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Décisions

CA Grenoble, ch. soc., 1 septembre 2003, n° 00-1015

GRENOBLE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Société d'Exploitation des Hôtels Grils Grenoble-Sochaux (Sté), Groupe Envergure (SA), Campanile (Sté)

Défendeur :

Sloma (Epoux), Assedic des Alpes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brenneur

Conseillers :

Mme Cuny, M. Pierre

Avocats :

Mes Paul, Collomb, Clément-Cuzin, Marty Baschet.

Cons. Prud'h. Grenoble, du 7 févr. 2002

7 février 2002

LA COUR statue sur les appels interjetés par la société Envergure et la Société d'Exploitation des Hôtels Grils Grenoble-Sochaux à l'encontre de deux jugements du 7 février 2002, rendus par le Conseil de Prud'hommes de Grenoble, qui ont:

- dit que les licenciements de Monsieur et de Madame Sloma étaient sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Groupe Envergure et la Société d'Exploitation des Hôtels Grenoble-Sochaux, Hôtel Gril Campanile, solidairement à verser:

- à M. Sloma:

- 22 867,35 euros (150 000 F), à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 686,02 euros, (4 500 F) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- débouté M. Sloma du surplus de ses demandes d'heures supplémentaires et repos compensateurs.

- à Mme Sloma:

- 493 054 F, au titre des heures supplémentaires et heures complémentaires,

- 49 305 F, à titre de congés payés afférents,

- 243 428 F, à titre de repos compensateurs,

- 100 000 F (15 244,90 euros), à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4 500 F (686,02 euros), au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Monsieur Sloma a relevé appel du jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à ses demandes d'heures supplémentaires.

Exposé des faits et des moyens des parties:

Le Groupe Envergure (anciennement dénommé SA Campanile) comprend 370 hôtels.

La Société d'Exploitation des Hôtels Grils Grenoble-Sochaux, Hôtel Gril Campanile (SOSM) exploite un hôtel dans le cadre d'un contrat de franchise, signé le 6 mars 1987, avec la SA Campanile, aux droits de laquelle se trouve la société Groupe Envergure.

La Société d'Exploitation des Hôtels Grenoble-Sochaux, Hôtel Gril Campanile a, par ailleurs, signé un contrat de mandat, le 29 juin 1989, avec la SA Campanile, par lequel elle lui a confié la gestion de cet Etablissement.

En vertu du contrat de mandat, la société Groupe Envergure gère de manière exclusive le recrutement, la formation et le parcours professionnel des salariés de l'Hôtel. La tenue de la comptabilité dépend de la société Groupe Envergure.

Le 2 mars 1992, les époux Sloma ont été embauchés par la société Groupe Envergure, M. Sloma, en qualité d'assistant de Direction, 45 heures par semaine et Mme Sloma avec un horaire à temps partiel de 27h40.

Les époux Sloma ont été affectés d'abord à l'Hôtel Campanile de l'Isle d'Abeau, puis en 1993 à celui d'Aurillac, pour être mutés à celui de Nevers (du 10 août 1993 au 4 janvier 1994), puis à Saint-Martin d'Hères, avant d'être affectés le 14 mars 1994 comme Directeur de la Société d'Exploitation des Hôtels Grenoble-Sochaux, Hôtel Gril Campanile.

Il a été mis fin à chacun de ces contrats par la "démission" des époux Sloma.

Le 21 juin 1999, Mme Sloma a été victime d'un accident du travail. Le 18 octobre 1999, le médecin du travail a émis un avis d'aptitude partielle interdisant le service en salle.

Tout au long de l'année 1999, les époux Sloma ont demandé des moyens supplémentaires, lettres auxquelles il n'a pas été répondu, M. Sloma a rappelé à la société Groupe Envergure qu'il devait faire face à la baisse des effectifs qu'elle lui imposait, que la durée hebdomadaire de travail s'élevait à plus de 70 heures; qu'il travaillait 7 jours sur 7, sans contrepartie et que Mme Sloma était obligée d'assurer le service du restaurant 7 jours sur 7, en l'absence d'assistante de direction, en violation de la clause de son contrat de travail et des prescriptions de la médecine du travail.

Le 28 septembre 2000, la société Groupe Envergure a sanctionné Monsieur Sloma d'un avertissement pour "détérioration de la qualité des prestations".

Le 31 août 2000, M. Sloma a été convoqué au siège de la société Groupe Envergure à Torcy, en vue d'une sanction disciplinaire.

Le 24 octobre 2000, les époux Sloma ont saisi le Conseil de Prud'hommes de demandes de rappel de salaire et de résolution judiciaire du contrat de travail.

Le 30 décembre 2000, les époux Sloma ont reçu un avenant à leur contrat de travail pour le mettre en conformité avec l'accord collectif du Groupe Envergure sur la baisse du temps de travail du 30 mai 2000 L'avenant comportait également une modification du système de rémunération.

Le 15 janvier 2001, les époux Sloma ont refusé de signer l'avenant à leur contrat de travail.

Le 22 mars 2001, les époux Sloma ont été convoqués à un entretien préalable pour le 11 avril 2001. La lettre de convocation mentionnait le motif suivant: "Nous vous avons proposé un avenant à votre contrat de travail que vous avez refusé par lettre du 15 janvier 2001. Ce refus d'une modification de votre contrat de travail nous amène à envisager à votre égard une mesure éventuelle de licenciement";

Les époux Sloma ont été licenciés par lettre du 30 avril 2001 pour M. et du 2 mai 2001 pour Mme.

La lettre de licenciement reprochait, en substance, à M. Sloma "une démotivation croissante et manifester (son) désaccord en toutes occasions...".

Le licenciement de Mme Sloma était motivé par la clause de solidarité incluse à son contrat de travail (contrat de couple) et son opposition systématique à son employeur.

Les époux Sloma ont contesté la rupture du contrat et ont saisi la juridiction prud'homale qui a rendu les jugements critiqués.

A l'appui de son appel, la société Groupe Envergure conclut à l'irrecevabilité de l'action engagée à son encontre, au motif qu'elle n'est pas l'employeur, mais qu'elle a seulement exécuté sa mission dans le cadre d'une convention de gestion et d'un contrat de franchise qui la lie à la société SGSM.

Elle demande la condamnation des époux Sloma à lui verser 1 000 euros, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La Société d'Exploitation des Hôtels Grils Grenoble-Sochaux (SGSM) expose qu'elle est le seul employeur des époux Sloma, que le licenciement de Monsieur Sloma est justifié ainsi que celui de son épouse, compte tenu de l'interdépendance des deux contrats et qu'en l'absence de demande expresse de l'employeur pour les exécuter, les demandes d'heures supplémentaires doivent être rejetées.

Elle précise que Mme Sloma a, dans un courrier du 19 janvier 2001, fait l'aveu de l'absence de réalisation d'heures supplémentaires et qu'il convient, en conséquence, de réformer le jugement.

Elle sollicite 1 500 euros, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

M. Sloma soutient qu'il n'a jamais eu d'autre interlocuteur que la société Groupe Envergure, qui tient la comptabilité, gère le personnel (ne lui laissant que la charge du planning des congés payés), qu'il exécutait les instructions du délégué régional du groupe, M. Biart, qu'il n'avait qu'un CAP de cuisinier et une formation d'un mois interne à la société Groupe Envergure, que les horaires de travail connaissaient des variations en fonction de l'effectif de l'hôtel, effectif qui leur était imposé par la société Groupe Envergure,

Il demande à la cour:

- de dire que la société Envergure et la Société d'Exploitation des Hôtels Grils Grenoble-Sochaux sont co-employeurs et doivent être tenues solidairement des condamnations

- de dire qu'entré le 2 mars 1992 au service du groupe Envergure, il a une ancienneté de 9 ans et 6 mois,

- de condamner la société Envergure à lui verser 4 500 euros au titre du préjudice subi par la violation des règles relatives au droit disciplinaire et collectif dans l'entreprise.

- de condamner la société Groupe Envergure et la Société d'Exploitation des Hôtels Grils Grenoble-Sochaux in solidum à lui verser:

- 144 176,01 euros, au titre des heures supplémentaires accomplies

- 94 760,98 euros, au titre des repos compensateurs

- 14 471,60 euros, au titre des congés-payés afférents

- 4 500 euros, à titre de dommages-intérêts pour absence de contrepartie pécuniaire à la clause de non-concurrence,

- de condamner la société Groupe Envergure à lui payer:

- 56 171,64 euros, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 13 720 euros, à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral lié aux conditions de travail circonstances de la rupture vexatoires,

- 3 811,23 euros, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Mme Sloma demande à la cour:

- de dire que la société Envergure et la Société d'Exploitation des Hôtels Grils Grenoble-Sochaux sont co-employeur et doivent être tenues solidairement des condamnations,

- de dire qu'entrée le 2 mars 1992 au service du groupe Envergure, elle a une ancienneté de 9 ans et 6 mois,

- de condamner la société Envergure à lui verser 4 500 euros au titre du préjudice subi par la violation des règles relatives au droit disciplinaire et collectif dans l'entreprise.

- de condamner la société Groupe Envergure et la Société d'Exploitation des Hôtels Grils Grenoble-Sochaux in solidum à lui verser:

- 75 165,69 euros, au titre des heures supplémentaires accomplies

- 37 110,46 euros, au titre des repos compensateurs

- 7 516,59 euros, au titre des congés-payés afférents

- 2 000 euros, à titre de dommages-intérêts pour absence de contrepartie pécuniaire à la clause de non-concurrence

- de condamner la société Groupe Envergure à lui payer:

- 23 988,77 euros, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 13 720 euros, à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral lié aux conditions de travail et circonstances de la rupture vexatoires

- 3 811,23 euros, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

L'Assedic des Alpes intervient volontairement et sollicite le remboursement des indemnités de chômage dans la limite de six mois, soit 7 857,21 euros.

Le Ministère public a fait des observations. Il a conclu que "En l'état des précédentes observations, force est de constater que ce montage juridique est un habile moyen pour le groupe Envergure, véritable employeur des consorts Sloma, de mettre de manière déguisée et non exclusive son personnel à la disposition d'hôtels grils portant l'enseigne Campanile mais appartenant à d'autres Sociétés, en vue d'éluder, par la conclusion de contrats de travail à durée indéterminée successifs l'application des règles légales relatives à l'ancienneté des salariés.

De telles circonstances ne sont pas sans rappeler les faits de marchandage prévus et réprimés par l'article 125-1 du Code du travail dont elles pourraient éventuellement constituer le délit. En sa qualité de gardien de l'ordre public économique, le Ministère public est attentif à ces agissements et continuera à l'avenir d'y être particulièrement vigilant."

Sur quoi, LA COUR

Attendu que pour un plus ample exposé des faits et des prétentions des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions régulièrement déposées et reprises sans modifications à l'audience,

Les procédures, enrôlées sous les n° 02-01120 et 02-01121 présentent entre elles un lien de connexité; qu'il y a lieu de les joindre dans un souci de bonne justice;

Sur le refus de comparution de la gérante de la société SGSM:

Attendu qu'à deux reprises, la cour a ordonné la comparution personnelle de Madame Faunières, gérante de la Société d'Exploitation des Hôtels Grils Grenoble-Sochaux, une première fois à l'audience du 11 février 2003 et une deuxième fois à celle du 26 mai 2003; qu'à aucun moment, Mme Faunières n'a accepté de comparaître devant la cour; qu'elle a, la première fois, donné mandat à M. Leboucher, salarié de la société Groupe Envergure de la représenter et la deuxième fois, à M. Brière, également salarié de la société Groupe Envergure;

Que Monsieur Sloma a soutenu n'avoir jamais pu rencontrer celle qui se prétend son véritable employeur; que la cour tirera toutes les conséquences du refus de comparaître de la gérante;

Sur la détermination de l'employeur:

Pour soutenir qu'elle ne serait pas l'employeur de Monsieur Sloma, la société Groupe Envergure se retranche derrière le contrat de franchise et le contrat de gestion et prétend n'avoir agi envers les époux Sloma qu'en exécution de son mandat;

1. Attendu que le mandat de gestion prévoit expressément que "le mandant est le franchisé de la société Campanile qui a elle-même la qualité de Franchiseur. Le mandant désire confier à titre exclusif la gestion de cet hôtel-gril à la société Campanile";

Attendu qu'il résulte du mandat de gestion que "le mandant donne mandat à la société Campanile pour exploiter et gérer pour son compte, à titre exclusif un hôtel de la chaîne Campanile" (la Société d'Exploitation des Hôtels Grils Grenoble-Sochaux), "dont le mandant est propriétaire" (article 1);

que "l'exploitation et la gestion de l'hôtel gril sont effectuées dans le plus strict respect des normes propres à la chaîne Campanile dont la Société d'Exploitation des Hôtels Grils Grenoble-Sochaux est Franchisé." (article 2);

Attendu que le mandat de gestion définit les obligations du mandataire:

- " choix, engagement, intérim et licenciement éventuel du responsable de l'hôtel-gril,

- contrôle régulier du responsable.

- fixation du salaire du responsable, de son évolution et de son intéressement éventuel, tels qu'ils sont prévus selon les normes de la chaîne Campanile, suivi et contrôle de la rémunération du personnel recruté par lui,

- suivi et contrôle du fonctionnement comptable et administratif et des résultats de l'Hôtel gril donnant lieu à l'envoi par le responsable de situations décadaires, le contrôle de gestion sera effectué mensuellement par les services informatiques du mandataire qui adresseront un tableau mensuel..., contrôle du respect des normes d'exploitation par comparaison régulière des résultats des principaux postes du compte d'exploitation..., assistance commerciale du responsable.., surveillance de la qualité et de la constance de l'effort commercial...";

Attendu que les résultats de la Société d'Exploitation des Hôtels Grils Grenoble-Sochaux, en application du mandat de gestion sont établis mensuellement par le comptable choisi par la société Groupe Envergure (article 2, 2°);

Attendu que le contrat de mandat ne comporte aucune garantie de résultats financiers; qu'en cas de perte ou de déficits, les couvertures nécessaires sont à la charge du mandant;

Attendu que selon l'article 4 du contrat de gestion, "le mandant demeure seul responsable de l'exploitation de l'hôtel-gril dont il est propriétaire", qu'il reste responsable de la politique d'investissement et de réinvestissement et des décisions de distribution des résultats après impôts; qu'il rédige les déclarations fiscales dont il reste responsable devant l'administration fiscale;

2. Attendu que le contrat de franchisage prévoit expressément que "le franchiseur est propriétaire et exploitant exclusif des marques Campanile et Hôtel Gril Campanile; qu'il a mis au point un produit original d'hôtellerie et de restauration ainsi qu'un système d'exploitation qui lui est propre; que la description et les modalités des services et prestations de la chaîne sont déterminées par les manuels généraux des normes commerciales et d'exploitation...",

Attendu que le contrat de franchisage stipule aussi que le franchiseur assure le recrutement du couple-gérant qui devra avoir reçu son agrément préalable, le forme aux techniques de la chaîne, peut proposer, en fonction de ses effectifs disponibles, de fournir des gérants de remplacement;

Qu'il est précisé que le franchisé devra suivre les avis techniques du franchiseur pour tous les emplois qui nécessitent un personnel qualifié, s'engage à suivre le stage de formation organisé par le franchiseur, à faire bénéficier sa clientèle des promotions accordées par la chaîne, à fournir les états statistiques et comptables nécessaires afin de gérer l'action commerciale de la chaîne, qu'il s'engage à utiliser exclusivement le plan comptable ainsi que le système de contrôle comptable et de gestion mis au point par le franchiseur et à répondre à toute demande d'information;

3. Sur l'existence du contrat de travail entre la société Groupe Envergure et Monsieur Sloma:

Attendu que le contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions réelles dans lesquelles la prestation de travail s'est effectuée; que la société Groupe Envergure ne peut donc se retrancher derrière le contrat de mandat pour prétendre qu'elle ne faisait que gérer l'hôtel sans qu'aucun lien de subordination n'existe avec le couple-gérant;

Attendu qu'il résulte du contrat de gestion tel qu'il a été décrit plus haut que la société Groupe Envergure ne saurait prétendre avoir la simple qualité d'intermédiaire, alors que sa mission ne s'est pas arrêtée au recrutement du couple-gérant pour l'affecter dans un hôtel de la chaîne, mais que, bien au-delà, son mandat s'étendait au contrôle du travail, au pouvoir disciplinaire (Monsieur Sloma a reçu un avertissement de la société Groupe Envergure) et au licenciement;

Que les époux Sloma ont été engagés en 1992 par le Groupe Envergure et affectés au Campanile de l'Isle d'Abeau; qu'à chaque nouvelle affectation, la société Groupe Envergure a obtenu la démission des époux Sloma et la conclusion de nouveaux contrats de travail, privant ainsi les époux Sloma du bénéfice de leur ancienneté;

Attendu que la société Groupe Envergure organisait régulièrement des réunions avec l'ensemble des directeurs des hôtels de la Région, leur imposant des objectifs et une démarche commune; que les époux Sloma, comme l'ensemble des Directeurs des hôtels, étaient suivis par un représentant régional du Groupe Envergure, à qui ils rendaient compte régulièrement, que les rapports de visite démontrent les instructions données par le délégué régional (Visite du 22 juin 1999: "un cuisinier part à l'armée du 15 juillet: congés-payés du 1 au 15/7 et ne pas remplacer. Société de nettoyage: cet été faire le maximum de chambres vous-mêmes...");

Qu'à titre d'exemple, il sera également évoqué le document envoyé par le délégué régional le 23 juillet 1996, intitulé "l'analyse de votre situation d'exploitation à fin juin"; que les instructions sont données "afin que vous réagissiez dès à présent", démontrant que la société Groupe Envergure se comporte au-delà du mandat de gestion, comme le véritable employeur; "une personne est restée en double effectif durant 15 jours au retour de maternité de Mme Sloma. Ne pas recruter une deuxième personne, l'effectif actuel suffit. Pour l'achat petit matériel, trop de dépenses! Plus aucun achat petit matériel sans mon accord pour la pub, diminuer, voire stopper les frais mission gérants. Ne prendre aucun panneau sans mon accord. (en conclusion) Manque de rigueur en général, il faut réagir immédiatement!"

Attendu qu'il résulte du mandat de gestion et du contrat de franchise, corroborés par les documents versés aux débats et la comparution personnelle des parties, (la cour tirant les conséquences juridiques du refus de comparution de la gérante de la société SGSM) que les époux Sloma exécutaient leur travail sous l'autorité de la société Groupe Envergure avec qui ils avaient des liens exclusifs, que la société Groupe Envergure leur donnait ses directives et contrôlait l'exécution de leur travail, leur a imposé un stage dans un organisme qui forme tous les directeurs des hôtels de la chaîne et déterminait leur rémunération;

Attendu que les époux Sloma devaient rendre compte de leur activité à la société Groupe Envergure qui décidait unilatéralement des conditions de fonctionnement du service, imposant des contraintes d'horaires, le lieu d'exécution et fournissant les manuels d'exploitation; qu'un ratio de personnel était imposé à Monsieur Sloma par la société Groupe Envergure lui interdisant en fait de recruter du personnel comme il le souhaitait, que les différentes procédures engagées à l'encontre des époux Sloma ont été conduites directement par la société Groupe Envergure;

Que la structure mise en place correspond à un service organisé au sein duquel les conditions de travail étaient fixées unilatéralement par la société Groupe Envergure moyennant rétribution de ses services par les bénéficiaires;

Attendu, en conséquence, que les époux Sloma recrutés et licenciés par la société Groupe Envergure (sans même consulter la société SGSM), étaient dans un lien de subordination avec cette première société qui a assuré leur formation (alors que Monsieur Sloma n'avait qu'un CAP de cuisinier), surveillait étroitement leur activité, intervenait dans la gestion sur un plan administratif et technique, décidait de leurs mutations dans les différents hôtels de la chaîne et les a licenciés;

Attendu que c'est d'ailleurs bien parce que le Groupe Envergure se considérait comme le véritable employeur qu'il a convoqué les époux Sloma à un entretien préalable et les a licenciés, alors que la finalité même de l'entretien préalable interdit à un employeur de donner mandat à un représentant extérieur à l'entreprise pour procéder à cet entretien (Soc. 26 mars 2002 n° 99-43155, B. 105 p. 113);

Attendu que le groupe Envergure a signé avec les représentations syndicales un accord collectif sur la réduction du temps de travail applicable à "tous les salariés, quelque soit leur catégorie professionnelle sauf le cadre dirigeant des sociétés exploitant un hôtel et/ou un restaurant sous enseigne Campanile ayant conclu un mandat de gestion avec le Groupe Envergure."

Qu'il est significatif qu'il ait été reproché aux époux Sloma d'avoir refusé de signer l'avenant à leur contrat de travail reçu le 30 décembre 2000, qui avait pour but l'application de l'accord collectif sur la baisse du temps de travail du 30 mai 2000; que la société Groupe Envergure ne peut sérieusement soutenir que les époux Sloma n'étaient pas ses salariés, alors qu'elle leur reproche de ne pas avoir signé l'accord d'entreprise du Groupe Envergure, ce qui démontre qu'ils faisaient partie du personnel Envergure;

Attendu qu'au-delà du mandat de gestion, une relation contractuelle s'est instaurée entre la société Groupe Envergure et les époux Sloma, que le lien de subordination est établi et le contrat de travail caractérisé;

Que la cour relève enfin que bien qu'elle ait ordonné à deux reprises la comparution personnelle des parties, la gérante de la société SGSM n'a jamais cru devoir se déplacer et a, à chaque fois, mandaté un salarié du Groupe Envergure pour la représenter; qu'elle démontre ainsi son incapacité de répondre aux questions de la cour, qu'elle n'est jamais intervenue dans le dossier des époux Sloma;

- Sur la violation délibérée des règles relatives au droit disciplinaire et collectif dans l'entreprise et sur les conséquences du montage juridique:

Attendu que la société SGSM pour le compte de laquelle la société Groupe Envergure dit assurer la gestion n'a aucune indépendance, ni autonomie vis-à-vis de son "mandant" et n'existe que juridiquement;

Attendu que les montages juridiques liés au monde des affaires ne peuvent faire obstacle à l'application du droit du travail et permettre à la société Groupe Envergure de se décharger de sa responsabilité d'employeur;

Attendu que le mandat de gestion doublé d'un contrat de franchise a eu pour but et pour effet de donner à la société Groupe Envergure, sur l'ensemble des hôtels de la chaîne, y compris la Société d'Exploitation des Hôtels Grils Grenoble-Sochaux, le pouvoir de direction sans assumer les contraintes de l'ordre public social;

Attendu, de surcroît, que la gérante de la Société d'Exploitation des Hôtels Grils Grenoble-Sochaux a délégué ses pouvoirs à Monsieur Sloma se déchargeant ainsi sur lui de la totalité de ses attributions et responsabilités d'employeur tant en ce qui concerne la représentation du personnel, l'hygiène, la sécurité et la réglementation du travail, que de la réglementation économique (contrôle de la qualité des produits, environnement, commercialisation et promotion des produits, sécurité des biens et des personnes); que par la signature d'un contrat de gestion d'une part et de la délégation de pouvoirs d'autre part, la gérante a entièrement vidé ses pouvoirs et sa responsabilité de toute consistance; que de son côté, Monsieur Sloma qui était très contrôlé par la société Groupe Envergure dans l'exécution de son travail et avait une autonomie très faible dans la gestion de l'hôtel, a dû en endosser toute la responsabilité, y compris la responsabilité pénale du fait de la délégation de pouvoirs;

Que par ce montage juridique la société Groupe Envergure a entendu échapper aux obligations sociales d'ordre public, qu'elle a voulu faire assumer la responsabilité d'employeur et les conséquences qui s'y attachent à une société écran de moins de 11 salariés, ayant à sa tête un gérant "de paille" (qui, en cas de licenciement abusif, échappe aux règles de remboursement des indemnités de chômage à l'Assedic, n'a pas de Comité d'entreprise, n'a pas les contraintes de reclassement du personnel, et qui s'est déchargée de toute responsabilité sur son salarié);

Que la cour s'interroge sur les incidences d'un tel montage sur les règles de la concurrence par rapport aux groupes intégrés qui remplissent ces obligations;

Attendu que du fait de ce montage juridique, les époux Sloma n'ont pas pu être assistés pendant les procédures disciplinaires, n'ont pas pu bénéficier du statut collectif qui devait leur être applicable, ni des institutions représentatives du personnel, n'ont pas pu se prévaloir de leur ancienneté dès lors qu'ils ont été employés par des personnes morales différentes, bien qu'ayant la même enseigne, que la fraude à la loi est caractérisée;

Qu'il s'ensuit que le Groupe Envergure, qui constitue avec la société SGSM (et éventuellement avec tous les autres hôtels avec qui existe le même montage juridique) une unité économique et sociale, a la qualité de co-employeur; que l'ancienneté des époux Sloma remonte au 2 mars 1992 (9 ans et 6 mois),

Attendu, surabondamment, que la cour remarque qu'en faisant signer aux époux Sloma un contrat de travail fictif avec la société SGSM qui a eu pour effet de les priver de leurs droits sociaux, la société Groupe Envergure a violé les dispositions de l'article L. 125-1 du Code du travail relatives au marchandage (Soc. 29 avril 2003, n° 00-44.840, n° 1228);

Qu'il convient de condamner la société Groupe Envergure, à payer à chacun des époux Sloma 4 500 euros, à titre de dommages-intérêts pour violation délibérée des règles relatives au droit social, disciplinaire et collectif dans l'entreprise;

- Sur les heures supplémentaires:

Attendu que la Société d'Exploitation des Hôtels Grils Grenoble-Sochaux soutient que Monsieur Sloma n'a pas contesté ses bulletins de salaire, qu'il est cadre et autonome et que les heures supplémentaires ont été effectuées sans l'accord de l'employeur;

Attendu que la seule qualité de cadre ne suffit pas à exclure le droit au paiement des heures supplémentaires; que de surcroît, il a été démontré ci-dessus que Monsieur Sloma n'avait pas le statut de cadre dirigeant, dont il n'a pas la rémunération (11 939 F), ni la formation (ne disposant que d'un CAP de cuisinier), ni les attributions (le délégué régional d'Envergure le contrôlant très étroitement et lui donnant des instructions, non seulement pour l'embauche du personnel, mais jusque dans la composition des repas); que son absence de réclamation ne permet pas de déroger aux dispositions d'ordre publique concernant les heures supplémentaires;

Attendu que le contrat de travail ne prévoit pas l'existence d'un salaire forfaitaire au-delà de 45 heures; que ses attributions et le manque de personnel entraînaient nécessairement les dépassements d'horaires résultant des impératifs de la fonction exercée;

Attendu que les fonctions de Monsieur Sloma se traduisent par l'ouverture de l'hôtel du lundi au vendredi, la mise en salle du restaurant, l'assistance du cuisinier, le service en salle, la fermeture de l'hôtel et la gestion du personnel sous le contrôle étroit du délégué régional de la société Groupe Envergure;

Attendu que Monsieur Sloma n'était pas libre d'embaucher du personnel comme il le voulait pour faire face au surcroît de travail et disposait d'une autonomie très relative dans son travail; qu'ainsi le document envoyé par le délégué régional du 23 juillet 1996 est révélateur: "une personne est restée en double effectif durant 15 jours au retour de maternité de Mme Sloma. Ne pas recruter une deuxième personne, l'effectif actuel suffit..."

Attendu que les impératifs des fonctions imposées par la société Groupe Envergure avaient pour conséquence d'imposer à M. Sloma un dépassement d'horaires qui ne lui incombait pas et que la société Groupe Envergure et la Société d'Exploitation des Hôtels Grils Grenoble-Sochaux ne peuvent de bonne foi prétendre ignorer;

Attendu que la société SGSM soutient que Monsieur Sloma ne peut prétendre au paiement des heures supplémentaires de nuit; que la cour fait simplement remarquer qu'il importe peu de discuter sur le point de savoir si le temps passé la nuit dans le logement de fonction constitue un temps d'astreinte (comme le soutient la société SGSM) ou du travail effectif, puisque les heures de nuit n'ont pas été comptabilisées dans le décompte horaire des époux Sloma et qu'ils n'en demandent pas le paiement;

Attendu que Monsieur Sloma a écrit le 2 juillet 1998: "Je tiens à signaler que cela fait quasiment 5 mois que je n'ai pas pu prendre une seule journée de repos et que je suis tous les matins d'ouverture au petit déjeuner. Nous avons demandé un couple pour partir en vacances 15 jours au mois d'août pour être un peu avec notre fils de deux ans, au service du personnel du siège et celui-ci nous a répondu que cela ne serait peut-être pas sûr car cela faisait trop long (15 jours ?). Il ne faut peut-être pas exagérer vu le nombre de jours que cela nous fait à récupérer !!!";

Qu'aucune réponse n'a été donnée à Monsieur Sloma;

Attendu que l'employeur ne produit aucun document permettant de calculer la durée du travail, les repos compensateurs acquis et leur prise effective pour chaque salarié;

Que l'existence d'heures supplémentaires est bien démontrée;

Attendu que Monsieur Sloma présente un décompte de ses heures supplémentaires;

Que, cependant, même s'il est exact qu'il aurait pu y avoir d'avantage d'assistants de direction et de cuisiniers affectés à l'hôtel, il n'en reste pas moins qu'ils l'ont été pendant certaines périodes, ainsi que cela résulte du livre des entrées et sorties du personnel; que sur ce point, les époux Sloma ne justifient pas que les salariés, bien qu'inscrits sur le registre, n'étaient pas présents sur le lieu du travail; qu'enfin Monsieur Sloma avait quand même une relative autonomie dans la journée et n'était pas tenu à un travail en continu lorsque son épouse ou l'assistant de Direction étaient présents; que, notamment, lorsqu'il y avait un assistant de Direction, il n'était pas tenu d'effectuer toutes les ouvertures et fermetures de l'établissement; qu'il n'a pas non plus été tenu compte du taux d'occupation de l'hôtel; que le calcul de Monsieur Sloma sera revu en y intégrant ces données;

Attendu que les époux Sloma ont saisi le Conseil de Prud'hommes le 24 octobre 2000 et que récépissé de la demande a été notifiée à la société Groupe Envergure et la Société d'Exploitation des Hôtels Grils Grenoble-Sochaux le 25 octobre 2000; que compte tenu de la prescription, sa demande d'heures supplémentaires ne peut être prise en compte au-delà du 25 octobre 1995; que c'est d'ailleurs à partir de cette date que Monsieur Sloma et Madame Sloma ont fait leurs demandes;

Qu'il résulte des éléments versés que Monsieur Sloma effectuait 19 heures supplémentaires par semaine, au-delà de son forfait de 45 heures, à l'exception des semaines suivantes:

- Monsieur Sloma n'a pas effectué d'heures supplémentaires les semaines:

- du 4 au 10 décembre 1995

- du 5 au 11 février 1996

- du 27 mai au 2 juin 1996

- du 12 au 18 août 1996

- du 21 au 27 octobre 1996

- du 3 décembre 1996 au 6 avril 1997

- du 2 au 15 juin 1997

- du 4 au 17 août 1997

- du 12 au 18 janvier 1998

- du 27 avril au 3 mai 1998

- du 10 au 23 août 1998

- du 28 décembre au 10 janvier 1999

- M. Sloma a effectué moins de 19 heures supplémentaires les semaines:

- du 29 juillet au 4 août 1996 (4,5 heures supplémentaires)

- du 24 au 30 mars 1997 (3,5 heures supplémentaires)

- du 20 au 26 avril 1998 (4,5 heures supplémentaires)

- du 27 décembre au 2 janvier 2000 (1 heure supplémentaire)

- du 24 au 30 mai 1999 (4,5 heures supplémentaires)

Que le jugement qui a débouté Monsieur Sloma de sa demande de ce chef sera réformé;

Que la cour estime devoir désigner un expert pour calculer les heures supplémentaires et les repos compensateurs dus à Monsieur Sloma, que l'expert devra déduire du calcul des heures supplémentaires les périodes de congés-payés et pendant lesquelles Monsieur Sloma était hospitalisé ou en arrêt de travail maladie;

Attendu que Mme Sloma a été engagée à temps partiel pour 120 heures;

Attendu que l'employeur ne donne pas le planning horaire de Mme Sloma sur la semaine ou sur le mois; que Mme Sloma devait rester à la disposition de son employeur; que Mme Sloma a droit à un rappel de salaire sur un temps complet; qu'il importe peu à cet égard que le contrat de travail précise qu'aucune heure complémentaire n'est à effectuer ou que Mme Sloma ait écrit que pour l'avenir, elle ne souhaitait pas travailler à temps complet et qu'elle préférait un temps partiel;

Attendu qu'à la suite de son accident du travail Mme Sloma aurait dû réduire ses activités, ce qu'elle n'a pas pu faire du fait de l'absence de personnel;

Attendu que Mme Sloma verse un décompte des heures supplémentaires qu'elle prétend avoir effectuées au-delà du temps complet;

Attendu cependant qu'il résulte du livre des entrées et sorties du personnel qu'il y avait sur certaines périodes du personnel en nombre suffisant pour le service en salle le soir; que de même, le taux de remplissage de l'hôtel n'imposait pas la présence constante de Mme Sloma; qu'il convient de tenir compte de cette donnée dans le décompte qu'elle produit; qu'il n'apparaît pas des pièces fournies par l'une et l'autre des parties qu'elle ait effectué des heures supplémentaires, sauf pour certaines périodes où elle travaillait 7 jours sur 7 et devait assurer le service en salle de restaurant jusqu'à 23 heures, au-delà du temps complet auquel elle peut prétendre;

Attendu que les périodes à retenir pour le calcul des heures supplémentaires correspondent aux périodes où il n'y avait pas de personnel en nombre suffisant; qu'ainsi, elle peut prétendre à 8 heures supplémentaires par semaine, au-delà du temps complet:

- du 26 août 1996 au 13 octobre 1996

- du 20 septembre 1997 au 2 novembre 1997

- du 19 janvier 1998 au 8 février 1998

- du 30 mars au 19 avril 1998

- du 11 mai 1998 au 2 août 1998

Que l'expert aura pour mission de calculer le rappel de salaire dû à Mme Sloma sur un temps complet, puis les heures supplémentaires et éventuellement aus repos compensateurs auquels elle a droit;

- Sur l'annulation de l'avertissement du 28 novembre 2000:

Attendu que cette sanction étant amnistiée, la demande est sans objet;

- Sur le licenciement

Attendu que la cour s'étonne tout d'abord que dans ses conclusions la Société d'Exploitation des Hôtels Grils Grenoble-Sochaux rappelle l'existence d'un avertissement du 15 juillet 1997 (non repris dans la lettre de licenciement), alors qu'ayant été amnistié, elle ne peut plus en faire état;

Attendu que la lettre de licenciement de M. Sloma énonce: "Depuis octobre 1999, suite à une demande de changement d'affectation qui n'a pas abouti, vous avez fait preuve d'une démotivation croissante à exercer vos fonctions et manifesté votre désaccord en toutes occasions. Ce comportement est confirmé par les nombreux courriers que vous nous avez adressés soit directement, soit par l'intermédiaire de votre avocat, notamment les 28 octobre 1999, 9 mai 2000, 13 juin 2000, 10 octobre 2000 et 18 décembre 2000.

Nous avons été amenés à vous rappeler à l'ordre à plusieurs reprises, en qualité de directeur, vous vous étiez engagé à mettre en œuvre les moyens nécessaires à la réalisation de vos objectifs.

Vous vous êtes progressivement désengagés de vos responsabilités ... détérioration de la qualité des prestations clients...

Par réaction, le 24 octobre 2000, vous avez saisi le Conseil de Prud'hommes de Grenoble d'une demande exorbitante de rappel de salaire et demandé la résolution judiciaire de votre contrat de travail.

Les dépassements des ratios de nourriture et des frais de personnel, nous ont contraints, une nouvelle fois le 28 novembre 2000, à vous mettre en demeure de réagir.

En réponse vous nous faisiez part de votre incapacité à remplir vos fonctions ... ces critiques accompagnées de menaces de fermeture sont tout à fait inacceptables...

... Votre opposition est devenue systématique. Ainsi vous persistez à refuser l'avenant destiné à mettre votre contrat de travail en harmonie avec les lois Aubry et avec l'accord collectif sur la réduction du temps de travail. Lors de notre entretien du 11 avril 2001, vous avez maintenu votre refus.

L'obstruction ... nuit au résultat de l'entreprise dont les résultats, comme l'ambiance, se ressentent. Votre attitude ébranle la confiance du personnel. Vous délaissez la gestion comme en attestent les dépassements importants et persistants de ratios budgétés par vous-même ... Il ne nous est plus possible de poursuivre notre collaboration dans de telles conditions";

Attendu que les motifs de désaccord consistaient essentiellement dans la demande justifiée des époux Sloma d'une amélioration des conditions de travail et des horaires de travail;

Attendu que la démotivation n'est démontrée par aucun document; qu'étant d'ailleurs subjective, elle n'est pas établie matériellement; qu'enfin, l'employeur qui ne payait pas à Monsieur Sloma ses heures supplémentaires et à Mme Sloma un salaire sur un temps complet est mal venu de leur reprocher une démotivation;

Que les courriers visés dans la lettre de licenciement ne font que rappeler les difficultés rencontrées dues au manque de personnel pour seconder Monsieur Sloma et ne démontrent ni démotivation, ni opposition systématique ("Je viens vous informer officiellement d'une situation qui ne peut perdurer. En effet, depuis le 1er juillet 1999, date de départ effectif de notre cuisinier et du fait de l'interdiction qui m'a été faite par M. Biart d'embaucher un remplaçant, j'ai été contraint d'assurer personnellement la cuisine en plus de mes fonctions de gestion pour lesquelles j'ai été recruté. Pensant que cette situation était provisoire, j'ai voulu, dans l'intérêt de la société, cumuler les deux fonctions au prix d'un nombre d'heures d'activité très importante dont nous aurons à débattre et d'un manque de temps pour gérer normalement l'hôtel-gril ce qui immanquablement, s'est reporté sur la fréquentation et donc sur le chiffre d'affaires et sur la rémunération. Je ne peux accepter plus longtemps cette situation, et au plus tard le 20 novembre 1999, je me consacrerai uniquement aux fonctions de Direction pour lesquelles j'ai été embauché. Ainsi je vous demande de bien vouloir me préciser si j'ai l'autorisation de recruter un cuisinier ou si je dois fermer le restaurant. De plus, une assistante de Direction chargée du service en salle a quitté notre établissement sans que je puisse la remplacer (ordre de M. Biart)", (lettre de Monsieur Sloma du 28 octobre 1999);

Attendu que ni ce courrier, visé dans la lettre de licenciement, ni les autres, ne traduisent un comportement d'opposition systématique et un désengagement des responsabilités, mais au contraire le Souci de Monsieur Sloma de mener à bien ses fonctions dont il était empêché par suite d'un manque de personnel et de l'interdiction qu'il avait d'embaucher pour respecter les ratios imposés par la société Groupe Envergure; que l'employeur ne peut lui reprocher de "délaisser la gestion comme en attestent les dépassements importants et persistants des ratios budgétés par vous-même", alors que, comme il a été dit plus haut, Monsieur Sloma devait se plier aux ratios qui lui étaient imposés;

Attendu que comme il l'a été démontré ci-dessus, Monsieur Sloma ne pouvait mettre en œuvre les moyens nécessaires à la réalisation des objectifs sans l'accord de la société Groupe Envergure qui le contrôlait et le dirigeait;

Attendu qu'il est certain que la qualité de la tenue de l'hôtel et de l'accueil n'était pas des meilleures; que le rapport d'analyse micro-biologique du Laboratoire ERCEM, du 28 mai 1999, sur un prélèvement de surface par contact matériel/trancheuse, du 28 mai 1999, conclut à un état de surface non satisfaisant; que les régies d'hygiène ne paraissaient pas primordiales pour Monsieur Sloma; qu'un audit réalisé en juillet 2000 par la société Taylo Nelson concluait que la qualité des prestations fournies à la clientèle de l'établissement n'était pas satisfaisante; que plusieurs clients se sont plaints de la saleté de l'hôtel et des chambres (notamment taies d'oreillers non changées); que la lettre d'une cliente, Anne Bernaud, du 9 juin 1998, se plaignant de la qualité des prestations est révélatrice: "Nous avons été reçus par Monsieur Sloma pour lequel le client est vraiment superflu et même ennuyeux - il ne parle pas Monsieur Sloma; il opine du chef en guise de réponse. Visiblement, il boude. La nourriture est peu souriante, les chambres entretenues moyennement"; que de même, un autre client, M. Delhoume a noté le 24 juillet 2000: "Notations défavorables: l'accueil, la propreté de la chambre, la qualité du petit déjeuner, la qualité du service";

Attendu, cependant, d'une part, que les plaintes des clients ne sont pas nombreuses et parfois anciennes (1998 et 1999) et, d'autre part, que Monsieur Sloma n'a pas été licencié pour insuffisance professionnelle; qu'il a même fait des efforts qui ont porté leurs fruits puisque les dernières notations sont meilleures: les résultats obtenus au 1er trimestre 2001 étaient bons et la visite mystère du 26 septembre 2000 a été favorable quant à l'évaluation service aux clients; que le rapport de l'activité commerciale entre 1995 et avril 2001 montre que l'activité était en constante progression;

Attendu que le véritable motif du licenciement vient du fait que la société Groupe Envergure a tenté d'imposer aux époux Sloma une modification de leurs contrats de travail que ces derniers étaient en droit de refuser;

Attendu qu'il résulte de la lettre de licenciement et de la lettre de convocation à l'entretien préalable, corroborée par le procès-verbal d'entretien préalable de M. Cottaz, conseiller salariés, qu'il n'y a pas lieu de suspecter, que le "motif du licenciement (est le) refus de signer un avenant"; qu'ainsi le licenciement repose en réalité sur le refus des époux Sloma d'accepter une modification de leur contrat de travail qu'ils n'étaient pas tenus d'accepter; qu'il ne saurait en être déduit une attitude de blocage systématique;

Que les licenciements ont également été le résultat de la saisine du Conseil de Prud'hommes d'une demande d'heures supplémentaires, de rappel de salaires (demande justifiée) et pour faire prononcer judiciairement la résiliation des contrats de travail;

Attendu que le licenciement de Monsieur Sloma étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, celui de son épouse qui a été fait en application de la clause d'interdépendance est donc également sans cause réelle et sérieuse; que la motivation de l'arrêt sur le peu de sérieux du grief concernant l'opposition systématique de M. Sloma est repris pour son épouse;

Qu'il s'ensuit que les jugements qui ont dit que les licenciements étaient sans cause réelle et sérieuse seront confirmés par adoption de motifs;

Attendu que la cour a les éléments pour évaluer à 14 000 euros le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'il convient d'allouer à Monsieur Sloma, toutes causes de préjudices confondues; qu'il n'est en effet pas démontré un préjudice distinct qui n'aurait pas été réparé par cette somme; que, notamment, il n'est pas établi de conditions de travail ou de circonstances vexatoires ayant entouré la rupture;

Qu'il convient d'allouer à Mme Sloma la somme de 9 000 euros, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, toutes causes de préjudices confondues;

- Sur la clause de non-concurrence:

Attendu que les contrats de travail de Monsieur Sloma et Mme Sloma prévoient une clause de non-concurrence; que cette obligation a été maintenue à l'issue de la rupture du contrat de travail;

Attendu qu'aucune contrepartie financière n'était prévue;que la clause de non-concurrence est nulle;que cependant, les époux Sloma ont respecté leur obligation de non-concurrence;

Qu'il convient de fixer à 4 000 euros le montant des dommages-intérêts dus à ce titre pour Monsieur Sloma et à 2 000 euros, pour Mme Sloma;

Par ces motifs: La COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi; Vu la connexité, joint les procédures 02-01120 et 02-01121, dans l'intérêt d'une bonne justice; Réforme les jugements entrepris, sauf en ce qu'ils ont dit que les licenciements de Monsieur et Madame Sloma ne procédaient pas d'une cause réelle et sérieuse, et Statuant à nouveau, Dit que les époux Sloma ont travaillé sous un lien de subordination avec la société Groupe Envergure, caractérisant le contrat de travail et donnant à la société Groupe Envergure la qualité de co-employeur; Dit que l'ancienneté des époux Sloma au sein de la société Groupe Envergure remonte au 2 mars 1992; Condamne in solidum la société Groupe Envergure et la Société d'Exploitation des Hôtels Grils Grenoble-Sochaux, à verser: à chacun des époux Sloma la somme de 4 500 euros, à titre de dommages-intérêts pour violation des règles relatives au droit disciplinaire et collectif dans l'entreprise; à Monsieur Sloma: 14 000 euros, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts de droit à compter de la notification du présent arrêt, 4 000 euros, à titre de contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence; à Madame Sloma: 9 000 euros, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts de droit à compter de la notification du présent arrêt, 2 000 euros, à titre de contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence; Dit que Monsieur Sloma a effectué 19 heures supplémentaires par semaines travaillées, sauf aux périodes indiquées dans les motifs du présent arrêt; Requalifie le contrat de travail à temps partiel de Madame Sloma en un contrat à temps complet; Dit que sur certaines périodes, indiquées dans les motifs, Mme Sloma a effectué 8 heures supplémentaires par semaine; Avant-dire-droit au fond, Ordonne une expertise confiée à M. François Ott, 3 Rue de la République, 38000 Grenoble, Qui aura pour mission, après s'être fait remettre tous les documents et avoir entendu toutes personnes qu'elle estimera utiles: Pour Monsieur Sloma: calculer année par année, à compter du 25 octobre 1995 (les calculs des heures supplémentaires se faisant dans le cadre de la semaine civile), le rappel de salaire dû à Monsieur Sloma du fait des 19 heures supplémentaires qu'il effectuait chaque semaine travaillée (à l'exclusion des périodes de congés payés ou d'arrêt de travail), les congés payés afférents et les repos compensateurs qui lui sont dus, Pour Mme Sloma: de calculer le rappel de salaire qui lui est dû du fait de la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet et des 8 heures supplémentaires effectuées certaines semaines indiquées dans le corps de l'arrêt; Dit que la société Groupe Envergure versera une somme de 1 500 euros, à valoir sur la rémunération de l'expert, dans les quinze jours de la notification du présent arrêt; Dit que l'expert devra déposer son rapport avant le 8 décembre 2003, Ordonne la réouverture des débats à l'audience du 5 janvier 2004 à 14 H 15; Dit que la notification du présent arrêt vaudra convocation à l'audience susvisée, Surseoit à statuer sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne la société Groupe Envergure à rembourser à l'Assedic des Alpes les indemnités de chômage versés à Monsieur Sloma dans la limite de six mois, soit la somme de 7 857 euros et pour Mme Sloma 5 530 euros; Réserve les dépens.