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Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 7 mai 2001, n° 99-01470

PAU

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Blondel

Défendeur :

Hotel Club Vignemale (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Larque

Conseillers :

MM. Roux, Courtaigne

Avoués :

SCP Piault-Lacrampe-Carraze, Me Vergez

Avocats :

Mes Calatayaud, Fillastre.

T. com. Tarbes, du 22 mars 1999

22 mars 1999

Par jugement en date du 22 mars 1999 aux motifs duquel il convient de se reporter, le Tribunal de commerce de Tarbes a déclaré faire droit à la demande en réparation de la SARL Hôtel Club Vignemale, sur le fondement invoqué des articles 1382 et 1383 du Code civil, a condamné Monsieur Blondel Laurent à verser à la SARL Hôtel Club Vignemale la somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts, et celle de 6 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et a rejeté les autres chefs de demande.

Suivant acte en date du 30 avril 1999, Monsieur Laurent Blondel a relevé appel de cette décision.

Par conclusions en date du 24 mai 2000, Monsieur Blondel sollicite que la décision entreprise soit infirmée, que la SARL Hôtel Club du Vignemale soit déboutée de l'ensemble de ses demandes et qu'elle soit condamnée à lui payer 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il est exposé que Monsieur Blondel, sous l'enseigne commerciale "Pyrénées Communication Concept" réalise des reportages photographiques à fins publicitaires, qu'il a reçu mission, pour le compte de Monsieur Germain Bordes, propriétaire de l'Hôtel des Cimes à Gavarnie, de réaliser un dépliant touristique et plaquettes publicitaires, que la SARL Hôtel Club du Vignemale a reproché à Monsieur Blondel d'avoir reproduit sur lesdits dépliants touristiques et publicitaires la représentation photographique du Cirque de Gavarnie dont la prise de vue aurait été effectuée depuis l'Hôtel Club du Vignemale, qu'étant installé à Argelès-Gazost, la clientèle de Monsieur Blondel est en grande partie située dans la région et l'impact publicitaire retenu dans le cadre des diverses campagnes est surtout ciblé sur les lieux universellement connus de ces montagnes, que notamment, sur le site de Gavarnie, inscrit au patrimoine de l'humanité par l'UNESCO, les hôteliers et autres commerçants de cette localité prennent soin de centrer leurs dépliants publicitaires sur le Cirque lui-même dont les prises de vue sont faites de différents points, que Monsieur Lefebvre, gérant de l'Hôtel des Cimes appartenant à Monsieur Bordes, avait contacté Monsieur Blondel pour une publication touristique, que cette publication avait pour objet de présenter l'établissement hôtelier Hôtel des Cimes et d'insérer des prises de vue de l'environnement et notamment du Cirque de Gavarnie, ce qui paraissait légitime compte tenu de l'installation de cet hôtel au pied même de la montagne, qu'ainsi Monsieur Blondel a réalisé plusieurs clichés du Cirque de Gavarnie de divers endroits étant précisé que cet ensemble montagneux est visible depuis tout le village.

Que c'est ainsi qu'il a réalisé le cliché litigieux sur un terre-plein ouvert au public, situé à l'extérieur de tout ensemble immobilier, que la vue du site de Gavarnie n'appartient à personne, que la SARL Hôtel du Vignemale reproche à Monsieur Blondel d'avoir pris le cliché depuis sa terrasse ce qui n'est pas le cas, que ledit cliché a été pris depuis l'extérieur sans aucune référence à l'Hôtel Club du Vignemale, alors même que la vue pouvait être identique à plusieurs centaines de mètres du lieu de la prise de vue, s'il est légitime de penser que la terrasse fait partie de l'Hôtel, le rond-point situé à l'extérieur de toute construction hôtelière ne dispose d'aucune barrière, ni panneau de propriété privée, que le rond-point est situé sur une voie de circulation, que, par ailleurs, la SARL Hôtel Club du Vignemale n'a subi aucun préjudice, puisque les dépliants ne pouvant induire aucune confusion, n'ont pas été distribués du fait de la mise en liquidation de l'Hôtel des Cimes, que les dépliants n'ont pas été réglés à Monsieur Blondel qui a du produire à la liquidation judiciaire, et que le préjudice n'étant pas constitué, le tribunal ne pouvait démontrer un lien de causalité entre une faute non commise et un préjudice non subi.

Par conclusions en date du 16 octobre 2000, la SARL Hôtel Club Vignemale sollicite que le jugement entrepris soit confirmé en son principe sauf à porter à la somme de 20 000 F les dommages et intérêts, que Monsieur Blondel devra lui régler et qu'il lui soit alloué une somme de 8 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il est exposé que la plaquette litigieuse était notamment illustrée par une vue du Cirque de Gavarnie, prise depuis la terrasse de l'Hôtel Vignemale, sans l'autorisation de celui-ci, comme l'a reconnu Monsieur Blondel.

Qu'il y a lieu de constater à l'aide du plan de situation versé aux débats que ledit rond-point se trouve à l'intérieur de la propriété de l'Hôtel Vignemale, que l'on voit d'ailleurs sur le cliché même de la plaquette le rond-point qui se trouve devant la terrasse de l'Hôtel du Vignemale, qu'il est utile de préciser en outre qu'aucun terre-plein n'existe dans le village laissant apparaître les seuls sapins de cette taille que possède l'Hôtel du Vignemale pas plus qu'un rond-point.

Que Monsieur Blondel ne saurait soutenir qu'il ignorait que le rond-point était dans la propriété privée de l'Hôtel du Vignemale, alors que de nombreux panneaux le signalent et que de plus l'entrée de cette propriété est matérialisée par un portail, qu'il est patent que cette illustration est de nature à introduire chez la clientèle potentielle une confusion entre la situation des deux Hôtels, l'Hôtel des Cimes ne bénéficiant pas en ce qui le concerne de vue semblable sur le Cirque de Gavarnie, et ne se trouve donc pas dans une "situation reculée unique" comme le prétend le dépliant touristique.

Que sur le constat établi le 3 août 1992, a été commise une erreur purement matérielle dans l'indication de l'année indiquée en lettre dans l'en-tête du procès-verbal (1984 au lieu de 1992).

Que par ailleurs, Monsieur Blondel prétend que les plaquettes n'ont pas été utilisées du fait de la mise en liquidation judiciaire de Monsieur Lefebvre, qu'il faut rappeler que les dépliants (3 000) ont été livrés à la fin de l'année 1996 et que Monsieur Lefebvre a été déclaré en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Tarbes, le 7 avril 1997.

Et que si Monsieur Blondel a récupéré les dépliants qui se trouvaient encore à l'Hôtel, il est indiscutable que pendant presque 1 an et demi, le plus grand nombre avait été utilisé.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 octobre 2000.

Sur quoi, LA COUR

Attendu que bien évidemment la SARL Hôtel Club Vignemale ne peut se prévaloir d'une protection en tant qu'œuvre artistique sur les photographies concernant le Cirque de Gavarnie, qu'elle ne possède aucun droit de propriété sur la vue du site de Gavarnie (site inscrit au patrimoine de l'Humanité par l'UNESCO).

Qu'il apparaît normal, comme le souligne Monsieur Blondel, dans ses conclusions "que les hôteliers et autres commerçants de cette localité prennent soin de centrer leurs dépliants publicitaires sur le Cirque lui-même dont les prises de vue sont faites de différents points.

Qu'il résulte d'une photographie versée aux débats que l'Hôtel des Cimes et l'Hôtel Vignemale sont relativement proches l'un de l'autre.

Que la plaquette publicitaire établie au profit de l'Hôtel des Cimes par Pyrénées Communication Concept ne peut prêter à aucune confusion avec l'Hôtel Vignemale.

Qu'en effet, en première page de ce dépliant, il est mentionné en lettre très apparente "Hôtel des Cimes" avec la photographie de cet Hôtel.

Que la double page intérieure porte l'attention du destinataire sur l'ensemble prestigieux du cirque.

Que ni l'extrémité du rond-point, ni les portions d'arbres situées de part et d'autre de la photographie, ces éléments étant d'ailleurs en partie cachés par des petites vues de l'intérieur de l'Hôtel des Cimes, ne sont déterminantes au point d'entraîner une confusion avec l'Hôtel du Vignemale.

Que dans une sommation interpellative du 17 octobre 1996, délivrée à la requête de la SARL Hôtel Club Vignemale, Monsieur Blondel a déclaré "la photo a été prise depuis le rond-point sans autorisation".

Que le constat d'huissier, versé aux débats par la SARL Hôtel Vignemale en date du 3 août 1992 (la mention de l'année 1984 en tête de ce procès-verbal est manifestement une erreur matérielle, l'huissier précisant " me suis transporté ce jour, 3 août 1992 à Gavarnie ") ne constitue plus une preuve de la signalisation existante en 1996 pour avertir les limites de la propriété privée.

Que des photographies communiquées par Monsieur Blondel établissent que l'accès à l'Hôtel Vignemale a subi d'importantes modifications entre 1992 et 1996 notamment quant à ladite signalisation, le s mentions "Parking privé" ou "propriété privée" au passage d'accès au pont de l'Hôtel du Vignemale n'apparaissant plus.

Que l'existence d'une faute à l'encontre de Monsieur Blondel n'est pas suffisamment établie, celui-ci n'ayant pas cherché à s'approprier une partie privative de l'Hôtel du Vignemale.

Que, de toutes les façons, la SARL Hôtel Club Vignemale ne démontre l'existence d'aucun préjudice.

Qu'il convient donc d'infirmer la décision entreprise et de débouter la SARL Hôtel Club Vignemale de ses demandes.

Qu'il apparaît équitable d'allouer à Monsieur Blondel une somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement rendu le 22 mars 1999 par le Tribunal de commerce de Tarbes; Déboute la SARL Hôtel Club du Vignemale de toutes ses demandes; Condamne la SARL Hôtel Club du Vignemale à payer à Monsieur Blondel une somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne la SARL Hôtel Club du Vignemale en tous les dépens de première instance et d'appel; Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, la SCP Piault-Carraze, avoués, à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.