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Décisions

CJCE, 6e ch., 16 mai 2002, n° C-321/99 P

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Associação dos Refinadores de Açúcar Portugueses, Alcântara Refinarias - Açúcares (SA), Refinarias de Açúcar Reunidas (SA)

Défendeur :

Commission des Communautés européennes, Sociedade de Desenvolvimento Agro-Industrial (SA), République portugaise

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Colneric

Avocat général :

M. Geelhoed

Juges :

MM. Gulmann, Schintgen, Skouris, Puissochet (Rapporteur)

Avocats :

Mes van der Wal, Sáragga Leal, Franco, Oliveira.

Comm. CE, du 11 janv. 1996; Comm. CE, du…

11 janvier 1996

LA COUR (sixième chambre),

1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 27 août 1999, Associação dos Refinadores de Açúcar Portugueses (ARAP), Alcântara Refinarias - Açúcares SA et Refinarias de Açúcar Reunidas SA (RAR) ont, en vertu de l'article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l'arrêt du Tribunal de première instance du 17 juin 1999, ARAP e.a./Commission (T-82-96, Rec. p. II-1889, ci-après l'"arrêt attaqué"), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant à l'annulation de la décision de la Commission du 11 janvier 1996 de ne pas soulever d'objection aux aides d'État accordées à la Sociedade de Desenvolvimento Agro-Industrial SA (ci-après "DAI") et notifiées sous le n° N11-95 (ci-après la "décision attaquée" ou l'"acte attaqué"), ainsi que de la lettre de la Commission du 19 mars 1996 informant les requérantes de cette décision (ci-après la "lettre du 19 mars 1996").

Le cadre juridique

2. Aux termes de l'article 42, premier alinéa, du traité CE (devenu article 36, premier alinéa, CE), "[l]es dispositions du chapitre relatif aux règles de concurrence ne sont applicables à la production et au commerce des produits agricoles que dans la mesure déterminée par le Conseil [...], compte tenu des objectifs [de politique agricole commune] énoncés à l'article 39".

3. À cet égard, le règlement (CEE) n° 1785-81 du Conseil, du 30 juin 1981, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre (JO L 177, p. 4), énonce, à son article 44, que, "[s]ous réserve de dispositions contraires [de ce même] règlement, les articles 92, 93 et 94 du traité sont applicables à la production et au commerce des produits visés à l'article 1er paragraphe 1", parmi lesquels figurent, notamment, le sucre de betterave et le sucre de canne, ainsi que les betteraves sucrières et les cannes à sucre. Aux termes de l'article 45 de ce règlement, celui-ci "doit être appliqué de telle sorte qu'il soit tenu compte, parallèlement et de manière appropriée, des objectifs prévus aux articles 39 et 110 du traité".

4. En vertu de l'article 26 et de l'annexe I, chapitre XIV, sous c), de l'acte relatif aux conditions d'adhésion du Royaume d'Espagne et de la République portugaise et aux adaptations des traités (JO 1985, L 302, p. 23, ci-après l'"acte d'adhésion du Royaume d'Espagne et de la République portugaise"), un quota de production de sucre de betterave d'un montant de 60 000 tonnes par an a été attribué à la République portugaise. Ce quota était destiné aux entreprises établies dans la région continentale du Portugal et susceptibles "d'y commencer une production de sucre". Il a été portéà 70 000 tonnes par l'article 1er du règlement (CE) n° 1599-96 du Conseil, du 30 juillet 1996, modifiant le règlement n° 1785-81 (JO L 206, p. 43).

5. Le règlement (CEE) n° 2052-88 du Conseil, du 24 juin 1988, concernant les missions des fonds à finalité structurelle, leur efficacité ainsi que la coordination de leurs interventions entre elles et celles de la Banque européenne d'investissement et des autres instruments financiers existants (JO L 185, p. 9), donne aux fonds structurels, en vue de renforcer la cohésion économique et sociale conformément à l'article 130 A du traité CE (devenu, après modification, article 158 CE), mission, notamment, de promouvoir le développement et l'ajustement structurel des régions en retard de développement (ci-après l'"objectif n° 1"), d'accélérer l'adaptation des structures agricoles [ci-après l'"objectif n° 5 a)"] et de promouvoir le développement des zones rurales [ci-après l'"objectif n° 5 b)"]. D'après l'annexe de ce règlement, le Portugal est considéré en totalité comme une région visée par l'objectif n° 1.

6. Le Conseil a prévu les dispositions d'application du règlement n° 2052-88 en ce qui concerne le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), section "orientation", par son règlement (CEE) n° 4256-88, du 19 décembre 1988 (JO L 374, p. 25).

7. En application de l'article 10 du règlement n° 4256-88, le Conseil a défini les conditions et les modalités de la contribution du FEOGA, section "orientation", aux mesures d'amélioration des conditions de commercialisation et de transformation des produits agricoles, en vue de la réalisation des objectifs visés par le règlement n° 2052-88, dans son règlement (CEE) n° 866-90, du 29 mars 1990, concernant l'amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits agricoles (JO L 91, p. 1).

8. L'article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 866-90, tel que modifié par le règlement (CE) n° 3669-93 du Conseil, du 22 décembre 1993 (JO L 338, p. 26, ci-après le "règlement n° 866-90"), institue une action commune au titre de l'objectif n° 5 a) qui vise également à contribuer à la réalisation des objectifs nos 1 et 5 b).

9. Le règlement n° 866-90 prévoit que la Commission arrête des "critères de choix" qui, selon son article 8, paragraphe 1, déterminent les investissements éligibles pour un concours du FEOGA, section "orientation", en fixant des priorités et en indiquant les investissements à exclure d'un financement communautaire. Aux termes de son article 8, paragraphe 2, "[l]es critères de choix sont établis conformément aux orientations des politiques communautaires, et notamment de la politique agricole commune".

10. En application de l'article 8, paragraphe 3, du règlement n° 866-90, la Commission a adopté la décision 94-173-CE, du 22 mars 1994, relative à l'établissement des critères de choix à retenir pour les investissements concernant l'amélioration des conditions de transformation et de commercialisation des produits agricoles et sylvicoles et abrogeant la décision 90-342-CEE (JO L 79, p. 29). Il ressort du septième considérant de la décision 94-173 que "les critères de choix expriment les orientations de la politique agricole commune" et du cinquième considérant de cette décision que leur application "devrait tenir compte des besoins spécifiques dûment justifiés de certaines productions locales". Cette décision exclut, au point 2.8 de son annexe, "tous les investissements dans le secteur du sucre [...], à l'exception de ceux qui prévoient:

- [...]

- l'utilisation du quota prévu par l'acte d'adhésion du Portugal (pour le continent, 60 000 tonnes de sucre)".

11. Aux termes de l'article 16, paragraphe 5, du règlement n° 866-90, "[l]es États membres peuvent prendre, dans le domaine du présent règlement, des mesures d'aides dont les conditions ou modalités d'octroi s'écartent de celles qui sont prévues dans le présent règlement ou dont les montants excèdent les plafonds qui y sont prévus, sous réserve que ces mesures soient prises en conformité avec les articles 92 à 94 du traité".

12. D'après la communication de la Commission, du 12 juillet 1994, concernant les aides d'État pour les investissements en faveur de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles (JO C 189, p. 5, ci-après la "communication du 12 juillet 1994"), lors de l'application de ces dispositions du traité à des mesures d'aide d'État, la Commission applique par analogie, notamment, les limitations sectorielles relatives au cofinancement de tels investissements par la Communauté. Cette règle d'appréciation a été reprise dans la communication de la Commission, du 23 mars 1995, relative aux aides d'État dans le même secteur (JO C 71, p. 6, ci-après la "communication du 23 mars 1995"), et dans celle du 2 février 1996 ayant le même objet (JO C 29, p. 4, ci-après la "communication du 2 février 1996"). Selon cette dernière communication, sont exclues, entre autres, toutes les aides d'État en rapport avec des investissements visés au point 2.8 de l'annexe de la décision 94-173 si les conditions particulières qui y sont prévues ne sont pas remplies.

Les faits à l'origine du litige

13. Aux termes de la décision attaquée, notifiée au Gouvernement portugais par lettre du 11 janvier 1996, la Commission n'a soulevé aucune objection, au titre des articles 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE) et 93 du traité CE (devenu article 88 CE), à l'égard des aides d'État notifiées sous le n° N11-95 accordées par la République portugaise au projet d'investissement de DAI tendant à la création d'une raffinerie de sucre de betterave à Coruche (Portugal), dans la vallée du Tage et de Sorraia.

14. Le projet d'investissement en cause était destiné à la production du quota de sucre blanc attribué à la République portugaise par l'acte d'adhésion du Royaume d'Espagne et de la République portugaise.

15. La procédure d'examen des aides accordées à DAI s'est déroulée de la manière suivante devant la Commission. Dans un premier temps, les autorités portugaises ont notifié ces aides en vue d'obtenir un concours financier des fonds structurels. Cette demande d'aide communautaire, présentée initialement au titre du Fonds européen de développement régional (FEDER), a été modifiée pour être ultérieurement présentée au titre du FEOGA, section "orientation", dans la mesure où elle devait être examinée au regard des règles relatives au secteur agricole et non à l'industrie.

16. Les raffineurs de sucre de canne Alcântara Refinarias - Açúcares SA et Refinarias de Açúcar Reunidas SA (RAR), qui étaient alors les seuls producteurs de sucre établis dans la région continentale du Portugal, ainsi que l'association regroupant ces deux sociétés, Associação dos Refinadores de Açúcar Portugueses (ARAP), ont déposé des plaintes contre les aides accordées à DAI.

17. C'est à la suite de ces plaintes que les autorités portugaises ont, dans un second temps, également notifié ces aides au titre de l'article 93, paragraphe 3, du traité.

18. Les aides accordées à DAI sont de trois types.

19. Une première aide de 1 275 290 000 PTE se présente sous la forme d'exonérations fiscales accordées dans le cadre du régime général d'aides institué au Portugal par le décret-loi n° 95-90, du 20 mars 1990 (ci-après le "décret-loi n° 95-90"), amendant l'Estatuto dos Beneficios Fiscais (statut des avantages fiscaux portugais) et instaurant un régime spécifique en faveur des grands projets d'investissements. Ce régime prévoit des exonérations fiscales spéciales, limitées à une période de dix ans, en faveur des sociétés réalisant des investissements supérieurs à 10 milliards de PTE. Le montant de l'aide peut atteindre au maximum 10 % net des investissements effectués et, dans des cas exceptionnels, 20 % de ces investissements.

20. Le régime institué par le décret-loi n° 95-90 a été approuvé, en application de l'article 92 du traité, par la décision [SG (91) D-13312] de la Commission, du 3 juillet 1991 (ci-après la "décision du 3 juillet 1991"), notifiée au Gouvernement portugais le 15 juillet suivant, à condition que les aides individuelles respectent "les réglementations et encadrements du droit communautaire visant certains secteurs industriels, agricoles et de la pêche". En outre, ladite décision a imposé au Gouvernement portugais de notifier "tous les projets bénéficiant d'exonérations d'une importance entre 10 et 20 % (ESL) ainsi que tous ceux relevant des secteurs sensibles". Ce régime général d'aides était en vigueur jusqu'au 31 décembre 1995. Par décision notifiée au Gouvernement portugais le 30 mai 1996, la Commission a approuvé la prorogation de ce régime aux mêmes conditions, jusqu'en 1999, en éliminant toutefois l'obligation de notifier les projets relevant des secteurs sensibles, qui n'était plus mentionnée.

21. Dans la décision attaquée, la Commission a constaté d'abord que l'aide publique à l'investissement accordée sous la forme d'exonérations fiscales en faveur de DAI était bien octroyée en application du régime d'aides institué par le décret-loi n° 95-90. Elle a ensuite relevé que cette partie de l'aide ne dépassait pas 10 % de l'investissement et que les réglementations communautaires relatives à ce secteur de l'agriculture, auxquelles sa décision du 3 juillet 1991 faisait référence, n'imposaient pas dans cette hypothèse le respect de l'exigence de notification préalable visée à l'article 93, paragraphe 3, du traité. Enfin, après avoir précisé que son examen, au titre des articles 92 et 93 du traité, de la partie relative aux investissements avait porté sur la vérification du respect des dispositions communautaires concernant les aides d'État dans le secteur agricole, la Commission a considéré que les exonérations fiscales en cause n'étaient pas exclues par la décision 94-173.

22. Une deuxième aide de 380 000 000 PTE, destinée à la formation professionnelle du personnel de la nouvelle raffinerie, a été considérée comme compatible avec le Marché commun. La décision attaquée indique, à cet égard, que, "selon la pratique de la Commission, les mesures de ce type destinées à l'acquisition de connaissances nouvelles sont autorisées jusqu'à 100 % des frais éligibles" et que, "[d]ans ce cas, selon les précisions des autorités portugaises, l'aide ne dépasse pas 68 % des frais éligibles".

23. La Commission a considéré dans la décision attaquée que le troisième type d'aide en cause, d'un montant de 1 912 335 000 PTE (soit 15 % des investissements éligibles), qui représentait le cofinancement d'investissements éligibles à une aide communautaire d'un montant de 6 372 065 000 PTE (soit 49,97 % des investissements éligibles) au titre du règlement n° 866-90, ne relevait pas du champ d'application des articles 92 et 93 du traité. Elle a renvoyé à un examen ultérieur la question de savoir si le projet de raffinerie de sucre remplissait les conditions d'un financement communautaire fixées par ce règlement.

24. Par la lettre du 19 mars 1996, la Commission a informé les trois requérantes de sa décision du 11 janvier 1996 de ne pas soulever d'objection, au titre de l'article 92 du traité, à l'égard des aides accordées à DAI.

La procédure devant le Tribunal et l'arrêt attaqué

25. Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 29 mai 1996, les requérantes ont introduit, en vertu de l'article 173 du traité CE (devenu, après modification, article 230 CE), un recours tendant à l'annulation de la décision attaquée ainsi que de la lettre du 19 mars 1996. La République portugaise et DAI sont intervenues au soutien des conclusions de la Commission. Ce recours a été rejeté par l'arrêt attaqué.

26. Le Tribunal a examiné, à titre liminaire, les fins de non-recevoir soulevées par la Commission, soutenue en cela par la République portugaise et DAI, à l'encontre de la demande en annulation.

27. Tout d'abord, il a rejeté la demande en annulation de la lettre du 19 mars 1996 comme irrecevable. Il a jugé, aux points 29 et 30 de l'arrêt attaqué, que cette lettre était purement informative et ne constituait pas, dès lors, un acte attaquable au sens de l'article 173 du traité.

28. Le Tribunal a ensuite examiné, aux points 35 à 37 de l'arrêt attaqué, le premier moyen d'irrecevabilité soulevé par la Commission, relatif à la décision attaquée en ce qu'elle porte sur l'aide accordée sous la forme d'exonérations fiscales. La Commission soutenait que ces exonérations étaient couvertes par la décision du 3 juillet 1991 et qu'elle s'était donc bornée, par la décision attaquée, à constater que ces exonérations constituaient des aides existantes. Selon elle, l'annulation de la décision attaquée ne pourrait en aucune manière remettre en cause de telles aides, de sorte que les requérantes seraient privées d'intérêt à agir. Le Tribunal a écarté cette fin de non-recevoir. Il a jugé qu'il devait, d'une part, préalablement examiner si ces mesures étaient compatibles avec la politique agricole commune pour apprécier si elles étaient effectivement couvertes par la décision du 3 juillet 1991 et, d'autre part, examiner la régularité de cette dernière décision. Il a indiqué que, s'il devait annuler la décision attaquée en raison de l'incompatibilité desdites exonérations avec les règles de la politique agricole commune ou en raison de l'irrégularité de la décision du 3 juillet 1991, cette annulation aurait pour effet de remettre en cause les aides versées à DAI, ce qui établissait que les requérantes avaient bien un intérêt à agir. Il a considéré à cet égard que la question, différente, de la recevabilité de l'exception d'illégalité de la décision du 3 juillet 1991 ne pouvait être examinée qu'ultérieurement, dans le cadre de l'appréciation du bien-fondé de la demande en annulation.

29. Enfin, il a rejeté, aux points 38 à 40 de l'arrêt attaqué, le second moyen d'irrecevabilité tiré de ce que les requérantes n'auraient pas été directement et individuellement concernées par la décision attaquée, au sens de l'article 173, quatrième alinéa, du traité. Il a jugé que celles-ci ne pouvaient obtenir le respect des garanties de procédure qui leur sont conférées par l'article 92, paragraphe 2, du traité, en leur qualité de tiers intéressés, lorsque la Commission décide de ne pas ouvrir la procédure visée par cette disposition, que si elles avaient la possibilité de contester une telle décision devant le Tribunal. En outre, selon le Tribunal, seule l'adoption de la décision attaquée a permis aux requérantes d'apprécier dans quelle mesure leurs intérêts sont affectés.

30. Pour ce qui est du fond de la décision attaquée, le Tribunal a examiné successivement les moyens soulevés par les requérantes contre les trois catégories d'aides accordées à DAI, à savoir les exonérations fiscales, l'aide à la formation professionnelle et l'aide à l'investissement au titre du règlement n° 866-90.

31. Le premier moyen soulevé par les requérantes contre les exonérations fiscales était tiré de l'illégalité de la décision du 3 juillet 1991.

32. En ce qui concerne l'exception d'irrecevabilité soulevée à l'encontre dudit moyen, tirée de ce que les requérantes auraient dû former un recours contre ces mesures devant le juge national et invoquer l'article 184 du traité CE (devenu article 241 CE) pour écarter l'application de ladite décision, le Tribunal a jugé, aux points 46 à 50 de l'arrêt attaqué, qu'elle ne saurait être accueillie. Il a considéré que la protection juridictionnelle efficace des droits des requérantes ne serait assurée que si elles disposaient de la possibilité d'invoquer l'irrégularité de la décision du 3 juillet 1991 par voie d'exception, dans le cadre d'un recours formé contre la décision de la Commission relative à une aide individuelle, qui seule leur permet de déterminer avec certitude dans quelle mesure leurs intérêts sont affectés.

33. Aux points 55 à 57 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté la première branche du premier moyen, relative à l'absence alléguée de contrôle des conséquences sectorielles du régime général d'exonérations fiscales. Il a jugé que les requérantes n'avaient pas démontré que le respect des règles applicables dans le secteur du sucre n'était pas assuré par les conditions énoncées dans la décision du 3 juillet 1991. En outre, il a précisé que les aides accordées dans le secteur du sucre en application du régime général d'exonérations fiscales n'échappaient pas au contrôle de la Commission, dès lors que cette institution peut à tout moment vérifier la compatibilité d'une aide individuelle avec cette décision et, en particulier, avec les règles applicables dans le secteur agricole concerné.

34. La deuxième branche du premier moyen, tirée de l'absence alléguée de transparence de la procédure d'adoption de la décision du 3 juillet 1991, a été rejetée par le Tribunal aux points 61 à 63 de l'arrêt attaqué. Le Tribunal a jugé que l'absence de publicité concernant la notification et l'examen d'une aide au titre de l'article 93, paragraphe 3, du traité ne saurait être assimilée à une absence de transparence. Si le Tribunal a reconnu que l'examen d'aides d'État dans le cadre de cette phase préliminaire ne permettait pas à la Commission de prendre en considération les intérêts des tiers, il a souligné que cette solution était cependant assortie de garanties suffisantes et se justifiait dès lors pleinement pour répondre aux exigences de rapidité lorsque, manifestement, la mesure notifiée par l'État membre concerné, ou dénoncée par une plainte émanant d'un tiers, ne constituait pas une aide d'État ou constituait une aide d'État compatible avec le Marché commun.

35. Le Tribunal a également rejeté, aux points 66 à 68 de l'arrêt attaqué, la troisième branche du premier moyen, tirée de l'irrégularité alléguée de la procédure interne d'adoption de la décision du 3 juillet 1991, les requérantes n'ayant, selon lui, avancé aucun élément significatif permettant de susciter des doutes sérieux quant à la légalité de cette procédure.

36. Le Tribunal a rejeté, aux points 72 à 75 de l'arrêt attaqué, le deuxième moyen soulevé par les requérantes, tiré de ce que la Commission aurait dû apprécier les exonérations fiscales au regard des articles 92 et 93 du traité. Il a rappelé que la Cour avait jugé, dans l'arrêt du 5 octobre 1994, Italie/Commission (C-47-91, Rec. p. I-4635), que, dès lors qu'un régime général d'aides a été approuvé par la Commission, les mesures individuelles d'exécution ne doivent pas lui être notifiées, sauf si des réserves ont été émises en ce sens dans la décision d'approbation. Il a indiqué que l'examen par la Commission de chaque aide individuelle serait contraire, en ce cas, aux principes de sécurité juridique et du respect de la confiance légitime. Le Tribunal a jugé également qu'une aide individuelle octroyée en exécution d'un régime général d'aides ne pouvait, en règle générale, être considérée comme une application imprévisible de ce régime. Le Tribunal a encore constaté que, dans le cas d'espèce, les exonérations fiscales n'excédaient pas 10 % du montant des investissements réalisés et qu'elles étaient compatibles avec le droit communautaire applicable au secteur concerné. Selon le Tribunal, elles étaient ainsi conformes aux conditions fixées par la décision du 3 juillet 1991 et n'avaient donc pas à être notifiées à la Commission, de sorte que celle-ci n'aurait pas été en droit de les examiner au regard de l'article 92 du traité.

37. Le troisième moyen relatif aux exonérations fiscales, fondé sur leur prétendue incompatibilité avec la politique agricole commune, a été rejeté par le Tribunal aux points 84 à 94 de l'arrêt attaqué. Le Tribunal a d'abord rappelé que la Commission devait examiner la régularité des exonérations fiscales accordées à DAI au regard des seules conditions imposées dans la décision du 3 juillet 1991 et, en particulier, des règles applicables dans le secteur du sucre. Il a ensuite relevé que ces exonérations fiscales, qui visent à faciliter le développement de certaines régions économiques conformément à l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, étaient compatibles avec les objectifs poursuivis tant par le règlement n° 1785-81 que par les actions structurelles de la Communauté dans le domaine agricole. Le Tribunal en a déduit que les arguments des requérantes relatifs à l'aggravation de la surproduction de sucre de la Communauté et à l'alourdissement des charges pesant sur le FEOGA, section "orientation", n'étaient pas de nature à remettre en cause les aides à la création d'une raffinerie de sucre de betterave au Portugal. Enfin, il a constaté que le dossier ne contenait aucun indice sérieux susceptible de mettre en doute la viabilité de la raffinerie bénéficiaire des mesures litigieuses.

38. En ce qui concerne le moyen unique soulevé par les requérantes concernant l'aide à la formation professionnelle, tiré d'une prétendue violation de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, le Tribunal l'a rejeté aux points 98 à 101 de l'arrêt attaqué. Le Tribunal a jugé, d'abord, que chacun des trois types d'aides accordées à DAI devait être examiné individuellement au regard du régime juridique qui lui est applicable. Ensuite, il a exposé que, selon la jurisprudence de la Cour (arrêt du 15 juin 1993, Matra/Commission, C-225-91, Rec. p. I-3203, points 24 et 25), le juge communautaire doit, dans le cadre du contrôle de légalité d'une décision prise au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, se borner à examiner si la Commission n'a pas excédé les limites de son pouvoir d'appréciation en commettant une erreur manifeste ou un détournement de pouvoir. Le Tribunal a constaté, enfin, que les requérantes n'invoquaient aucun argument sérieux susceptible de mettre en doute le fait que l'aide à la formation professionnelle en cause faciliterait le développement de certaines activités économiques sans altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

39. S'agissant de la partie de la décision attaquée portant sur l'aide à l'investissement au titre du règlement n° 866-90, les requérantes ont invoqué deux moyens à l'appui de leur demande en annulation. En premier lieu, elles ont soutenu que les aides d'État remplissant les conditions énoncées par ce règlement pour bénéficier d'un cofinancement communautaire restaient soumises aux articles 92 et 93 du traité. En second lieu, elles ont fait valoir que le règlement n° 866-90 excluait l'aide à l'investissement en cause.

40. Aux points 111 à 120 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le premier de ces moyens, qu'il a considéré comme fondé sur l'article 44 du règlement n° 1785-81, lequel prévoit, en application de l'article 42 du traité, que l'article 92 du traité, notamment, ne s'applique à la production et au commerce des produits agricoles que dans la mesure déterminée par le Conseil. Le Tribunal a constaté, tout d'abord, que les actions d'ordre structurel conduites au titre du FEOGA, section "orientation", ne relevaient pas du champ d'application du règlement n° 1785-81, mais entraient dans celui du règlement n° 866-90, règlement fondé sur les articles 42 du traité et 43 du traité CE (devenu, après modification, article 37 CE). Il a conclu de l'absence, dans le règlement n° 866-90, d'une disposition prévoyant expressément l'application des articles 92 et 93 du traité ainsi que 94 du traité CE (devenu article 89 CE) aux aides éligibles à un cofinancement de la Communauté au titre du FEOGA, section "orientation", que ces aides devaient être appréciées dans le cadre propre de l'action commune conduite en application de ce dernier règlement et ne pouvaient faire l'objet d'un examen au titre des articles 92 et 93 du traité.

41. Le Tribunal a relevé ensuite que, à supposer même que l'article 44 du règlement n° 1785-81 puisse être interprété comme soumettant aux articles 92 à 94 du traité toute mesure d'aide relative à la production et à la commercialisation du sucre, il devrait être appliqué en tenant compte des objectifs de la politique agricole commune, dont la primauté sur l'application des dispositions du traité relatives à la concurrence est consacrée par le traité lui-même à son article 42. Or, selon le Tribunal, l'application des articles 92 et 93 du traité à des aides éligibles à un cofinancement de la Communauté dans le cadre du règlement n° 866-90 risquerait de faire échec à la poursuite de certains objectifs de la politique agricole commune au moyen d'une action structurelle spécifique conduite en conformité avec les critères définis par la décision 94-173. Le Tribunal a considéré que le règlement n° 866-90 assurait lui-même la cohérence des aides à l'investissement, cofinancées par la Communauté et l'État membre concerné en application de ce règlement, avec la politique agricole commune. Il a ainsi conclu que l'application des articles 92 et 93 du traité aux aides à l'investissement éligibles à un cofinancement de la Communauté au titre du règlement n° 866-90 serait incompatible avec la primauté attribuée par le traité à la politique agricole commune sur l'application des règles de la concurrence.

42. Enfin, au point 124 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a écarté le second moyen des requérantes, selon lequel l'aide à l'investissement serait exclue par le règlement n° 866-90 parce qu'elle serait incompatible avec la politique agricole commune et ne pourrait se fonder sur la décision 94-173, elle-même incompatible avec cette politique. Le Tribunal a considéré, en se référant aux points 89 et 90 de son arrêt, que les aides octroyées en vue de permettre l'utilisation du quota attribué à la région continentale du Portugal n'étaient pas incompatibles avec les objectifs de la politique agricole commune.

Les conclusions des parties

43. Les requérantes concluent à ce qu'il plaise à la Cour:

- déclarer le pourvoi recevable;

- annuler l'arrêt attaqué, dans la mesure rendue nécessaire par le pourvoi;

- annuler la décision attaquée ou renvoyer l'affaire devant le Tribunal en vertu de l'article 54 du statut CE de la Cour de justice;

- condamner la Commission aux dépens des deux instances.

44. La Commission conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

- annuler les points 35 à 95 des motifs de l'arrêt attaqué et déclarer le recours irrecevable en tant qu'il était dirigé contre la partie de la décision attaquée relative aux allégements fiscaux, ou, subsidiairement,

- annuler les points 35 à 41 et 46 à 50 de l'arrêt attaqué, mais confirmer le reste de l'arrêt, ou, plus subsidiairement encore,

- annuler l'expression "in their view" figurant au point 36 de la version anglaise de l'arrêt attaqué, ainsi que les autres points de cet arrêt que la Cour juge appropriés et se prononcer sur les moyens de recevabilité soulevés par la Commission mais rejetés par le Tribunal,

et

- rejeter le pourvoi comme manifestement irrecevable et/ou manifestement non fondé sans engager la procédure orale et condamner les requérantes aux dépens de l'instance, ou

- rejeter le pourvoi et condamner les requérantes aux dépens de l'instance.

45. La République portugaise conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

- confirmer l'arrêt attaqué;

- rejeter intégralement le pourvoi formé contre cet arrêt.

46. DAI conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

- rejeter le pourvoi comme irrecevable en ce qui concerne les première et deuxième branches du premier moyen, les deuxième et troisième branches du deuxième moyen ainsi que les quatrième et sixième moyens;

- rejeter le pourvoi comme non fondé pour le surplus, et

- condamner les requérantes aux dépens des deux instances,

ou

- rejeter le pourvoi comme non fondé dans sa totalité, et

- condamner les requérantes aux dépens des deux instances.

Sur la recevabilité du pourvoi principal

47. La Commission et DAI invitent la Cour à déclarer le pourvoi principal manifestement irrecevable, en ce qu'il se bornerait à répéter ou à reproduire textuellement les moyens invoqués devant le Tribunal, sans contenir d'arguments juridiques visant d'une manière spécifique l'annulation de l'arrêt attaqué.

48. Conformément à une jurisprudence constante, ne répond pas aux exigences de motivation résultant de l'article 51 du statut CE de la Cour de justice et de l'article 112, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), du règlement de procédure de la Cour un pourvoi qui se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et les arguments qui ont été présentés devant le Tribunal, y compris ceux qui étaient fondés sur des faits expressément rejetés par cette juridiction. En effet, un tel pourvoi constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui, aux termes de l'article 49 du statut CE de la Cour de justice, échappe à la compétence de celle-ci (voir, notamment, ordonnance du 25 mars 1998, FFSA e.a./Commission, C-174-97 P, Rec. p. I-1303, point 24).

49. Cependant, dès lors qu'un requérant conteste l'interprétation ou l'application du droit communautaire faite par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent être à nouveau discutés au cours d'un pourvoi (voir arrêt du 13 juillet 2000, Salzgitter/Commission, C-210-98 P, Rec. p. I-5843, point 43). En effet, si un requérant ne pouvait fonder de la sorte son pourvoi sur des moyens et arguments déjà utilisés devant le Tribunal, la procédure de pourvoi serait privée d'une partie de son sens.

50. Or, en l'occurrence, le pourvoi principal, pris dans son ensemble, vise précisément à mettre en cause la position arrêtée par le Tribunal sur plusieurs questions de droit qui lui étaient soumises en première instance. Il comporte l'indication précise des aspects de l'arrêt attaqué qui sont critiqués et des moyens et arguments sur lesquels il s'appuie.

51. Il y a lieu, dès lors, d'écarter la demande tendant à ce que la Cour rejette le pourvoi principal comme étant dans son ensemble manifestement irrecevable.

Sur le pourvoi incident de la Commission

Argumentation des parties

52. La Commission soutient que le recours devant le Tribunal, en tant qu'il était dirigé contre la partie de la décision attaquée relative aux exonérations fiscales, était irrecevable. Le Tribunal aurait jugé à tort, aux points 35 à 37 de l'arrêt attaqué, qu'une lettre de la Commission indiquant qu'une aide individuelle est couverte par un régime général d'aides d'État approuvé constitue toujours un acte susceptible de faire l'objet d'un contrôle juridictionnel au titre de l'article 173 du traité. Les requérantes n'avaient, selon la Commission, aucun intérêt juridique à obtenir l'annulation de l'acte attaqué, puisque ladite annulation ne modifierait en rien leur situation juridique. Cet acte aurait simplement constaté que les exonérations fiscales en cause constituaient des aides existantes, relevant d'un régime général approuvé. Il ne produirait ainsi aucun effet juridique et ne saurait donc constituer une décision. La Commission invoque les arguments suivants à l'appui de ses conclusions.

53. À titre liminaire, la Commission fait valoir que les affirmations du Tribunal aux points 35 et 36 de l'arrêt attaqué, selon lesquelles, d'une part, le moyen d'irrecevabilité soulevé par la Commission ne saurait être accueilli et, d'autre part, la question d'irrecevabilité ne saurait être examinée à ce stade de l'arrêt, sont en contradiction l'une avec l'autre. Cette contradiction interne serait incompatible avec l'exigence de motivation visée à l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE).

54. Par ses autres arguments, la Commission développe son affirmation centrale selon laquelle l'acte attaqué n'a pas, à l'égard des tiers que sont les requérantes, le caractère d'une décision, mais celui d'une communication matérielle. Le raisonnement du Tribunal, qui subordonne la question de la recevabilité du recours à celle de son examen au fond, aurait comme conséquence de permettre à des plaignants de remettre en cause, à la faveur d'une contestation dirigée contre une aide individuelle, la validité de la décision d'approbation d'un régime général d'aides par la Commission, décision pourtant devenue définitive. Il serait alors porté atteinte aux intérêts des bénéficiaires de l'aide et des États membres concernés, en méconnaissance des principes de sécurité juridique et du respect de la confiance légitime, tels que reconnus par les arrêts Italie/Commission, précité, et du 9 mars 1994, TWD Textilwerke Deggendorf (C-188-92, Rec. p. I-833). Les plaignants se verraient ainsi reconnaître une nouvelle voie de recours alors que leurs contestations devraient être dirigées, à propos d'aides telles que celles en cause, devant le juge national, à charge pour celui-ci, s'il l'estime nécessaire, de poser à la Cour une question sur la validité de la décision d'approbation du régime général d'aides.

55. À titre subsidiaire, la Commission demande à la Cour que le point 36 de l'arrêt attaqué soit annulé en tant qu'il s'appuie, dans sa version anglaise, l'anglais étant la langue de procédure de la présente affaire, sur l'expression "in their view". Il serait en effet erroné en droit de fonder la recevabilité d'un recours en annulation devant le Tribunal sur le point de vue subjectif du requérant.

56. Les requérantes font valoir, en ce qui concerne la prétendue contradiction interne entre les points 35 et 36 de l'arrêt attaqué, que la Commission n'établit aucune erreur de droit. En tout état de cause, une telle contradiction ne saurait conduire à l'annulation de cet arrêt.

57. S'agissant des autres arguments de la Commission, les requérantes soutiennent que les motifs de l'arrêt attaqué doivent être maintenus. Elles considèrent que la question de la recevabilité du recours en annulation est précisément subordonnée à la question de savoir si les exonérations fiscales accordées en application du décret-loi n° 95-90 entrent dans le champ d'application de la décision du 3 juillet 1991. Elles prétendent que la décision par laquelle la Commission a considéré une mesure d'aide individuelle comme relevant d'un régime général d'aides déjà approuvé affecte directement leurs intérêts et ne peut donc être analysée comme une simple information. La protection juridictionnelle des requérantes dans le cadre des règles relatives aux aides d'État impliquerait que leur recours soit recevable, car il représenterait la seule voie de droit permettant d'examiner la légalité de la décision du 3 juillet 1991 et d'apprécier si la mesure d'aide individuelle en cause a respecté le régime général.

58. En ce qui concerne l'argument de la Commission selon lequel la Cour devrait annuler l'expression "in their view" au point 36 de la version anglaise de l'arrêt attaqué, les requérantes soutiennent que le Tribunal n'a pas fondé la recevabilité du recours sur une analyse subjective de leurs intérêts. Il aurait seulement jugé qu'elles avaient intérêt à demander l'annulation de la décision attaquée en se fondant sur le fait que les exonérations fiscales en cause n'étaient pas, selon elles, couvertes par la décision du 3 juillet 1991. Le Tribunal aurait d'ailleurs examiné le bien-fondé de cette affirmation aux points 44 à 50 de l'arrêt attaqué.

Appréciation de la Cour

59. En premier lieu, il ressort de la lecture des points 35 et 36 de l'arrêt attaqué que ceux-ci ne sont entachés d'aucune contradiction, contrairement à ce que prétend la Commission. Au point 35, le Tribunal a rejeté d'emblée l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission. Il a développé, au point 36, les raisons pour lesquelles il considérait que cette exception ne pouvait être accueillie. S'il a, au terme du point 36, renvoyé à un examen ultérieur une question de recevabilité, celle-ci avait trait à l'allégation plus spécifique de la Commission selon laquelle l'exception d'illégalité de la décision du 3 juillet 1991 serait elle-même irrecevable. Le Tribunal a ainsi analysé cette question distincte aux points 44 à 50 de l'arrêt attaqué. L'argument tiré d'une contradiction de motifs ne peut donc être retenu.

60. En second lieu, en ce qui concerne l'intérêt à agir des requérantes contre la partie de la décision attaquée relative aux exonérations fiscales, il résulte en effet de la jurisprudence de la Cour, ainsi que le rappelle la Commission, que les aides individuelles qui sont octroyées en application d'un régime général d'aides approuvé par la Commission et conformes aux conditions dudit régime ont le caractère d'aides existantes, qui ne nécessitent pas une notification (arrêt Italie/Commission, précité, points 21 à 26). Dès lors qu'elles ne sont pas notifiées avant leur mise en œuvre, de telles aides n'appellent pas de décision expresse de la Commission et ne peuvent voir leur légalité appréciée que devant le juge national (arrêt TWD Textilwerke Deggendorf, précité, points 15 à 18).

61. Toutefois, le présent litige ne s'inscrit pas dans le même contexte. Il ressort en effet des pièces du dossier que les mesures individuelles d'exonération fiscale en cause ont été examinées par la Commission, qui avait été destinataire à leur sujet de plaintes formées par les parties requérantes. La Commission a considéré que ces mesures étaient conformes aux deux conditions fixées dans la décision du 3 juillet 1991 permettant de les qualifier d'aides existantes, dispensées comme telles d'une notification formelle et d'un examen de leur compatibilité avec les articles 92 et 93 du traité. Par cette prise de position, la Commission ne s'est pas bornée à prendre acte du fait que les mesures individuelles en cause avaient le caractère d'aides existantes. Elle a également renoncé, en considérant que ces mesures étaient couvertes par la décision du 3 juillet 1991, à ouvrir la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité. Or, les requérantes, qui auraient pu intervenir en qualité de plaignantes dans le cadre de cette procédure si la Commission l'avait ouverte, seraient privées de cette garantie si elles n'avaient la possibilité de contester devant le Tribunal l'appréciation à laquelle s'est livrée la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 19 mai 1993, Cook/Commission, C-198-91, Rec. p. I-2487, points 20 à 24).

62. Dès lors, en considérant, au point 36 de l'arrêt attaqué, que la circonstance que les aides en cause avaient le caractère d'aides existantes ne privait pas pour autant les requérantes d'intérêt à agir en l'espèce, au motif que ces aides pouvaient ne pas être couvertes par la décision du 3 juillet 1991, et, aux points 39 et 40 de cet arrêt, que les requérantes ne pouvaient obtenir le respect des garanties de procédure qui leur sont conférées par l'article 93, paragraphe 2, du traité que si elles avaient la possibilité de contester la décision attaquée devant le juge communautaire, le Tribunal n'a commis aucune erreur de droit.

63. En troisième lieu, s'agissant de la demande subsidiaire de la Commission tendant à ce que la Cour annule les termes "in their view", au point 36 de la version anglaise de l'arrêt attaqué, il ressort des motifs de cet arrêt que le Tribunal n'a pas conclu à la recevabilité du recours sur le fondement d'une analyse subjective des intérêts des requérantes mais, ainsi qu'il a été exposé plus haut, sur les règles qui gouvernent la recevabilité des recours visés à l'article 173 du traité. La demande de la Commission n'est, dans ces conditions, à supposer même qu'elle soit recevable, pas fondée.

64. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi incident de la Commission doit être rejeté.

Sur le bien-fondé du pourvoi principal

Sur le premier moyen, relatif à l'exception d'illégalité de la décision du 3 juillet 1991

Argumentation des parties

65. Par leur premier moyen, les requérantes font grief au Tribunal d'avoir commis une erreur de droit en considérant, aux points 55 à 57 de l'arrêt attaqué, que la décision du 3 juillet 1991, par laquelle la Commission a approuvé le régime général d'exonérations fiscales prévu par le décret-loi n° 95-90, assurait le respect des règles applicables dans le secteur du sucre. Selon elles, cette conclusion se fonderait sur deux constatations erronées.

66. D'une part, dans la décision du 3 juillet 1991, la Commission aurait subordonné l'octroi d'une aide individuelle en application du décret-loi n° 95-90 au respect des "réglementations et encadrements du droit communautaire visant certains secteurs industriels, agricoles et de la pêche". Or, contrairement à ce que le Tribunal aurait considéré, une telle condition serait insuffisante et trop imprécise pour pouvoir être considérée comme adéquate aux fins de la préservation des intérêts de la politique agricole commune dans un secteur sensible comme celui du sucre.

67. D'autre part, le Tribunal aurait déduit à tort de l'article 93 du traité que la Commission peut vérifier à tout moment la compatibilité d'une aide individuelle accordée au secteur du sucre avec les règles applicables au secteur agricole concerné. À cet égard, les requérantes font valoir que les compétences attribuées à la Commission par l'article 93, paragraphe 1, du traité, qui ne lui permettent pas de suspendre le versement des aides, ne peuvent pas être considérées, en cas d'application d'un régime général d'aides, comme remplaçant de manière appropriée la procédure prévue à l'article 93, paragraphes 2 et 3, du traité. De plus, la position des tiers serait nettement affaiblie dans le cadre de l'"examen permanent" prévu à l'article 93, paragraphe 1, du traité par rapport à celle qui est la leur dans le cadre de l'application de l'article 93, paragraphes 2 et 3, du traité.

68. La Commission fait valoir que ce moyen, qui se bornerait à reproduire des arguments invoqués en première instance, n'est pas recevable. Sur le fond, elle partage l'analyse exposée aux points 55 à 57 de l'arrêt attaqué et soutient que, lorsqu'elle approuve un régime général d'aides, elle doit, comme elle l'a fait en l'espèce, prendre les mesures nécessaires pour garantir que les règles sectorielles spécifiques qu'elle a adoptées seront également respectées.

69. Le Gouvernement portugais fait valoir que le point de vue du Tribunal est, pour l'essentiel, fondé sur le principe selon lequel l'approbation d'un régime général d'aides ne comporte jamais de dérogation aux règles applicables à chaque secteur. Puisque la Commission peut légalement approuver un régime général d'aides, le raisonnement qu'elle a suivi dans sa décision du 3 juillet 1991, et qui a été confirmé par le Tribunal,serait celui qui garantit le mieux l'application de toutes les règles qui pourraient être pertinentes au moment de la mise en œuvre de ce régime. Le Gouvernement portugais rejette, en outre, l'affirmation des requérantes selon laquelle l'approbation d'un tel régime devrait être assortie de l'énoncé des conditions sectorielles applicables. Une telle solution comporterait des inconvénients pratiques et juridiques, puisque la prétendue nécessité d'énoncer ces conditions nuirait à la clarté dudit régime. Ce gouvernement expose également que le Tribunal a pris en compte, au point 56 de l'arrêt attaqué, le respect des règles sectorielles et la protection des intérêts des tiers, lorsqu'il a souligné que la Commission pouvait à tout moment vérifier la régularité des aides.

70. DAI fait valoir, pour les mêmes raisons que la Commission, que ce premier moyen est irrecevable. Sur le fond, elle soutient que la protection des intérêts des tiers n'est pas plus faible lors de l'application de l'article 93, paragraphe 1, du traité que lors de celle du paragraphe 3 de cet article.

Appréciation de la Cour

71. Il convient, en ce qui concerne la recevabilité de ce moyen, d'apporter à la Commission et à DAI la même réponse que celle apportée, aux points 48 à 51 du présent arrêt, à l'exception d'irrecevabilité qu'elles ont soulevée à l'encontre de l'ensemble du pourvoi principal et, par suite, de rejeter cette exception.

72. Sur le fond, il y a lieu de rappeler, d'une part, qu'il est de jurisprudence constante que la Commission peut approuver des régimes généraux d'aides dans le cadre de la mission de surveillance que lui assignent les articles 92 et 93 du traité et dispenser les États membres de lui notifier les aides individuelles prises sur le fondement de tels régimes, sous les réserves qu'elle peut énoncer dans la décision admettant ceux-ci (arrêts Italie/Commission, précité, point 21, et du 15 mai 1997, Siemens/Commission, C-278-95 P, Rec. p. I-2507, points 31 à 33). La Commission dispose en la matière d'un large pouvoir d'appréciation (arrêt du 14 janvier 1997, Espagne/Commission, C-169-95, Rec. p. I-135, point 18).

73. D'autre part, il appartient à la Commission, lorsqu'elle approuve un régime général d'aides, de prendre les mesures nécessaires pour garantir que les règles sectorielles autres que les règles générales de concurrence seront respectées par l'État membre concerné.

74. En l'occurrence, la Commission a subordonné l'approbation résultant de sa décision du 3 juillet 1991 à la condition expresse que les aides individuelles respectent "les réglementations et encadrements du droit communautaire visant certains secteurs industriels, agricoles et de la pêche". Elle y a, en outre, prescrit au Gouvernement portugais de notifier "tous les projets bénéficiant d'exonérations d'une importance entre 10 et 20 % (ESL) ainsi que tous ceux relevant des secteurs sensibles".

75. Or, pas davantage que devant le Tribunal, les requérantes n'invoquent d'arguments permettant d'établir que ces prescriptions auraient méconnu les règles applicables au secteur du sucre ou seraient insuffisantes au point d'entacher d'illégalité la décision du 3 juillet 1991.

76. En outre, il est constant que la Commission n'est pas privée, après l'adoption d'une décision d'approbation d'un régime général d'aides, de la possibilité d'examiner la compatibilité d'une aide individuelle avec cette décision. Un tel examen peut être effectué à tout moment, en vertu de l'article 93, paragraphe 1, du traité, en particulier à l'occasion de plaintes dont la Commission peut être destinataire. La décision du 3 juillet 1991 n'a donc pas pour effet d'interdire la prise en compte des intérêts légitimes des tiers et ne saurait, dans ces conditions, être regardée comme une restriction illégale au champ d'application de l'article 93, paragraphes 2 et 3, du traité.

77. Dès lors, en considérant que les conditions fixées par la Commission dans la décision du 3 juillet 1991 n'étaient pas insuffisantes et que cette décision n'avait pas porté atteinte à la protection des intérêts légitimes des requérantes, le Tribunal n'a pas commis d'erreur de droit. Le premier moyen doit, en conséquence, être rejeté.

Sur le deuxième moyen, tiré de ce que les exonérations fiscales auraient dû être notifiées à la Commission

Argumentation des parties

78. Les requérantes soutiennent que le Tribunal a entaché l'arrêt attaqué d'une erreur de droit, aux points 72 à 75, en jugeant que la Commission n'était pas en droit d'examiner la compatibilité des exonérations fiscales accordées à DAI avec l'article 92 du traité. Elles font valoir que ces exonérations ne constituaient pas un cas d'application pure, simple et prévisible du régime général d'aides approuvé par la Commission. Dans le secteur sensible du sucre, caractérisé par une production largement excédentaire, le Gouvernement portugais aurait dû notifier de telles mesures à la Commission et celle-ci aurait dû en examiner la compatibilité directement au regard des articles 92 et 93 du traité, pour prendre en considération des impératifs qu'elle n'avait pas pu apprécier lors de l'approbation du régime général. Le Tribunal aurait donc fait une inexacte application de l'arrêt Italie/Commission, précité.

79. La Commission considère que le deuxième moyen est, comme le premier et pour les mêmes raisons, manifestement irrecevable. Sur le fond, elle fait valoir qu'elle est tenue d'appliquer les règles pertinentes du traité, ce qu'elle aurait fait, en l'espèce, de manière à tenir compte des objectifs de la politique régionale et sectorielle. Par ailleurs, à la différence de ce que prétendent les requérantes, il résulterait de l'arrêt Italie/Commission, précité, que, après avoir approuvé un régime général d'aides, la Commission ne peut engager la procédure visée à l'article 93, paragraphe 2, du traité à l'encontre d'une aide individuelle accordée au titre de ce régime, sans avoir préalablement vérifié si ladite aide remplissait les conditions du régime approuvé.

80. Le Gouvernement portugais soutient que la Commission n'a pas omis d'analyser la compatibilité sectorielle du régime d'exonérations fiscales en cause. Cette aide aurait été approuvée conformément à l'article 16, paragraphe 5, du règlement n° 866-90, qui disposerait que les États membres peuvent prendre des mesures d'aides dont le montant dépasse celui qui est prévu pour l'action commune d'intervention du FEOGA, section "orientation".

81. DAI fait valoir que le deuxième moyen du pourvoi principal est irrecevable en ce qu'il se limite à répéter les arguments du recours présenté au Tribunal et en ce qu'il remet en cause l'appréciation, qui serait de pur fait, relative au caractère prévisible de l'application du décret-loi n° 95-90 à l'aide en cause. À titre subsidiaire, DAI soutient que celle-ci n'avait pas à être notifiée, aucune disposition de la décision du 3 juillet 1991 n'en faisant obligation à la République portugaise.

Appréciation de la Cour

82. En premier lieu, le deuxième moyen du pourvoi principal indique de façon précise les éléments critiqués de l'arrêt attaqué et comporte l'énoncé des arguments de droit qui le soutiennent. D'autre part, ce grief est tiré de la violation du droit communautaire qu'aurait commise le Tribunal en jugeant que la Commission n'avait pas à examiner la compatibilité de l'aide individuelle avec les articles 92 et 93 du traité et ne constitue donc pas la mise en cause d'une appréciation de fait qui, au stade du pourvoi, ne relève pas de la compétence de la Cour. Par suite, ce moyen est recevable.

83. En second lieu, lorsqu'elle est confrontée à une aide individuelle dont il est soutenu qu'elle a été octroyée en application d'un régime préalablement autorisé, la Commission ne peut d'emblée l'examiner par rapport au traité. Elle doit, avant l'ouverture de toute procédure, contrôler si l'aide est couverte par le régime général et satisfait aux conditions fixées dans la décision d'approbation de celui-ci. Si elle ne procédait pas de la sorte, la Commission pourrait, lors de l'examen de chaque aide individuelle, revenir sur sa décision d'approbation du régime d'aides, laquelle présupposait déjà un examen au regard de l'article 92 du traité, mettant ainsi en péril les principes de sécurité juridique et du respect de la confiance légitime (arrêt Italie/Commission, précité, point 24). Une aide constituant une application rigoureuse et prévisible des conditions fixées dans la décision d'approbation du régime général approuvé est donc considérée comme une aide existante (arrêt Italie/Commission, précité, point 25), qui n'a pas à être notifiée à la Commission ni à être examinée au regard de l'article 92 du traité.

84. Dans le présent litige, ainsi qu'il a été dit au point 20 du présent arrêt, la décision du 3 juillet 1991, approuvant le régime d'aides institué par le décret-loi n° 95-90, a subordonné l'autorisation des exonérations fiscales à deux conditions dont la Commission a, par la décision attaquée, vérifié le respect et constaté qu'elles étaient remplies.

85. À cet égard, la condition relative aux règles applicables dans le secteur agricole concerné n'a pas été assortie, dans la décision du 3 juillet 1991, d'une obligation de notification préalable des aides envisagées. Par cette décision, la Commission a, en revanche, exigé que lesdites règles soient effectivement respectées lors de l'octroi des aides individuelles. Or, il ressort des termes de la décision attaquée que la Commission a considéré que le projet de construction d'une raffinerie de sucre de betterave au Portugal, éligible à un financement communautaire au titre du FEOGA, était de ce fait compatible avec les objectifs de la politique agricole commune.

86. Il résulte de ce qui précède que, en jugeant, aux points 72 à 75 de l'arrêt attaqué, que les exonérations fiscales accordées à DAI ne devaient pas être notifiées et que la Commission n'était pas en droit de les examiner directement au regard de l'article 92 du traité, le Tribunal n'a pas commis d'erreur dans l'application du droit communautaire. Le deuxième moyen doit, en conséquence, être rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré de ce que les exonérations fiscales seraient incompatibles avec les objectifs de la politique agricole commune

Argumentation des parties

87. Les requérantes allèguent que le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant, aux points 84 à 94 de l'arrêt attaqué, que l'application du décret-loi n° 95-90 à l'industrie du sucre n'était pas incompatible avec les objectifs de la politique agricole commune. Elles avancent trois arguments au soutien de ce moyen.

88. Tout d'abord, elles soutiennent que le projet de raffinerie en cause n'échappait pas à l'application des dispositions du traité relatives aux aides d'État ni à celle des dispositions relatives à l'organisation commune des marchés du sucre. À la différence de l'article 141 de l'acte relatif aux conditions d'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne (JO 1994, C 241, p. 21, et JO 1995, L 1, p. 1, ci-après l'"acte d'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède"), l'acte d'adhésion du Royaume d'Espagne et de la République portugaise ne comprendrait pas de disposition autorisant des aides d'État exceptionnelles. À défaut d'une telle habilitation exceptionnelle dans ce dernier acte, il faudrait présumer que la règle d'interdiction des aides à la transformation de betteraves sucrières, figurant au règlement n° 1785-81, s'applique au projet d'investissement en cause.

89. Ensuite, les requérantes reprochent au Tribunal d'avoir à tort, aux points 89 et 90 de l'arrêt attaqué, considéré que l'octroi d'un quota de sucre à la République portugaise habilitait le Gouvernement portugais à accorder une aide d'État à la construction d'une raffinerie sucrière dans la région continentale du Portugal, aide qui, selon elles, créerait un producteur de sucre complètement artificiel et fausserait les rapports de concurrence en aggravant la surproduction sur le Marché commun du sucre.

90. Enfin, contrairement à ce que le Tribunal aurait jugé au point 90 de l'arrêt attaqué, ni le règlement n° 866-90 ni la décision 94-173 ne permettraient de conclure que l'aide en cause est compatible avec l'organisation commune du marché du sucre. Les requérantes affirment que la décision 94-173 a rendu illégalement éligibles au cofinancement communautaire des investissements dans l'industrie portugaise du sucre de betterave et que la Commission a, par cette décision, considéré à tort que cette éligibilité existait du seul fait de l'octroi à la République portugaise d'un quota de sucre. Elles relèvent que cette erreur a été maintenue dans l'encadrement communautaire des aides d'État relatives aux investissements dans le secteur de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles.

91. La Commission allègue que ce troisième moyen est, pour les mêmes raisons que les deux premiers, irrecevable. Elle soutient, sur le fond, que les dispositions relatives à l'adhésion d'autres États membres que la République portugaise ne sont en rien pertinentes en l'espèce et que la base légale permettant l'aide en cause est la décision du 3 juillet 1991. Selon elle, les requérantes omettent de prendre en compte le fait que le règlement n° 866-90 et la décision 94-173 font partie intégrante de la politique agricole commune. Le règlement n° 1785-81 devrait en effet être interprété conjointement à ces textes, qui prévoient expressément pour le quota portugais une exception à la règle d'interdiction des aides d'État dans le secteur du sucre. En outre, l'aide litigieuse a, selon la Commission, été autorisée également en tant qu'aide régionale, domaine dans lequel la Commission disposerait d'un large pouvoir d'appréciation pour déterminer ce qui est compatible avec le Marché commun.

92. Le Gouvernement portugais fait valoir que l'article 16, paragraphe 5, du règlement n° 866-90 permet aux États membres d'adopter des mesures d'aides en complément de l'action communautaire. En outre, l'article 25 du règlement (CEE) n° 1600-92 du Conseil, du 15 juin 1992, relatif à des mesures spécifiques concernant certains produits agricoles en faveur des Açores et de Madère (JO L 173, p. 1), prévoirait l'octroi d'aides à la production de betterave à sucre et à la transformation en sucre blanc des betteraves récoltées aux Açores dans la limite d'une production globale annuelle de 10 000 tonnes de sucre raffiné, ce qui démontrerait que, au niveau communautaire, les mesures d'aide dans le secteur du sucre ne sont pas systématiquement écartées. Le Gouvernement portugais fait encore valoir que le quota de sucre octroyé à la République portugaise a été fixé dans l'instrument juridique de rang le plus élevé, à savoir l'acte d'adhésion du Royaume d'Espagne et de la République portugaise.

93. DAI soutient pour sa part qu'une aide favorisant l'utilisation du quota de sucre attribué à la République portugaise par cet acte d'adhésion ne saurait être analysée comme contraire aux objectifs de la politique agricole commune. Elle ajoute que le Tribunal n'a pas jugé que la légalité de l'aide octroyée à DAI résultait automatiquement de l'attribution de ce quota par ledit acte d'adhésion. Au contraire, il résulterait clairement du raisonnement du Tribunal que la base légale de l'octroi d'une telle aide est à rechercher parmi les dispositions pertinentes du règlement n° 866-90 et de la décision 94-173.

Appréciation de la Cour

94. En premier lieu, par le troisième moyen, assorti d'arguments circonstanciés, les requérantes contestent avec précision les motifs de l'arrêt attaqué. Ce moyen est donc recevable.

95. En second lieu, les exonérations fiscales accordées à DAI doivent, ainsi que le prévoit la décision du 3 juillet 1991, respecter les règles de la politique agricole commune dans le secteur du sucre fixées par le règlement n° 1785-81.

96. Or, d'une part, ce règlement dispose, à son article 44, que les articles 92 à 94 du traité sont applicables à la production et au commerce de sucre. La même disposition précise que cette règle générale s'applique "[s]ous réserve de dispositions contraires du présent règlement". À l'article 45, ce règlement prévoit ainsi qu'il doit être appliqué de telle sorte qu'il soit tenu compte, parallèlement et de manière appropriée, des objectifs de politique agricole commune prévus à l'article 39 du traité CE (devenu article 33 CE). En outre, ainsi que l'a relevé le Tribunal au point 89 de l'arrêt attaqué, l'article 24 du même règlement a été précisément modifié par l'acte d'adhésion du Royaume d'Espagne et de la République portugaise pour que soit reconnu à ce dernier État membre, sur la partie continentale de son territoire, le bénéfice d'un quota de production de sucre de 60 000 tonnes.

97. Il résulte de ces dispositions que, s'il n'autorise pas, par lui-même, le versement d'aides d'État à un projet destiné à utiliser ce quota, le règlement n° 1785-81 n'exclut nullement cette possibilité.

98. Le Tribunal s'est livré, au point 89 de l'arrêt attaqué, à la même constatation préalable et n'a donc pas considéré que l'aide fiscale accordée à DAI pouvait être déclarée compatible avec la politique agricole commune au seul motif de l'attribution de ce quota. Dans ces conditions, l'argument selon lequel l'acte d'adhésion du Royaume d'Espagne et de la République portugaise ne comporterait pas, à la différence de l'acte d'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède, de clause prévoyant l'attribution exceptionnelle d'aides d'État est, en tout état de cause, inopérant.

99. D'autre part, l'article 45 du règlement n° 1785-81 renvoie aux objectifs généraux de la politique agricole commune énoncés à l'article 39 du traité, au nombre desquels figure, au paragraphe 2, sous a), la nécessaire prise en compte "du caractère particulier de l'activité agricole, découlant de la structure sociale de l'agriculture et des disparités structurelles et naturelles entre les diverses régions agricoles". Les règles applicables aux investissements dans le secteur du sucre ne sont donc pas seulement celles que fixe le règlement n° 1785-81. Elles figurent, en outre, dans les textes qui régissent les actions de politique structurelle et régionale de la Communauté.

100. Or, ces textes prévoient la possibilité pour la Communauté comme pour la République portugaise d'accorder un soutien financier au projet d'investissement en cause.

101. Tout d'abord, l'article 16, paragraphe 5, du règlement n° 866-90, règlement fondé sur les articles 42 et 43 du traité et donc partie intégrante de la politique agricole commune, prévoit la possibilité pour les États membres d'octroyer, en dehors des mesures spécifiquement prévues par ce règlement, des aides à la transformation et à la commercialisation des produits agricoles, dans les conditions fixées par les articles 92 à 94 du traité.

102. Ensuite, l'aide accordée à DAI respecte les critères d'éligibilité des investissements susceptibles de bénéficier d'interventions financières du FEOGA, section "orientation", énoncés par la décision 94-173. Cette décision dispose en effet, au point 2.8 de son annexe, que, par exception à la règle qui exclut les investissements dans le secteur du sucre, les investissements destinés à permettre l'utilisation du quota prévu par l'acte d'adhésion du Royaume d'Espagne et de la République portugaise peuvent bénéficier d'un financement communautaire.

103. Or, par la décision attaquée, la Commission a indiqué que, dans le secteur de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles, les aides d'État devaient être conformes aux critères de choix des investissements fixés par la décision 94-173. Cette orientation est d'ailleurs celle qui figure dans les communications de la Commission relatives aux aides d'État dans ce secteur telles les communications des 12 juillet 1994 et 23 mars 1995 ainsi que la communication du 2 février 1996, postérieure aux faits du présent litige.

104. Par suite, en estimant que les objectifs de la politique régionale et agricole de la Communauté justifiaient le traitement particulier du projet d'investissement en cause, à l'égard d'une région visée par l'objectif n° 1, la Commission n'a pas fait un usage manifestement erroné de son pouvoir d'appréciation. Elle n'a pas davantage méconnu les termes de l'habilitation qui lui avait été conférée aux termes de l'article 8 du règlement n° 866-90 à l'effet de fixer les critères d'éligibilité des investissements aux actions communautaires.

105. Enfin, il convient de relever que la prise en compte spécifique de l'investissement réalisé par DAI résulte précisément du traitement particulier reconnu à la République portugaise par l'acte d'adhésion du Royaume d'Espagne et de la République portugaise, ainsi que le Tribunal l'a relevé au point 89 de l'arrêt attaqué.

106. Dès lors, les arguments des requérantes selon lesquels la décision attaquée créerait un producteur de sucre complètement artificiel et fausserait les rapports de concurrence en aggravant la surproduction sur le Marché commun du sucre doivent être écartés.

107. Il résulte de ce qui précède que, en considérant que les exonérations fiscales accordées à DAI n'étaient pas incompatibles avec les objectifs de la politique agricole commune, le Tribunal n'a commis aucune erreur de droit. Le troisième moyen ne peut, dans ces conditions, qu'être écarté.

Sur le quatrième moyen, relatif à l'erreur de droit qu'aurait commise le Tribunal en refusant d'apprécier l'effet cumulé des aides litigieuses

Argumentation des parties

108. Par leur quatrième moyen, les requérantes font grief au Tribunal de ne pas avoir pris en compte, aux points 98 à 101 de l'arrêt attaqué, les effets cumulés des différentes mesures d'aide litigieuses. L'ensemble de ces mesures représenterait plus de 60 % des investissements réalisés par DAI et permettrait à celle-ci de lancer une production excédentaire correspondant à 20 à 25 % de la consommation nationale, avec des prix garantis et à un coût inférieur à 40 % des coûts fixes qui sont susceptibles d'être amortis sur une très longue période. Une position exceptionnellement avantageuse aurait ainsi été accordée à DAI.

109. La Commission soutient que ce moyen est manifestement irrecevable. Sur le fond, elle fait valoir que ledit moyen ne saurait aboutir, car elle disposerait en la matière d'un large pouvoir d'appréciation et aucune erreur manifeste n'aurait été démontrée.

Appréciation de la Cour

110. Si les requérantes ont soutenu devant le Tribunal que la Commission avait commis une erreur de droit en examinant de manière isolée les effets de l'aide à la formation professionnelle octroyée à DAI sur le Marché commun, c'est uniquement à l'encontre de la partie de la décision attaquée relative à cette aide. Elles n'ont donc pas formé de moyen général d'annulation dirigé contre l'ensemble de la décision attaquée, tiré de ce que la Commission aurait dû apprécier la compatibilité des effets cumulés des trois mesures litigieuses au regard de l'article 92 du traité, ainsi que le confirme d'ailleurs la partie de leur recours intitulée "moyens généraux du recours", qui ne mentionne pas ce grief.

111. Le Tribunal n'a ainsi relevé, au point 98 de l'arrêt attaqué, le fait que les trois types d'aides examinés dans la décision attaquée ressortissaient à des régimes juridiques différents et devaient être examinés individuellement, au regard de leurs régimes respectifs et des objectifs qu'ils poursuivent, que pour en déduire que la compatibilité de l'aide à la formation professionnelle avec l'article 92 du traité devait être appréciée séparément et écarter le moyen dont il était précisément saisi. Le moyen développé par les requérantes au stade du pourvoi a donc une portée plus large que celui qui a été soumis au Tribunal.

112. Or, en vertu de l'article 118 du règlement de procédure de la Cour, l'article 42, paragraphe 2, du même règlement, qui interdit en principe la production de moyens nouveaux en cours d'instance, s'applique à la procédure devant la Cour ayant pour objet un pourvoi contre une décision du Tribunal. Dans le cadre d'un pourvoi, la compétence de la Cour est ainsi limitée à l'examen de l'appréciation par le Tribunal des moyens qui ont été débattus devant les premiers juges (voir arrêt du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C-136-92 P, Rec. p. I-1981, point 59, et ordonnance du 28 juin 2001, Eridania e.a./Conseil, C-352-99 P, Rec. p. I-5037, points 52 et 53).

113. Le moyen n'est donc recevable qu'en tant qu'il critique l'erreur de droit qu'aurait commise le Tribunal en considérant que l'aide à la formation professionnelle pouvait être examinée séparément par la Commission.

114. À cet égard, il convient de constater que les mesures d'aide litigieuses relèvent de régimes juridiques différents. Les exonérations fiscales ne pouvaient, ainsi qu'il a été dit au point 86 du présent arrêt, être examinées qu'au regard de la décision du 3 juillet 1991, qui renvoie elle-même aux règles de la politique agricole commune, et non pas directement au titre de l'article 92 du traité. Le cofinancement national de l'investissement considéré comme éligible au FEOGA, section "orientation", devait être examiné au regard du règlement n° 866-90 et de la décision 94-173, textes qui définissent l'équilibre entre les objectifs de la politique agricole commune et de la politique régionale communautaire dans le secteur du sucre. L'aide à la formation professionnelle était donc la seule mesure dont la Commission pouvait apprécier la compatibilité directement avec l'article 92 du traité.

115. Dès lors, l'arrêt attaqué n'est entaché sur ce point d'aucune erreur de droit. Le quatrième moyen doit, par suite, être rejeté.

Sur le cinquième moyen, tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le Tribunal en écartant l'application des articles 92 et 93 du traité

Argumentation des parties

116. Les requérantes soutiennent que les motifs de l'arrêt attaqué, aux points 111 à 120, selon lesquels les aides accordées aux projets d'investissement éligibles à un financement de la Communauté en vertu du règlement n° 866-90 ne peuvent pas faire l'objet d'un examen au titre des articles 92 et 93 du traité, sont entachés d'erreur de droit. Elles font valoir qu'aucune disposition des règlements nos 1785-81 et 866-90 ne permet de conclure que ces articles ne seraient pas applicables.

117. La Commission soutient, à titre liminaire, que ce moyen est manifestement irrecevable. Ensuite, sur le fond, elle considère que, à la lumière de toute la législation pertinente, le Conseil a disposé que les règles relatives aux aides d'État s'appliquent aux mesures d'aide qui vont au-delà de ce que prévoit le règlement n° 866-90, mais non aux mesures prévues par ce règlement. La seule question important en l'espèce est, selon elle, celle de savoir si la mesure litigieuse est autorisée ou non par la politique agricole commune. Or, ladite mesure serait autorisée par l'article 16 du règlement n° 866-90.

118. La République portugaise et DAI font valoir que l'article 16, paragraphe 5, du règlement n° 866-90, lu en combinaison avec le principe de primauté de la politique agricole commune, doit être interprété en ce sens qu'il exclut l'application du régime des aides d'État aux mesures d'ordre structurel conduites au titre du FEOGA, section "orientation".

Appréciation de la Cour

119. Le cinquième moyen, comme les précédents, indique avec précision les parties de l'arrêt contestées et énonce les arguments de droit qui le fondent. Il ne constitue donc pas la simple reproduction des termes du recours de première instance et doit, par suite, être déclaré recevable.

120. D'autre part, en ce qui concerne le bien-fondé du moyen, le règlement n° 1785-81 se borne, à son article 44, à disposer que les articles 92 à 94 du traité sont applicables à la production et au commerce de sucre, "[s]ous réserve de dispositions contraires du présent règlement". En outre, ce règlement renvoie, implicitement mais nécessairement, à la mise en œuvre d'autres dispositions que celles qu'il comporte, en indiquant, à son article 45, que son application doit tenir compte des objectifs générauxde la politique agricole commune visés à l'article 39 du traité, dont l'un des aspects consiste à remédier aux disparités régionales constatées en ce domaine.

121. Le règlement n° 866-90 définit ainsi les conditions dans lesquelles le FEOGA, section "orientation", contribue aux objectifs de cohésion régionale de la politique agricole commune. Il pose comme règle de principe, à son article 16, paragraphes 3 et 4, que les États membres intéressés par les projets d'investissement éligibles à ce Fonds, ce qui est le cas de la République portugaise à propos du projet en cause, doivent, de même que les bénéficiaires du Fonds, s'engager à participer au financement des investissements retenus par la Commission pour une intervention du FEOGA. Les cofinancements versés par les États membres, tels que ceux ici en cause, sont donc non seulement autorisés mais prescrits par ledit règlement.

122. L'article 16, paragraphe 5, du règlement n° 866-90, qui dispose que les États membres peuvent prendre des mesures d'aide dont les conditions ou les modalités s'écartent de celles prévues dans ce règlement ou dont les montants excèdent les plafonds qui y sont prévus, sous réserve que ces mesures soient conformes aux articles 92 à 94 du traité, ne vise donc pas les participations financières nationales exigées par l'article 16, paragraphes 3 et 4, dudit règlement, mais les aides que les États membres souhaitent apporter, au-delà de leur participation obligatoire aux projets d'investissement éligibles au FEOGA, section "orientation".

123. Dans ces conditions, le Tribunal n'a pas fait une application erronée du droit communautaire en considérant que le cofinancement apporté par la République portugaise au projet d'investissement en cause, éligible au FEOGA, section "orientation", devait être apprécié dans le cadre propre de l'action commune conduite en application du règlement n° 866-90 et ne pouvait faire l'objet d'un examen au titre des articles 92 et 93 du traité.

124. Le cinquième moyen doit, dès lors, être écarté.

Sur le sixième moyen, tiré de ce que la réponse au dernier moyen du recours devant le Tribunal ne serait pas suffisamment motivée

Argumentation des parties

125. Les requérantes font valoir que le rejet, au point 124 de l'arrêt attaqué, de leur moyen selon lequel l'aide à l'investissement en cause est incompatible avec le règlement n° 866-90 n'est pas suffisamment motivé. Le Tribunal n'aurait pas pris en compte les différents arguments qu'elles auraient invoqués au soutien de ce moyen. Elles rappellent qu'elles avaient soutenu devant le Tribunal que cette aide ne remplissait pas les critères de cofinancement définis par le règlement n° 866-90 et que ce règlement ne pouvait, dès lors, servir de base légale à l'exclusion de l'application des articles 92 et 93 du traité.

126. La Commission considère que ce moyen n'est pas fondé. Selon elle, tous les arguments ainsi invoqués par les requérantes réitèrent, en réalité, leur allégation selon laquelle l'aide à l'investissement en cause est incompatible avec la politique agricole commune, allégation que le Tribunal aurait rejetée de manière suffisamment motivée.

127. DAI soutient que ce dernier moyen du pourvoi principal est manifestement irrecevable parce qu'il se borne à répéter des arguments exposés devant le Tribunal sans indiquer la prétendue erreur de droit commise par celui-ci.

Appréciation de la Cour

128. D'une part, le sixième moyen, dirigé contre des motifs dûment identifiés de l'arrêt attaqué, ne se borne pas à reproduire les termes du recours présenté devant le Tribunal et est, dès lors, recevable.

129. D'autre part, il ressort de l'argumentation des requérantes que, par ce moyen, celles-ci soutiennent que, pour écarter leur grief tiré de ce que l'aide à l'investissement en cause ne pouvait entrer dans le champ d'application du règlement n° 866-90, le Tribunal ne s'est pas prononcé sur leurs arguments selon lesquels cette aide ne respectait pas les conditions de fond fixées par les articles 2 et 11 à 13 de ce règlement. Cette partie de l'arrêt serait ainsi entachée d'insuffisance de motivation.

130. Toutefois, il y a lieu de rappeler que, par la décision attaquée, la Commission a considéré que l'aide en cause relevait, en première analyse, du champ d'application du règlement n° 866-90. Elle en a déduit que l'examen de cette aide ne pouvait s'effectuer directement au regard des articles 92 et 93 du traité et a précisé qu'elle analyserait ultérieurement "dans le cadre du règlement (CEE) n° 866-90 les aspects liés au cofinancement de ce projet au titre de ce règlement". La Commission n'a donc pas examiné si le projet respectait les conditions du cofinancement communautaire par le FEOGA, section "orientation", ni, par suite, si la participation nationale apportée à ce projet respectait les conditions de fond dudit règlement.

131. Devant le Tribunal, les requérantes ont critiqué cette appréciation en faisant valoir que le projet d'investissement en cause n'entrait pas dans le champ d'application du règlement n° 866-90 et que, par suite, les articles 92 et 93 du traité étaient applicables en l'espèce. Elles ont invoqué deux moyens au soutien de cette critique: le premier était tiré de ce que la décision 94-173, prise pour l'application du règlement n° 866-90, était incompatible avec la politique agricole commune et, partant, illégale, tandis que le second était tiré de ce que les conditions de fond fixées par ledit règlement n'étaient, en l'espèce, pas respectées.

132. Or, si, pour écarter le grief tiré de ce que les articles 92 et 93 étaient applicables au projet en cause, le Tribunal était tenu, ainsi qu'il l'a fait aux points 89 et 90 de l'arrêt attaqué, de statuer sur le moyen tiré de ce que la décision 94-173 était incompatible avec la politique agricole commune, dès lors que cette décision déterminait le champ d'application du règlement n° 866-90, il n'avait pas à se prononcer sur les arguments venant au soutien du second moyen, relatif au respect des conditions de fond de ce règlement, qui étaient sans incidence sur la légalité de la décision attaquée et étaient, de ce fait, inopérants.

133. Dans ces conditions, en faisant référence aux points 89 et 90 de l'arrêt attaqué pour écarter le moyen selon lequel l'aide litigieuse n'entrait pas dans le champ d'application du règlement n° 866-90, le Tribunal n'a pas entaché cet arrêt d'insuffisance de motivation.

134. Le sixième moyen doit, dès lors, être rejeté.

135. Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent qu'il y a lieu de rejeter le pourvoi principal dans son intégralité.

Sur les dépens

136. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118 de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission et DAI ayant conclu à la condamnation des requérantes et ces dernières ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens.

137. Aux termes de l'article 69, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, également applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118 de ce règlement, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Conformément à cette disposition, il y a lieu de décider que la République portugaise supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre)

déclare et arrête:

1°) Le pourvoi principal est rejeté.

2°) Le pourvoi incident de la Commission est rejeté.

3°) Associação dos Refinadores de Açúcar Portugueses (ARAP), Alcântara Refinarias - Açúcares SA et Refinarias de Açúcar Reunidas SA (RAR) sont condamnées aux dépens.

4°) La République portugaise supporte ses propres dépens.