CJCE, 6e ch., 18 juin 2002, n° C-398/00
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Royaume d'Espagne
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Macken
Rapporteur :
M. Puissochet
Avocat général :
M. Alber.
Juge :
M. Skouris
LA COUR (sixième chambre),
1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 30 octobre 2000, le Royaume d'Espagne a demandé, en vertu de l'article 230 CE, l'annulation de la décision de la Commission du 17 août 2000, notifiée à cet État membre par lettre SG (2000) D-106322, du 22 août 2000, publiée au Journal officiel des Communautés européennes du 18 novembre 2000 (JO C 328, p. 19), d'ouvrir la procédure formelle d'examen de la compatibilité avec le traité CE d'aides accordées à l'entreprise Santana Motor SA (ci-après la "décision attaquée"), pour l'ensemble des mesures qui y sont visées à l'exception de la garantie accordée en juin 1998.
Le cadre juridique
2. Aux termes de l'article 88 CE:
"1. La Commission procède avec les États membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces États. Elle propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du Marché commun.
2. Si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu'une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d'État n'est pas compatible avec le Marché commun aux termes de l'article 87, ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l'État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine.
[...]
3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le Marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale."
3. L'article 89 CE dispose:
"Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, peut prendre tous règlements utiles en vue de l'application des articles 87 et 88 et fixer notamment les conditions d'application de l'article 88, paragraphe 3, et les catégories d'aides qui sont dispensées de cette procédure."
4. Le règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d'application de l'article [88] du traité CE (JO L 83, p. 1), dispose en son article 4, intitulé "Examen préliminaire de la notification et décisions de la Commission":
"1. La Commission procède à l'examen de la notification [de l'aide projetée] dès sa réception. Sans préjudice de l'article 8, elle prend une décision en application des paragraphes 2, 3 ou 4.
[...]
4. Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le Marché commun, elle décide d'ouvrir la procédure prévue à l'article [88], paragraphe 2, du traité [...]
5. Les décisions visées aux paragraphes 2, 3 et 4 sont prises dans un délai de deux mois. Celui-ci court à compter du jour suivant celui de la réception d'une notification complète. La notification est considérée comme complète si, dans les deux mois de sa réception ou de la réception de toute information additionnelle réclamée, la Commission ne réclame pas d'autres informations. [...]
6. Lorsque la Commission n'a pas pris de décision en application des paragraphes 2, 3 ou 4 dans le délai prévu au paragraphe 5, l'aide est réputée avoir été autorisée par la Commission. L'État membre concerné peut alors mettre à exécution les mesures en cause après en avoir avisé préalablement la Commission, sauf si celle-ci prend une décision en application du présent article dans un délai de quinze jours ouvrables suivant la réception de cet avis."
5. Les articles 17 à 19 du même règlement traitent des modalités d'examen par la Commission des régimes d'aides existants et prévoient notamment que, à défaut pour l'État membre concerné d'accepter les mesures proposées par la Commission en vue de la mise en compatibilité des aides avec le Marché commun, la Commission peut ouvrir la procédure visée à l'article 4, paragraphe 4, dudit règlement.
6. L'article 25 de ce règlement prévoit:
"Les décisions prises en application [du règlement n° 659-1999] sont adressées à l'État membre concerné. La Commission notifie ces décisions sans délai à l'État membre concerné [...]"
7. Le règlement (CEE, Euratom) n° 1182-71 du Conseil, du 3 juin 1971, portant détermination des règles applicables aux délais, aux dates et aux termes (JO L 124, p. 1), applicable notamment, en vertu de son article 1er, aux actes de la Commission pris en vertu du traité, prévoit, à son article 2, paragraphe 2, que "[l]es jours ouvrables à prendre en considération pour l'application du présent règlement sont tous les jours autres que les jours fériés, les dimanches et les samedis". Selon l'article 3, paragraphe 1, de ce règlement, le jour au cours duquel survient l'événement ou s'effectue l'acte qui déclenche le délai n'est pas compté dans celui-ci.
Les faits du litige
8. À la suite de plusieurs échanges avec la Commission concernant l'octroi, en juin 1998, d'une garantie bancaire à l'entreprise Santana Motor SA, le Gouvernement espagnol a informé la Commission, par une lettre du 1er juillet 1999, qu'il allait, en application de l'article 88, paragraphe 3, CE, procéder à la notification de nouvelles aides que la Junta de Andalucía envisageait d'accorder à cette entreprise.
9. Par lettres des 30 juillet et 17 novembre 1999, toutes deux adressées au secrétaire général et au directeur général de la concurrence de la Commission, les autorités espagnoles ont respectivement notifié le projet d'augmentation de capital de Santana Motor SA et différentes demandes de subventions à caractère régional, dont elles avaient été saisies par l'entreprise dans le cadre de son plan stratégique 1998-2006, en sollicitant de la Commission l'autorisation de réserver une suite favorable à certaines de ces demandes.
10. Des informations complémentaires sur ces projets ont été communiquées à la Commission le 4 janvier 2000. Considérant que les notifications étaient toujours incomplètes, celle-ci a demandé, le 22 mars 2000, de nouveaux éléments, dont elle a été destinataire le 24 mai 2000.
11. Par une lettre du 28 juillet 2000, envoyée le même jour par télécopie, le Gouvernement espagnol s'adressait à la Commission en ces termes: "deux mois s'étant écoulés depuis l'envoi des dernières informations demandées par la Commission (24 mai 2000), nous vous informons que, en vertu de l'article 4, paragraphe 6, du règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d'application de l'article [88] du traité CE, la Junta de Andalucía va mettre en œuvre les mesures de soutien prévues en faveur de l'entreprise Santana qui ont été notifiées [...], à savoir l'apport de capital et les subventions à fonds perdu".
12. Le 17 août 2000, la Commission a décidé d'ouvrir la procédure formelle d'examen des aides notifiées, conformément à l'article 88, paragraphe 2, CE. Les autorités espagnoles ont reçu notification de cette décision le 23 août 2000, par une lettre datée du 22 août 2000.
Sur la légalité de la décision attaquée
13. Le Royaume d'Espagne fait valoir que les aides en cause portant sur une augmentation de capital et le versement de subventions n'ont, à la différence de la garantie bancaire accordée en juin 1998, pas reçu le moindre commencement d'exécution. Lors de leur notification à la Commission, par lettres des 30 juillet et 17 novembre 1999, elles auraient donc constitué des mesures notifiées, au sens de l'article 4 du règlement n° 659-1999, soumises aux délais d'examen fixés aux paragraphes 5 et 6 de cet article. Or, ces délais, de deux mois et de quinze jours ouvrables, sont, selon le Gouvernement espagnol, venus à expiration avant l'adoption de la décision attaquée, conférant aux mesures notifiées le caractère d'aides existantes. Dans ces conditions, la Commission n'aurait pu, sans commettre une erreur de droit, appliquer à ces aides le régime de l'article 88, paragraphe 2, CE, qui ne viserait que les aides nouvelles.
14. Il convient, pour apprécier le bien-fondé de ces arguments, d'analyser dans quelles conditions ont été, en l'espèce, appliqués les délais de procédure prévus à l'article 4, paragraphes 5 et 6, du règlement n° 659-1999.
En ce qui concerne le délai de deux mois
15. Il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté par la Commission que les projets d'aides en cause relatives à une augmentation de capital et au versement de subventions lui ont été effectivement notifiés, conformément à l'article 88, paragraphe 3, CE, et n'ont pas été mis en œuvre par les autorités espagnoles. Ces mesures constituaient donc, à la date de leur notification, des aides nouvelles, au sens de l'article 2 du règlement n° 659-1999, dont l'octroi nécessite une autorisation préalable de la Commission.
16. Pour instruire une telle demande d'autorisation, la Commission dispose d'un premier délai de deux mois au terme duquel, si elle n'a pas pris de décision en application de l'article 4 du règlement n° 659-1999 et si elle n'a réclamé aucune autre information à l'État membre concerné, la notification est, en application du paragraphe 5 dudit article, "considérée comme complète". À l'expiration de ce délai et sous les mêmes réserves, l'État membre peut envisager la mise en œuvre de ses projets.
17. Ainsi qu'il résulte de l'exposé des faits du litige, la Commission a été destinataire, le 24 mai 2000, de compléments d'information adressés par le Gouvernement espagnol, portant sur les mêmes mesures, et elle n'a pas réclamé d'autres éléments à ce sujet après cette date. La Commission ayant ainsi gardé le silence dans le délai de deux mois suivant la réception de ces informations, la notification des aides en cause devait être considérée comme complète dès le 25 juillet 2000, ouvrant ainsi aux autorités espagnoles la possibilité de mettre en œuvre leur projet, à condition d'en aviser préalablement la Commission.
18. Cette constatation n'est pas remise en cause par la Commission, qui soutient toutefois que la décision attaquée a été prise dans le délai de quinze jours ouvrables fixé à l'article 4, paragraphe 6, du règlement n° 659-1999, faisant ainsi légalement obstacle à la mise à exécution immédiate des mesures notifiées.
En ce qui concerne le délai de quinze jours ouvrables
19. S'agissant, en premier lieu, du point de départ du délai, le Gouvernement espagnol fait valoir qu'il doit être fixé au 31 juillet 2000, premier jour ouvrable suivant la réception par la Commission, le 28 juillet 2000, d'une télécopie avisant celle-ci, conformément aux dispositions de l'article 4, paragraphe 6, du règlement n° 659-1999, que les mesures notifiées allaient être mises en œuvre par les autorités espagnoles.
20. La Commission soutient au contraire que le délai n'a couru qu'à compter du 1er août 2000. Selon elle, la lettre du 28 juillet 2000 ne lui est parvenue de manière probante que le 31 juillet 2000. L'envoi par télécopie effectué le 28 juillet 2000 ne pourrait être pris en compte, d'une part, car il n'aurait pas été adressé au secrétariat général de la Commission, ainsi que le prévoirait l'encadrement communautaire des aides d'État dans le secteur de l'automobile, mais seulement à la direction générale de la concurrence de la Commission. D'autre part, en tout état de cause, un envoi par télécopie, assorti d'un simple rapport de transmission indiquant un nombre de pages et un numéro de réception, ne permettrait pas de prouver le contenu du document envoyé. La Cour aurait ainsi jugé que la présentation de requêtes par télécopie n'était pas acceptable. Des raisons similaires de sécurité juridique excluraient que le calcul du délai puisse dépendre de l'envoi de télécopies. La télécopie du 28 juillet 2000 n'aurait pu, d'ailleurs, faire l'objet d'un accusé de réception, dès lors qu'elle aurait été émise un vendredi à 17 h 49, après l'horaire réglementaire de départ des fonctionnaires de la Commission.
21. À cet égard, il convient de souligner que le caractère probant d'un envoi effectué par télécopie dépend à la fois du degré de formalisme requis pour l'acte en question par les dispositions applicables et des conditions d'utilisation du procédé de transmission lui-même, étant rappelé que, d'une façon générale, une expédition par télécopie ne remet nullement en cause les effets juridiques contraignants de l'acte (voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 1991, BEUC/Commission, C-170-89, Rec. p. I-5709, points 9 à 11).
22. Lorsque les dispositions applicables prévoient une exigence particulière de formalisme pour certains actes, il y a lieu de vérifier si la transmission de ceux-ci par télécopie est compatible avec lesdites dispositions.
23. En ce qui concerne l'avis préalable visé à l'article 4, paragraphe 6, du règlement n° 659-1999, les textes applicables aux procédures précontentieuses d'examen de la compatibilité des aides d'État avec le traité ne prévoient aucun formalisme particulier.À la différence de l'étape initiale de la notification d'une aide nouvelle, qui fait l'objet, en vertu de l'article 2 de ce règlement, d'un accusé de réception adressé par la Commission à l'État membre concerné, l'avis préalable n'est pas soumis à d'autres exigences que celles qui concernent les différentes actions de la procédure précontentieuse devant la Commission. Or, cette dernière a expressément admis, dans une note en bas de page figurant à l'annexe I de son Guide des procédures applicables aux aides d'État que les délais de ces différentes actions "commencent à la date de réception de la correspondance [...] ou à la date d'expédition, si la lettre est transmise par télécopie". La Cour a d'ailleurs jugé, à propos d'un recours en carence, qu'une invitation à agir adressée à la Commission par télécopie n'était pas irrecevable pour un motif tiré de l'utilisation de ce moyen de transmission, mais en raison de l'insuffisance du contenu même du document (ordonnance du 18 novembre 1999, Pescados Congelados Jogamar/Commission, C-249-99 P, Rec. p. I-8333). Par suite, la Commission ne peut valablement soutenir que l'envoi du 28 juillet 2000 ne peut être pris en compte au seul motif qu'il lui est parvenu par télécopie.
24. Il convient donc d'apprécier si les conditions d'utilisation en l'espèce de ce moyen de transmission ont pu altérer la connaissance que la Commission a eue du contenu du document et de la date de sa réception.
25. Or, telle n'est pas la conclusion à laquelle l'examen des pièces du dossier permet d'aboutir. En effet, la Commission ne prétend pas que l'avis préalable du Royaume d'Espagne lui est parvenu ultérieurement, par courrier. Elle se borne à invoquer la circonstance que, le vendredi 28 juillet 2000 à 17 h 49, la télécopie ne pouvait être enregistrée, en l'absence de fonctionnaires dans ses services, et que cet enregistrement n'a pu être concrètement réalisé que le lundi 31 juillet 2000. Il est, dès lors, constant, d'une part, que le document enregistré le 31 juillet 2000 était effectivement le même que celui reçu le 28 juillet 2000 et, d'autre part, que la Commission a bien reçu l'avis des autorités espagnoles le 28 juillet 2000. La circonstance que les fonctionnaires de la Commission étaient absents lors de la réception de la télécopie ne peut donc avoir pour effet, dans les circonstances de l'espèce, de susciter un doute sur la date de cette réception ni sur le contenu du document transmis.
26. Quant à l'argument selon lequel l'avis préalable du Gouvernement espagnol aurait dû être adressé au secrétariat général de la Commission, il n'est pas de nature à remettre en cause les conditions de déclenchement du délai de quinze jours ouvrables. En effet, le Guide des procédures applicables aux aides d'État n'institue l'exigence d'envoi au secrétariat général de la Commission, au nom de nécessités de coordination interne, qu'à l'égard de la notification initiale des aides par les États membres. Lorsque la direction générale de la Commission chargée de l'affaire a été clairement désignée par le secrétariat général, ledit guide prévoit, à son point 24, que les demandes d'informations complémentaires sollicitées par la direction générale compétente "doivent lui être adressées directement". Il ne peut en aller différemment pour l'avis préalable visé à l'article 4, paragraphe 6, du règlement n° 659-1999, qui s'inscrit dans le prolongement de ces échanges d'informations et qui doit, pour les mêmes impératifs de rapidité de traitement administratif, parvenir dans les meilleurs délais à la direction en charge du dossier.
27. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le délai de quinze jours ouvrables a été déclenché le 28 juillet 2000 par la réception de l'avis préalable des autorités espagnoles par la Commission. Ainsi, en vertu des articles 2 et 3 du règlement n° 1182-71 et de l'article 4, paragraphe 6, du règlement n° 659-1999, ce délai a commencé à courir le 31 juillet 2000, premier jour ouvrable suivant cette réception. Son échéance était donc fixée au 21 août 2000.
28. S'agissant, en second lieu, de la question de l'interruption du cours du délai de quinze jours ouvrables, qui dépend des conditions dans lesquelles la décision attaquée est intervenue, le Royaume d'Espagne fait valoir que cette dernière, prise selon la Commission le 17 août 2000, n'a été notifiée aux autorités espagnoles que le 23 août 2000, soit postérieurement à l'expiration de ce délai. Or, la date pertinente ne pourrait être que celle à laquelle la décision de la Commission prend effet à l'égard de l'État membre concerné, c'est-à-dire celle de sa notification à cet État, conformément à l'article 254, paragraphe 3, CE.
29. La Commission soutient au contraire que la date à prendre en considération est celle à laquelle la décision d'ouverture de la procédure formelle d'examen est prise et non celle de la notification de cette décision à l'État membre concerné. L'article 4, paragraphe 6, du règlement n° 659-1999 viserait en effet la décision que la Commission "prend [...] dans un délai de quinze jours ouvrables suivant la réception de [l']avis". En l'espèce, la Commission fait valoir que la décision attaquée a été adoptée le 17 août 2000, conformément à la procédure écrite prévue à l'article 12 du règlement intérieur de la Commission, et qu'elle a été notifiée "sans délai", comme l'exigerait l'article 25 du règlement n° 659-1999. La décision attaquée aurait donc interrompu le cours du délai dès le 17 août 2000 et la Commission aurait pu, sans commettre une erreur de droit, ouvrir la procédure formelle d'examen des aides notifiées.
30. À cet égard, il y a lieu de relever que les membres de la Commission ont été effectivement appelés à se prononcer le 17 août 2000, par procédure écrite accélérée, sur la proposition, émanant de la direction générale de la concurrence, d'ouvrir la procédure formelle d'examen des aides en cause. Aucune réserve n'ayant été exprimée sur cette proposition, celle-ci a été adoptée à cette date, conformément à l'article 12 du règlement intérieur de la Commission. Formellement authentifié le même jour par la signature du secrétaire général, cet acte a acquis le caractère de décision de la Commission, au sens de l'article 249 CE. Par suite, la lettre du 22 août 2000 adressée au Royaume d'Espagne, qui a repris l'intégralité du contenu de la proposition ainsi adoptée et devenue la décision attaquée, doit être regardée, bien qu'elle ne mentionne pas l'existence d'une décision en date du 17 août 2000, comme la notification de cette décision à son destinataire.
31. Toutefois, contrairement aux allégations de la Commission, l'adoption de la décision attaquée à cette date n'a pu avoir pour effet d'interrompre le cours du délai de quinze jours ouvrables. En effet, il résulte clairement de l'article 254, paragraphe 3, CE, que "les décisions [...] sont notifiées à leurs destinataires et prennent effet par cette notification".
32. En l'occurrence, s'agissant d'une décision dont l'objet est d'empêcher la mise en œuvre de projets d'aides par un État membre, sa prise d'effet, qui doit nécessairement coïncider avec l'interruption du délai de quinze jours ouvrables, ne saurait être antérieure à la date à laquelle elle devient opposable à cet État membre, c'est-à-dire à la date de sa notification.
33. La disposition de l'article 4, paragraphe 6, du règlement n° 659-1999 qui vise la décision que la Commission "prend [...] dans un délai de quinze jours ouvrables" ne peut donc être interprétée en ce sens qu'elle conférerait une portée interruptive à la seule adoption de la décision, indépendamment de sa notification. Telle est d'ailleurs la portée de l'article 25 du même règlement, qui prévoit que les décisions prises par la Commission en application de ce règlement doivent être notifiées "sans délai", et du rappel, qui figure au vingt et unième considérant dudit règlement, du "principe selon lequel les décisions en matière d'aides d'État sont adressées à l'État membre concerné", "aux fins de la transparence et de la sécurité juridique". Cette préoccupation explique que le seul défaut de notification puisse, dans certaines hypothèses, justifier l'annulation d'un acte des institutions communautaires (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 1999, Hoechst/Commission, C-227-92 P, Rec. p. I-4443, point 68).
34. Il résulte de ces considérations que la décision attaquée, prise le 17 août 2000 et notifiée aux autorités espagnoles le 23 août 2000 seulement, est intervenue en dehors du délai de quinze jours ouvrables visé à l'article 4, paragraphe 6, du règlement n° 659-1999. À compter du 21 août 2000, date d'expiration de ce délai, les aides notifiées ont donc acquis le caractère d'aides existantes. Dès lors, la Commission ne pouvait, par la décision attaquée, se fonder sur l'article 88, paragraphe 3, CE, applicable aux seules aides nouvelles, pour faire obstacle à la mise en œuvre des projets d'aides à l'entreprise Santana Motor SA (voir, en ce sens, arrêts du 15 février 2001, Autriche/Commission, C-99-98, Rec. p. I-1101, points 68 à 78 et, à propos de faits postérieurs à l'entrée en vigueur du règlement n° 659-1999, du 9 octobre 2001, Italie/Commission, C-400-99, Rec. p. I-7303, point 48).
35. En conséquence, la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit et doit être annulée pour ce seul motif.
36. Il n'y a pas lieu, dans ces conditions, d'examiner le moyen tiré d'un prétendu défaut de motivation que le Royaume d'Espagne invoque à titre subsidiaire.
Sur les dépens
37. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Le Royaume d'Espagne ayant conclu à la condamnation de la Commission et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (sixième chambre)
déclare et arrête:
1°) La décision de la Commission du 17 août 2000, notifiée au Royaume d'Espagne par lettre SG (2000) D-106322, du 22 août 2000, d'ouvrir la procédure formelle d'examen de la compatibilité avec le traité CE d'aides accordées à l'entreprise Santana Motor SA, pour l'ensemble des mesures qui y sont visées, à l'exception de la garantie accordée en juin 1998, est annulée.
2°) La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens.