en application de l'article 92, paragraphe 3, du traité, soit 17,4 % au titre du passage sous a) dudit paragraphe et 18,3 % sur le fondement du passage sous c) du même paragraphe. Dans cette même lettre, la Commission demandait à la République fédérale d'Allemagne, comme elle le faisait pour tous les États membres, d'adapter sa réglementation nationale relative aux aides régionales pour la rendre compatible avec les lignes directrices concernant les aides régionales, à compter du 1er janvier 2000, et de notifier à la Commission, avant le 31 mars 1999, la carte des régions éligibles à compter du 1er janvier 2000, ainsi que l'importance des aides et les taux maximaux de cumul applicables dans les régions éligibles.

14. Par une lettre du 23 avril 1998, le Gouvernement allemand a partiellement approuvé ces "mesures utiles", proposées par la Commission en vertu de l'article 93, paragraphe 1, du traité, mais a formellement contesté le mode de calcul du plafond de population des régions éligibles.

15. Compte tenu de la possibilité qu'une procédure formelle d'examen soit ouverte et du risque de ne pouvoir, en l'absence d'autorisation de la Commission, octroyer momentanément aucune aide régionale, le Gouvernement allemand, par une lettre du 24 août 1998, a finalement approuvé la mesure utile consistant dans l'adaptation, au 31 décembre 1999, des régimes d'aide existants, tout en manifestant à nouveau son opposition au mode de calcul du plafond des régions éligibles.

16. Une nouvelle lettre de la Commission, datée du 30 décembre 1998, a indiqué à la République fédérale d'Allemagne que le plafond actualisé le 16 décembre 1998 pour cet État membre était désormais fixé à 34,9 % de sa population, soit 17,3 % au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité et 17,6 % sur le fondement du passage sous c), dudit paragraphe. L'appendice A de ladite lettre révélait que la Commission avait initialement fixé ce dernier chiffre à 23,4 % et que la réduction résultait d'une compensation des mesures de correction prises en faveur d'autres États membres.

17. Le 21 janvier 1999, a été publié au Journal officiel des Communautés européennes un document de la Commission intitulé "Plafonds nationaux de couverture des aides d'État à finalité régionale au titre des dérogations de l'article 92, paragraphe 3, points a) et c) du traité pour la période 2000 à 2006 (JO C 16, p. 5)", dans lequel un plafond de 34,9 % est prévu pour l'Allemagne. Ce document indique que lesdits plafonds sont fixés "[e]n application des dispositions établies par les lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale".

18. Par lettre du 30 mars 1999, le Gouvernement allemand a notifié à la Commission le projet de carte des aides à finalité régionale, en proposant des régions représentant 17,6 % de la population allemande au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité et 23,4 % de celle-ci au titre du passage sous c), dudit paragraphe (dans les Länder d'Allemagne de l'Ouest et à Berlin).

19. La Commission, par lettre du 17 août 1999, a admis la compatibilité avec le marché commun des projets présentés pour les régions relevant de l'article 92, paragraphe 3, sous a), du traité, mais a soulevé des objections et engagé la procédure formelle d'examen prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité pour les régions relevant de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité en ce qui concerne leur étendue et plusieurs caractéristiques des projets d'aides dans les Länder d'Allemagne de l'Ouest et à Berlin.

20. À la suite de nombreux échanges et compte tenu de l'insistance de la République fédérale d'Allemagne, la Commission a accepté, à la fin de l'année 1999, d'envisager la clôture de la procédure d'examen sur la partie des régions relevant de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité et représentant 17,7 % de la population allemande, en raison de la similarité de ce pourcentage et de celui retenu par la Commission dans sa lettre du 30 décembre 1998. Cela supposait toutefois une délimitation précise des régions en cause, plus restreinte que celle envisagée par la République fédérale d'Allemagne puisque excluant 5,7 % de la population et tenant compte de certaines exigences de la Commission relatives à la définition de l'unité géographique des circonscriptions proposées.

21. Le 2 février 2000, le Gouvernement allemand a informé la Commission de l'état d'avancement des mesures nécessaires à cette fin et a notifié une liste de régions représentant 17,73 % de la population allemande, tout en confirmant qu'il maintenait sa position juridique relative au chiffre de 23,4 %.

22. La décision attaquée, datée du 14 mars 2000, a été prise sur le fondement de ces derniers éléments. Elle dispose, à son article 1er, que "[l]a carte des régions assistées applicable pour la période allant du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2003 est compatible avec le marché commun pour les régions relevant de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE, sous réserve des conditions et des charges prévues à l'article 2". L'article 2 de cette décision précise notamment que "[l]'Allemagne prend au niveau national des dispositions qui distinguent clairement les régions relevant de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE de celles qui relèvent de l'article 87, paragraphe 3, point c), et qui établissent que seules ces régions peuvent bénéficier d'une aide régionale au sens des lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale".

Sur la recevabilité du recours

23. La Commission soulève dans sa défense, à titre principal, une exception d'irrecevabilité. Elle considère que le recours, qui vise essentiellement à contester le montant du plafond de population couvert par l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, est irrecevable à deux titres.

24. Elle soutient, en premier lieu, que la décision attaquée, qui a déclaré compatible avec le marché commun la liste des régions notifiée par la République fédérale d'Allemagne le 2 février 2000, est en réalité favorable à cet État membre et ne lui fait pas grief. Le recours serait, dans ces conditions, dépourvu d'objet.

25. Elle fait valoir, en second lieu et à titre subsidiaire, que la décision attaquée devrait être analysée comme un rejet implicite d'une demande complémentaire de la République fédérale d'Allemagne portant sur la prise en compte additionnelle de 5,67 % de sa population. Cette partie de la décision attaquée serait purement confirmative de la décision antérieure de la Commission fixant les plafonds de couverture, prise le 16 décembre 1997 et actualisée le 16 décembre 1998, laquelle n'aurait pas fait l'objet d'un recours contentieux et serait donc devenue définitive. Le présent recours serait ainsi entaché de tardiveté.

26. L'examen de cette exception d'irrecevabilité implique que la Cour se prononce sur la nature et la portée exactes de la décision attaquée.

27. Il convient, à titre liminaire, de rappeler que la Commission peut, dans l'exercice des compétences dont elle dispose en vertu des articles 87 CE et 88 CE, arrêter des lignes directrices qui ont pour objet d'indiquer la manière dont elle entend exercer, au titre des mêmes articles, son pouvoir d'appréciation à l'égard d'aides nouvelles ou à l'égard de régimes d'aides existants.

28. Lorsqu'elles sont fondées sur l'article 88, paragraphe 1, CE, ces lignes directrices représentent un élément de la coopération régulière et périodique dans le cadre de laquelle la Commission procède avec les États membres à l'examen permanent des régimes d'aides existants et leur propose les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun (arrêts du 15 octobre 1996, IJssel-Vliet, C-311-94, Rec. p. I-5023, points 36 et 37, et du 5 octobre 2000, Allemagne/Commission, C-288-96, Rec. p. I-8237, points 62 à 65). Dans la mesure où ces propositions de mesures utiles sont acceptées par un État membre, elles ont un effet contraignant à l'égard de cet État membre (arrêt IJssel-Vliet, précité, points 42 et 43).

29. Par ailleurs, il convient de constater que le législateur communautaire a repris à son compte les principes dégagés par la jurisprudence mentionnée au point précédent en prévoyant dans le règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE (JO L 83, p. 1), un article 19, paragraphe 1, rédigé comme suit: "Si l'État membre concerné accepte les mesures proposées et en informe la Commission, cette dernière en prend acte et en informe l'État membre. L'État membre est tenu, par cette acceptation, de mettre en œuvre les mesures utiles".

30. Le 16 décembre 1997, la Commission a adopté les lignes directrices concernant les aides régionales, prises au titre des "mesures utiles" visées à l'article 93, paragraphe 1, du traité. Le même jour, elle a fixé, dans une décision distincte, les plafonds de couverture des aides à finalité régionale en pourcentage de population pour l'ensemble de la Communauté et pour chaque État membre, en ce qui concerne la période 2000 à 2006. Lesdites lignes directrices et le contenu de cette décision ont été portés à la connaissance de la République fédérale d'Allemagne par une lettre du 24 février 1998, afin de permettre à cet État membre d'engager l'examen de ses régimes d'aides existants et de proposer à la Commission une carte des aides régionales tenant compte, à partir du 1er janvier 2000, des nouveaux plafonds ainsi définis. Le plafond de couverture fixé pour la République fédérale d'Allemagne comme pour les autres États membres a fait l'objet d'une actualisation le 16 décembre 1998, permettant de garantir que les conditions d'attribution des aides pour la période 2000 à 2006 reposent sur les indicateurs statistiques les plus récents. Les plafonds des États membres n'ont ainsi été fixés de manière certaine qu'à partir de cette actualisation. Ils ont été notifiés aux États membres par une lettre du 30 décembre 1998 et ont été publiés au Journal officiel des Communautés européennes le 21 janvier 1999. Les États ont dû adapter en conséquence le contenu de leurs propositions et la République fédérale d'Allemagne a été en mesure de procéder, le 30 mars 1999, à une notification de ces projets d'aides régionales précisant leur importance et leur étendue géographique.

31. La Commission soutient que la décision du 16 décembre 1997 relative aux plafonds de couverture et celle contenue dans la lettre du 30 décembre 1998 l'actualisant sont des décisions juridiquement autonomes et qu'elles ne relèvent pas des "mesures utiles" visées à l'article 93, paragraphe 1, du traité. Prises en application des lignes directrices concernant les aides régionales mais distinctes de celles-ci, elles procéderaient du pouvoir d'appréciation de la Commission sur la compatibilité des régimes d'aides régionales avec le marché commun. À la différence desdites lignes directrices, qui constitueraient un élément de la coopération entre la Commission et les États membres, le caractère contraignant de ces décisions ne dépendrait pas du consentement des États membres.

32. La République fédérale d'Allemagne soutient pour sa part que ces décisions ne pouvaient présenter à son égard qu'un caractère préparatoire et qu'elles constituaient des mesures intermédiaires. Partie intégrante des lignes directrices concernant les aides régionales, elles auraient constamment été l'objet de réserves expresses du Gouvernement allemand, de sorte qu'elles n'auraient pu acquérir par elles-mêmes un caractère contraignant.

33. À cet égard, il convient de relever, d'une part, que lesdites "décisions" ont constitué le complément nécessaire des lignes directrices concernant les aides régionales, bien qu'elles en soient matériellement distinctes et que la seconde d'entre elles soit intervenue près d'un an après. La République fédérale d'Allemagne n'a eu utilement connaissance de ce critère essentiel d'appréciation de la Commission que constitue le plafond de population éligible, résultant desdites lignes directrices, qu'au moment de la notification des chiffres la concernant, par la lettre du 30 décembre 1998. Ce n'est qu'à la réception de cette lettre et de son appendice A, qui précise le mode de calcul des plafonds et, en particulier, l'effet des "corrections" prévues à l'annexe III desdites lignes directrices, que cet État membre a pu connaître la portée réelle de celles-ci à son égard et préparer la notification de la carte des régions éligibles.

34. D'autre part, ainsi que le reconnaît elle-même la Commission, lesdites "décisions" n'ont été précédées d'aucune procédure formalisée d'adoption. En réalité, elles n'ont pas pour objet d'apprécier la compatibilité avec le marché commun de mesures d'aides déjà notifiées à la Commission. Elles constituent l'une des étapes d'un processus visant à fixer les conditions générales de l'examen communautaire des régimes d'aides à finalité régionale.

35. Dans ces conditions, il y a lieu d'analyser ces "décisions" comme faisant partie intégrante des lignes directrices concernant les aides régionales et n'ayant, par elles-mêmes, de force contraignante qu'à la condition d'avoir été acceptées par les États membres (voir arrêt IJssel-Vliet, précité, points 42 et 43).

36. Or, il ressort de l'ensemble de la correspondance échangée entre la Commission et le Gouvernement allemand dans la présente affaire, notamment des lettres de celui-ci des 23 avril et 24 août 1998, que la République fédérale d'Allemagne a constamment exprimé des réserves sur la méthode de calcul et le chiffre du plafond de couverture la concernant. Elle a manifesté son opposition à la fixation d'un plafond égal à 17,7 % de sa population en notifiant, le 30 mars 1999, à la Commission une carte de régions éligibles représentant 23,4 % de sa population. Ce refus a été réitéré au cours d'entretiens tenus les 12 novembre et 2 décembre 1999 entre des représentants de la Commission et du ministère des Finances allemand et a été également confirmé dans la lettre du Gouvernement allemand du 2 février 2000. Par suite, la partie des lignes directrices concernant les aides régionales relative à la méthode de calcul du plafond de couverture et le chiffre qui en est résulté n'étaient pas, par eux-mêmes, directement opposables à la République fédérale d'Allemagne.

37. Contrairement à ce que soutient la Commission, la première décision dotée d'un effet contraignant à l'égard de la République fédérale d'Allemagne est donc bien la décision attaquée dans le cadre du présent recours, par laquelle la Commission a déclaré compatible avec le marché commun une carte de régions représentant 17,7 % de la population allemande, et non les mesures intermédiaires du 16 décembre 1997 et du 30 décembre 1998.

38. Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter l'exception d'irrecevabilité du recours tirée de ce que celui-ci serait dirigé contre une décision confirmative d'actes antérieurs de la Commission qui seraient, faute d'avoir été eux-mêmes l'objet d'un recours de la République fédérale d'Allemagne, devenus définitifs.

39. La Commission soutient toutefois que le recours est irrecevable à un autre titre, en ce qu'il tendrait à l'annulation d'une décision qui aurait déclaré compatible avec le marché commun la liste des régions notifiée le 2 février 2000 et qui ne ferait donc pas grief à la République fédérale d'Allemagne. Le Gouvernement allemand fait au contraire valoir qu'il a maintenu tout au long de la procédure d'examen sa notification initiale, du 30 mars 1999, ayant pour objet une carte de régions représentant 23,4 % de la population allemande et que la décision attaquée, en tant qu'elle déclare compatible avec le marché commun une carte de régions représentant seulement 17,73 % de la population, se prononce sur cette notification implicitement mais nécessairement de manière défavorable.

40. Il convient de relever, d'une part, que la décision attaquée est effectivement fondée, ainsi que le souligne la Commission, sur la liste des régions que le Gouvernement allemand a transmise à la Commission le 2 février 2000.

41. Le point 15 des motifs de la décision attaquée énonce ainsi que, "[l]e 2 février 2000, au cours de la procédure d'examen, l'Allemagne a présenté une liste contenant 41 bassins d'emploi et la ville de Berlin" et que "[c]es régions, qui comptent 14 546 097 habitants, représentent 17,7 % de la population allemande totale [...] et sont considérées comme prioritaires dans la politique régionale allemande". Le point 35 de ces motifs vise "[l]a notification de l'Allemagne du 2 février 2000, qui modifie les régions proposées au titre de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité". Le point 49 des mêmes motifs précise que, "[a]fin de rendre la notification conforme aux lignes directrices, l'Allemagne a transmis, au cours de la procédure d'enquête, une liste de régions ramenée au plafond de population fixé par la Commission". Le point 50 desdits motifs ajoute que "[l]'Allemagne dispose [...] d'un plafond de population de 17,7 % pour les régions assistées au sens de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité" et que "[l]es régions proposées [...] représentent 17,7 % de la population totale et peuvent être déclarées compatibles avec le marché commun". Le dispositif de la décision attaquée, cité au point 22 du présent arrêt, se prononce donc sur l'état des éléments dont disposait la Commission le 2 février 2000 et reconnaît la compatibilité avec le marché commun de la carte régionale telle que modifiée à cette date.

42. D'autre part, si la République fédérale d'Allemagne soutient que la liste notifiée le 30 mars 1999 ne pouvait être modifiée que par une décision du comité de planification Bund-Länder, qui n'avait pas encore été prise le 2 février 2000, cette circonstance est sans incidence sur la portée de la décision attaquée.

43. Il ressort en effet des pièces du dossier que la République fédérale d'Allemagne, après avoir maintenu sa notification initiale dans des lettres des 17 septembre et 4 octobre 1999, a elle-même, au cours des entretiens de la fin de l'année 1999 avec les services de la Commission, proposé à celle-ci de lui transmettre une liste de régions remaniée représentant 17,7 % de la population allemande. Le Gouvernement allemand souhaitait ainsi obtenir une décision reconnaissant la compatibilité avec le traité de cette première liste en se réservant la possibilité de proposer, dans un second temps, une liste complémentaire allant au-delà du plafond de 17,7 %. La lettre du 2 février 2000 indique d'ailleurs que la proposition transmise porte "dans un premier temps" sur une liste de régions tenant compte de ce plafond. Comme le rappelle la Commission, la République fédérale d'Allemagne s'exposait, si elle n'avait pas fait cette nouvelle proposition, à une décision concluant à l'incompatibilité globale d'une carte portant sur des régions couvrant 23,4 % de population, faute pour la Commission de pouvoir établir elle-même l'ordre des priorités régionales d'intervention dans le respect du plafond résultant des lignes directrices concernant les aides régionales. Le Gouvernement allemand ne peut donc valablement soutenir que sa demande relative au plafond de couverture se serait traduite, jusqu'à l'adoption de la décision attaquée, par le maintien des termes de la notification effectuée le 30 mars 1999.

44. Néanmoins, dès lors que la Commission ne s'est jamais prononcée, ni dans les actes, dépourvus d'effet contraignants, du 16 décembre 1997 et du 30 décembre 1998 ni dans la décision attaquée, sur la demande initiale de la République fédérale d'Allemagne tendant à pouvoir accorder des aides à des régions représentant 23,4 % de sa population, cet État membre pourrait encore notifier une liste complémentaire de régions couvrant 5,67 % de sa population. Il appartiendrait alors à la Commission d'examiner la compatibilité avec le traité de cette proposition.

45. Il résulte, par suite, tant du contenu de la décision attaquée que du contexte dans lequel celle-ci est intervenue qu'elle n'a eu ni pour objet ni pour effet de rejeter implicitement une demande de la République fédérale d'Allemagne relative à une liste complémentaire de régions représentant 5,67 % de sa population.

46. Dans ces conditions, le recours formé contre cette décision, qui n'a pas par elle-même de portée défavorable pour la République fédérale d'Allemagne et ne lui fait donc pas grief, doit être rejeté comme étant irrecevable.

Sur les dépens

47. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République fédérale d'Allemagne aux dépens et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LA COUR,

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) La République fédérale d'Allemagne est condamnée aux dépens.