TPICE, 2e ch. élargie, 11 mars 1999, n° T-136/94
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Eurofer ASBL
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bellamy
Juges :
MM. Potocki, Pirrung
Avocats :
Mes Koch, Freund.
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
(deuxième chambre élargie),
Vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale des 23, 24, 25, 26 et 27 mars 1998, rend le présent arrêt (1):
Faits à l'origine du recours
A - Observations liminaires
1. Le présent recours tend à l'annulation de la décision 94-215-CECA de la Commission, du 16 février 1994, relative à une procédure d'application de l'article 65 du traité CECA concernant des accords et pratiques concertées impliquant des producteurs européens de poutrelles (JO L 116, p. 1, ci-après "Décision"), par laquelle elle a constaté la participation de 17 entreprises sidérurgiques européennes et de la requérante à une série d'accords, de décisions et de pratiques concertées de fixation des prix, de répartition des marchés et d'échange d'informations confidentielles sur le marché communautaire des poutrelles, en violation de l'article 65, paragraphe 1, du traité CECA, et a infligé des amendes à quatorze entreprises de ce secteur pour des infractions commises entre le 1er juillet 1988 et le 31 décembre 1990.
2. Il ressort du point 12, sous b), de la décision que la requérante est la confédération européenne des entreprises de la sidérurgie. La plupart de ses adhérents sont des associations d'entreprises, mais elle regroupe aussi certaines entreprises (comme British Steel). L'article 2 de ses statuts dispose ce qui suit:
"Les objectifs d'Eurofer sont, en tenant compte des articles 2 et 3 du traité instituant la CECA:
- la coopération entre les associations nationales et entre les entreprises de la sidérurgie européenne;
- la représentation des intérêts communs de ses membres à l'égard des tiers, notamment vis-à-vis de la Commission des Communautés européennes et d'autres organisations internationales dans les domaines intéressant l'activité sidérurgique.
Les membres d'Eurofer réaliseront ces objectifs au moyen:
- de la création de mécanismes de consultation en vue de faciliter une harmonisation des décisions d'investissement et une rationalisation de la production dans le respect des objectifs visés par l'article 46 du traité instituant la CECA;
- d'échanges d'informations concernant tous les problèmes d'intérêt commun, en particulier la production, le marché et l'emploi,
[...]"
[...]
D - Décision
3. La décision est parvenue à la requérante le 3 mars 1994, sous couvert d'une lettre de M. Van Miert datée du 28 février 1994. Ses articles 1er à 3 sont rédigés comme suit:
"Article premier
Les entreprises suivantes ont pris part, dans la mesure décrite dans la présente décision, aux pratiques anticoncurrentielles indiquées sous leur nom, qui empêchaient, restreignaient et faussaient le jeu normal de la concurrence dans le marché commun [...]
[...]
Article 2
Eurofer a enfreint l'article 65 du traité CECA en organisant un échange d'informations confidentielles en relation avec les infractions commises par ses membres et qui sont énumérées à l'article 1er.
Article 3
Les entreprises et associations d'entreprises visées à l'article 1er et à l'article 2 mettent immédiatement fin aux infractions visées auxdits articles si elles ne l'ont déjà fait. A cette fin, les entreprises et associations d'entreprises s'abstiennent de répéter ou de continuer les actes ou le comportement spécifiés à l'article 1er ou à l'article 2 et s'abstiennent d'adopter toute mesure d'effet équivalent."
4. Pour les infractions décrites à l'article 1er commises après le 30 juin 1988 (après le 31 décembre 1989 (2) dans le cas d'Aristrain et d'Ensidesa), l'article 4 de la décision impose des amendes à quatorze entreprises. La requérante figure parmi les destinataires de la décision énumérés à son article 6.
[...]
Sur la demande tendant à l'annulation de l'article 2 de la décision
[...]
C - Sur l'existence d'une décision prise par la partie requérante
Résumé sommaire de l'argumentation de la partie requérante
5. La requérante fait valoir qu'elle n'a pas adopté de décision, au sens de l'article 65, paragraphe 1, du traité, relative à un échange d'informations, ni même adressé de recommandation à ce sujet aux entreprises en cause.
6. Par définition, les décisions au sens de cet article seraient prises par les organes compétents, et leur adoption par une association supposerait que celle-ci soit appelée, selon ses statuts, à coordonner l'activité de ses membres (arrêt de la Cour du 27 janvier 1987, Verband der Sachversicherer/Commission, 45-85, Rec. p. 405, point 31). Par ailleurs, ces décisions devraient être obligatoires pour les membres de l'association (arrêts de la Cour du 29 octobre 1980, Van Landewyck/Commission, 209-78 à 215-78 et 218-78, Rec. p. 3125, points 88, 89 et 91, et Verband der Sachversicherer/Commission, précité, point 30) ou, à défaut, devraient avoir été suivies par ceux-ci (arrêt van Landewyck e.a./Commission, précité). Il ne serait pas possible d'assimiler à une décision d'association les actes effectifs de l'association concernée, de ses organes ou de ses instances subordonnées si ces actes n'ont pas d'effet obligatoire pour ses membres. Une telle approche transformerait l'interdiction des ententes en une interdiction de faire des recommandations.
7. En l'espèce, la décision n'expliquerait pas comment une décision d'association répondant à ces critères a pu être prise par la requérante. En effet, le comportement effectif de la requérante aurait été considéré comme un simple indice de l'existence d'une décision de ce type (point 281 de la décision). En outre, les éléments pris en considération par la Commission, à savoir l'existence de tableaux et leur diffusion, le fait que l'échange d'informations correspond à la mission statutaire de la requérante et la nécessité d'une autorisation de ses membres pour qu'elle puisse agir (voir points 143, 144 et 281 de la décision), seraient insuffisants pour établir l'existence d'une telle décision.
Appréciation du Tribunal
8. A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon l'article 2 de la décision et ses points 317, 279 et 281, la requérante a organisé l'échange d'informations litigieux sur la base d'une décision adoptée par elle et a, par là même, enfreint l'article 65, paragraphe 1, du traité. Il s'ensuit que la Commission considère que la requérante est l'auteur de cette infraction.
9. Il convient de préciser également que la requérante, dont la plupart des membres sont des associations nationales d'entreprises sidérurgiques européennes (voir point 2 ci-dessus), est une "association d'entreprises" au sens de l'article 65 du traité. Compte tenu de la finalité de cette disposition, la notion d'association d'entreprises doit, en effet, être interprétée comme appréhendant également, selon le cas, des entités constituées d'associations d'entreprises, ainsi que la Commission l'a constaté au point 280 de la décision.
10. S'agissant de la question de savoir si la requérante a adopté une décision au sens de l'article 65, paragraphe 1, du traité, il y a lieu de préciser, en premier lieu, que la requérante compte parmi ses objectifs la coopération "entre les entreprises de la sidérurgie européenne" (article 2, premier alinéa, premier tiret, de ses statuts) et qu'elle est appelée à réaliser ces objectifs, entre autres, au moyen d'"échanges d'informations concernant tous les problèmes d'intérêt commun, en particulier, la production, le marché et l'emploi" (article 2, deuxième alinéa, deuxième tiret, de ses statuts).
11. En deuxième lieu, il est constant que la requérante a elle-même assuré la collecte, la compilation et la diffusion des données statistiques en cause en l'espèce. Dans sa lettre du 30 juillet 1990 au président et au secrétariat de la commission poutrelles, citée au point 44 de la décision, la requérante a d'ailleurs expressément distingué, en ce qui concerne l'échange d'informations individuelles, entre ses propres activités ("nous avons décidé de suspendre toute diffusion révélant des chiffres individuels") et celles, analogues, de la commission poutrelles ("nous vous prions de bien vouloir, dans le cadre de votre propre commission, vous abstenir de tous échanges ou diffusions similaires").
12. En troisième lieu, il y a lieu de présumer que le personnel de la requérante n'aurait pas pu organiser l'échange d'informations litigieux sans l'autorisation des organes compétents en la matière, ou, à tout le moins, l'accord exprès ou tacite de ses membres.
13. En quatrième lieu, il est constant que les entreprises ayant participé à l'échange litigieux, notamment en communiquant leurs chiffres individuels, étaient affiliées soit à la requérante elle-même, soit à l'une de ses associations membres (voir point 281 de la décision).
14. Au vu de ces éléments, le Tribunal considère que la Commission était en droit de conclure, aux points 281 et 282 de la décision, que l'échange d'informations litigieux ne pouvait avoir été opéré sans une décision de la requérante, expresse ou implicite, organisant et gérant cet échange.
15. Quant à l'argument de la requérante, selon lequel une décision au sens de l'article 65, paragraphe 1, du traité doit être obligatoire pour ses membres, il suffit de constater qu'un acte peut être qualifié de décision d'association d'entreprises sans nécessairement avoir un caractère obligatoire pour les membres concernés, à tout le moins dans la mesure où les membres visés par cette décision s'y conforment(voir, par analogie, arrêts de la Cour du 8 novembre 1983, IAZ/Commission, 96-82 à 102-82, 104-82, 105-82, 108-82 et 110-82, Rec. p. 3369, point 20, Van Landewyck/Commission, précité, points 88 et 89, et Verband der Sachversicherer/Commission, précité, points 29 à 32). Cette hypothèse est suffisamment établie, en l'espèce, par le fait que les entreprises communiquaient leurs chiffres à la requérante d'une façon continue et recevaient, sans manifester d'opposition, les tableaux préparés par celle-ci sur la base de l'ensemble des données transmises. Ces faits font apparaître que la requérante a, à tout le moins, recommandé l'activité d'échange d'informations à l'ensemble des entreprises concernées et que celles-ci se sont conformées à cette recommandation.
16. A supposer même que les activités de la requérante aient été provoquées par un accord, exprès ou tacite, entre ses membres, visant à la charger de la collecte et de la diffusion des statistiques litigieuses, sans qu'une décision formelle des organes de la requérante ait été prise, un tel accord doit être qualifié de décision d'association d'entreprises au sens de l'article 65, paragraphe 1, du traité, dès lors que l'accord en question a été nécessairement adopté dans le cadre des activités de l'association, qui assume elle-même la responsabilité de la collecte et de la diffusion des informations litigieuses, conformément à sa mission statutaire.
17. Dans ces conditions, la Commission pouvait légitimement conclure à l'existence d'une décision d'association d'entreprises de nature à engager la responsabilité de la requérante.
18. Il convient d'ajouter que les éléments contenus dans la décision ont permis à la requérante de défendre ses droits et au Tribunal d'exercer son contrôle et qu'ils constituent, dès lors, une motivation suffisante.
19. Il s'ensuit que les arguments relatifs à l'absence de décision de la requérante doivent être rejetés dans leur ensemble.
D - Sur l'exclusion des associations du cercle des destinataires de l'interdiction de l'article 65 du traité
Résumé sommaire de l'argumentation de la partie requérante
20. La requérante fait valoir que, à supposer même qu'il existe en l'espèce une décision d'association d'entreprises, une telle association ne peut pas, par elle-même, enfreindre l'interdiction de l'article 65 du traité, à la différence de ses entreprises membres.
21. Cette thèse serait conforme, en premier lieu, aux dispositions de l'article 65, paragraphes 4 (nullité des accords ou décisions) et 5 (possibilité de prononcer des amendes et astreintes) du traité, qui viseraient uniquement les entreprises.
22. En deuxième lieu, seules les entreprises, entités économiques agissant de manière autonome, disposeraient de la liberté d'action protégée par l'article 65 du traité. Par conséquent, les effets anticoncurrentiels qu'une décision d'association, adoptée conformément aux statuts applicables, est susceptible de produire ne concerneraient que les entreprises membres de l'association, dans la mesure où elles sont liées par cette décision. Dans ce cas de figure, la décision en cause traduirait un consensus entre au moins deux entreprises, élément indispensable aux fins de l'application de l'article 65 du traité. Or, les statuts de la requérante ne conféreraient à ses organes aucun pouvoir de réglementer, par voie de décision, le comportement sur le marché des producteurs européens d'acier. Au surplus, la plupart de ses membres seraient eux-mêmes des associations d'entreprises, et les entreprises affiliées à celles-ci ne seraient pas liées par les décisions de la requérante. Il serait indifférent de savoir si la décision en cause lie l'association elle-même.
23. En troisième lieu, seules les entreprises peuvent remplir, de l'avis de la requérante, les conditions subjectives de l'interdiction des ententes.
24. Enfin, l'impossibilité pour une association d'enfreindre cette interdiction serait confirmée par les règles relatives aux autorisations (article 65, paragraphe 2, du traité), lesquelles formeraient un tout avec ladite interdiction (voir article 65, paragraphe 4, deuxième alinéa, du traité et, concernant le traité CEE, arrêt de la Cour du 6 avril 1962, De Geus en Uitdenbogerd, 13-61, Rec. p. 89). Or, seules les entreprises pourraient être destinataires d'une telle autorisation, comme l'indiqueraient le terme d'"entreprises intéressées" figurant à l'article 65, paragraphe 2, sous c), du traité et le fait que l'éventuelle autorisation vise le comportement des entreprises sur le marché (spécialisation, accords d'achat ou de vente en commun).
25. La requérante estime que sa thèse n'est contredite ni par l'article 48 du traité, qui revêtirait un caractère essentiellement déclaratoire et n'instituerait lui-même aucune interdiction, ni par la jurisprudence de la Cour. Sur ce dernier point, elle fait valoir, notamment, que l'arrêt de la Cour du 19 mars 1964, Sorema/Haute Autorité (67-63, Rec. p. 293, 317), concerne un cas de figure différent de celui de l'espèce.
Appréciation du Tribunal
26. L'article 65, paragraphe 1, du traité interdit "tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées qui tendraient, sur le marché commun, directement ou indirectement, à empêcher, restreindre ou fausser le jeu normal de la concurrence".
27. Selon l'article 65, paragraphe 4, du traité:
"Les accords ou décisions interdits en vertu du paragraphe 1 du présent article sont nuls de plein droit et ne peuvent être invoqués devant aucune juridiction des États membres.
La Commission a compétence exclusive, sous réserve des recours devant la Cour, pour se prononcer sur la conformité avec les dispositions du présent article desdits accords ou décisions."
28. Aux termes de l'article 65, paragraphe 5, du traité, "la Commission peut prononcer contre les entreprises qui auraient conclu un accord nul de plein droit, appliqué ou tenté d'appliquer [...] un accord ou une décision nuls de plein droit [...] ou qui se livreraient à des pratiques contraires aux dispositions du paragraphe 1, des amendes et astreintes [...]".
29. S'il découle effectivement de l'article 65, paragraphe 5, du traité qu'une association d'entreprises ne peut pas se voir infliger d'amende ou d'astreinte, rien dans le libellé de l'article 65, paragraphe 1, ne permet de considérer qu'une association qui a adopté une décision tendant à empêcher, restreindre ou fausser le jeu normal de la concurrence n'est pas elle-même visée par l'interdiction consacrée par cette disposition.
30. Cette interprétation est confirmée tant par la disposition de l'article 65, paragraphe 4, du traité, qui fait également référence à de telles décisions, que par l'arrêt Sorema/Haute Autorité, précité, dans lequel la Cour a jugé que l'article 65, paragraphe 1, du traité s'applique également aux associations dans la mesure où leurs activités propres ou celles des entreprises qui y adhèrent tendent à produire les effets qu'il vise (Rec. p. 317). Cette constatation est également confirmée, selon la Cour, par l'article 48 du traité, qui permet aux associations d'exercer toute activité qui n'est pas contraire aux dispositions dudit traité.
31. Contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort également de l'arrêt Sorema/Haute Autorité, précité, qu'une association d'entreprises au sens de l'article 65, paragraphe 1, du traité peut être la destinataire d'une décision autorisant un accord au titre de l'article 65, paragraphe 2, du traité (voir Rec. p. 317 à 322).
32. Il y a donc lieu de rejeter l'argument de la requérante selon lequel une association d'entreprises, au sens de l'article 65, paragraphe 1, du traité, ne peut pas enfreindre l'interdiction prévue par cette disposition.
E - Sur le pouvoir de la Commission d'adopter une décision constatant l'existence d'une infraction imputable à la partie requérante
Résumé sommaire de l'argumentation de la partie requérante
33. La requérante est d'avis que l'article 65 du traité n'habilite pas la Commission à adopter une décision constatant une infraction qui lui serait imputable. En particulier, ni le paragraphe 4 ni le paragraphe 5 de cette disposition ne consacreraient un tel pouvoir.
34. L'article 65, paragraphe 4, du traité ne concernerait que la compétence de la Commission de constater des infractions, de manière incidente, dans le cadre de litiges pendants devant les juridictions des États membres. En revanche, il ne créerait pas de compétence générale permettant à cette institution d'arrêter des décisions portant de telles constatations. De plus, les conséquences juridiques prévues par cette disposition, à savoir la nullité des accords ou décisions anticoncurrentiels et l'impossibilité de les invoquer devant les juridictions, ne concerneraient pas les associations mais uniquement les parties à ces accords ou décisions, c'est-à-dire les entreprises.
35. L'article 65, paragraphe 5, du traité, quant à lui, n'autoriserait la Commission qu'à fixer des amendes et des astreintes. Il ne lui permettrait pas de prendre des décisions tendant à constater des infractions au paragraphe 1 de cet article. Certes, ce pouvoir comprendrait celui d'adopter des injonctions de cessation ou d'abstention et, dans l'hypothèse d'une telle injonction, de constater de manière incidente l'infraction en cause. Toutefois, ce pouvoir n'existerait que vis-à-vis d'entreprises au sens de l'article 80 du traité.
Appréciation du Tribunal
36. Il résulte de l'article 65, paragraphe 4, deuxième alinéa, du traité que la Commission a compétence exclusive, sous réserve des recours devant la Cour, pour se prononcer sur la conformité avec les dispositions de l'article 65, paragraphe 1, du même traité des accords et décisions d'associations d'entreprises visés par cette disposition.
37. Le Tribunal estime que l'article 65, paragraphe 4, du traité ne saurait être interprété en ce sens qu'il ne s'appliquerait que de façon incidente, dans le cadre d'un litige devant une juridiction nationale, comme le prétend la requérante. Il s'ensuit que, dans le cas d'espèce, cette disposition constitue une base légale suffisante pour la constatation de l'infraction visée par l'article 2 de la décision.
38. L'argument de la requérante selon lequel la Commission n'avait pas le pouvoir d'adopter l'article 2 de la décision doit donc être rejeté.
F - Sur les moyens et arguments concernant la nature anticoncurrentielle du système reproché à la requérante
Résumé sommaire de l'argumentation des parties
39. La requérante fait valoir, en premier lieu, que l'article 2 de la décision viole l'obligation de motivation visée à l'article 15, paragraphe 1, du traité, en ce que le constat de l'existence d'une relation entre le comportement qui lui est reproché et les infractions de ses membres énumérées à l'article 1er de la décision implique sa participation à ces infractions. Or, cette hypothèse ne trouverait aucun appui dans les motifs de la décision.
40. En deuxième lieu, la requérante soutient que, lors de la procédure administrative, elle n'a pas été mise en mesure de formuler des observations sur les activités de la commission poutrelles (exception faite de la "méthodologie Traverso"), alors que, selon l'article 2 de la décision, ces activités présentent une relation avec l'infraction retenue contre elle. La Commission aurait ainsi violé ses droits de la défense.
41. En troisième lieu, la requérante estime que la Commission a considéré à tort, au point 317 de la décision, qu'une association peut enfreindre l'article 65, paragraphe 1, du traité en participant à une infraction commise par des tiers, à savoir ses membres.
42. En quatrième lieu, la requérante avance une série d'arguments selon lesquels l'échange d'informations qui lui est reproché n'aurait eu ni pour objet ni pour effet de restreindre le jeu normal de la concurrence au sens de l'article 65, paragraphe 1, du traité.
43. A cet égard, la requérante fait tout d'abord valoir que les agissements qui lui sont reprochés n'avaient pas pour objectif de restreindre le jeu de la concurrence et, par conséquent, ne "tendaient" pas à une telle restriction. Il ne suffirait pas, aux fins de l'application de l'article 65 du traité, que pareille restriction apparaisse, le cas échéant, comme le simple effet du comportement incriminé (voir le point 283 de la décision) ou que celui-ci soit de nature à créer un tel effet (voir le point 281 de la décision). Le verbe "tendre à" en langue française, seule langue du traité CECA faisant foi, ferait référence au but du comportement litigieux, tout comme le terme "abzielen", figurant dans la traduction allemande de ce traité.
44. En l'espèce, l'objectif de la prétendue décision, qui est de parvenir, au moyen d'un échange d'informations, à une plus grande transparence du marché, ne peut pas, selon la requérante, être qualifié d'anticoncurrentiel.
45. En tout état de cause, l'échange de données sur les livraisons n'aurait pas entraîné de restrictions de concurrence, de quelque façon que ce soit.
46. Selon l'interprétation la plus plausible de la décision, la Commission aurait conclu à un effet restrictif dès lors que le système d'échange d'informations a, selon elle, rendu possible ou facilité la coordination ultérieure, par la fixation de prix et la répartition de marchés, du comportement économique des entreprises. La requérante estime que ce raisonnement ne suffit pas pour qualifier ledit système d'anticoncurrentiel. Selon elle, la Commission aurait plutôt dû établir qu'il a lui-même limité la liberté des entreprises participantes d'agir de façon indépendante et autonome.
47. Même en interprétant la décision en ce sens que l'échange d'informations constitue une infraction autonome, et non pas une mesure préparatoire à une telle infraction, il ne serait pas davantage permis de conclure à l'existence d'un effet restrictif de la concurrence. La liberté d'agir des entreprises concernées n'aurait été affectée ni par la réception des données en cause ni par leur communication en retour.
48. Les données que recevaient les entreprises participantes ne leur auraient pas permis de déterminer le comportement futur du concurrent concerné, car il se serait agi de données historiques concernant des livraisons passées, effectuées en exécution de transactions conclues au moins trois mois et demi (dans la plupart des cas six mois, le cas échéant sept mois et plus) avant la diffusion des informations en question. En tout état de cause, la connaissance du comportement futur d'un concurrent sur le marché ne constituerait pas à elle seule une restriction de concurrence mais, au contraire, un élément la favorisant, car elle faciliterait l'orientation de l'intéressé.
49. Si l'obligation de communiquer certaines données peut limiter la liberté d'action des opérateurs concernés, en les privant des avantages d'éventuelles initiatives concurrentielles, l'échange reproché à la requérante n'aurait toutefois pas produit un tel effet. Les données historiques n'auraient comporté aucun renseignement sur les différentes transactions, les clients, les prix, les conditions d'affaires ou d'autres détails. Elles auraient concerné au moins huit catégories de produits regroupés sous l'appellation de "poutrelles". Ces catégories comprendraient un nombre important de profilés et de dimensions. Selon la requérante, les produits des différentes catégories ne sont pas substituables. Dans ces conditions, il serait inexact d'affirmer que la diffusion de ces informations a permis à chaque entreprise de déterminer le comportement de ses concurrents sur chaque marché (point 283 de la décision).
50. En tout état de cause, grâce à la publicité des barèmes de prix et des conditions de vente, prévue par l'article 60 du traité, chaque entreprise aurait automatiquement pris connaissance des paramètres essentiels des transactions futures de ses concurrents, la concurrence sur les marchés de la CECA portant fondamentalement sur les barèmes des prix. La requérante en déduit que l'échange litigieux ne pouvait pas restreindre la concurrence ménagée par les règles du traité.
51. Quant aux caractéristiques des marchés concernés, la requérante fait valoir que, avec plus de seize producteurs dans la Communauté et une très forte influence des importations de pays tiers, le secteur des poutrelles ne présente pas une structure oligopolistique. Loin d'être solidaires entre eux, les fabricants entretiendraient des rapports de forte rivalité. La requérante souligne que la concurrence secrète entre fabricants est interdite par les règles de l'article 60 du traité. L'article 65 du traité ne protégeant que la concurrence légale, le fait d'empêcher une concurrence (secrète) interdite n'enfreindrait pas cette disposition.
52. Il serait également sans intérêt de savoir si ces informations devaient être qualifiées de "secrets d'affaires" (point 283 de la décision). De tels secrets peuvent d'ailleurs, de l'avis de la requérante, légitimement être révélés avec l'accord de l'intéressé.
53. Enfin, lors de l'audience, la requérante a souligné qu'elle-même diffusait, à l'époque des faits, deux types distincts de statistiques, à savoir, d'une part, les statistiques ventilées par entreprises et qui trouveraient leur origine au début du régime de crise, et, d'autre part, celles issues des enquêtes accélérées, agrégées en ce qui concerne les entreprises participantes.
54. La requérante fait valoir que les points 143 à 146 et 283 de la décision n'indiquent pas clairement lequel des deux types de statistiques elle vise. D'une part, la Commission y ferait référence à des chiffres transmis deux mois après le trimestre de référence (point 145), ce qui correspondrait à l'hypothèse des statistiques ventilées par entreprise. D'autre part, elle évoquerait le terme de "fast bookings" (point 143), ce qui correspondrait à l'hypothèse des statistiques agrégées issues des enquêtes accélérées. Dans le même sens, dans sa réponse du 23 février 1998 aux questions du Tribunal, la Commission aurait souligné l'intérêt de rapidité qu'auraient présenté les statistiques pour les entreprises, alors que les informations contenues dans les statistiques ventilées par entreprise étaient, selon la requérante, également disponibles (et parfois plus rapidement) dans le cadre du monitoring et du système de la Walzstahl-Vereinigung décrits aux points 39 à 60 de la décision. Ces éléments porteraient à croire que, dans la décision, la Commission visait les statistiques agrégées issues des enquêtes accélérées. Or, l'échange de telles statistiques agrégées ne violerait pas l'article 65 du traité et n'aurait pas pu faciliter la perpétration des autres infractions visées par la décision.
55. Selon la Commission, le terme "relation" utilisé à l'article 2 de la décision n'est pas significatif d'une participation de la requérante aux comportements des entreprises visés par l'article 1er. Le libellé et l'économie des passages consacrés à l'infraction de la requérante (points 143 à 146 et 279 à 283) mettraient clairement en évidence que la Commission l'a considérée, au contraire, comme une infraction autonome.
56. En réalité, le terme "relation" se référerait, en premier lieu, aux concordances entre les infractions commises de part et d'autre. Ainsi, les statistiques établies par la requérante auraient porté sur le même produit (les poutrelles), presque les mêmes entreprises, la même période de recensement et le même mode de collecte des données (tableaux des commandes et des livraisons) que les informations échangées dans le cadre de la commission poutrelles (voir les passages susvisés de la décision). De plus, les deux systèmes d'échange d'informations auraient eu les mêmes effets (voir point 283 de la décision) et le même objectif, à savoir, permettre aux entreprises de préserver leurs flux commerciaux traditionnels et de surveiller l'exécution des accords de fixation de prix et de répartitions des marchés (sur ce dernier point, voir la note interne citée au point 59 de la décision).
57. En second lieu, les données distribuées par la requérante auraient complété celles distribuées dans le cadre de la commission poutrelles (ce dont la requérante et les entreprises impliquées auraient été conscientes, voir point 273 de la communication des griefs), et auraient contribué aux infractions commises par ses membres.
58. En tout état de cause, le marché des poutrelles étant un marché oligopolistique de produits homogènes, la Commission aurait été en droit de censurer l'échange d'informations organisé par la requérante, indépendamment de toute relation avec les infractions commises par les entreprises dans le cadre de la commission poutrelles.
59. A cet égard, la Commission fait état, notamment, des explications figurant aux points 272 à 284 et 470 à 474 de la communication des griefs. En particulier, selon le point 474 de cette communication, l'échange d'informations organisé par la requérante a permis à chaque entreprise de "déterminer le comportement, passé ou présent, de ses concurrents sur chaque marché et a instauré entre elles un régime de solidarité et d'influence mutuelle conduisant à la coordination de leurs activités économiques". Selon la Commission, c'est cette coordination qui est reprochée aux entreprises à l'article 1er de la décision. Par conséquent, la relation retenue à l'article 2 de la décision ne présenterait aucun élément nouveau sur lequel la requérante n'a pu prendre position.
60. S'agissant plus particulièrement de la nature anticoncurrentielle de l'échange d'informations litigieux, la Commission expose que les données en cause étaient distribuées deux mois après l'expiration du trimestre de référence. Le fait de disposer de telles données, qui ne sauraient être qualifiées de purement historiques, aurait permis aux entreprises de connaître le comportement de leurs concurrents sur les marchés de la Communauté. Si une telle augmentation de la transparence peut, en principe, accroître la concurrence, il en irait différemment lorsqu'il s'agit d'un marché oligopolistique, tel le marché des poutrelles. Dans ce cas, elle renforcerait l'interaction et la solidarité des entreprises et réduirait l'intensité de la concurrence. Dans le cas d'espèce, lors des discussions menées au sein de la commission poutrelles, il se serait agi de consolider les flux commerciaux existants et d'empêcher la pénétration de concurrents sur les marchés nationaux des diverses entreprises. Connaissant le comportement de leurs concurrents, les entreprises auraient été en mesure de décider si elles devaient les inviter à changer de conduite.
61. En outre, l'échange d'informations dénoncé n'aurait profité qu'aux producteurs participants tout en enlevant à leurs clients la possibilité de bénéficier de la concurrence secrète telle qu'elle subsiste normalement même sur les marchés à structure oligopolistique. L'article 60 du traité n'affecterait pas ce raisonnement. Alors que la publication des barèmes exigée par cet article permettrait d'informer non seulement les concurrents mais également les acheteurs, l'échange de données reproché à la requérante n'aurait bénéficié qu'aux premiers.
62. En réponse à une question du Tribunal, la Commission a précisé que l'échange litigieux avait pour but de faciliter la mise en œuvre des accords de fixation de prix et de répartition des marchés et de commettre ainsi les infractions reprises sous b) et autres des différentes rubriques de l'article 1er, infractions qui aurait été rendues possibles grâce à l'utilisation, par les entreprises, des données fournies par la requérante. L'article 2 de la décision exprimerait, au vu de ce comportement et conformément aux explications données à son point 283, l'idée d'une responsabilité propre de la requérante, en rapport avec les infractions dont les entreprises concernées sont elles-mêmes responsables selon l'article 1er.
63. Lors de l'audience, la Commission a encore souligné, toujours dans le contexte de l'article 2 de la décision, le lien fonctionnel qui aurait existé entre ledit échange et la méthodologie Traverso. Ce lien serait mis en exergue aux points 72 et 74 de la décision.
Appréciation du Tribunal
1. Sur les statistiques visées par la décision
64. Il ressort de l'instruction menée par le Tribunal que, à l'époque des faits, la requérante diffusait deux types de statistiques distinctes. En premier lieu, ainsi qu'il ressort du point 144 et de l'annexe II à la décision, elle diffusait les chiffres des commandes sous forme agrégée, ainsi que les chiffres des livraisons, ventilés par entreprise et subdivisés selon les marchés des États membres. Selon le point 145 de la décision, les statistiques des livraisons étaient distribuées aux entreprises participantes environ deux mois au plus tard après la fin du trimestre ou du mois considéré. Il est précisé, par ailleurs, que cet échange remonte à 1986 au moins.
65. En second lieu, la requérante a établi, en janvier 1989, un système d'échanges rapides d'informations, dans le cadre duquel les données mensuelles sur les commandes et les livraisons pour les différents marchés nationaux ont été communiquées aux entreprises déclarantes sous une forme agrégée. Ce système de statistiques accélérées a été porté à la connaissance de la Commission lors d'une réunion du 21 mars 1989, et les données rapides en résultant ont été par la suite régulièrement transmises à la Commission dans le cadre du système de surveillance établi par la décision n° 2448-88, précitée, et de la préparation des programmes prévisionnels visés par l'article 46 du traité.
66. Toutefois, contrairement à ce que prétend la requérante, il ressort clairement des points 143 à 145 et 283 de la décision, lus conjointement, que les données dont la diffusion lui est reprochée sont celles de livraisons ventilées par entreprises et par marchés nationaux, ce qui est également confirmé par les documents cités à l'annexe II à la décision. Bien que l'utilisation de la dénomination "fast bookings", au point 143 de la décision, prête à confusion, il s'ensuit que la décision ne vise nullement le système de statistiques agrégées des commandes et livraisons issues des enquêtes accélérées, introduit à la connaissance de la Commission en 1989, mais l'échange des statistiques des livraisons ventilées par entreprise, introduit en 1986.
67. Il y a donc lieu de rejeter l'argument de la requérante tiré d'une contradiction dans les faits constatés dans la décision.
2. Sur l'interprétation de l'article 2 du dispositif de la décision
68. Afin d'apprécier les autres arguments de la requérante, il convient d'examiner tout d'abord la question de savoir si l'article 2 du dispositif de la décision lui reproche une infraction autonome à l'article 65, paragraphe 1, du traité ou si, au contraire, le caractère infractionnel des agissements de la requérante résulte de leur relation avec les infractions commises par les entreprises productrices de poutrelles décrites à l'article 1er du dispositif de la décision.
69. L'article 2 du dispositif de la décision se lit comme suit:
"Eurofer a enfreint l'article 65 du traité CECA en organisant un échange d'informations confidentielles en relation avec les infractions commises par ses membres et qui sont énumérées à l'article 1er."
70. Il est de jurisprudence constante que le dispositif d'une décision doit être interprété à la lumière des motifs de celle-ci (voir, par exemple, arrêt de la Cour du 15 mai 1997, TWD/Commission, C-355-95 P, Rec. p. I-2549, point 21).
71. Or, le point 283 de la décision se lit comme suit:
"La diffusion d'informations par Eurofer tendait à produire les mêmes effets préjudiciables sur la concurrence que les systèmes d'échange d'informations décrits ci-dessus (voir points 263-272). Eurofer a fourni à ses membres (directs ou indirects) des informations relatives aux livraisons effectuées par leurs concurrents. La diffusion de ces informations, habituellement considérées comme des secrets d'affaires, a permis à chaque entreprise de déterminer quel comportement ses concurrents allaient adopter sur chaque marché. Cet échange d'informations a donc entraîné la substitution d'une coopération pratique aux risques concurrentiels ordinaires et a créé des conditions de concurrence qui ne correspondent pas aux conditions normales du marché. Ce comportement est incompatible avec les dispositions de l'article 65, paragraphe 1, du traité CECA."
72. Il ressort clairement du point 283 de la décision que la distribution des informations litigieuses par la requérante constitue, pour la Commission, une infraction autonome à l'article 65, paragraphe 1, du traité, indépendamment de la relation que cet échange d'informations aurait pu avoir avec les autres infractions reprochées aux entreprises participantes.
73. Cette interprétation est également conforme au point 474 de la communication des griefs, dans laquelle la Commission s'est exprimée comme suit:
"La diffusion d'informations par Eurofer tendait à produire les mêmes effets préjudiciables sur la concurrence que les systèmes d'échange d'informations décrits ci-dessus (voir point 435-456). Eurofer a fourni à ses membres (directs ou indirects) des informations relatives aux commandes enregistrées et aux livraisons effectuées par leurs concurrents. La diffusion de ces informations, habituellement considérées comme des secrets d'affaires, a permis à chaque entreprise de déterminer le comportement, passé ou présent, de ses concurrents sur chaque marché et a instauré entre elles un régime de solidarité et d'influence mutuelle conduisant à la coordination de leurs activités économiques. Cet échange d'informations a donc entraîné la substitution d'une coopération pratique aux risques concurrentiels ordinaires, et a créé des conditions de concurrence qui ne correspondent pas aux conditions normales du marché. Cette conduite est incompatible avec les dispositions de l'article 65, paragraphe 1, du traité CECA."
74. Il en résulte, d'une part, que la Commission a toujours considéré que l'échange d'informations reproché à la requérante constituait une infraction autonome à l'article 65, paragraphe 1, du traité et, d'autre part, que la requérante a été mise en mesure, lors de la procédure administrative, de présenter son point de vue sur cette question.
75. Quant à la signification des mots "en relation avec les infractions commises par ses membres et qui sont énumérées à l'article 1er", il ressort de son libellé même que cette phrase ne peut pas être interprétée en ce sens que le caractère infractionnel de la diffusion des informations litigieuses par la requérante dépend entièrement d'une prétendue connexité entre cet échange et les autres infractions commises par ses membres et énumérées à l'article 1er de la décision. Une telle interprétation serait d'ailleurs en contradiction avec le point 283 de la décision.
76. Il y a toutefois lieu de relever que le point 317, second alinéa, de la décision précise:
"En l'espèce, Eurofer a facilité les infractions à l'article 65 du traité CECA commises par ses membres en organisant l'échange de certaines des informations confidentielles nécessaires. Toutefois, étant donné que ses membres reçoivent déjà une amende pour ces infractions, y compris pour les échanges d'informations confidentielles portant sur la fixation des prix et la répartition des marchés, la Commission ne juge pas nécessaire de leur infliger d'amendes supplémentaires pour le comportement de leur association."
77. Bien que la rédaction de l'article 2 de la décision ne soit pas un modèle de clarté, le Tribunal en conclut que cette disposition, interprétée à la lumière des motifs de la décision, constate (i) que l'échange d'informations confidentielles par l'intermédiaire d'Eurofer a enfreint l'article 65, paragraphe 1, en tant que tel, et (ii) qu'il existe une relation entre cet échange d'informations et les autres infractions énumérées à l'article 1er de la décision.
78. A la lumière de ces précisions, il y a lieu d'écarter l'argument de la requérante selon lequel la Commission lui reproche une simple participation à des infractions commises par des tiers. En effet, comme le Tribunal vient de le constater, la décision reproche à la requérante une infraction autonome à l'article 65, paragraphe 1, du traité, qu'elle a commise elle-même en organisant l'échange d'informations litigieux.
79. Il résulte de ce qui précède que la légalité de l'article 2 du dispositif de la décision dépend de la question de savoir, d'une part, si l'échange d'informations organisé par la requérante constitue, en tant que tel, une infraction autonome à l'article 65, paragraphe 1, du traité et, d'autre part, s'il y avait une relation entre cet échange d'informations et les autres infractions énumérées à l'article 1er de la décision. Le Tribunal examinera successivement ces deux questions.
3. Sur le caractère autonome de l'infraction à l'article 65, paragraphe 1, du traité constitué par l'échange d'informations organisé par la requérante
80. Dans son avis 1-61, du 13 décembre 1961 (Rec. p. 505), la Cour a souligné que le but de l'article 4, sous d), du traité est d'empêcher les entreprises d'acquérir par la voie de pratiques restrictives une position leur permettant la répartition ou l'exploitation des marchés. Selon la Cour, cette prohibition, mise en œuvre par l'article 65, paragraphe 1, du traité, est rigide et caractérise le système instauré par le traité (Rec. p. 519). Par ailleurs, dans son arrêt du 15 juillet 1964, Pays-Bas/Haute Autorité (66-63, Rec. p. 1047, 1076 et 1077), la Cour a jugé que la concurrence visée par le traité consiste dans le jeu sur le marché des forces et des stratégies économiques d'unités indépendantes et opposées.
81. Il est constant, en l'espèce, que, après la fin de la période de crise le 30 juin 1988, la requérante a continué à organiser et à gérer un système d'échange d'informations, établi en 1986 au plus tard dans le contexte du système des quotas "I" et "i" alors en vigueur (voir point 7 ci-dessus). Selon ce système, la requérante distribuait aux entreprises productrices de poutrelles des statistiques relatives aux livraisons effectuées par leurs concurrents sur les principaux marchés de la Communauté, ventilées par entreprise et par État membre. Ces statistiques étaient distribuées environ deux mois après la fin du trimestre ou du mois concerné.
82. Selon le point 283 de la décision, cet échange d'informations a violé l'article 65, paragraphe 1, du traité, en ce que "la diffusion de ces informations, habituellement considérées comme des secrets d'affaires, a permis à chaque entreprise de déterminer quel comportement ses concurrents allaient adopter sur chaque marché. Cet échange d'informations a donc entraîné la substitution d'une coopération pratique aux risques concurrentiels ordinaires et a créé des conditions de concurrence qui ne correspondent pas aux conditions normales du marché. Ce comportement est incompatible avec les dispositions de l'article 65, paragraphe 1, du traité CECA".
83. La Commission considère également que l'échange d'informations organisé par la requérante tendait à produire les mêmes effets préjudiciables sur la concurrence que les systèmes d'échange d'informations organisés par la commission poutrelles, décrits aux points 263 à 272 de la décision, dans le cadre desquels les entreprises participantes s'échangeaient les statistiques des commandes et des livraisons, ventilées également par entreprise et par marché national, qui ont fait l'objet des discussions au sein de la commission poutrelles (voir points 39 à 46 de la décision). Dans ce système dit du "monitoring", des chiffres récents relatifs aux commandes étaient distribués chaque semaine, et les chiffres des livraisons étaient distribués moins de trois mois après la fin du trimestre concerné (point 267 de la décision).
84. Il est vrai que, à la différence du monitoring organisé par la commission poutrelles, l'échange d'informations organisé par la requérante ne concernait pas les statistiques relatives aux commandes ventilées par entreprise et par pays, mais uniquement l'échange de statistiques relatives aux livraisons ventilées par entreprise et par pays.
85. Toutefois, il y a lieu de relever, en premier lieu, que les statistiques relatives aux livraisons concernées sont normalement considérées comme strictement confidentielles, comme la Commission l'a constaté au point 283 de la décision. Contrairement aux affirmations de la requérante, le Tribunal considère que de telles données, révélatrices des parts de marché récentes des participants, et non disponibles dans le domaine public, sont de par leur nature même des données confidentielles.
86. En deuxième lieu, l'échange d'informations litigieux était limité aux seuls producteurs qui y avaient adhéré, à l'exclusion des consommateurs et d'autres concurrents.
87. En troisième lieu, l'échange litigieux concernait des produits homogènes (voir point 269 de la décision), de sorte que la concurrence par les caractéristiques des produits ne jouait qu'un rôle limité. Aucun élément du dossier ne permet de conclure qu'il aurait fallu, comme le suggère la requérante, des informations plus précises sur la nature des produits ou encore sur l'identité des clients pour satisfaire l'intérêt des participants à connaître la position de leurs concurrents sur le marché.
88. En quatrième lieu, le Tribunal constate que, en 1989, neuf des entreprises ayant participé à l'échange d'informations litigieux (à savoir TradeArbed, Peine-Salzgitter, Thyssen, Unimétal, Cockerill-Sambre, Ferdofin, Ensidesa, Saarstahl et British Steel) couvraient environ 60 % de la consommation apparente (point 19 de la décision). En présence d'une telle structure du marché qui, contrairement aux affirmations de la requérante, présente un caractère oligopolistique, susceptible de réduire par elle-même la concurrence, il est d'autant plus nécessaire de protéger l'autonomie de décision des entreprises ainsi que la concurrence résiduelle.
89. En cinquième lieu, en l'espèce, les informations litigieuses ont notamment permis aux entreprises participantes de connaître d'une façon très précise les parts de marché de chacun de leurs concurrents et, en particulier, dans quelle mesure chacune d'entre elles faisait des livraisons en-dehors de son "marché traditionnel".
90. En effet, le fait que le système litigieux a été établi en 1986 au plus tard, dans le cadre du système des quotas alors géré par la requérante, indique que ce système avait initialement pour objet de surveiller le respect des quotas alloués à chacune des entreprises participantes, dans un contexte où la Commission poursuivait une politique de stabilité des "flux traditionnels" (voir point 7 ci-dessus). Le fait que l'échange litigieux a continué après la fin du régime des quotas, le 30 juin 1988 (voir documents n° 3482 et 3483), permettait aux entreprises de surveiller dans quelle mesure chacune d'entre elles continuait à respecter les marchés traditionnels qui ont servi de base au système des quotas. Un tel échange d'informations tendait, par sa nature même, au maintien du cloisonnement des marchés par référence aux flux traditionnels.
91. En sixième lieu, l'échange d'informations litigieux a été opéré à une époque où existait dans l'industrie concernée un forum, à savoir la commission poutrelles, où les entreprises participantes se rencontraient régulièrement pour discuter, entre autres, de l'interpénétration des différents marchés nationaux par les entreprises participantes, comme le démontrent les points 49 à 60 de la décision. A l'occasion de ces discussions, les entreprises se sont régulièrement référées aux chiffres du passé (points 51, 53, 57 et 58), employant à cet égard le terme de "flux traditionnels" (point 57). De même, des menaces ont été formulées en raison de comportements jugés excessifs (point 58) et, à plusieurs occasions, les entreprises critiquées ont tenté d'expliquer leur comportement (points 52 et 56).
92. A cet égard, même si la Commission n'a pas spécifiquement indiqué que les discussions visées aux points 44 à 60 de la décision ont eu lieu tant sur la base des chiffres du monitoring organisé par la commission poutrelles que sur la base de l'échange d'informations géré par la requérante, le Tribunal relève, à titre d'exemple, que les chiffres des livraisons pour les deux premiers trimestres de 1989 distribués par la requérante (documents n° 3162 et 3163) sont identiques à ceux mentionnés pour ces deux trimestres dans le tableau invoqué au point 55 de la décision (document n° 1864), envoyé par Peine-Salzgitter à British Steel au début de mars 1990, qui contient un message manuscrit de Peine-Salzgitter libellé comme suit: "[D]'après ces chiffres, il n'y a - je le crains - aucun reliquat pour British steel plc."
93. En septième lieu, et contrairement aux affirmations de la requérante, les données en question, distribuées, en tout état de cause, moins de trois mois après le trimestre concerné, présentaient un degré d'actualité suffisant pour permettre aux entreprises concernées de suivre utilement l'évolution des parts de marché de leurs concurrents et, le cas échéant, d'y réagir.
94. Il résulte de ce qui précède que les informations que recevaient les entreprises dans le cadre du système litigieux étaient susceptibles d'influencer leur comportement de façon sensible, en raison tant du fait que chaque entreprise se savait surveillée de près par ses concurrents que du fait qu'elle-même pouvait, le cas échéant, réagir au comportement de ceux-ci, sur la base de données des livraisons relativement récentes.
95. Il s'ensuit que le système d'échange d'informations litigieux tendait à empêcher, à restreindre ou à fausser le jeu normal de la concurrence au sens de l'article 65, paragraphe 1, du traité, en permettant aux producteurs participants de substituer une coopération pratique entre eux aux risques normaux de la concurrence.
96. Il en résulte également que le comportement reproché à la requérante n'est pas couvert par le point II, paragraphe 1, de la communication de 1968 qui, selon ses termes mêmes, ne s'applique pas aux échanges d'informations qui réduisent l'autonomie de décision des participants ou sont de nature à faciliter un comportement coordonné sur le marché. Par ailleurs, il s'agit en l'espèce d'un échange de données individualisées, dans le cadre d'un marché oligopolistique de produits homogènes, qui tendait au cloisonnement des marchés par référence aux flux traditionnels.
97. Dans la mesure où, pour justifier le système litigieux, la requérante se réfère à l'article 60 du traité, son argumentation ne saurait être retenue. D'une part, cette disposition se limite au domaine des prix et ne concerne pas les informations sur les quantités mises sur le marché. D'autre part, la publication des prix, telle que prévue par l'article 60, paragraphe 2, du traité, est censée bénéficier, entre autres, aux consommateurs (voir, notamment, l'arrêt de la Cour du 21 décembre 1954, France/Haute Autorité, 1-54, Rec. p. 7, 23), alors que le bénéfice des systèmes litigieux était limité aux seuls producteurs participants. De même, pas plus que l'article 46 du traité, son article 47 n'autorise la divulgation d'informations par la Commission sur le comportement concurrentiel des entreprises dans le domaine des quantités au seul bénéfice des producteurs. Pour ces mêmes raisons, la requérante ne saurait invoquer un principe général de transparence inhérent au traité CECA, d'autant qu'il s'agit, en l'espèce, de données confidentielles qui, par leur nature même, constituent des secrets d'affaires.
98. Quant aux arguments relatifs à la nécessité d'échanger des informations dans le cadre de la coopération avec la Commission, tirés des articles 5 et 46 à 48 du traité ainsi que de la décision n° 2448-88, il y a lieu de constater que rien dans ces dispositions ne permet expressément un échange d'informations entre entreprises tel que celui de l'espèce. La question de savoir si un tel échange a été implicitement autorisé par le comportement de la DG III sera examinée dans la partie G ci-après.
99. Sous cette réserve, et eu égard notamment au principe de base du traité selon lequel la concurrence qu'il vise consiste dans le jeu sur le marché de forces et de stratégies économiques indépendantes et opposées (arrêt Pays-Bas/Haute Autorité, précité, Rec. p. 1076 et 1077), le Tribunal considère que la Commission n'a pas commis d'erreur de droit en se référant, au point 271 de la décision, à certaines décisions qu'elle a adoptées dans le domaine du traité CE dans le cas de marchés oligopolistiques. S'agissant, en particulier, de la décision 92-157-CEE, du 17 février 1992, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-31-370 et 31-446 - UK Agricultural Tractor Registration Exchange) (JO L 68, p. 19), il y a lieu de rappeler que tant le Tribunal que la Cour ont jugé que, sur un marché oligopolistique fortement concentré, l'échange d'informations sur le marché est de nature à permettre aux entreprises de connaître la position sur le marché et la stratégie commerciale de leurs concurrents et, ainsi, à altérer sensiblement la concurrence qui subsiste entre les opérateurs économiques (arrêt Deere/Commission, précité, point 51, et arrêt de la Cour du 28 mai 1998, Deere/Commission, C-7-95 P, Rec. p. I-3111, points 88 à 90).
100. Le Tribunal considère, par ailleurs, que, aux points 279 à 283 de la décision, la Commission a motivé à suffisance de droit son point de vue selon lequel le système litigieux était contraire au jeu normal de la concurrence.
101. Il ressort de tout ce qui précède que les arguments de la requérante relatifs à l'échange d'informations litigieux, en tant qu'infraction autonome à l'article 65, paragraphe 1, du traité, doivent être rejetés dans leur ensemble, sous réserve des constatations effectuées par le Tribunal dans la partie G, ci-après.
4. Sur la relation entre l'échange d'informations organisé par la requérante et les infractions énumérées à l'article 1er de la décision
102. Le Tribunal a déjà constaté que le caractère infractionnel de l'échange d'informations organisé par la requérante ne dépend pas de sa prétendue relation avec les infractions commises par ses membres énumérées à l'article 1er de la décision, cet échange constituant une infraction autonome à l'article 65, paragraphe 1, du traité.
103. Toutefois, il y a également lieu de constater que l'échange d'informations organisé par la requérante était opéré en parallèle avec l'échange d'informations sur les commandes et les livraisons organisé par la commission poutrelles et concernait les mêmes entreprises. L'échange d'informations litigieux a également été opéré pendant la période retenue pour les différentes infractions à l'article 1er de la décision. Il est donc constant que cet échange a pris place dans un cadre infractionnel plus large, qui est celui décrit dans la décision.
104. Dans ces conditions, le Tribunal estime que les mots "en relation avec les infractions commises par ses membres et énumérées à l'article 1er" doivent être interprétés comme une considération subsidiaire, aux termes de laquelle la Commission s'est bornée à constater que l'échange d'informations litigieux organisé par la requérante faisait partie d'un ensemble plus vaste d'infractions reprochées aux destinataires de la décision, sans que lui soit reprochée une participation aux autres infractions en cause.
105. Eu égard au caractère subsidiaire de ce constat, la Commission n'était pas obligée de fournir une motivation supplémentaire.
106. Il est également constant que la requérante, en tant que destinataire de la communication des griefs, a été mise en mesure, pendant la procédure administrative, de faire valoir son point de vue sur l'ensemble du cadre factuel dans lequel se situe le seul échange d'informations qui lui est reproché.
107. Il y a donc lieu de rejeter l'ensemble de l'argumentation de la requérante en ce qu'elle fait grief à la Commission d'avoir constaté, à l'article 2 de la décision, que l'échange d'informations confidentielles organisé par la requérante était en relation avec les autres infractions énumérées à l'article 1er.
[...]
Sur la demande tendant à l'annulation de l'article 3 de la décision
Résumé sommaire de l'argumentation de la partie requérante
108. La requérante fait valoir que l'obligation qui lui est faite par l'article 3 de la décision de mettre fin à l'infraction dénoncée à l'article 2 de s'abstenir de répéter ou de continuer les actes qui y sont spécifiés et de s'abstenir d'adopter toute mesure d'effet équivalent enfreint l'article 65, paragraphe 5, du traité. Cette disposition, seule base juridique envisageable pour l'adoption d'injonctions de ce type, ne concernerait que les entreprises, à l'exclusion des associations.
109. La requérante fait valoir, en outre, que le grief tiré d'un défaut de motivation qu'elle soulève à l'encontre de l'article 2 de la décision s'applique également à son article 3. Celui-ci ne permettrait pas de déterminer si l'interdiction qu'il comporte, en ce qui concerne la requérante, vise une activité dans le cadre du système qu'elle a elle-même organisé ou une activité en relation avec celle de la commission poutrelles ou avec d'autres restrictions de concurrence, analogues à celles que la décision reproche aux entreprises.
110. De surcroît, l'obligation de s'abstenir de toute "mesure d'effet équivalent" ne serait pas suffisamment motivée. Faute d'une définition précise des éléments constitutifs d'une telle mesure, l'article 3 de la décision interdirait, en dernière analyse, toute restriction de concurrence quelconque et manquerait ainsi à la finalité, propre aux injonctions de cessation et d'abstention, de concrétiser les obligations des intéressés.
Appréciation du Tribunal
111. Le Tribunal a déjà établi qu'une association d'entreprises telle que la requérante peut enfreindre l'article 65, paragraphe 1, du traité et que la Commission est en droit de constater une telle infraction sur la base de l'article 65, paragraphe 4, du traité.
112. Par ailleurs, en obligeant la requérante, à l'article 3 de la décision, à mettre fin aux comportements incriminés à l'article 2 et à s'abstenir de les répéter ou de les continuer, la Commission n'a fait qu'énoncer les conséquences qui découlent, en ce qui concerne son comportement futur, du constat d'illégalité figurant à l'article 2 (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C-89-85, C-104-85, C-114-85, C-116-85, C-117-85 et C-125-85 à C-129-85, Rec. p. I-1307, point 184).
113. Quant à la portée de l'article 3 de la décision, il ressort des constatations déjà opérées par le Tribunal que celui-ci vise l'échange d'informations organisé par la requérante et décrit aux points 143 à 146 et 279 à 283 de la décision.
114. Quant à l'interdiction d'"adopter toute mesure d'effet équivalent", celle-ci est purement déclaratoire, car elle s'analyse comme tendant à empêcher les entreprises de reproduire les comportements dont l'illégalité a été constatée (arrêt du Tribunal du 27 octobre 1994, Fiatagri et New Holland Ford/Commission, T-34-92, Rec. p. II-905, point 39). En tout état de cause, la Commission est en droit d'agir contre d'éventuelles infractions ultérieures sur la base de l'article 65 du traité lui-même (voir arrêt Fiatagri et New Holland Ford/Commission, précité, point 39).
115. Le Tribunal considère, par ailleurs, que cette injonction est suffisamment précise dès lors que la motivation de la décision fait apparaître, aux points 143 à 146 et 279 à 283, les éléments qui ont conduit la Commission à constater l'illégalité des comportements dénoncés à l'article 2 (voir arrêt de la Cour du 17 septembre 1985, Ford/Commission, 25-84 et 26-84, Rec. p. 2725, point 42, et arrêt Fiatagri et New Holland Ford/Commission, précité, point 39).
116. La demande visant à l'annulation de l'article 3 du dispositif de la décision doit, dès lors, être rejetée.
Sur les dépens
117. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions, et la Commission ayant conclu en ce sens, il y a lieu de condamner la requérante aux dépens.
Par ces motifs, LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie) déclare et arrête:
1°) Le recours est rejeté.
2°) La partie requérante est condamnée aux dépens.
(1) - Ne sont reproduits que les points des motifs du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile. Le cadre factuel et juridique de la présente affaire se trouve exposé dans l'arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, Thyssen/Commission (T-141-94, Rec. p. II-0000).
(2) - Date mentionnée dans les versions française et espagnole de la décision. Les versions allemande et anglaise indiquent la date du 31 décembre 1988.